La propriété de la provision de la lettre de change

LA PROPRIÉTÉ DE LA PROVISION

C’est une question essentielle, mais délicate. La provision de la lettre de change est la créance de somme d’argent que possède le tireur (celui qui émet la lettre de change) contre le tiré (celui qui est débiteur de la lettre de change). Le fait que le tireur possède cette provision lui donne le droit de donner l’ordre, au tiré, de payer une autre personne de sa part.

Remarque :

La propriété de la provision est transmise aux différents porteurs successifs de la lettre de change (article 511-7 al. 3). Cette affirmation est contradictoire au regard d’autres dispositions du même article : la provision doit exister seulement à l’échéance de la traite (article L. 511-7 al. 2). Il y a donc contradiction substantielle entre transmettre quelque chose qui n’existera qu’à échéance de la lettre, et non pas de l’émission.

Le porteur est propriétaire (la provision lui est transmise) plus que d’un droit réel sur la provision, il est titulaire d’un droit personnel. Or, la provision est un rapport de créance entre tireur et tiré. La créance est un droit personnel, et non un droit réel. Sommes nous donc en présence d’une transmission d’un droit personnel ou d’un droit réel ? Cette contradiction est résolue lorsqu’on admet que la provision confère au porteur un droit exclusif sur le droit de créance qui existe entre tireur et tiré.

Voici la solution concernant ces deux remarques :

Le transfert de la propriété est possible en admettant que les porteurs successifs acquièrent un droit exclusif sur la créance tireur/tiré, sachant que ce droit n’existe qu’à l’échéance de la traite.

La question qui se pose est de savoir si, avant l’échéance de la traite, le tireur, malgré le transfert de propriété de la provision aux différents porteurs, continue à pouvoir librement disposer de la provision, notamment pour payer son débiteur (le tiré), à l’occasion d’une relation commerciale, par le biais de la compensation ?

A cette question, la réponse dépend de la situation de savoir si la lettre a été acceptée ou non.

A) La traite n’est pas acceptée

La traite n’a pas été acceptée par le tiré : le droit du porteur ne peut s’exercer que sur la provision définie à l’alinéa 2 ; c’est-à-dire sur la créance susceptible d’exister entre le tiré et le tireur à l’échéance de la lettre de change. Le droit du porteur jusqu’à dette échéance, est seulement un droit éventuel. Donc jusque l’échéance, le tireur conserve donc la libre disponibilité de la provision. Par conséquent, le tireur peut se faire payer par le tiré, et peut faire jouer la compensation entre la créance qu’il contre le tiré et qui a justifié la lettre de change, et une dette qu’il contracté envers le tiré.

La cour de cassation permet lorsque le porteur se présente au paiement au tiré, le porteur pourra lui objecter la compensation, résultant des liens en sens contraire (entre tiré et tireur).

Si le tireur conserve la disponibilité de la provision, il existe des atténuations à la solution de principe, dans lesquels la provision sera automatiquement cristallisée envers le porteur (le tireur ne peut plus en disposer) :

§ Lorsqu’il y a liquidation des biens du porteur.

§ Lorsqu’il y a faillite du tireur.

§ Lorsqu’il y a perte du titre.

Au-delà de ces trois hypothèses automatique, il y aune quatrième moyen pour se défendre :

§ Ordre de défense explicite pour le tiré par le tireur de ne pas se dessaisir de la provision.

A contrario le refus d’accepté la lettre de change, n’entraine pas le blocage de la provision.

B) La traite est acceptée

La traite a été acceptée par le tiré : La situation du porteur est plus solide lorsqu’il y a acceptation, car cette dernière entraine l’impossibilité faite au tireur de disposer de la provision. La provision, à partir de l’acceptation par le tiré, est réputée être sortie définitivement du patrimoine du tireur. Le tiré accepteur, celui qui s’engage cambiairement ne peut plus valablement se libérer dans les mains du tireur. La compensation ne peut plus être opposée valablement.

Synthèse :

Première possibilité : absence de provision.

o La traite n’a pas été acceptée : le recours du porteur contre le tiré est inefficace. Le porteur doit agir contre le tireur ou contre les autres signataires de la lettre.

o La traite est acceptée : l’absence de provision n’a pas à être prise en compte. Par définition, la traite est acceptée ; donc ce qui prévaut est l’acceptation. Le tiré accepteur est cambiairement engagé mais dans types de rapport juridique, la 1ère relation, dans les relations tiré accepteur/tireur porteur, le rapport es ici vicié, 2ème relation : tiré accepteur/tireur porteur de mauvais foi, entache aussi le vice. La règle d’exception à l’inopposabilité pourra atténuer cette solution.

Deuxième possibilité : présence de provision.

o La traite n’est pas acceptée : la provision fonde le recours du porteur contre le tiré. Cela résulte du fait que la provision a été transmise au porteur. Le droit est éventuel, alors il faut se placer au moment de l’échéance pour savoir si la provision existe vraiment ou pas.

o La traite est acceptée par le tiré : le porteur dispose d’une action cambiaire contre le tiré accepteur. Certes, il est propriétaire de la provision ; il dispose donc d’un choix, il peut agir également sur le terrain de la provision qui a intérêt du fait de la prescription de l’action cambiaire, soit sur l’action cambiaire + rapport fondamental).