La preuve des droits subjectifs

La preuve des droits

—> Déterminante pour la mise en œuvre des droits subjectifs.

—> Le succès de l’action en justice suppose que soient démontrés les faits qui la soutiennent, par exemple une action en responsabilité pour faute (rattachée à la défense du droit subjectif de créance c’est à dire d’indemnisation) ayant un intérêt doit aussi être bien fondée et il faut prouver qu’il y a un préjudice.

=> Pour être bien fondé dans cette demande, la preuve est une condition nécessaire.

—> Pour que la demande soit reçue, il faut prouver d’abord le préjudice puis prouver comment il a été effectué et bien souvent cela est complexe mais prouver c’est convaincre le juge de la réalité d’un fait.

—> La preuve consiste à convaincre le juge de la vérité d’un fait ou d’un acte et c’est en cela qu’elle est nécessaire à la réalisation du droit subjectif.

« Idem est non esse aut non probari » (C’est pareil que de ne pas être ou que de ne pas être prouvé)

—> Cette nécessité de la preuve vaut en toutes matières et elle s’articule en 3 questions :

Que prouver ? Qui doit prouver ? Comment prouver ?

  1. Que prouver ?

—> On doit prouver les faits pertinents c’est à dire théoriquement nécessaires au succès de la demande, toute demande supposant pour triompher la réunion de certaines conditions et il va falloir prouver que toutes ces conditions sont réunies.

—> Lorsqu’un fait est reconnu par celui qui est accusé d’avoir porté atteinte à un droit subjectif, on dit qu’il est constant et que le juge peut tenir comme acquis si une personne n’en nie pas la réalité.

  1. Qui doit prouver ?

—> Est-ce le titulaire du droit qui doit prouver que sont droit a été violé ou bien est-ce celui qui est accusé de l’avoir violé qui doit prouver que ce n’est pas le cas ?

—> L’article 9 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE règle la question de la charge de la preuve : «il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention«

«Actori incumbit probatio» (la preuve incombe à l’auteur c’est à dire à celui qui agit)

—> La charge de la preuve s’arrête assez vite car celui sur qui pèse la charge de la preuve doit prouver les faits qui rendent apparemment bien fondé sa prétention et une fois qu’il a créé cette apparence de vérité il peut s’en tenir là puis c’est à l’autre partie, le défendeur, qu’il incombera de prouver que cette apparence est inexacte, trompeuse ou fausse.

—> Le mécanisme de la charge de la preuve se présente comme un basculement entre les 2 parties et il est très bien exprimé dans l’article 1315 du Code civil qui énonce que «celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver» ; «réciproquement celui qui se prétend libéré de cette obligation doit justifier«

  1. Comment prouver ?

  • Les modes de preuve

—> On peut les ramener à 4 classés hiérarchiquement selon leur force probante c’est à dire force de conviction en allant du plus probant au moins probant.

  1. L’aveu et le serment

—> Le serment est utilisé comme une espèce d’aveu du fait que l’on a refusé de dénier sous serment donc assez proche de l’aveu qui consiste à reconnaître l’exactitude d’un fait qui allégué à son encontre.

—> L’aveu n’a pas la même portée en droit pénal et en droit civil car l’aveu pénal n’a pas de force probante particulière c’est un mode de preuve comme un autre (article 428 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE) c’est à dire abandonné à la sagesse des magistrats (beaucoup de rétractation d’aveu d’où l’absence de force particulière) tandis qu’en droit civil l’aveu a une force supérieure car c’est la reine des preuves et parce qu’il a une force probante légale le juge civil est tenu de se convaincre de l’existence d’un fait lorsque celui-ci est avoué.

=>Même si le juge civil est convaincu qu’1 fait n’a pas existé mais s’il est avoué, il est tenu de le considérer

—> Les faits ce sont les choses constatables par les sens et on ne peut avouer que des faits (par exemple la propriété est abstraite c’est une qualification juridique qu’on ne peut avouer, l’aveu n’ayant aucune portée car ce n’est pas un fait).

