La réserve héréditaire

La limite au pouvoir de la volonté : la réserve héréditaire

A quoi a t’on dans une succession ? Cela dépend de la situation familiale du défunt et de l’existence ou non d’un testament. On distingue :

  • en l’absence de testament (succession ab intestat) s’appliquent les règles de dévolution légale prévues par le code civil. Ces règles détermineront qui sont les héritiers, et quels sont leurs droits sur le patrimoine successoral
  • si le défunt a prévu un testament, il pourra s’appliquer dans la mesure de ce qui est permis par la loi ». Le patrimoine successoral de chacun est ainsi composé d’une quotité disponible, partie que l’on peut librement donner, et d’une réserve héréditaire, un minimum légal qui revient à certains héritiers.

I. Qu’est ce que la réserve héréditaire

En France, il est interdit de déshériter ses enfants. La réserve héréditaire est la limite à ne pas dépasser. La réserve héréditaire désigne une part dont le propriétaire d’un patrimoine ne peut librement disposer. Il s’agit d’une portion de succession réservée à certains héritiers. Elle dépend du nombre d’enfants du défunt.

  • Si le défunt n’avait qu’un enfant : la réserve héréditaire correspond à la moitié du patrimoine successoral.
  • Si le défunt a 2 enfants : la réserve héréditaire est d’un tiers par enfant. Il reste donc un tiers de quotité disponible que le défunt peut choisir de léguer à qui il souhaite (à un tiers, une association, ou même à l’un de ses enfants qu’il souhaite avantager, par exemple).
  • Si le défunt a 3 enfants ou plus : les enfants se partagent à parts égales une réserve héréditaire globale de trois quarts du patrimoine. Il reste donc un quart de quotité disponible dont le testateur peut disposer librement.

Lien vers un cours sur : La détermination de la réserve héréditaire

Image associée

C’est l’article 721 du Code civil qui prévoit que la dévolution des successions se fait par la loi lorsque le défunt n’a pas disposé de ses biens par des libéralités donc reconnaît certes le pouvoir de la volonté dans la dévolution des biens de la succession mais il a assorti immédiatement ce pouvoir d’une limite lorsqu’il déclare dans son alinéa 2 « elles peuvent être dévolues par les libéralités du défunt dans la mesure compatible avec la réserve héréditaire ».

Par conséquent, même si elle est capable de disposer à titre gratuit, une personne peut voire sa liberté de faire des donations ou des legs réduite en raison de la réserve dont bénéficient certains successibles. Les libéralités ne sont pas indépendantes des règles légales de dévolution, elles doivent se combiner avec la limite posée par la notion de réserve héréditaire. La liberté de faire des libéralités est encadrée et plafonnée dès lors que le disposant laisse à sa succession certains héritiers proches. La réserve héréditaire est une manifestation de l’ordre public successoral qui vise à protéger certaines catégories d’héritiers et les règles relatives à la réserve sont donc d’ordre public.

La réserve relève de manière directe du droit des libéralités dans la mesure où elle restreint le droit de gratifier mais c’est après l’ouverture de la succession qu’il faudra rechercher si la réserve a été entamée et s’il faut le cas échéant réduire les libéralités excédentaires.

Seule sera étudiée la question des héritiers réservataires, ici.

L’objet de la réserve étant de protéger certains héritiers en restreignant la faculté de disposer de ses biens à titre gratuit, la question qui se pose est celle de savoir quels sont ces héritiers protégés par la réserve?

L’étude des règles légales de la dévolution a permis de constater que ces règles donnaient une place privilégiée aux descendants et au conjoint successible. Et effectivement, cette place privilégiée qui leurs est donnée par les règles légales va se voire renforcée par le mécanisme de la réserve héréditaire, mécanisme spécifique des civilisations, des sociétés qui continuent à donner une place importante à la famille.

La protection issue de la réserve va garantir à ces catégories privilégiées d’héritiers la dévolution d’une part incompressible de la succession, cette part correspondant à la réserve et l’autre fraction des biens de la succession constituant quant à elle la quotité disponible qui sera seule laissée à la libre disposition du défunt.

La définition de la réserve figure à l’article 912 du Code civil qui prévoit que « la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent.

La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ».

Réserve + Quotité disponible = masse successorale

II. Les héritiers réservataires

La détermination des héritiers réservataires est étroitement conditionnée par les fondements de la réserve.

Historiquement, la réserve avait un double fondement :

d’une part, elle consacrait un devoir de famille et devait permettre de protéger la famille contre les libéralités excessives faites à des tiers

d’autre part, la réserve avait aussi pour objectif d’assurer l’égalité successorale dans la répartition des biens au sein même de la famille et protégeait ainsi les héritiers dit réservataires contre les libéralités qui auraient pu être consentit à l’un d’entre eux et qui aurait eu pour conséquence de l’avantager par rapport aux autres. En ce sens, la réserve était conçue alors comme un instrument égalitaire de répartition des biens.

