La responsabilité du transporteur en cas d’avarie ou retard

La réparation du dommage résultant de l’avarie ou du retard en matière de transport

Les textes imposent la réparation du préjudice résultant de l’avarie ou du retard, ce sont les textes du droit commun Code Civil Article1142 la non-exécution d’une obligation de faire se résout par dommages et intérêts. Code Civil Article1149 prévoit aussi une réparation intégrale pour la victime quelle que soit la nature du préjudice. Ces dispositions combinées conduisent à une réparation pécuniaire, il faut donc déterminer le préjudice réparable et fixer le montant de la réparation. En pratique, expéditeur et transporteur concluent aussi des accords en cas de préjudice subi par l’usager. Ces accords prévoient souvent une réparation systématique. Les clauses limitatives de responsabilité sont interdites mais ici la responsabilité n’est pas mise en cause, le transporteur ne limite pas sa responsabilité, il prévoit simplement la condamnation pécuniaire et cette réparation pécuniaire, il peut la limiter.

1) La détermination du préjudice réparable

  • A) Les éléments du préjudice réparable

On parle ici de trouble commercial, il s’agit du préjudice matériel et du préjudice moral. La notion de trouve commercial permet aussi d’englober la jurisprudence relative à Code Civil 1149 perte éprouvée et gain manqué, la jurisprudence a ajouté la perte d’une chance. Toutes ces notions sont réunies sous la notion de réparation du trouble commercial.

1) La perte éprouvée

La perte éprouvée est fonction de la nature du dommage occasionné à la marchandise. Si la perte est totale ou partielle, on va se référer à la valeur de la marchandise plus les frais exposés pour la remplacer. Cela est insuffisant car il faut parfois aussi rembourser la clientèle et il faut aussi payer les heures supplémentaires qui seront nécessaires pour réparer ou re fabriquer. En cas d’avarie, la perte éprouvée consistera surtout dans les frais de remise en état des choses transportées et également dans la perte de jouissance pendant la durée de la réparation.

Si la réparation est impossible, on aura la contrevaleur, si la réparation est partielle, la chose sera dépréciée (baisse du prix) et il y aura donc une compensation pécuniaire.

En cas de retard, la perte éprouvée résulte dans la privation de jouissance de la chose transportée et parfois dans la baisse de la valeur de la marchandise qui était destinée à la vente (ex: biens consommables).

2) Le gain manqué

Le gain manqué apparaît surtout lorsque la marchandise était transportée mais devait être revendue par l’acquéreur. Le gain manque est le bénéfice escompté. En pratique, on va se référer au cours normal de la marchandise et en l’absence de cours officiel, au chiffre d’affaires.

3) La perte d’une change

Il s’agit d’une création jurisprudentielle qui vise les cas pour lesquels le préjudice ne peut être établi de manière certaine. Cette notion a été introduite par Cour de cassation Crim 3 avril 1979 en matière de transport, confirmé 15 juin 1982. Il s’agissait dans ces deux affaires d’un accident de la circulation qui s’est produit alors que la marchandise était destinée à une foire exposition, dans les deux cas, plus rien ne pouvait être exposé du fait de la détérioration de la marchandise, les juges ont estimé que le montant de l’indemnité devait correspondre au pourcentage de change estimé perdues eu égard aux expositions précédentes (en plus du préjudice matériel).

Si l’accident a lieu lors de la première participation à une foire exposition, les juges du fond estiment que la perte de chance existe et ils se réfèrent au pourcentage normal et habituel (pourcentage moyen) des affaires effectuées dans ce type de manifestation.

  • B) Les caractères du préjudice réparable

Code civil Article1150 et 1151 le débiteur n’est tenu de réparer que les dommages qui ont été prévus ou que l’on a pu prévoir (i.e. prévus et prévisibles) lors de la conclusion du contrat et qui sont une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention. Ce sont les dommages directs et les dommages prévisibles.

Sont ainsi exclus, les dommages indirects mais les dommages imprévisibles peuvent parfois quand même être réparés. Selon la Cour de cassation, le préjudice est direct lorsqu’il découle normalement de l’avarie litigieuse, sans l’interposition d’une cause étrangère. On va également prendre en charge l’aggravation du dommage qui va résulter d’un enchaînement de circonstances sans qu’une faute puisse être reprochée au transporteur. Le Code Civil va limiter la réparation aux prévisions lors de la conclusion du contrat, la jurisprudence n’est pas du tout claire puisqu’elle dit que la prévision s’entend des éléments constitutifs et non de leur équivalent monétaire. En matière de transport, on ne sait pas à quelle valeur se référer, en pratique on va se référer aux éléments de fait dont le transporteur a pu avoir connaissance au moment de la conclusion: nature de la marchandise, destination, délais, valeur déclarée etc.

