La réception des travaux

La réception des travaux ; définition, forme, délai…

Dans le contrat de construction, la réception des travaux est une notion très ancienne et qui a toujours existé. Mais dans le Code Civil de 1804, il n’y avait aucune définition légale, pour autant cette notion était utilisée par la Jurisprudence. Donc au XXème siècle la définition était essentiellement jurisprudentielle.

En revanche à la fin du XXème siècle il y a eu une réforme de la responsabilité des constructeurs (donc lié au contrat d’entreprise) par la loi du 4 janvier 1978 + régime d’assurance construction obligatoire, ou assurance responsabilité civile décennale.

Article 1792-6 donne désormais une définition de la réception des travaux : « acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement ».

Cette réception des travaux selon la doctrine marque la fin du contrat de louage d’ouvrage. Elle permet au maître de l’ouvrage de constater que les obligations ont bien été exécutées par l’entrepreneur et que le contrat d’entreprise est terminé.

Autre utilité de la réception des travaux : c’est surtout ce qui est le point de départ notamment pour la responsabilité des constructeurs (responsabilité décennale et biennale).

Donc tant que la réception des travaux n’est pas intervenue, la responsabilité des constructeurs en peut être mise en jeu. Si on se place du côté du maître de l’ouvrage : la responsabilité du constructeur est objective (versus la responsabilité de droit commun) en outre elle est garantie par une assurance => il a intérêt à faire cette réception le plus tôt possible.

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A. La nature juridique de la réception

Il s’agit de savoir ici si c’est un acte juridique ou un fait juridique, et si elle requiert l’accord du maître de l’ouvrage et de l’entrepreneur ou que l’intervention du maître de l’ouvrage.

Art. 1792-6 : c’est un acte juridique car cela entraîne des effets juridiques obligatoires, et cela est notamment le point de départ de la responsabilité des constructeurs. Mais est-ce un acte unilatéral ou bilatéral ? D’après c’est art, c’est un acte qui émane du maître de l’ouvrage, un acte unilatéral, il dit juste que ce doit être contradictoirement = en présence de l’entrepreneur, mais pas nécessairement avec son accord. La présence de l’entrepreneur est cependant une condition essentielle, donc si on ne parvient pas à avoir son intervention, l’art. 1792-6 dit que la partie la plus diligente pourra saisir le juge pour procéder à la réception judiciaire des travaux. L’entrepreneur peut y avoir intérêt également car si la réception a lieu plusieurs années plus tard, cela repousse d’autant d’années les délais de prescription.

On a vu que l’objet de la réception des travaux est de constater la fin du contrat d’entreprise. Donc normalement quand il y a réception des travaux, cela signifie que les travaux sont a priori achevés. Mais cette logique en fait n’est pas celle retenue par la Cour de Cassation. Dans la Jurisprudence il y a des hypothèses où le juge va consacrer la réception des travaux alors même que ces travaux ne sont pas achevés. C’est en fait une hypothèse particulière : notamment quand l’entrepreneur abandonne le chantier parce qu’il tombe en liquidation judiciaire ou parce qu’il est en perte sur le chantier. C’est donc en faveur du maître de l’ouvrage que la réception est acceptée afin qu’il puisse ensuite invoquer la responsabilité du constructeur.

— Quand on a un immeuble entier construit, pour la construction de cet immeuble, le maître de l’ouvrage va passer un certain nombre de contrats d’entreprise avec  corps de métier. Donc si on suit la définition de la réception des travaux (qui marque la fin du contrat d’entreprise), cela veut dire qu’il y aura autant de réception des travaux que de contrats d’entreprise et donc plusieurs dates de réception pour une même construction. C’est ce qu’a voulu évite le législateur en 1978 pour permettre une simplification des calculs de délai. Donc généralement on a une réception unique pour l’ensemble du bâtiment qui permettra de faire partir un seul délai. Ce principe n’est pas d’OP, donc les parties peuvent conventionnellement prévoir des réceptions partielles des travaux en fonction des  stades d’avancement des constructions. Cela est prévu dans un certain nombre de normes, notamment normes afnorÂ…, mais alors il y aura plusieurs calculs de délais à faire.

B. La question de la forme de la réception des travaux

Il y a 2 formes de réception : amiable ou judiciaire. Mais avant 1978, il existait 3 formes de réception : la réception tacite en plus. Cette réception tacite avait été consacrée à l’époque par la Jurisprudence. Après la réforme de 1978 on s’est demandé si on pouvait encore faire une place à la réception tacite.

