La responsabilité du fait des choses inertes

LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES

En 1804, pour les codificateurs, il n’existait que deux types de choses susceptibles de causer un dommage : les animaux (art. 1385) et les immeubles tombant en ruine (art. 1386). Le Code Civil ne consacrait donc que deux textes à la responsabilité du fait des choses. En dehors de ces deux cas, quand un dommage était causé par l’intermédiaire d’une chose, la victime devait prouver la faute de celui qui utilisait cette chose au moment de la réalisation du dommage. Autrement dit, la réparation ne pouvait donc être obtenue que sur le fondement de la responsabilité du fait personnel, c’est-à-dire pour faute. A la fin du XIXème siècle, ces règles sont apparues insuffisantes sous la pression de plusieurs facteurs comme le développement du machinisme et des progrès techniques. Ces facteurs vont engendrer une multiplication des dommages sous forme d’accident du travail, de la circulation… Bien souvent, l’indemnisation de la victime va se trouver entravée par son impossibilité de prouver une faute. Par exemple, les ouvriers qui se sont retrouvés victimes d’outils défectueux étaient souvent dans l’impossibilité d’établir la faute de leur employeur. Ces deux phénomènes conjugués vont conduire la doctrine et la jurisprudence à rechercher une règle nouvelle qui permette la réparation de ces dommages. Cette règle nouvelle a été « découverte » dans l’art. 1384 al. 1, par son interprétation. Ce texte dispose qu’« on est responsable, non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait (fait personnel = faute), mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre (fait d’autrui) ou des choses que l’on a sous sa garde (fait des choses) ». Dans l’esprit des codificateurs, ce texte était dépourvu de toute portée juridique. Il ne s’agissait que d’un alinéa de transition qui à la fois, résumait les deux articles précédents, et annonçait les alinéas et articles suivants. Ainsi, concernant les choses que l’on a sous sa garde, l’art. 1384 al. 1 annonçait les articles 1385 et 1386. Cet alinéa de transition visait donc exclusivement les animaux et les bâtiments en ruine. La jurisprudence s’est affranchie de l’intention des codificateurs. Elle va se saisir de ce texte et va créer une nouvelle norme sur la base de ce texte, un principe général de responsabilité du fait des choses. Désormais, on est responsable du fait des choses, toutes les choses, que l’on a sous sa garde. C’est une très forte illustration du pouvoir créateur de la jurisprudence.

  • 1: L’affirmation du principe général de responsabilité du fait des choses
  • L’apparition du principe de responsabilité du fait des choses

La première étape de son apparition remonte à un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 16 juin 1896 dans l’affaire dite du remorqueur. C’est la première fois que le principe de responsabilité du fait des choses est affirmé par la jurisprudence. Dans cette espèce, la chaudière d’un remorqueur avait explosé et avait tué l’ouvrier qui travaillait dessus. La Cour de Cassation a reconnu la responsabilité du propriétaire du bateau, et donc de la chaudière, sur le fondement de l’art. 1384 al.1. Elle en déduit que celui-ci doit réparer le dommage causé par la chose dont il est propriétaire. Cet arrêt s’inscrit dans le mouvement doctrinal de l’époque puisque c’est une illustration de la théorie du risque prônée par Saleilles et Josserand. Seulement, la portée de cet arrêt a rapidement été limitée par la loi du 9 avril 1898 concernant les accidents du travail puisque ce texte soumet ces accidents à une responsabilité automatique et forfaitaire de l’employeur.

La deuxième étape va de l’arrêt de 1896 à 1930. Pendant cette période, l’application de l’art. 1384 al. 1 est plutôt timide, mais la jurisprudence a tout de même évoluée à son sujet. A l’origine, la Cour de Cassation décidait que cette responsabilité nouvelle était fondée sur une présomption de faute. Par conséquent, on pouvait s’en exonérer par la simple preuve de l’absence de faute parce que cette présomption était une présomption simple. Puis, elle a décidé que la présomption ne pouvait pas être renversée par la preuve de l’absence de faute mais seulement par la preuve d’un cas de force majeure. Elle va progressivement transformer le régime, on est alors passé d’une présomption de faute à une présomption de responsabilité.