—> L’aveu civil peut être de 2 formes :

  • Judiciaire : devant un juge, aveu ni rétractable ni divisible c’est à dire qu’on ne peut pas revenir en arrière et lorsque la reconnaissance d’un fait s’intègre de manière indivisible dans la reconnaissance d’autres faits et donc si on tient un fait pour acquis on doit tous les tenir pour acquis (reconnaissance de l’acquisition d’une chose mais liée au fait qu’elle a été payée sont 2 notions indivisibles, indissolubles).

  • Extra judiciaire : Reconnaissance d’un fait mais en dehors de l’enceinte judiciaire, aveu qui se trouve rétractable et divisible (écrire dans une lettre la reconnaissance d’un fait par exemple) mais si jamais ce fait n’est pas rétracté il conserve sa force probante légale c’est à dire que le juge perd sa force d’appréciation et se trouve contraint de tenir le fait en question comme établi.

  1. L’écrit

—> La preuve par écrit et donc la notion d’écrit est définie à l’article 1313 du Code civil, texte qui dispose « la preuve par écrit… »

—> Cette définition couvre :

  • l’écrit manuscrit qui a un avantage sur les autres étant que par l’effet du manuscrit l’imputabilité de l’écrit est nette c’est à dire qu’on sait qui est l’auteur du texte ou du moins on peut avoir une assez forte probabilité (une analyse graphologique ou autre)

  • l’écrit dactylographié dont l’imputabilité est nulle s’il n’est pas signé (qui est le scripteur)

  • l’écrit électronique, suite de signes dont l’imputabilité est intermédiaire c’est à dire qu’on n’arrivera jamais vraiment à remonter à l’auteur mais on sait d’où cela est parti (éléments de probabilité sur l’imputabilité de l’écrit).

—> Il y aussi dans la perspective probatoire 2 catégories d’écrit bien différentes :

  • Les écrits authentiques : c’est un écrit réalisé par un officier public assermenté (le notaire et l’officier d’état civil par exemple) et à partir de là les constatations qu’a fait l’officier public personnellement dans l’acte authentique font foi donc ont force probante jusqu’à inscription de faux c’est à dire que la réalité des énonciations, des faits constatés dans l’acte authentique s’impose à chacun sauf à prouver que l’acte authentique est un faux en écriture publique.

  • L’acte sous seing (signature) privé : c’est un acte écrit et signé de celui auquel on l’oppose et à partir de ce moment là le juge est tenu de considérer que le signataire s’approprie les énonciations qu’il y a dans les crédits et que celle-ci doivent être considérer comme vraies à son égard.

  • L’écrit non signé : Les indications relatées dans l’écrit n’ont aucune force particulière, elles ne lient par particulièrement le juge et à cet égard elle se rapproche de la force des simples témoignages.

  1. Les témoignages

—> Ce sont des paroles de tiers (testis) et la preuve par témoignage s’appelle la preuve testimoniale, le témoignage supposant en principe une parole orale tenue devant le juge et sous serment.

—> Les témoignages résultent généralement d’une convocation du juge ou d’une déclaration spontanée, le juge pouvant convoqué des témoins qui n’ont pas la possibilité de se dérober et si elle ne se rend pas à la convocation elle est passible d’une amende (il y a des dispenses de l’obligation à témoigner ou à prêter serment lorsque cela concerne un conflit de devoir entre membres d’une même famille par exemple et parfois des interdictions de témoigner lorsque cela concerne la préservation du témoin).

  1. Les présomptions

—> Les présomptions sont définies dans le Code civil à l’article 1349 qui dispose que « les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu » et cela signifie que c’est une preuve indiciaire qui trouve à intervenir pour prouver un fait déterminé mais qui est difficile à prouver directement.

=>Il faut établir l’existence d’un autre fait au moyen d’indices qui rend le 1er probable c’est à dire présumé

—> Les présomptions sont un jugement que la loi ou l’homme porte sur la vérité d’une chose par une conséquence tirée d’une autre chose (présomption du fait de l’homme ou de la loi pour établir le lien).

Exemple : Paternité au sein d’un couple marié par l’article 312 du Code civil qui dispose que « l’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari » cela établit une présomption légale c’est à dire que la loi établit un lien automatique entre un fait inconnu (qui est le père ?) et un fait connu (enfant né d’une femme mariée).

—> Les présomptions se fondent sur ce qu’on appelle le plerum que fit (« ainsi font la plupart ») même si certains cas ne peuvent se vérifier (cas de l’adultère) car ils restent minoritaires.

