La remise de chèque

La remise du chèque :

Tant que le chèque n’a pas été remis, il n’a pas été émis. La remise de chèque est le dépôt de chèque(s) par le client auprès de sa banque pour porter le montant du chèque au crédit de son compte (encaissement). La remise de chèque nécessite la signature du bénéficiaire au dos du (endos) ainsi que l’indication du numéro de compte à créditer. La diffusion des renseignements figurant au dos du chèque (endos) relève du secret professionnel et ces informations ne peuvent être données au titulaire du compte, qui a émis le chèque.

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A)- Notion de remise :

La remise du chèque consiste dans le dessaisissement du tireur et la mise en possession du bénéficiaire. Ce qui a posé 2 difficultés :

  • l’existence même de la remise :

Ex : une personne fait un chèque, en indiquant son neveu comme bénéficiaire, elle met le chèque dans un coffre, et après son décès, le coffre est ouvert, et le bénéficiaire réclame paiement du chèque, en arguant que le tireur souhaitait lui consentir un don manuel.

La Cour de cassation a débouté le bénéficiaire, en considérant qu’en l’absence de mise en possession du bénéficiaire, le chèque n’avait jamais été émis.

Civ1ère ; 3/04/2002.

  • la date de l’émission :

Com ; 3/12/1991 : date de l’expédition, date du dessaisissement du tireur, doit être prise en compte.

Com ; 31/01/2006 précisa qu’il n’y avait pas de présomption selon laquelle la date d’émission serait la date de création du chèque.

La preuve de la date de l’émission peut être apportée par tous moyens.

→ Arrêt critiqué.

Les enjeux sont importants lorsqu’il y a cessation de paiement.

B)- Modalités de la remise :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-15 : impose à toute personne qui reçoit un paiement par chèque de demander au tireur de justifier de son identité, au moyen d’un document officiel, portant photographie.

C)- Effets de la remise :

La création du chèque va faire naître de nouveaux rapports juridiques qui se superposent aux rapports de base ou rapports fondamentaux.

Le premier rapport fondamental est la relation juridique qui existe entre le tireur et le tiré (émetteur du chèque et son banquier).

Cette relation juridique naît de la convention bancaire. En vertu de cette convention le tireur a une créance à l’encontre de son banquier, qui consiste dans le solde disponible de son compte, et que l’on appelle la provision.

Le deuxième rapport juridique est un rapport tireur – bénéficiaire. Cette relation juridique naît du contrat qui a fait naître la dette du tireur, que celui-ci éteint en émettant un chèque.

La remise du chèque a deux effets essentiels : transfert de propriété de la provision et naissance à la charge du tireur une obligation spéciale : obligation cambiaire, qui va se superposer au rapport fondamental qui le lie au bénéficiaire.

1°)- Transfert de propriété de la provision :

La remise du chèque par le tireur au bénéficiaire transfère au bénéficiaire la propriété de la provision.

a)-Provision:

  • notion :

La provision est la créance d’une somme d’argent que le tireur à l’encontre de son banquier (tiré), c’est le solde disponible du compte.

NB : théorie construite à propos du chèque (chèque sans provision), mais s’applique à tous les moyens de paiement.

  • caractères :

– La provision doit être préalable à l’émission du chèque.

– La provision doit être suffisante, au moins du montant du chèque, sinon le chèque est réputé être sans provision.

La provision doit être disponible : solde créditeur disponible, si certaines opérations sont placées en attente dans un compte différé, ces fonds ne sont pas la provision.

  • origines :

La provision a 3 sources essentielles :

– Le dépôt de fonds du client, tireur, chez son banquier.

Tout dépôt fait naître à la charge du banquier dépositaire, une obligation de restitution de la chose déposée, le client a à l’encontre de son banquier, une créance de restitution des fonds. Ces fonds peuvent avoir été déposés sous forme de monnaie métallique ou fiduciaire ou peuvent avoir été virés au compte du client.

– La remise de chèque par le client, tireur, à son banquier, tiré.

Lorsqu’un client remet un chèque à son banquier, celui-ci en porte le montant au crédit du compte du client, augmentant par là même le solde disponible du compte et donc la créance du client à son encontre.

– L’ouverture de crédit, dûment constatée par une inscription au crédit du compte, constitue sans aucun doute une créance de provision.

Ex : demande de prêt à son banquier pour une somme, cette somme est inscrite au crédit du compte : provision.

Mais de simples facilités de caisse peuvent-elle constituer une créance de provision ?

