La réduction des libéralités excessives

La réduction des libéralités excessives

L’action en réduction consiste à déterminer si une donation ou un testament respecte bien les dispositions légales du Code Civil. En d’autres termes, si ces libéralités ne portent pas atteinte à la part réservataire des héritiers légaux.

I : Les conditions de l’action en réduction

Article 921 alinéa 1er du Code civil : seuls les héritiers réservataires peuvent agir ou leurs héritiers ou les ayants causes.

Les héritiers réservataires ne sont pas obligés d’agir ; ils peuvent agir.

Les héritiers de l’héritier réservataire : hypothèse où l’héritier réservataire à la suite du de cujus.

L’action est ouverte aux ayants cause de l’héritier réservataire. Le légataire va pouvoir agir en réduction si l’héritier réservataire n’avait pas lui même agi.

Seules ces personnes peuvent agir. En revanche, ne peuvent pas agir en réduction, le disposant (celui qui a fait la donation ou le testament). S’agissant des legs, le testament est toujours révocable : il pas besoin de passer par l’action en réduction ; la révocation du legs suffit. Les donataires ou légataires ne peuvent pas agir non plus mais ils peuvent surveiller les opérations de réduction notamment si l’action est dirigée contre eux (ils peuvent invoquer à titre d’exception, l’absence de réduction d’autres libéralités). Les créanciers peuvent-ils agir ? la loi dit que les créanciers du défunt ne peuvent pas agir mais cette exclusion ne joue que lorsque l’option choisie est l’acceptation. Si l’héritier réservataire n’agit pas, ses créanciers personnels peuvent agir.

Avant 2006, l’action était possible pendant 30 ans à compter du décès. Le nouvel article 921 alinéa 2 : possibilité d’agir pendant 5 ans à compter du décès. S’il démontre qu’il n’a pas pu connaître l’atteinte à sa réserve dans le délai : le prescription va être reportée à ce moment là mais on ne lui laisse qu’un délai de 2 ans. En toute hypothèse, le délai ne peut pas dépasser 10 ans à compter du décès.

II : L’ordre de réduction des libéralités excessives

Les donations sont irrévocables : on va éviter d’y toucher.

Les legs sont contenus dans un testament qui est un acte de dernière volonté dont l’efficacité ne se produira qu’au décès : les légataires n’ont pas reçu le legs. L’idée est que si on réduit les legs, on va empêcher le légataire d’avoir tout ou partie de son legs. Si c’est une donation, il y a restitution.

Les legs vont être réduit avant les donations. S’il y a plusieurs legs, on établit pas de hiérarchie entre eux. Ce sont des dispositions à cause de mort : ils vont tous subir la réduction. Si le total cumulé des legs est si important que cela prend toute la quotité disponible mais ça empiète sur la réserve, ce serait terminé ; si le dépassement est plus élevé, on ne les réduira que pour partie pour atteindre le chiffre nécessaire. Tous les legs sont réduits en même temps ; on les réduit proportionnellement à leur importance si on ne doit pas les réduire en entier. Cette réduction proportionnelle s’appelle au marc le franc.

Ex: quotité disponible qui se monte à 6000€. A a reçu un legs pour 5000€ ; B pour 2500€. Le total 7500€ : pas assez de place sur la quotité disponible. 1500€ en trop. Sur le total des legs, le legs de A représente 2 tiers des legs ; B représente 1 tiers des legs. A va supporter deux tiers de l’excédant donc de 1500€ : 1000€ : le legs dédié à A va être de 4000€. B va supporter 1 tiers de l’excédant donc 500€, son legs va être de 2000€.

L’article 927 du Code civil prévoit que le testateur peut exprimer une volonté différente : il peut demander à ce qu’un legs ne soit réduit qu’après les autres.

Pour les donations, elles sont irrévocables. Les donations ne peuvent pas porter atteintes à la réserve. Si la quotité disponible est dépassée et qu’il y a un risque d’atteinte à la réserve : on réduit d’abord les legs et si cela ne suffit pas, on réduit les donations. Le mécanisme n’est pas le même que celui des legs car ils n’ont pas toutes effet à la même date. Article 923 du Code civil : on réduit d’abord les donations les plus récentes, c’est-à-dire les plus proches du décès. Si cela ne suffit pas, on va remonter jusqu’à ce qu’on arrive au montant de la quotité disponible. Il y a deux raisons : plus la donation est ancienne, plus il sera douloureux pour le gratifié de s’en séparé ; plus la donation est ancienne, plus il y a de risque que le donataire en ait disposé au profit des tiers.

