La preuve du lien de causalité entre la faute et le dommage

LA PREUVE DU LIEN DE CAUSALITÉ ENTRE LA FAUTE ET LE DOMMAGE

Il existe 3 éléments qui composent la responsabilité civile :

  • Le dommage peut être matériel, corporel ou moral.
  • La faute est le manquement à une obligation préexistante. Cette obligation préexistante est de ne pas causer de dommage à autrui. La gravité de la faute ne détermine pas l’étendue de l’obligation. Une faute, légère ou grave, donne droit à la victime d’être dédommagée intégralement.
  • Le lien de causalité est fondamental pour la définition de responsabilité et par conséquent l’intervention de l’assurance. La responsabilité ne peut être engagée que si la relation entre la faute et le dommage est établie, ce qui peut être complexe. Comment prouver ce lien de causalité?

A – PRINCIPE

Plusieurs principes très simples:

– la charge d’un lien de causalité incombe à la victime. C’est logique puisqu’elle est demanderesse.

– objet de la preuve: la victime doit prouver la certitude d’un lien causal. Elle doit prouver que tel évènement a été une condition nécessaire du dommage.

– par quel moyen établir cette certitude? Par tous moyens. Logique car le lien de causalité c’est un fait juridique.

Pb pas simple car juges confrontés à des difficultés importantes liées à la preuve du lien de causalité. La certitude exigéene peut pas être une certitude absolue. Il faut une certitude relative = une probabilité suffisante du lien de causalité.

Raisonnement: voilà un fait générateur rendant le dommage probable. Juge va donc constater une plus ou moins forte probabilité de relation causale (au regard d‘une loi de probabilité générale, qui prend appui sur des statistiques, des constatations scientifiques..). En même temps, il constate qu’il n’y a pas d’autres évènements/pas d’autres causes possibles. Preuve négative du dommage. Il va considérer que ces différentes constatations suffisent à établir l’existence du lien de causalité. En somme, le raisonnement se fait en 2 temps.

Très souvent, le juge s’appuie sur des présomptions. Mais il a aussi des appuis statistiques…

B_ EXCEPTIONS

La concomitance ne suffit pas à établir une relation causale.

Ex1: dans les affaires de bang supersoniques (franchissement du mur du son par les avions). On constate l’écroulement d’une verrière, d’un mur… On n’est pas certain mais il y a une forte vraisemblance. Statistiquement, on a observé que ça pouvait arriver. Appui sur des constatations de fait solides plus constats scientifiques.

Ex apparition maladie après ingestion médicament. Doute subsiste. La science médicale affirme que le médicament expose à certains risques (“effets indésirables”). Mais on n’est pas sûr.

Ex2: fonctionnement d’un chauffe-eau défectueux. Un locataire est intoxiqué. Il y a une probabilité pour que le dysfonctionnement du chauffe-eau soit la cause de l’intoxication du locataire. Là encore, il y a une présomption.

Ex3: problème des hormones de croissance. Après coup, on a su après coup qu’elle pouvait provoquer la maladie de kroschfeld-jacob??

– Cas qui suscite de nombreux commentaires; Jurisprudence va plus loin dans ses présomptions de fait. Cas de la vaccination contre l’hépatite B. A la suite, on a constaté qu’un certain nombre de personnes avaient contracté la sclérose en plaques. A un moment, le vaccin a été interdit en vertu du principe de précaution, puis le vaccin a été réintroduit. Sur le plan scientifique, il n’y aucun consensus pour dire que le vaccin est une cause possible de la maladie. Refus de l’indemnisation par la Jurisprudence,

Revirement Jurisprudence de laCour de Cassation, 22 mai 2008: au regard des circonstances de l’espèce, sur la base de présomption de fait (1353 : preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes), le juge pouvait décider que le lien de causalité est établie entre vaccination/maladie. C’est intéressant car il n’y a toujours pas de consensus sur l’établissement d’une loi générale. Les juges pourront établir un lien de causalité. C’est une appréciation au cas par cas. Admission du lien de causalité aujourd’hui acceptée.

C_ PALLIATIFS

Parfois, juges admettent des présomptions de fait (cf. ci-dessus). Ici, présomptions de droit établies par loi ou le juge.

La preuve de la victime est alors très simplifiée. Présomptions de causalité s’expliquent toutes par la mise en œuvre de la théorie de la causalité adéquate.

APPLICATIONS LEGALES:

les contaminations transfusionnelles:la loi présume que lorsqu’une personne reçoit une transfusion sanguine et développe le sida, il est présumé imputable à la transfusion. Une autre loi est venue pour étendre la présomption aux personnes atteintes de l’hépatite C: c’est laloi du 4 mars 2002(Kouchner alors ministre de la Santé). Loi 31 décembre 1991 : présomption de causalité (transfusion-contaminé).

APPLICATIONS JURISPRUDENTIELLES:

– quand on est en présence d’une faute qui créé une situation objectivement dangereuse et que ces risques se réalisent, et bien dans certains cas la Jurisprudence présume que la faute a causé le dommage qui s’est réalisé. Sans la faute, il n’est pas certain mais probable que le dommage serait survenu.

> On confie une chose dans des conditions dangereuses, la chose peut causer un dommage.