—> Cet exemple montre également qu’il n’y a pas que la loi statistique au fondement du mécanisme des présomptions car imaginons que la probabilité soit inversée en moyenne, la loi aurait quand même intérêt à conserver cette présomption pour préserver la paix des familles.

=>Il y a donc aussi le reflet d’un calcul politique, la présomption facilitant la preuve de certains faits que le législateur estime opportun de favoriser.

—> La présomption est parfois susceptible de preuve contraire généralement recevable car la plupart des présomptions s’enracinent dans une probabilité statistique et les textes précisent la plupart du temps les preuves contraires admises (article 553 du Code civil par exemple).

—> Parfois, à l’inverse, la preuve contraire n’est pas possible, la présomption est alors dite irréfragable (article 1082 du Code civil par exemple) et quand la loi fixe ainsi une présomption, celle-ci ne se fonde plus seulement sur le reflet d’une probabilité statistique mais sur un vœu politique de favoriser telle solution.

—> La jurisprudence créée aussi des présomptions de cette nature c’est à dire à la fois automatique et irréfragable, quand c’est le juge on parle de présomption quasi légale (par exemple la jurisprudence à considérer que le vendeur professionnel était toujours censé connaître les vices de la chose qu’il vend).

=>Le vendeur sera alors systématiquement considéré comme étant de mauvaise foi

—> Que se passe-t-il quand rien, ni la loi ni la jurisprudence, ne précise quelle est la force de la présomption et notamment si elle se trouve être réfragable ou irréfragable ? Il faut retrouver la raison d’être de la présomption et si le mécanisme présomptif vise simplement à refléter une probabilité il doit être susceptible de preuve contraire car il doit servir la vérité mais si au contraire il se fonde sur la mise en œuvre d’une politique juridique quelque soit la réalité alors la présomption sera considérer irréfragable.

—> La loi ne permet pas de toujours recourir à l’intégralité de la palette décrite car en général la preuve est libre mais il y a un certain nombre d’exceptions car dans un certain nombre de cas la loi estime que seulement certains modes de preuve sont recevables.

  • La preuve des actes juridiques

—> Il ne se prouve pas selon n’importe quel mode de preuve.

  1. La notion d’acte juridique

—> C’est une catégorie extrêmement importante, il s’agit d’une manifestation de volonté destinée à produire toute partie des effets juridiques que le droit objectif lui attache.

=>Action dans le but d’obtenir les effets que la loi attache à celle-ci

—> Il y a une assez grande diversité d’actes juridiques : les actes juridiques bilatéraux (95% étant les contrats) et les actes juridiques unilatéraux (plus rares cela peut être une reconnaissance d’enfant dans le but d’obtenir l’effet d’établissement du lien de parenté)

  1. Le principe : nécessité d’une preuve littérale

—> Nécessité exprimée par un texte, l’article 1341 du Code civil, qui énonce que celui qui est partie à un acte juridique bilatéral doit prouver littéralement l’existence et le contenu de cet acte lorsque celui-ci ou la demande en justice fondée sur lui porte sur une somme supérieure à un certain seuil (aujourd’hui 1500 €) fixé par décret. Sans cela, l’acte ne pourra être prouvé (ni par témoignage ni par présomption).

—> Littéralement, cela signifie par écrit signé remplissant certaines formes réglementaires et celle-ci a une force probante particulière car elle lie le juge jusqu’à preuve équivalente contraire c’est à dire qu’une preuve littérale contraire soit rapportée (sauf en cas d’aveu).

—> Une signature (article 1316-4 du Code civil) c’est tout signe qui identifie celui qui l’appose et qui manifeste sa volonté de consentir aux énonciations de l’écrit qui supporte ledit signe.

=>Elle a donc une double fonction : identification de celui dont elle émane et identification du contenu

—> Les formalités complémentaires sont de 2 ordres :

  • D’une part, le cas des contrats engendrant des obligations de part et d’autre c’est à dire synallagmatiques (la vente par exemple) l’écrit ne faisant preuve littérale que s’il a été établi en double original pour que chaque parti conserve un original afin d’éviter les falsifications (article 1325 du Code civil).