La jurisprudence a évolué en la matière, selon 3 étapes :

Chambre Crim; 19/12/1957 : une simple tolérance verbale ne pouvait constituer une provision. Pour constituer une provision, l’engagement de la banque tirée devait être formel et préalable et avoir pour effet de constituer dans les comptes de la banque au profit du tireur, un avoir dûment constaté.

Cour de cassation ; 12/11/1974 : L’ouverture de crédit ne devait pas nécessairement être exprimée par une inscription en compte pour pouvoir constituer une provision. Une autorisation de découvert pouvait constituer une provision.

Les juges du fond : l’ouverture de crédit n’étant pas un contrat solennel, on ne pouvait exiger de formalités particulières pour la constater.

Loi du 03/01/1975 : elle dépénalise le chèque sans provision, elle ne maintient l’infraction pénale, que lorsque le tireur, en émettant le chèque, a eu conscience de porter préjudice aux droits d’autrui.

Mais quant à l’infraction de chèque sans provision, quand il y a facilité de caisse : le client peut penser que le banquier maintiendra ces facilités, dès lors la preuve de la conscience par le tireur, de porter préjudice à autrui, sera quasiment impossible à rapporter.

Quant au droit du banquier de refuser le paiement du chèque : la jurisprudence applique les principes de droit commun des contrats, l’ouverture de crédit n’étant pas un contrat solennel, la preuve de l’ouverture de crédit peut être apportée par tous moyens.

La jurisprudence considère ainsi que le fait qu’un compte se maintienne en position de découvert pendant un certain temps, implique que la banque y a consenti, même si elle n’en a pas eu l’initiative.

Com ; 12/11/1974.

En revanche, un découvert occasionnel ne traduit pas, en dehors d’éléments de preuve en sens contraire, l’acceptation de la banque d’un renouvellement de ce découvert.

Com ; 04/03/1986.

Com ; 5/12/2002 : en l’absence d’une convention de crédit par découvert, pour un montant déterminé ou d’existence d’une pratique antérieure de crédit par découvert tacite, il n’y avait pas provision.

Il y a provision lorsqu’il y a une convention de crédit pour un montant déterminé ou pratique de crédit par découvert tacite.

La preuve est libre, par tous moyens et pèse sur le client.

  • Montant de la provision constituée par un découvert tacitement autorisé :

Lorsque l’ouverture de crédit est tacite on prend en compte pour évaluer le montant du découvert tacite,

– soit celui du plus fort découvert autorisé

– soit celui du découvert moyen.

La Cour de cassation a adopté une démarche différente, en exigeant des juges du fond, la recherche de la commune intention des parties. Ils doivent à partir de l’expertise du fonctionnement du compte, déterminer le montant de l’ouverture de crédit tacite, consenti par la banque.

  • La durée du découvert autorisé :

Pour apprécier si le chèque est provisionné, c’est à la date de l’émission du chèque, qu’il convient de se placer. La banque est tenue de payer les chèques qui lui sont présentés après qu’elle ait mis un terme à l’autorisation de découvert, si au jour de l’émission, l’autorisation de découvert n’avait pas encore été dénoncée.

L’existence de la provision s’apprécie au regard du compte sur lequel est tiré le chèque. Cela signifie donc que le chèque peut être sans provision, alors même que la compensation des différents soldes des comptes du client ferait apparaître un crédit, en l’absence de convention contraire.

La convention contraire est une lettre d’unité de compte

  • La preuve de la provision :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER déroge au droit commun de la preuve, CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-4 met à la charge du tireur la preuve de l’existence de la provision.

Ce n’est que si le tireur n’est pas dans la cause, que les principes de Code Civil 1315, le droit commun, s’appliquent (celui qui allègue le fait doit le prouver).

b)- transfert de propriété de la provision :

  • Moment où s’opère le transfert de propriété de la provision :

C’est la remise du chèque, c’est à dire le dessaisissement du tireur et la mise en possession du bénéficiaire qui transfert la propriété de la provision.

A cette date, la créance sort du patrimoine du tireur pour entrer dans celui du bénéficiaire.

Conséquences :

– A compter de l’émission, le tireur ne peut plus disposer de la provision.

Il doit laisser sur son compte la somme nécessaire au paiement du chèque.

– le décès ou l’incapacité du tireur, ou l’ouverture d’une procédure collective à son encontre, lorsqu’ils surviennent postérieurement à l’émission du chèque n’ont aucune incidence sur les droits du bénéficiaire.

– A compter de l’émission du chèque, les créanciers du tireur ne devraient plus pouvoir saisir la créance de provision qui est sortie du patrimoine du tireur.

Cette solution classique a été remise en cause par la loi du 9/07/1991 portant réforme des procédures d’exécution.