1. La réception amiable

La réception est un acte juridique unilatéral, donc pas de nécessité d’un accord. Toutefois il faut un accord préalable pour fixer un RV, i.e. un accord pour procéder à la réception des travaux. Par la suite la réception des travaux en tant que telle par le maître de l’ouvrage, et éventuellement l’observation de réserves de sa part ne résulte pas de l’accord de l’entrepreneur. C’est à l’initiative du maître de l’ouvrage. On tire de ce principe un certain nombre de conséquences : l’architecte par ex ne peut pas procéder à la réception des travaux à la place du maître de l’ouvrage. En revanche s’il le fait, la réception ne sera efficace que s’il dispose d’un mandat exprès pour réceptionner les travaux. L’architecte n’a que l’obligation d’assistance et de conseil au moment de la réception pour que le maître de l’ouvrage émette ses réserves.

Si le maître de l’ouvrage refuse de procéder à la réception des travaux, un huissier ne peut pas suppléer la volonté défaillante du maître de l’ouvrage.

En outre on ne peut pas avoir de réception de travaux entre le maître de l’ouvrage et un sous-traitant au titre du sous contrat d’entreprise.

Supposons que le maître de l’ouvrage ait procédé à la réception et ait émis des réserves, on retrouve ces réserves dans le P.V de livraison. L’écrit est-il nécessaire au titre de la réception ? En principe non, mais il y a toujours le problème de la preuve, donc il est conseillé d’établir ce procès verbal de livraison. Ce P.V doit-il être signé par l’entrepreneur ? En principe non, puisque c’est un acte unilatéral, mais dans la pratique le maître de l’ouvrage y a intérêt car par là-même l’entrepreneur s’engage à réaliser les travaux de remise en état.

Si le maître de l’ouvrage a été assisté par un architecte, il aura intérêt à le faire signer par ce dernier pour faciliter la mise en jeu de sa responsabilité à propos notamment de l’absence de réserve pour établir le cas échéant l’inexécution de son obligation de conseil.

2. La réception judiciaire

C’est l’hypothèse où on a soit l’entrepreneur, soit le maître de l’ouvrage qui ne se met pas d’accord sur le principe de réception des travaux => 1792-6 autorise la partie la plus diligent à saisir le tribunal pour que le juge puisse prononcer la réception des travaux. C’est pourquoi on parle de réception judiciaire.

Il y a une condition préalable essentielle cependant : avant de saisir le juge, il est nécessaire que soit l’un des 2 ait demandé à son cocontractant ait demandé un RV de réception et se soit heurté à un refus.

Le juge nomme alors un expert qui rend un rapport, qui sera sans doute ensuite entériné par le juge dans sa décision (mais le juge n’est pas tenu par ce rapport).

Quelle est alors la date retenue pour cette réception judiciaire ?

C’est ce choix qui permettra d’établir le point de départ pour les délais décennaux ou biennaux.

Date de l’assignation, Date du rapport d’expertise, Date du jugementÂ…

De ce point de vue le juge dispose d’une grande liberté. Le plus souvent il retiendra la date de son jugement, mais il reviendra parfois à la date de l’assignation, surtout quand il constatera que la réception n’a pas pu avoir lieu parce que le maître de l’ouvrage est de mauvaise foi, et s’il repousse la date de réception des travaux c’est uniquement pour repousser la mise en oeuvre de ses garanties.

3. La réception tacite

Le silence du législateur après la réforme de 1978 est-il volontaire ou ne s’agit-il que d’un simple oubli qui permettrait à la réception tacite de perdurer ?

En réalité d’après les travaux législatifs, c’est une condamnation. Un amendement demandant de réintégrer ce type de réception a été rejeté.

Pourtant, les juges du fond après 1978, pour des raisons de nécessité, ont exercé une forte pression sur la Cour de Cassation, pour remettre à l’ordre du jour et valider la réception tacite. Cette pression a été tellement efficace qu’en 1986, la 3ème civ. Cour de Cassation a consacré la possibilité d’une réception tacite. Cette réception tacite était également voulue par une partie de la doctrine.

Si on regarde la situation avant 1986, les juges du fond voulaient consacrer la réception tacite car à chaque fois les assureurs refusaient la réception tacite car ils n’étaient tenus de payer que si la responsabilité des constructeurs soit mise en jeu, et donc que si la réception était intervenue.