  • La consécration du principe

Ici, c’est le développement de la circulation automobile et la difficulté d’indemniser les victimes d’accident qui va fournir l’occasion de cette consécration. Dans l’arrêt Jand’heur, un enfant a été écrasé par un camion sans que la faute du conducteur ne soit démontrée. La mère demandait réparation du préjudice subi. L’arrêt a été rendu par les Chambre réunies le 13 février 1930. Cet arrêt est capital dans la construction de la responsabilité du fait des choses car expose toutes les règles essentielles qui gouvernent la responsabilité du fait des choses et cela à trois égards : quant au fondement de la responsabilité, quant à son domaine et quant à son régime.

  • Quant au fondement de la responsabilité

Ce principe général de responsabilité autonome tiré de l’art. 1384 al. 1 repose sur une présomption de responsabilité. Certains auteurs ont estimé que cette expression était équivoque mais avec le recul, cette formulation permettait de détacher la responsabilité du fait des choses de l’idée de faute. Par conséquent, cette formulation fait de la responsabilité du fait des choses une responsabilité autonome par rapport à la responsabilité du fait personnel. Par la suite, la jurisprudence a abandonné cette expression au profit de celle de « responsabilité de plein droit ». Ces changements terminologiques traduisent une évolution vers une responsabilité de plus en plus objective et donc une responsabilité dont on peut de moins en moins s’exonérer.

  • Quant au domaine de la responsabilité

Il résulte de la motivation de l’arrêt que cette responsabilité a vocation à s’appliquer à toute sorte de choses, peu importe que la chose ait été ou non actionnée par la main de l’homme, peu importe encore qu’elle comporte ou non un vice propre susceptible de causer le dommage. L’arrêt ne fait pas allusion au fait que la chose ait ou non un caractère dangereux. L’existence d’une chose ayant causé un dommage est une condition qui se suffit à elle-même. L’arrêt le confirme en rattachant la responsabilité à la garde de la chose et non pas à la chose elle-même.

  • Quant au régime de la responsabilité

Cet arrêt nous apporte 2 enseignements importants:

  • La victime bénéficie d’une présomption. À savoir que dès lors qu’une chose est intervenue matériellement dans la réalisation du dommage, la victime n’a pas à apporter la preuve que juridiquement cette chose est à l’origine du dommage. Elle n’a pas non plus à prouver que son gardien a commis une faute.
  • Le gardien de la chose qui a causé le dommage ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité par la preuve de son absence de faute. Il n’y a que la preuve d’un cas de force majeur ou d’une cause étrangère peut l’exonérer.

  • 2 – Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du fait des choses

Selon l’article 1384 alinéa 1 tel qu’interprété par la jurisprudence, on doit donc répondre du fait des choses que l’on a sous sa garde.

A – Les conditions relatives à la chose

1 – La chose

a) le principe

En principe toutes les choses entre dans le domaine de l’article 1384 alinéa 1 quelque soient leur nature ou leurs caractéristiques. Toutes choses:

  • qu’elles soient meuble ou immeuble sauf si elle est soumise à un régime spécifique de responsabilité
  • Qu’elles soient ou non affectée d’un vice interne, les caractéristiques de la chose sont indifférentes: Cassation chambre civile, 16 novembre 1920, confirmée par l’arrêt Jand’heur.
  • Qu’elles soient dangereuse ou non, la Cour de cassation a refusé de n’appliquer la responsabilité du fait des choses qu’aux seules choses dangereuses.