Au terme de l’art 47 l’assiette de la saisie est le solde du compte du débiteur au jour de la saisie, mais pendant les quinze jours suivant l’acte de saisie, le solde va pouvoir être affecté à l’avantage ou au préjudice du créancier par diverses opérations, lorsqu’il est prouvé que la date de ces opérations est antérieure à la saisie.

L’article 47 précise que va diminuer le solde débiteur l’imputation des chèques remis à l’encaissement, antérieurement à la saisie.

On soustrait du solde débiteur le montant des chèques émis par le débiteur et remis à l’encaissement par leur bénéficiaire, avant la saisie.

La solution n’est pas logique juridiquement, le législateur exige que les chèques soient remis à l’encaissement avant la saisie.

Il résulte donc de ce texte, que le bénéficiaire du chèque n’est à l’abri des créanciers du tireur qu’à partir du moment où il a remis son chèque à l’encaissement, et non dès le moment de la remise du chèque, cette solution est incompréhensible au regard du droit du chèque (droit cambiaire).

  • Transfert de propriété de la provision lorsque celle-ci est insuffisante ?

– lorsque la provision n’est pas suffisante pour honorer le chèque émis :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-7 : le tiré peut imposer un paiement partiel et le porteur peut exiger un paiement partiel.

– lorsque la provision n’est pas suffisante pour honorer une série de chèques présentés au paiement le même jour :

Le banquier doit regarder les dates d’émission des chèques et les payer dans leur ordre chronologique d’émission (le plus ancien d’abord).

Si les chèques ont été émis le même jour, le banquier doit les payer par référence à leur numéro.

  • Aménagement conventionnel du transfert de propriété de la provision par les parties :

Les parties peuvent-elles aménager le transfert de propriété de la provision, le tireur peut-il subordonné à une condition le transfert de propriété de la provision ?

– La Cour de cassation admettait la validité des clauses subordonnant à une condition, le transfert de propriété de la provision.

La clause n’était pas opposable aux tiers, mais elle était valable entre les parties. Elle pouvait fonder une action en responsabilité du tireur à l’encontre du bénéficiaire, lorsque ce dernier portait son chèque à l’encaissement en l’absence de réalisation de la condition.

Hypothèse du chèque de garantie.

– Com ; 24/10/2000 : parait marqué une célérité accrue de la Com, au terme duquel la clause serait non seulement inopposable, elle sera nulle en ce qu’elle constituerait un moyen de tourner l’interdiction de stipuler une date d’échéance, sur le chèque. Elle dénaturerait le chèque.

2°)- Naissance de l’obligation cambiaire du tireur

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-13 : le tireur est garant du paiement, toute clause par laquelle le tireur s’exonère de cette garantie est réputée non écrite.

Cette garantie est une nouvelle obligation à la charge du tireur, d’un type particulier, appelée obligation cambiaire.

a)- caractères de l’obligation cambiaire :

Obligation littérale :

Sa nature et son étendue ne sont déterminées que par les mentions figurant sur le chèque, afin de sécuriser le paiement.

Obligation rigoureuse :

Cela se manifeste par trois traits spécifiques :

– elle ne peut être conditionnelle.

– elle est solidaire (CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-51) toutes les personnes obligées en vertu d’un chèque sont tenues solidairement envers le porteur.

Ex : si chèque impayé, la banque du bénéficiaire peut se retourner contre le bénéficiaire et le tireur.

– aucun délai de grâce n’est consenti et les intérêts de retard courent à compter du jour légal de présentation et non à compter d’une mise en demeure.

Obligation autonome :

Sa validité est indépendante de la validité des autres obligations cambiaires, figurant sur le titre : principe de l’indépendance des signatures.

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-11 : si le chèque porte des signatures de personnes incapables de s’obliger par chèque, des signatures faussent ou de personnes imaginaires, (…) les obligations des autres signataires n’en sont pas moins valables.

Obligation abstraite :

Elle est abstraite de l’obligation fondamentale qui en constitue sa cause.

Si l’obligation fondamentale est nulle ou si elle disparaît à la suite de la résiliation du contrat, le débiteur cambiaire demeure engagé à l’égard du porteur de bonne foi : principe de l’inopposabilité des exceptions.

Ce principe est posé à CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-25 : les personnes actionnées en vertu du chèque ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec le porteur antérieur à moins que le porteur en acquérant le chèque n’ait agit sciemment au détriment du débiteur.

Ce principe connaît certaines limites :

– tenant à la nature des exceptions :

D’une interprétation a contrario de L131-25, demeurent opposables les exceptions qui ne sont pas tirées des rapports personnels, c’est à dire, celles qui ne sont pas fondées sur le contrat de base, mais qui consistent dans les vices apparents du chèque.