Ex1: On confie une carabine chargée à un enfant de 12 ans. Lui, jouant, en tue un autre. On va présumer que le fait d’avoir confié cette carabine est la cause du dommage causé par l’enfant. Peut-être que le dommage se serait pendant sans la faute (l’enfant malin se serait servi).

> Situation particulière. Un groupe de personnes identifiées (qui entreprend une action commune). On observe qu’un dommage a été causé par l’une de ces personnes mais on ignore laquelle. La Jurisprudence va présumer que chacune de ces personnes a causé le dommage. Va engager la responsabilité de l’ensemble des personnes formant le groupe. C’est une présomption simple: chacun pourra apporter la preuve contraire pour se disculper.

2 grandes applications:

Ex1: accidents de chasse. Voyant un gibier, plusieurs chasseurs tirent. Une personne est tuée. Tous sont présumés auteurs du dommage.

Ex2: enfants qui jouent ensemble dans du foin. On joue avec allumettes, incendie. Même solution.

Tout ça sur la base d’une présomption simple de causalité.

Jurisprudence :Civil 1, septembre 2009: plus de double condition (affaires distilbène : médicament donné aux femmes enceintes pour éviter fausses couches dans 60-70s, les enfants de sexe féminin présentent des cancers à l’âge adulte…distilbène = cause des cancers ? Juste 2 fabricants en FR, on ne savait pas dans la plupart des cas lequel avait fabriqué le médicament à l’origine du dommage : présomption de causalité à la charge de chacun des deux fabricants…plus véritable groupe à l’origine d’une action commune)

LA PERTE DE CHANCE.Un dommage survient à la suite d’un fait générateur sans qu’on ait la certitude que ce fait générateur ait causé ce dommage. Il apparait que ce fait générateur a favorisé la réalisation du dommage. La Jurisprudence a recours à la notion de perte de chance. Le fait générateur fait perdre des chances à la victime d’éviter le dommage. Au lieu de réparer le dommage, on répare la perte d’une chance. Pas admise à l’étranger.

Ex: le jockey qui commet une faute -volontaire ou non-. Le propriétaire du cheval a perdu la course. Il n’est pas sûr que sans la faute du jockey, il aurait gagné la course! En tout cas, il a fait perdre une chance au cheval de gagner.

Ex2: faute d’un chirurgien lors d’une opération. Le patient meurt ou reste handicapé à vie. On constate la faute incontestable du chirurgien, le préjudice du patient mais il n’est pas absolument certain que sans la faute, le préjudice aurait pu être évité. Lien de causalité incertain. On indemnise la perte d’une chance d’éviter ce préjudice. On parle souvent de la perte de chance de survie.

Ainsi, la perte de chance apparait comme un palliatif à l’absence de certitude sur le lien de causalité. C’est un préjudice distinct: quand on indemnise la perte de chance, on indemnise autre chose que le dommage effectivement subi. La Jurisprudence:

– admet la réparation du préjudice s’il est certain (condition habituelle de certitude du préjudice).

– impose la certitude du lien de causalité certain entre le fait générateur et le préjudice de perte de chance.

CRITIQUES: palliatif un peu trop commode pour les victimes car le lien de causalité n’est pas si certain. On critique surtout certains excès judiciaires. Tribunaux, dès lors qu’il y a un moindre doute sur le lien de causalité fait/dommage, n’hésitent pas à avoir recours à cette notion. 3 GRANDES HYPOTHÈSE de recours:

* la perte de chance D’UN GAIN OU D’UN AVANTAGE ATTENDU

Ex: Cas du propriétaire de cheval qui espérait gagner de l’argent en participant à une course et perd à cause du jockey.

Ex2: étudiant qui va à un concours et à un accident dans la salle. S’il avait pu concourir, il n’aurait peut-être pas eu le concours, mais avec cet accident, il a perdu toutes ses chances d’ê reçu.

* la perte de chance D’EVITER UNE PERTE / UN DOMMAGE Ex de la faute du chirurgien (faute > dommage ?)Civil 1, 1995.

* perte de chance de PRENDRE UNE DECISION qui aurait évité un dommage (manque information)

Hypothèse très fréquente: chaque fois qu’une personne prend la mauvaise décision car elle a été mal conseillée. Conséquemment, elle subit un dommage. Manquement à une Obligation d’info/de conseil (fait générateur). Même correctement informée, on n’est pas certain que la victime aurait pris la bonne décision mais le mauvais conseil a fait perdre à la victime une chance de prendre une bonne décision.

Ex: Hypothèse du médecin-chirurgien qui n’informe pas son patient sur les risques de l’opération. Il y a toujours un risque. Dans cette hypothèse, on n’est sûr de rien car même informée, la personne aurait peut-être accepté l’opération. On indemnise la perte de chance.

CONDITIONS REQUISES:

– Encore faut-il que la victime ait eu deschances réelles et sérieusesd’éviter le dommage.

– aussi, il faut certitude ce soit le fait générateur qui ait fait perdre ses chances.

PRECISION: Jurisprudence considère que cette perte de chance est une fraction du préjudice effectivement subi. Cette fraction va dépendre d’un élément: le % de chance que l’on avait de l’éviter (indemnisation partielle).

Donc 2 paramètres: le préjudice subi et la proportion de chance qu’on avait de l’éviter.