La participation des citoyens au pouvoir : démocratie, suffrage, scrutin

 La participation des gouvernés à l’exercice du pouvoir politique

Le terme de démocratie tire son origine de la pensée d’Aristote qui fut un des premiers penseurs à étudier les sociétés humaines, et proposa de les catégoriser en utilisant pour critère le nombre de gouvernants : ainsi, il qualifie un gouvernement à un dirigeant de monarchie, le gouvernement par quelques uns d’aristocratie et le gouvernement par l’ensemble du peuple de démocratie. On considère aujourd’hui cette forme comme idéale, mais les philosophes grecques, la jugeant trop anarchique, lui préféraient une aristocratie tenue par des sages.

Cela varie en fonction de la théorie de la souveraineté, qui est mise en avant dans l’Etat. La logique de la théorie de la souveraineté nationale semble conduire à la mise en place d’un régime représentatif, tandis que la théorie de la souveraineté populaire commande plus la mise en place d’une démocratie directe, voire semi-directe.

1 – Le régime représentatif et la démocratie

La V° République essaie d’opérer une conciliation entre le régime représentatif et la démocratie directe : elle peut être qualifiée de démocratie semi-directe.

a) La démocratie directe

La démocratie directe correspond à un régime dans lequel le peuple se gouverne directement lui-même : le citoyen électeur exerce un droit. Historiquement, ce régime, préconisé par Rousseau, est une utopie : on ne trouve pas d’exemple pur de régime qui aurait fonctionné assez longtemps pour être significatif.
Il est inconcevable de solliciter le peuple directement, à chaque fois qu’il s’agit d’adopter une loi, un décret ou un arrêté. Les tenants de la démocratie directe sont conscients de la nécessité de désigner des représentants du peuple, qu’ils enferment dans un mandat impératif.
Il existe, cependant, un instrument de démocratie directe, qui se développe : c’est le référendum d’initiative populaire, que l’on trouve en Italie, en Suisse, en Autriche, au Portugal et dans quelques Etats des Etats-Unis, comme la Californie ; c’est à l’initiative du peuple qu’une consultation va être organisée : cela n’est pas prévu par la Constitution française.


b) Le régime représentatif

C’est un régime politique dans lequel la souveraineté s’exerce par l’intermédiaire de représentants que le peuple désigne par l’élection. Le régime représentatif découle de la théorie de la souveraineté nationale : la nation n’est qu’une entité abstraite qui a besoin d’organes pour s’exprimer, pour créer sa volonté et pour l’exécuter ; si tous les pouvoirs découlent de la nation, en revanche, la nation n’exerce aucun de ces pouvoirs directement, mais seulement par ses représentants. Sieyès disait :
« Tout est représentation dans le corps social et politique »
Le citoyen électeur n’étant pas lui-même le souverain, n’a rien à déléguer : il n’exerce pas un droit, mais une fonction au nom de la nation. Elle consiste non pas à exprimer la volonté de la nation, mais seulement à choisir ceux qui vont être habilités à exprimer la volonté de la nation, c’est-à-dire les représentants.

c) La démocratie semi-directe


C’est une conciliation entre le mode de participation absolu de la démocratie directe et le mode de participation ambiguë du régime de représentation. Bien que fonctionnant essentiellement à partir de représentants élus, cette démocratie permet au peuple, pour certaines matières, de décider directement par référendum, comme le montre l’Art. 3 de la Constitution.
La V° République reste une démocratie occidentale ; or, dans toutes ces démocraties, le régime représentatif domine : si l’on valorise le rôle du peuple, on préfère largement le mode d’élection du régime représentatif. De plus, le référendum n’est pas un moyen de gouvernement, comme le disait Malraux :
« Je pensais qu’une Constitution, qui faisait du référendum un moyen de gouvernement, serait faite pour le peuple et non le peuple pour la Constitution »
Pour lui, le référendum est juste un moyen de renforcer la confiance du Gouvernement, dans les actions qu’il entreprend. Un tel mode de participation suppose 2 choses :
– que le pouvoir de suffrage soit reconnu au citoyen
– que l’on invente des techniques concrètes qui permettent de réaliser les élections, ce qui est le mode de scrutin

2 – Pouvoir de suffrage et mode de scrutin

a) Du pouvoir de suffrage au droit de suffrage

Il y a plusieurs manières de choisir les représentants :
– soit l’on transmet le pouvoir de manière héréditaire
– soit l’on tire au sort
– soit c’est le mode d’élection
L’élection, telle qu’on la connaît, a mis du temps à s’imposer : le droit de suffrage ne s’est pas imposé tout de suite. Il a subi une double évolution :