La qualité de réservataire est donc étroitement liée à la notion de famille, ce qui explique que celle-ci a connu une évolution identique à celle de la notion de famille. On constate ainsi que compte tenu de l’évolution sociologique des familles, certains successibles ont perdu leur droit à la réserve (= les ascendants) alors que d’autres membres de la famille ont accédé à la qualité de réservataire et c’est l’hypothèse du conjoint.

Sont donc, aujourd’hui, réservataires deux catégories d’héritiers : les descendants d’une part et le conjoint survivant en l’absence de descendants d’autre part.

Sont donc, désormais, exclu de cette catégorie les ascendants qui ont été privés de leur réserve héréditaire par la loi du 23 juin 2006. Cette exclusion s’explique par le rétrécissement, aujourd’hui, de la famille autours des descendants et du conjoint. Comme le relève M. SAUVAGE « la réserve se ressert autours du noyau familial, elle est accordée à ceux à qui le de cujus a donné la vie et à celui auprès duquel il a passé une partie de sa vie ».

A. Les descendants réservataires

La réserve des descendants est précisée par les articles 913 et 913-1 du Code civil : « Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers, s’il laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois ou un plus grand nombre.

L’enfant qui renonce à la succession n’est compris dans le nombre d’enfants laissés par le défunt que s’il est représenté ou s’il est tenu au rapport d’une libéralité en application des dispositions de l’article 845 » et « Sont compris dans l’article 913, sous le nom d’enfants, les descendants en quelque degré que ce soit, encore qu’ils ne doivent être comptés que pour l’enfant dont ils tiennent la place dans la succession du disposant ».

Ces 2 textes permettent de dégager la notion de descendants réservataires. Tous les descendants sont réservataires. Concrètement, tous les parents en ligne directe descendante sont réservataires quelque soit leur degré de parenté avec le défunt et la réserve profite donc aussi bien aux enfants, aux petits-enfants ou aux arrières-petits enfants. La seule condition concernant les descendants autres que les enfants (= c’est-à-dire au 1er degré) est qu’ils doivent être en rang utile à la succession au regard des règles de classement selon le degré de parenté puisque c’est toujours le plus proche en degré qui succède par préférence aux parents les plus éloignés.

Compte tenu du principe d’égalité des filiations, tous les descendants sont réservataires qu’ils soient issus de parents mariés ou non. Peu importe leur degré de parenté du moment qu’ils sont en rang utile.

Peu importe également qu’il s’agisse d’une filiation biologique ou adoptive. L’enfant adopté est réservataire à la fois dans la succession de ses père et mère biologiques et dans la succession de ses parents adoptifs qu’il s’agisse d’une AP ou d’une AS. La seule réserve à apporter ici, concerne le principe selon lequel on est réservataire quelque soit le degré de parenté en ligne descendante. En effet, dans le cas particulier de l’adopté simple, celui-ci n’est pas réservataire dans la succession des ascendants de l’adoptant y compris lorsque l’adopté simple vient par représentation de l’adoptant à la succession. Cette restriction s’explique par le fait que l’on a pas voulu imposer aux père et mère de l’adoptant un héritier qui disposerait d’une réserve dans leur succession et limiterait par conséquent leur liberté testamentaire.

Pour que le descendant soit réservataire, il doit accepter la succession pour que sa qualité de réservataire puisse jouer. Selon l’article 913 du Code civil, « l’enfant doit accepter la succession ». Donc l’héritier renonçant ne pourra pas réclamer sa réserve puisqu’il sera réputé avoir aucun droit dans la succession. Cette règle ne concerne que le renonçant lui-même. Mais, sa part de réserve sera prise en compte lorsqu’il sera représenté.

B. Le conjoint réservataire

Le conjoint survivant s’est vu reconnaître la qualité d’héritier réservataire lors de la réforme de 2001, cette qualité ne jouant que lorsque le défunt ne laisse pas de descendants. En terme simples, le conjoint survivant ne peut être réservataire que s’il n’y pas d’autres héritiers réservataires. Ce principe découle de l’article 914-1 relatif à la réserve du conjoint, texte qui prévoit que les libéralités par actes entre vifs ou par testament ne pourront excéder les ¾ des biens si à défaut de descendants le défunt laisse un conjoint survivant non divorcé. A la condition d’absence de descendants s’ajoute la condition que le conjoint soit non divorcé. Le fait qu’il soit séparé de corps ou de fait n’a aucune incidence sur la qualité de réservataire et idem si une procédure de divorce est engagée à ce moment.

La reconnaissance de qualité de réservataire à l’égard du conjoint survivant a suscité beaucoup de critiques. On a estimé que le maintien de cette qualité de réservataire pouvait conduire à multiplier les cas de divorce.

III. La détermination de la réserve héréditaire

La détermination de la réserve héréditaire