La règle de l’ordre des réductions est d’ordre public. Le disposant ne peut pas écarter cette règle. Les gratifiés peuvent, entre eux, modifier l’ordre de réduction mais cet ordre modifié n’est pas opposable aux héritiers réservataires : il faudrait l’accord des héritiers réservataires.

On parle d’ordre de réductions ou d’ordre des imputations.

La date à laquelle elles ont été faites est primordiale. Il est important de prouver la date de la donation. Elle prend une importance capitale. Si la donation a été faîte par acte authentique, il n’y a pas de problème : la date de l’acte notarié fait foi, elle est considérée comme une date certaine. En revanche, si la donation n’est pas solennel, soit on a un acte sous seing privé ou pas d’écrit : on a pas de date certaine : on va alors dire qu’il va falloir trouver une date certaine à cette donation. Article 1328 du Code civil : lorsque un acte n’a pas été fait de manière authentique, il acquiert au plus tard date certaine au décès du donateur. Il peut y avoir d’autres éléments : article 1328 : acquiert date certaine, l’acte sous seing privé ou acte authentique qui évoque une donation antérieure au jour de l’acte. Malgré tout, même en l’absence de date certaine, la donation reste un acte entre vif : c’est toujours l’instant i-1 avant le décès : les legs sont d’abord réduit et ensuite les donations qui n’ont pas date certaine : 1ère civile, 12 novembre 1998. Si plusieurs donations ont été faîtes le même jour, on copie le système adopté pour les legs : on va faire une réduction proportionnelle aux donations : la jurisprudence réserve la possibilité contraire au donateur, il peut dire qu’elle donation ont réduit prioritairement. Il y a une liberté du disposant pour les donations de même date mais elle n’existe pas pour les donations à des dates différentes.

Si un donataire est insolvable et qu’il n’a plus rien dans son patrimoine, on fait supporter son insolvabilité par le donataire suivant. Cela est dû au fait que le but de la réduction est de reconstituer la réserve : ce n’est pas au réservataire de subir l’insolvabilité.

III : Les modalités de la réduction

La réduction peut se faire en valeur ou en nature.

  1. Le principe : la réduction en valeur

Avant 2006, la réduction se faisait en valeur que pour des donations à des héritiers venant à la succession. Pour des donations à d’autres personnes ou pour les legs, les donations se faisaient en nature.

La loi du 23 juin 2006 dans un article 924 du Code civil supprime cette distinction : le principe est la réduction en valeur. Cette indemnité est la portion excessive de la liberté.

  1. Le paiement de l’indemnité de réduction

Cette indemnité est due quelle que soit la qualité du gratifié : héritier ou non. Cette personne va donc verser une indemnité de réduction aux héritiers réservataires pour restaurer leur réserve. Ce paiement va prendre une philosophie particulière quand l’héritier réservataire a été trop gratifié. Si c’est un héritier réservataire, la loi précise le mode de paiement : c’est un paiement en moins prenant Il faut prendre moins que ce qu’ils auraient pu prendre s’ils avaient moins été gratifiés.

Si l’héritier est un héritier réservataire, le paiement se fait en priorité par voie d’imputation sur ces droits dans la réserve : article 924 alinéa 2 du Code civil. Lorsque cet héritier réservataire a reçu une libéralité qu’il faut réduire, on impute la libéralité d’abord sur la part de réserve et si c’est nécessaire, on impute sur la quotité disponible. Si la libéralité dépasse à la fois la part de réserve et les droits de l’héritier réservataire dans la quotité disponible, l’excédant va donner lieu à une indemnité de réduction de sa part aux autres héritiers réservataires. L’indemnité de réduction est payée au moment du partage : l’article 924-3 du Code civil. Parfois des délais de paiement sont possibles :

en cas d’accord des héritiers réservataires

la libéralité porte parfois sur un bien qui est susceptible d’une attribution préférentielle : technique qui permet d’attribuer certains biens dans le partage à certains héritiers plutôt qu’à d’autres : des délais peuvent être accordés de plusieurs années pour payer l’indemnité de réduction. La loi indique clairement que les avantages qui résultent des délais de paiement octroyés : ces avantages ne sont pas considérés comme des libéralités.