=> Procédé astucieux pour prouver sa créance et pour empêcher une des 2 parties de falsifier le document

  • D’autre part, le cas des actes (unilatéraux ou bilatéraux) portant engagement de payer par une seule partie (reconnaissance de dette ou le contrat de cautionnement par exemple) le débiteur devant indiquer par lui-même le montant de la somme qu’il s’engage à verser en chiffres et en lettres (la mention en lettres l’emportant en cas de conflit) et cela permettant d’éviter une falsification de la part du créancier qui possède l’acte original (article 1326 du Code civil).

  1. Les exceptions à l’exigence d’une preuve littérale

—> Exceptions prévues par la loi :

  • L’article L 110-3 du Code de commerce qui indique qu’à l’égard du commerçant les actes de commerce peuvent se prouver par tous les moyens, il prévoit donc la liberté de preuve en matière commerciale.

  • L’article 1347 du Code civil apporte une exception à l’exigence d’une preuve littérale qui vise à ce que la partie qui doit prouver dispose d’un commencement de preuve par écrit et dans ce cas lorsque celui qui doit en principe prouver littéralement ne le peut pas mais dispose de ce commencement il est recevable à prouver l’acte en le complétant par un élément probant quelconque (présomptions et témoignages inclus).

—> Un commence de preuve par écrit c’est un écrit non signé mais émanant de celui auquel on l’oppose et rendant vraisemblable l’acte allégué, on dit que c’est un écrit sec (écrit littéral incomplet tel que la lettre).

  • L’article 1348 du Code civil apporte 2 autres exceptions que sont l’hypothèse d’une copie fidèle et durable de l’écrit original d’une part (fax, photocopie…) et l’impossibilité matérielle ou morale de préconstituer l’écrit d’autre part (contrat passé dans l’urgence sous l’effet de la nécessité et sans moyen d’écriture mais cas assez rare, contrat engageant des relations familiales…).

—> Exceptions conventionnelles :

  • Les conventions destinées à libérer la preuve d’un acte juridique sont valables et efficaces car à partir du moment où les parties se libèrent d’une restriction probatoire cela va permettre au juge, dans son travail de recherche de la vérité, de voir s’ouvrir à lui des perspectives nouvelles.

« Nul ne peut se constituer titre ou preuve à lui-même »

=>Derrière cette idée se cache surtout une crainte de l’arbitraire

  • La preuve des faits juridiques

—> Cette preuve est normalement libre (article 1348 du Code civil), un fait juridique étant simplement tout ce qui n’est pas un acte juridique.

Exemple : Imaginons un délit, par exemple quelqu’un qui brûle un feu dans le but d’écraser une personne qui passe, c’est une action qu’il accomplit et elle est volontaire car il poursuit un but déterminé mais est ce pour autant qu’on peut dire que c’est un acte juridique ? Non car ici le résultat visé était de supprimer une personne et non dans le but de produire les résultats que la loi attachait à son action.

=> Le délit n’est pas un acte juridique même si c’est un acte volontaire.

—> De manière ponctuelle dans certaines matières, on encadre la preuve de certains faits comme par exemple pour le divorce donc il peut y avoir des encadrements en raison de ce qu’il s’agit de prouver.

=>On parle d’encadrement ratione materiae

—> Le moyen de preuve doit en matière civile avoir été loyalement obtenu donc il existe un principe de loyauté des preuves qui se fait spécialement sentir en matière civile et cela veut dire que les éléments de preuve dont l’obtention résulte d’une déloyauté, de stratagèmes divers peuvent être déclarés irrecevables.

Exemple : la preuve par enregistrement clandestin c’est à dire que pour prouver que quelqu’un a fait quelque chose de mal il est engagé dans une conversation où il est incité à se vanter de cet acte et l’aveu est enregistré sans son consentement mais la jurisprudence civile considère que ce procédé est déloyal.

=> Cela peut laisser impuni un certain nombre d’injustices

—> En matière pénale, en revanche, on admet ces moyens de preuve lorsqu’ils émanent d’une partie civile à partir du moment où ils sont susceptibles d’être discutés.

—> Il y a d’autres exceptions de la déloyauté des preuves notamment lorsqu’une preuve est obtenue en violation d’un droit objectif (violation de la vie privée par ex), on aura tendance à l’écarter du débat.