Ex : désordre de construction 7 ans après la fin des travaux, tq problème de toiture => assurance construction peut le couvrir. Encore faut-il qu’il y ait réception amiable, (mais pas de signature du maître de l’ouvrage et pas de P.V de réception) ou réception judiciaire.

Le maître de l’ouvrage s’est comporté de telle façon qu’il avait la volonté non équivoque de réceptionner l’ouvrage, donc cette question ne se pose qu’a posteriori et dans le cadre de procédure judiciaire pour faciliter la mise en jeu de l’assurance.

Les conditions posées par le Jurisprudence pour qu’il y ait une réception tacite :

Critère déterminant : la prise de possession de l’ouvrage par le maître de l’ouvrage. Mais cela ne suffit pas. Le juge doit en outre constater une volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Pour ce faire, il y a plusieurs indices :

Quand on a le paiement de l’intégralité du prix par le maître de l’ouvrage (reconnaissance que les travaux ont été correctement réalisés). Si une petite partie est retenue, on pourra considérer que cela correspond à une réserve mineure.

Absence de réserves nombreuses et importantes de la part du maître de l’ouvrage

Quand en 1986, la 3ème civ a reconnu la possibilité d’une réception tacite, les indices relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fonds => contrôle plutôt minimal de la Cour de Cassation. Pendant plusieurs années, ce contrôle minimal était inexistant au niveau de la Cour de Cassation, qui avait tendance à laisser faire les juges du fonds. Il y a eu des abus => la Cour de Cassation a commencé à casser certains arrêts pour manque de motivation, elle recherche notamment si les conditions de la réception tacite sont reprises.

La réception tacite peut aussi être organisée par les contrats, et la Jurisprudence valide ce type de clauses au titre de la réception tacite.

Problème : détermination de la date de la réception. On aura tendance à fixer la date en fonction de la date d’expiration pour faire entrer le préjudice dans le cadre de la responsabilité des constructeurs.

C. Les effets de la réception des travaux

La réception peut être faite avec ou sans réserve

Elle purge en outre les vices apparents en cas d’absence de réserve, et ils relèveront alors de la responsabilité du maître de l’ouvrage.

1. La purge de vices apparents

La purge est générale, i.e. elle concerne non seulement la responsabilité des constructeurs, mais aussi la responsabilité contractuelle de droit commun. Donc la réception est un acte dangereux pour le maître de l’ouvrage. C’est pourquoi la Jurisprudence a tendance à reconnaître une certaine immunité au maître de l’ouvrage quand c’est un particulier afin d’éviter que la réception ne se retourne contre lui plus tard. La Jurisprudence a fait cela de plusieurs façons :

la réception ne peut être faite que par le maître de l’ouvrage. Si elle est faite par l’architecte ou par un tiers, le mandat exprès doit être prouvé pour que la réception puisse est valable.

Quand le maître de l’ouvrage a donné un mandat exprès à l’architecte et lorsque c’est l’architecte seul qui a procédé à la réception, parfois, le juge a tendance à dire que même s’il y a un mandat, la réception, même si elle fait bien partir les délais, ne purge pas les vices apparents car elle est considérée comme incomplète. Pourtant cette décision ne se justifie pas sur les principes.

2. Point de départ des délais

Computation des délais pour la responsabilité biennale et décennale des constructeurs

Outre ces 2 responsabilités, la réception fait partir le délai de la garantie donnée par l’entrepreneur dans un délai d’un an à compter de la réception des travaux.

Donc au sein de la garantie des constructeurs on trouve ces 2 responsabilités + la garantie de parfait achèvement.

D. La réception assortie de réserves

Comment vont être traitées les réserves ?

Le principe est qu’elles sont couvertes par la garantie d’un an (cf. supra). Cette garantie vise donc les désordres réservés au moment de la réception et les vices apparus pendant un an.

C’est la garantie de parfait achèvement = obligation de réparer les désordres réservés dans un délai raisonnable. Mais comme la garantie ne dure qu’un an, les désordres réservés doivent être réparés dans le délai d’un an, sinon après la garantie tombe. Si les réparations n’ont pas eu lieu dans ce délai, et que le maître de l’ouvrage n’a que cette garantie alors il n’a plus de moyen.