Ces délais de paiement sont écartés si le bénéficiaire vient à vendre le bien donné ou légué. Si l’indemnité de réduction à verser en numéraire n’est pas versée tout de suite, elle produit des intérêts au taux légal à compter du partage.

  1. Le montant de l’indemnité de réduction

Le montant de l’indemnité de réduction se calcul à partir de la valeur des biens donnés au moment du partage : il faut procéder en deux étapes. On procède d’abord à une évaluation au jour du décès pour savoir si la libéralité est réductible (article 922 du Code civil), on fait une autre évaluation à l’époque du partage (article 924-2 du Code civil) pour chiffrer le montant de l’indemnité de réduction. Il faut tenir compte de l’état du bien au jour où la libéralité a pris effet : au jour de la donation ou au jour du décès pour le legs. On retrouve la distinction entre l’état et la valeur : les héritiers réservataires ne vont donc pas profiter des plus-values imputables au gratifié mais ils ne vont pas non plus subir les moins values qui sont dues au gratifié. Inversement, les variations de l’état du bien qui ne résultent pas de l’activité du bénéficiaire de la libéralité. On va prendre en cas d’aliénation, la valeur du bien au moment de l’aliénation par le gratifié. Dans l’hypothèse où après l’aliénation, un bien a été acquis en remplacement : il y a subrogation : l’indemnité de réduction sera égale à la valeur du nouveau bien au jour du partage dans son état au jour de l’acquisition. Comme pour le rapport, on va trouver la même restriction pour les biens particuliers dont la nature en rend la dépréciation inéluctable : dans ce cas, on fait comme s’il n’y avait pas eu subrogation. On s’en tient à la valeur du bien aliéné : article 924-2 du Code civil.

  1. En cas d’insolvabilité du gratifié débiteur de l’indemnité de réduction

Article 924-4 du Code civil. Si le gratifié ne verse pas l’indemnité de réduction, que peut-on faire ? Problème lorsqu’il a aliéné les biens dont il était gratifié. Les héritiers réservataires vont être tentés de faire une action contre les tiers. La loi prévoit des conditions :

il faut opérer la discussion préalable des biens du débiteur de l’indemnité de réduction : on va regarder dans son patrimoine. On vérifie d’abord que le débiteur de l’indemnité de réduction est véritablement insolvable.

il ne faut pas que l’aliénation ait été faite avec le consentement du donateur et de l’héritier réservataire. Il est courant pour sécuriser la transaction que lorsqu’un gratifié vend son bien à un tiers, on bloque le droit de poursuite en faisant intervenir à l’acte en donnant leur accord à l’aliénation. Pour l’aliénation du bien légué, on se contente du consentement des héritiers réservataires.

Si ces conditions sont remplies, l’article 924-4 estime qu’on peut réclamer l’indemnité de réduction aux tiers détenteurs de l’objet de la libéralité. L’action ne sera pas nécessairement efficace : si c’est un meuble, le tiers pourra invoquer l’article 2279 du Code civil. Lorsque le tiers n’a pas les liquidités suffisantes : les héritiers réservataires peuvent agir en revendication : la réduction s’opérera en nature.

  1. L’exception : la réduction en nature

Elle se produit dans deux cas seulement : le cas d’insolvabilité du gratifié qui a aliéné le bien sans consentement de l’héritier réservataire quand le détenteur ne peut pas payer l’indemnité de réduction. Le deuxième cas est l’hypothèse de volonté en ce sens du gratifié. Cela est permis par l’article 924-1 du Code civil. Il y a des conditions :

il faut que le bien donné en légué soit resté dans son patrimoine

il ne faut pas que ce gratifié ait consenti de nouveaux droits réels, de nouvelles charges, de nouveaux droits d’occupation sur ce bien depuis la date de la libéralité.

le gratifié a un délai de 3 mois pour exprimer son choix : le point de départ est la mise en demeure adressée par l’héritier réservataire pour prendre parti.

Si ces conditions sont remplies, le gratifié ne verse pas l’indemnité de réduction : il restitue une part des objets reçus pour une valeur correspondant à l’excédant sur la quotité disponible. La loi ne prévoit pas la possibilité pour le disposant d’imposer le rapport en nature dans une clause dans l’acte de donation. Ce n’est pas envisageable : le donateur ou le disposant ne peut pas imposer la réduction en nature. L’esprit de la loi nouvelle insiste pour donner la priorité à la réduction en valeur : mais la loi laisse beaucoup de place à la volonté. Pas de solution pour le moment.