Certains auteurs ont dit que c’était le risque à l’état pur qui été mis en œuvre dans la responsabilité du fait des choses puisque toute référence moral est exclue. Aucune chose ne résiste au principe général du fait des choses contenu dans l’article 1384 alinéa 1.

b) les exceptions

Certaines choses sont exclues de la responsabilité du fait des choses:

  • les choses soumises à un statut spécial, comme les véhicules terrestres à moteur soumis à la loi du 5 juillet 1985
  • les choses sans maitre, l’article 1384 alinéa 1 ne s’applique pas aux res nullius (= choses qui n’ont jamais eu de propriétaire) par exemple, la neige et la pluie ne sont pas des choses au sens de 1384 sauf si une personne vient à se les approprier et commet un dommage avec. L’article 1384 ne s’applique pas non plus au res delictae (= choses qui n’a plus de propriétaire)
  • le corps humain? En principe le corps humain n’est pas assimilé à une chose. La conséquence de ce principe est que le dommage, provenant directement du corps humain sans médiation d’un objet, relève de la responsabilité pour faute. Pourtant, la Jurisprudence admet l’application de 1384 lorsque le corps de la personne formait un tout avec une chose en lui empruntant ses effets dommageables. Exemples: collision entre deux skieurs ou deux cyclistes. Dans ces hypothèses, le dommage est le résultat de l’impulsion que la chose à conférer au corps, le corps emprunte ainsi sa nature à la chose. La Jurisprudence va plus loin en admettant l’application de 1384 alinéa 1 au corps relié à une chose inerte. Par exemple une personne poussant un vélo ou une personne tenant la poignée de sa voiture. Le corps humain est alors le prolongement de la chose, la solution a été critiquée par la doctrine parce le principe du respect de la personne humaine est heurté par l’assimilation du corps humain à une chose

La chose est entendue de manière très extensive par la Jurisprudence ce qui sert l’indemnisation des victimes et ce qui va dans le sens de la responsabilité civile.

2 – Le fait de la chose

En vertu de 1384 alinéa 1 la réparation du dommage subit par la victime suppose que celui-ci provienne du fait d’une chose. Plusieurs sens du fait de la chose ont été écartés par la Jurisprudence qui n’en a retenu qu’un seul: il y a fait de la chose lorsque la chose est la cause du dommage. Exiger le fait de la chose revient à exiger un lien de causalité entre la chose et le dommage.

a) les significations écartées par la jurisprudence

  • le fait de la chose n’est pas nécessairement un fait autonome (exclusif) de la chose (arrêt Jand’heur) « la loi ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée ou non par la main de l’homme. La responsabilité du fait des choses s’applique également aux cas ou le dommage est dû à un fait propre de la chose. Par exemple: une bouteille de gaz qui explose, … La responsabilité du fait des choses s’applique également lorsque le dommage est activé par la main de l’homme.
  • le fait de la chose n’est pas nécessairement celui d’une chose en mouvement: Cours de Cassation, 24 février 1941. La Cour de cassation y précise que 1384 alinéa 1 ne distingue pas selon que la chose est inerte ou en mouvement
  • le fait de la chose ne suppose pas nécessairement un contact: Cour de cassation, 2 février 1940 « l’absence de contact entre la chose et le dommage n’est pas forcément exclusive du lien de causalité ».

Conclusion a):

Le mouvement de la chose ou le contact avec le lieu du dommage ne constituent pas des critères d’application du principe général d’application du fait des choses. Ceux sont cependant des circonstances susceptibles d’exercer une influence sur le régime de responsabilité.

b) la signification retenue

Il y a fait de la chose lorsque la chose est la cause du dommage. Autrement dit il faut et il suffit que la chose est causée le dommage. En conséquence la victime va devoir démontrer d’une part la participation matérielle de la chose et d’autre part, son rôle causal dans la survenance du dommage.

1/ la preuve d’une intervention matérielle de la chose

La Jurisprudence se contente d’une participation matérielle quelconque de la chose qu’il y ait eu ou non contact entre la chose et la victime. La preuve de cette participation matérielle peut être faite par tous moyens y compris par des présomptions graves, précises, et concordantes. En cas de contact, la preuve sera relativement facile pour la victime. En l’absence de contact la preuve sera plus difficile, la victime va devoir prouver que la chose était dans une situation anormale, ou qu’elle a eu un comportement anormale. Cette preuve n’est pas toujours facile a apporté, les tribunaux facilitent parfois la tâche de la victime en se contentant d’une preuve négative.

