La procédure gracieuse

La procédure en matière gracieuse ou procédure gracieuse

La procédure gracieuse est l’exception, la procédure contentieuse étant le principe.

Elle est envisagée par les articles 25 et suivants du Code de Procédure Civile, cette procédure en matière gracieuse suppose une absence de litige et la nécessité de la soumission de l’affaire au juge en raison de la nature de cette dernière et de la qualité du requérant.

Le mode normal d’introduction de l’instance est la requête (si l’acte gracieux est unilatéral, requête simple et si l’acte gracieux est contractuel, requête conjointe) d’après l’article 60 du Code de Procédure civile).

Définition de la procédure gracieuse

L’article 25 en donne une définition : « le juge statue en matière gracieuse lorsqu’en l’absence de litige, il est saisi d’une demande dont la loi exige en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant, qu’elle soit soumise à son contrôle. »

Il y a deux manières d’appréhender la manière gracieuse.

Négativement, la matière gracieuse se caractérise par l’absence de litige entre les parties.

Positivement, la matière gracieuse se caractérise par l’existence d’un contrôle judiciaire sur l’activité des particuliers.

Le juge est institué pour contrôler les actes juridiques accomplis par les particuliers.

En d’autres termes, la matière gracieuse est le contraire de la matière contentieuse. Le juge ne tranche pas le droit, ne restaure pas la paix à l’issue d’un litige, mais intervient car la justice se méfie des parties, pour certains actes graves. C’est une limite à l’autonomie des parties.

Une procédure en déclin ?

On la trouve souvent dans le domaine des relations familiales, comme l’homologation du changement du régime matière, du partage judiciaire, des conséquences du partage du divorce. Exemple de recours à la procédure gracieuse :

  • demande de changement de nom ou de régime matrimonial devant le tribunal de grande instance,
  • demande en mainlevée d’opposition à mariage,
  • demandes devant le juge des tutelles,
  • divorce sur requête conjointe,
  • jugement d’adoption…

À l’heure actuelle, les manifestations de cette matière gracieuse sont sur le déclin. On a tendance à considérer que les volontés individuelles doivent être souveraines.

La loi du 23 juin 2006 a supprimé de manière systématique l’homologation judiciaire des régimes matrimoniaux si personne ne la demande. L’idée c’est que les volontés individuelles sont suffisamment mûres et matures.

Les spécificités de cette procédure :

Le particularisme de la matière gracieuse donne à la procédure une spécificité évidente.

Puisque par définition il n’y a pas de litige, la procédure ne sera pas contradictoire à l’évidence.

Elle ne sera pas introduite par voie d’assignation, les parties ne seront pas en situation de demandeur et de défendeur. L’introduction de l’instance va se faire par la remise au greffe d’une requête.

Puisque la matière est teintée d’ordre public, l’affaire devrait être systématiquement communiquée au Ministère public.

Puisque le juge n’a pas à trancher un conflit de prétentions, puisque son rôle est un rôle de contrôle, son office, ses pouvoirs seront bien plus étendus qu’à l’ordinaire.

On le voit à l’article 26 du Code de Procédure Civile. Le texte dispose que « le juge peut fonder sa décision sur tous les faits relatifs au cas qui lui est soumis, y compris ceux qui n’auraient pas été allégués. »

Dans une instance contentieuse, le juge ne peut se servir que de faits allégués dans le débat.

En matière gracieuse, la répartition imposée par le principe du dispositif ne tient pas.

Par conséquent, le juge va pouvoir élargir sa saisine et ne sera pas limité par les moyens de fait imposés par les parties.

Mais en toute hypothèse, les pouvoirs du juge demeurent fixés par la requête introductive d’instance. Il est évident que si les parties soumettent au juge un acte pour le contrôler, celui-ci ne pourrait prétendre contrôler un autre acte.

Procédure gracieuse et respect du contradictoire

Reste une difficulté qui a beaucoup embarrassé la jurisprudence, c’est la question du respect du principe du contradictoire. On pouvait penser que le principe contradictoire était totalement écarté en la matière, qu’il n’avait pas à être respecté de quelque manière que ce soit en matière gracieuse.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 12 octobre 1979 a jugé que le respect du contradictoire ne s’impose pas au juge statuant en matière gracieuse. La matière gracieuse est organisée séparément à la suite dans le Code de Procédure Civile.

Cette distinction formelle entre les principes du contradictoire et la matière gracieuse est un argument puissant du non-respect du principe du contradictoire.

Il faut nuancer. Entre les parties, le respect du contradictoire ne s’impose pas. Mais pour le juge lui-même, on pouvait hésiter. Il est clair que le juge peut relever d’office, même au gracieux, son incompétence territoriale.

Le rôle du juge dans le cadre d’une procédure gracieuse

Toujours au titre des pouvoirs d’office, il est clair également que le juge puisse procéder à toute mesure d’instruction qui lui paraisse utile. L’article 28 du Code de Procédure Civile va plus loin et précise que le juge pourra statuer sans débat.

Le juge peut se fonder par ailleurs sur des moyens de fait non allégués par les parties.

Le juge du gracieux peut-il se fonder sur des moyens qu’il n’aurait pas soumis à la discussion des parties ? Peut-il se dispenser lui-même du principe du contradictoire ?

Le Conseil d’Etat avait décidé que oui, mais pas la Cour de Cassation, dans un arrêt du 13 janvier 1993.

La Cour de Cassation vise l’article 16 du Code de Procédure Civile et décide que le juge dans cette matière ne peut se fonder par des faits non allégués par les parties sans provoquer leur explication, contrairement à ce que l’on pourrait penser.

Le jugement gracieux est susceptible d’appel

Le jugement gracieux est susceptible d’appel selon l’article 543 du Code de Procédure Civile. C’est ce qu’on appelle l’appel gracieux.

Qui a aqualité pour agir en appel : La partie à l’instance gracieuse s’il a intérêt à agir, le ministère public et les tiers étrangers à la première instance si la décision leur a été notifiée.

Le litige est transmis à la juridiction hiérarchiquement supérieure de celle qui a rendue son verdict en première instance. Lorsqu’un jugement gracieux a été rendu, le juge a un mois à compter de la décision pour modifier ou rétracter sa décision. Et ce n’est qu’après ce délai que le greffier de la première juridiction va transmettre au greffe de la Cour d’appel (article 950 du Code de Procédure Civile).

Le ministère public doit avoir communication des affaires gracieuses (article 798 du Code de Procédure Civile). Il a en plus pour fonction de défendre les personnes hors de l’instance gracieuse. Il a l’obligation d’assister aux débats et le jugement doit lui être notifié.