une universalisation : il s’est d’abord étendu aux hommes, puis aux femmes, puis aux étrangers. En 1789, ce qui compte c’est le poids de la raison et l’argent et cela l’emporte sur le plus grand nombre : l’électorat n’est pas un droit, mais une fonction que seuls ceux qui sont capables peuvent exercer, c’est-à-dire tout ceux qui ont suffisamment réussi dans leurs affaires privées, pour payer le cens ; les élus et les électeurs constituent une élite sociale.
Le suffrage censitaire va évoluer et passer « au suffrage universel », sous la II° République, en 1848, avec Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu de Napoléon I° : les hommes vont être les seuls concernés. En 1944, les femmes se voient reconnaître le droit de vote.
Il existe 2 techniques pour élargir le nombre de votants :
– abaisser l’âge de la majorité civique : la loi du 5 juillet 1974, de Giscard d’Estaing, a fait passer la majorité de 21 à 18 ans
– ouvrir le droit de vote aux étrangers : en novembre 2002, Jean-Marc Ayrault a déposé une proposition de loi, pour les élections municipales, tendant à accorder le droit de vote aux ressortissants communautaires ; cependant, la participation au scrutin est limitée aux ressortissants d’un pays-membre de l’Union Européenne et à seulement 2 scrutins :
o les élections municipales (Art. 88-3 de la Constitution)
o les élections du Parlement européen

• une démocratisation : l’évolution quantitative vers le suffrage universel est condition nécessaire mais insuffisante, pour que se développe une participation démocratique des citoyens à la vie politique ; il faut éviter que l’expression de leur souveraineté ne soit pas déformée par les techniques de votation que l’on met en œuvre.
Il y a des règles à respecter, qui conditionnent le caractère démocratique du vote :
Il existe 2 techniques pour élargir le nombre de votants :
– un homme, une voix : limiter le système des procurations, en n’accordant qu’une seule procuration par personne
– veiller à un découpage électoral équitable des circonscriptions électorales : établir équitablement zone rurale et zone urbaine
Ex : en 1986, le conseil constitutionnel a sanctionné Charles Pasqua car il avait fait un découpage partisan qui favorisait son camp
– contrôler les techniques de financement des campagnes électorales : éviter qu’un parti plus riche puisse acheter des électeurs, au moyen d’une propagande trop poussée
– encadrer les hypothèses de fraude électorale

b) Les modes de scrutin

Pour assurer la désignation des représentants du peuple, il faut mettre en œuvre un procédé, qui permette de transférer des voix en siège : ce sont les modes de scrutin. Cette traduction n’est pas neutre, car la technique choisie influence la représentation des électeurs. La question du choix est capitale pour le fonctionnement du régime politique ; or, la Constitution est muette sur ce point.
C’est la Loi qui détermine le mode de scrutin : la Loi électorale est votée par la majorité politique en place et elle a tout loisir, sous réserve de contrôle du conseil constitutionnel, pour se concocter un petit système qui va l’aider à se maintenir au pouvoir. En réalité, on se rend compte que c’est une technique complexe, que l’on a tendance à simplifier.
L’opposition classique se fait entre scrutin majoritaire et représentation proportionnelle, ce qui ne rend pas parfaitement compte des effets du mode de scrutin sur le système des partis.

Il y a 3 modes de scrutin :

• le scrutin majoritaire : il consiste à attribuer le ou les sièges convoités au candidat ayant obtenu le plus de voix ; c’est un système brutal, simple et efficace. Il est le seul utilisable pour les consultations référendaires et pour l’élection des chefs d’Etat ; il peut aussi être utilisé pour l’élection d’assemblée locale ou nationale, comme en Grande-Bretagne, avec toutes sortes de variantes


– scrutin uninominal ou scrutin de liste : c’est-à-dire avec un seul nom ou avec une liste
– avec panache ou sans panachage : c’est-à-dire où l’on peut rayer les noms sur la liste
– à un tour ou à deux tours
– à une majorité relative ou à une majorité absolue : soit c’est celui qui a le plus de voix, soit c’est la moitié plus une voix

• le scrutin proportionnel : c’est un scrutin simple et démocratique, en théorie, mais il est complexe à mettre en œuvre et peut être élitiste dans son résultat ; il consiste à réserver à chaque parti une représentation des sièges, en rapport avec sa force numérique. Il existe 2 techniques
– la méthode du plus fort reste
– la méthode de la plus forte moyenne

La question qui se pose est de savoir s’il y a un mode de scrutin idéal, capable à la fois d’être simple dans sa mise en œuvre, efficace, car capable de dégager une majorité pour gouverner, et équitable, pour ne pas léser un parti. Il n’existe pas car chacun des modes de scrutin a des avantages et des inconvénients :
– l’esprit du scrutin majoritaire : il vise à faire émerger une majorité, dont on met l’accent sur l’efficacité de l’action gouvernementale et on cherche à éviter l’émiettement de l’électorat
l’esprit du scrutin proportionnel : on cherche à assurer le représentation de l’assemblée le plus fidèlement possible, de la diversité de l’opinion publique ; on s’appuie sur l’équité

• les scrutins mixtes : dans certains Etat, comme l’Allemagne, a été développé un scrutin, qui est sensé combiner les deux ; cela s’appelle le double vote. L’électeur vote 2 fois :
– scrutin majoritaire à un tour pour les députés du Bundestag pour les représentants de la circonscription en faveur d’une des listes présentées dans le cadre des Länder
– puis vote à la proportionnelle

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