1978 : la Jurisprudence a été plus indulgente à l’égard du maître de l’ouvrage en considérant qu’outre la garantie de parfait achèvement, le maître de l’ouvrage pouvait également invoquer la responsabilité contractuelle de droit commun.

Mais alors peut-il aussi invoquer la responsabilité biennale ou décennale pour les désordres réservés ?

Ici l’exclusion est claire. En aucun cas ces 2 responsabilités ne peuvent être invoquées pour les désordres réservées. Elles ne s’appliquent que pour les désordres qui apparaissent postérieurement à la réception des travaux.

Pour la période précédant la réception, le seul moyen possible est la responsabilité contractuelle de droit commun. Ces désordres ne seront pas couverts par la garantie de parfait achèvement ni par les responsabilités biennale et décennale.

Si on compare la responsabilité contractuelle et la responsabilité des constructeurs/garantie de parfait achèvement : cette dernière est une responsabilité objective, sans faute. La responsabilité contractuelle de droit commun, normalement pour des désordres de constructions résultent de l’inexécution de l’obligation de construire mise à la charge de l’entrepreneur. Cette obligation est-elle de moyen ou de résultat ? (pour déterminer si c’est une responsabilité avec ou sans faute). En principe c’est une obligation de résultat car il n’y pas d’aléa dans la réalisation des constructions => responsabilité sans faute, i.e. de nature objective également.

Prescription :

Responsabilité des constructeurs = 2 ou 10 ans

Responsabilité contractuelle de droit commun = 30 ans en matière civile (droit commun), 10 ans en matière commerciale (prescription abrégée pour les actes de commerce). Ici c’est un acte mixte => 10 ans pour l’entrepreneur et 30 ans pour le maître de l’ouvrage ??? à demander XXX

On est 12 ans après, on ne peut donc plus invoquer la responsabilité des constructeurs décennale. La prescription de droit commun est de 30 ans, le risque pour l’entrepreneur est donc que le maître de l’ouvrage invoque la responsabilité de droit commun. Pour supprimer ce risque, la Jurisprudence nous dit que si c’est la responsabilité des constructeurs qui doit s’appliquer, elle exclut de façon définitive la responsabilité contractuelle de droit commun. Ici après le délai de 10 ans, le maître de l’ouvrage est privé de toute action.

Supposons en revanche que les conditions d’application de la responsabilité de constructeurs ne sont pas remplies, alors en principe c’est la responsabilité contractuelle de droit commun qui s’applique.

1. La prescription peut être plus importante que la responsabilité décennale des constructeurs par conséquent. Pour éviter cela, la Jurisprudence a décidé récemment que l’on devait appliquer la prescription décennale également à la responsabilité contractuelle de droit commun lorsque l’on est dans le cadre d’une responsabilité au titre d’une construction. Donc la responsabilité contractuelle de droit commun se voit aussi bornée par un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux.

2. Comparaison entre la responsabilité décennale et la responsabilité contractuelle de droit commun : ce sont des responsabilités objectives toutes les 2 en principe. Donc les solutions devraient être les mêmes. Mais la Jurisprudence a voulu tirer la responsabilité décennale vers le haut au détriment de la responsabilité contractuelle de droit commun => la Jurisprudence aura tendance à dire que cette dernière est une responsabilité pour faute, même si elle résulte d’un contrat d’entreprise. La Jurisprudence montre donc qu’i y a une différence de traitement dans la réparation des désordres.

Tout ceci marche pour la période postérieure à la réception.

Si on a un désordre antérieur à la réception, c’est la responsabilité contractuelle de commun qui s’applique. Le juge aura tendance à appliquer la responsabilité contractuelle classique, i.e. objective, alors qu’après cela devient une responsabilité pour faute => critique aujourd’hui.

Si on dénonce le désordre avant la réception : responsabilité objective

Si on dénonce le désordre après la réception : en principe on peut bénéficier de la responsabilité des constructeurs qui a l’avantage qu’en plus il y a l’assurance constructeur obligatoire. En fait comme le désordre était « apparent » avant, le constructeur peut dire qu’il sera purgé avec la réception.

On peut le dénoncer au moment de la réception cependant en émettant une réserve => il n’y aura plus la discussion à savoir s’il y a faute ou pas de faute. On pourra invoquer la garantie de parfait achèvement qui est une responsabilité objective, i.e. on n’aura plus à se demander si le juge retiendra une responsabilité objective ou pour faute.