  • C) L’évaluation du dommage

Les dommages et intérêts doivent être évalués en argent et correspondre à l’équilibre commercial qui a été détruit du fait du dommage. Il s’agit de remettre en état pour la victime. Il faut prendre en compte le montant de la marchandise car l’acquéreur ne va pas payer le prix. Ce montant est-il le prix de vente ou revient ? La jurisprudence prend en compte le prix réel même si le vendeur avait accordé des ristournes à l’acheteur. Si la victime a réparé elle-même, cela n’affecte pas son droit à réparation et ne diminue donc pas l’indemnité. Finalement, l’auteur du dommage ne peut subordonner le versement de l’indemnité à la justification de la réparation et la valeur va être calculée au jour du prononcé de la décision de réparation.

  • D) La preuve du montant du dommage

Le demandeur en réparation doit prouver l’existence du préjudice et son montant Cour de cassation chambre Commerciale 21 déc. 1970 en matière de transport. La Cour de cassation estime aussi que le demandeur doit être débouté s’il ne prouve pas le montant du dommage éprouvé. La preuve du dommage peut être faite par tout moyen (usages, tarifs, catalogues etc.). La seule facture du fournisseur, si elle est un élément important, n’est pas un élément exclusif et décisif.

Exception à l’obligation de preuve: l’existence d’une clause pénale (évaluation conventionnelle et forfaitaire des dommages et intérêts). Dans cette hypothèse, lorsque la responsabilité du transporteur est engagée, l’usager a droit automatiquement i.e. sans prouver le dommage, à la pénalité prévue dans le contrat. Mais l’usager ne pourra demander plus si le coût du dommage est supérieur au montant prévu par la clause alors que dans l’hypothèse inverse, la clause pénale peut toujours être minorée par le juge qui la trouverait excessive.

2) La détermination du montant de l’indemnité

Normalement, il s’agit de la remise en état i.e. réparation intégrale. La profession de transporteur est encadrée en raison de l’importance publique de cette activité économique, une réparation intégrale systématique mettrait en danger la profession. Le législateur a prévu des atténuations, il a renversé le principe: en matière de transport le principe est la réparation limitée et l’exception la réparation intégrale.

Le législateur parle de responsabilité limitée mais cette responsabilité peut être étendue (mais pas intégrale).

  • A) La réparation limitée

La réparation limitée résulte surtout de l’autorisation de clauses limitatives de responsabilité qui ont été introduites en droit français par la loi Rabier de 1905. Ces clauses reposent sur des conditions juridiques et économiques.

Juridiquement, l’objet de la clause ne doit pas porter atteinte à l’essence du contrat (Cass Chronopost puisque l’activité de l’entreprise est basée sur la célérité, une clause limitative pour les retards est interdite), juridiquement, la clause doit avoir été connue et acceptée par l’expéditeur au moment de la conclusion, il doit en avoir eu connaissance.

Economiquement, les conditions de la clause concernent l’indemnité, il ne faut pas que l’indemnité soit dérisoire ni par rapport au contrat ni par rapport au dommage. La loi de 1905 ne concerne pas les retards, la clause limitative calquée sur la loi Rabier ne peut concerner que les dommages et avaries.

C’est celui qui invoque la clause limitative qui doit la prouver. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. La meilleure preuve est lorsque la clause est signée (l’expéditeur en avait connaissance) mais les tribunaux admettent aussi en l’absence de signature que la personne produise une assurance spécifique prise par l’expéditeur pour pallier les effets de la clause.

Fonctionnement: la clause fixe un plafond mais le plafond n’est pas un forfait, il faut donc établir le montant du dommage, de la réparation. Si ce montant est supérieur au plafond, le plafond sera versé, si elle est inférieure, ne sera versée que la somme correspondant au dommage.

La clause étant insérée dans l’intérêt du transporteur, celui-ci peut donc toujours y renoncer, même tacitement. Ainsi, si le transporteur propose une indemnité supérieure au montant de la clause, c’est qu’il renonce à cette clause.

Exception: en cas de faute loure du transporteur, il ne peut bénéficier de la clause, on revient donc au principe de réparation intégrale.

  • B) La réparation limitée étendue

Tout en étant limitée, la réparation peut être étendue. En effet, en matière de transport, on peut se prémunir en matière de réparation en faisant une déclaration de valeur ou d’intérêt spécial à la livraison. La déclaration de valeur concerne les pertes et avaries, elle ne modifie pas les conditions de mise en jeu de la responsabilité, son seul but est de faire coller le montant de l’indemnité à la déclaration de valeur. Les compagnies d’assurance ne couvrent pas le retard en l’absence de déclaration d’intérêt spéciale.

  • C) La réparation intégrale

Il s’agit de l’exception en droit des transports, elle n’interviendra qu’en cas de dol ou de faute lourde du transporteur ou de son préposé, il s’agit de la pénalité qui va frapper le débiteur qui intentionnellement et délibérément ne va pas s’exécuter. Ainsi, la réparation sera intégrale en cas de vol, d’abus de confiance ou de toute négligence d’une extrême gravité. Il s’agit d’une appréciation des juges, l’erreur commise par un profane peut être une faute lourde pour un professionnel.