Ex : absence d’une mention obligatoire sur le chèque.

De la même manière demeurent opposables les exceptions non tirées des rapports personnels avec le tireur ou les précédents endosseurs, c’est à dire les exceptions tirées des rapports personnels, avec le porteur lui-même, qui agit en paiement.

Sont opposables également, par exception, l’incapacité et l’absence de consentement du débiteur cambiaire. Ici, la protection du débiteur l’emporte sur la sécurité des moyens de paiement.

Mais en raison du principe de l’indépendance des signatures, la banque pourra se retourner contre le bénéficiaire.

– tenant à la qualité du porteur :

Pour bénéficier du principe, deux conditions sont posées :

  • le porteur doit être un porteur légitime :

C’est celui qui apparaît d’après les mentions portées sur le titre, comme son véritable propriétaire.

  • Le porteur doit être de bonne foi :

Est de mauvaise foi, le porteur qui en acquérant le chèque a agit sciemment au détriment du débiteur.

NB : formule retenue par la convention de Genève de 1931.

Lors de l’élaboration de cette convention, deux conceptions de la mauvaise foi :

– porteur qui avait connaissance d’une exception qui pourrait lui être opposée au jour de l’acquisition du chèque.

Ex : banque savait que le rapport fondamental était vicié.

– la mauvaise supposait l’intention de nuire du porteur.

La formule retenue était une formule de compromis, explicitée par la Cour de cassation dans cinq arrêts du 26/06/1956, rendus pour la lettre de change, mais solution s’applique en matière de chèque.

Le législateur a entendu réserver le cas où le porteur a eu conscience en consentant à l’endossement de causer un dommage au débiteur cambiaire, par l’impossibilité où il le mettait, de se prévaloir v-à-v du tireur, d’un moyen de défense, issu de ses relations avec ce dernier.

→ Est de mauvaise foi, en matière de chèque, celui qui a acquis le chèque en connaissant le vice qui affectait l’obligation fondamentale.

b)- Obligation cambiaire et obligation fondamentale :

– L’obligation née du rapport fondamental, survie-t-elle à la naissance de l’obligation cambiaire ou est-elle remplacée par l’obligation cambiaire ?

Enjeu pratique : lorsque le bénéficiaire va agir en paiement contre le tireur a-t-il deux actions ou une seule, l’obligation cambiaire ?

∙ Thèse de la disparition :

Pour certains auteurs, l’obligation fondamentale disparaît.

L’obligation fondamentale se noverait en une obligation de type cambiaire, au moment de l’émission du chèque.

Cette thèse n’a pas emporté la conviction de la doctrine, dans la mesure où la novation ne se présume pas et qu’elle se présume d’autant moins, que l’obligation cambiaire n’est pas toujours plus intéressante pour le créancier que l’obligation fondamentale.

L’obligation fondamentale a une durée de prescription plus longue et peut être assortie de sûretés. On ne saurait donc présumer l’intention du créancier, de nover sa créance en une créance cambiaire.

∙ Thèse du maintien du rapport fondamental :

CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER ; L131-67 : la remise d’un chèque en paiement n’entraîne pas novation, en conséquence la créance originaire avec toutes les garanties qui y sont attachées, subsiste jusqu’au paiement du chèque.

Problème lorsque le chèque n’est pas provisionné, et refuse le chèque, la banque peut agir sur le terrain cambiaire et sur celui du rapport fondamental, idem pour le bénéficiaire.

Le porteur peut-il exercé indifféremment l’action cambiaire ou l’action née du rapport fondamental (ou contrat de base)?

La jurisprudence considère que l’action cambiaire doit être exercée en premier, étant conforme à l’intention des parties. Si celle-ci n’aboutie pas, on agit sur le fondement de l’obligation fondamentale.

Relation entre obligation cambiaire et obligation fondamentale :

En principe, aucune : l’engagement cambiaire est un engagement abstrait et donc indépendant de l’obligation fondamentale qui lui sert de cause.

Ce principe se vérifie, lorsque le créancier cambiaire agit contre un débiteur cambiaire avec lequel il n’est pas lié par le contrat de base.

Ex : lorsque le porteur (banque du bénéficiaire) agit contre le tireur.

Ce principe est écarté, lorsque le créancier cambiaire agit contre un débiteur cambiaire avec lequel il est lié par le contrat de base.

Ex : action du bénéficiaire du chèque à l’encontre du tireur, puisque le bénéficiaire sait qu’il y avait un vice, il est de mauvaise foi.