2/ la preuve d’une intervention causale de la chose

La chose doit avoir été génératrice du dommage, elle doit avoir joué un rôle causal dans la production du dommage.

◊ La distinction traditionnelle

  • dans le cas d’une chose inerte, la charge de la preuve du rôle causal joué par la chose est supporté par la victime. Quant à l’objet de la preuve la Jurisprudence considère que ce rôle causal résulte d’une anormalité: position anormale de la chose / structure anormale de la chose. C’est cette anormalité que la victime doit prouver.
  • dans le cas d’une chose en mouvement, la victime ne supporte pas la charge de la preuve parce que la Jurisprudence opère un renversement de la charge de la preuve par la présomption. Il suffit donc que la victime est apportée la participation matérielle de la chose pour que le rôle causal de la chose soit présumé.

◊ Le flottement momentané:

Le heurt d’une chose inerte suffit-il à engager la responsabilité du gardien de la chose ? La Jurisprudence répond que non, selon la chambre civile, la victime doit prouver en plus de la position anormale, le comportement anormal ou le défaut de la chose. La chambre civile a pourtant écarté plusieurs fois cette condition en se contentant de ce que la chose ai été l’instrument du dommage sans que la victime ai eu à établir sa position, son comportement anormal ou son défaut. Cette solution a été reprise: 2ème cour de cassation chambre civil 23 mars et 15 juin 2000 et 25 octobre 2001. Viney s’est prononcée pour le maintien de l’exigence d’anormalité car elle vient tempérer la sévérité du régime de responsabilité du fait des choses. Trois arrêts ont suivi cette critique en exigeant le caractère anormal initialement fixé par la responsabilité du fait des choses: 2ème civ., 24 février 2005.

◊ Les propositions de réforme de la Responsabilité Civile

Elles se rallient à l’exigence soit d’un vice de la chose, soit de l’anormalité de la chose, soit de sa position, soit de son état. La proposition Terré ajoute également l’exigence de l’anormalité du comportement. Pour elle, ces exigences sont dans tous les cas alors que, pour la proposition de réforme devant le Sénat, c’est seulement quand la chose est inerte et ou sans contact avec le lieu du dommage (article 1386-5 pour la proposition devant le Sénat / article 20 alinéa 2 pour la proposition Terré).

B – Les conditions relatives à la personne responsable

Le principe de responsabilité du fait des choses, dégagé par la Jurisprudence de 1384 alinéa 1, énonce que l’on est responsable du fait des choses que l’on a sous sa garde. Lorsque les conditions relatives à la chose sont remplies, la responsabilité va alors peser de plein droit sur le gardien. La question de droit qui se pose est de savoir qui est le gardien responsable de la chose ?

1 – La notion de garde

La garde est un pouvoir effectif et indépendant sur la chose

a) un pouvoir effectif sur la chose

Cette notion s’est dégagée progressivement en 3 temps:

1/ Dans un premier temps, on considérait que la garde était un pouvoir de droit sur la chose c’est à dire un pouvoir justifié par un titre juridique. Dans cette conception, il y avait un lien très étroit entre la garde et la propriété. Il en résultait que le propriétaire d’une chose n’en perdait pas la garde même en cas de dépossession involontaire par un voleur, voleur qui exerçait un pouvoir de fait sur la chose. La conséquence juridique pour le propriétaire était qu’il était responsable du dommage causé par la chose alors même qu’elle était dans les mains du voleur. C’est une solution dure pour le propriétaire mais directement inspirée de la théorie du risque avec l’idée que la propriété d’une chose engendre des risques pour les tiers et que la charge de ces risques doit peser sur celui qui tire profit de la propriété de la chose. La Jurisprudence a évolué et a atténué le caractère objectif de la notion de garde mais elle a conservé une règle de cette théorie: le propriétaire de la chose est présumé en être le gardien. S’il veut échapper à la responsabilité qui pèse sur lui, il doit démontrer qu’il n’avait pas la garde effective de la chose, on lui demande dont de renverser la présomption.

2/ La Jurisprudence a admis que la garde est un pouvoir de fait sur la chose. Elle l’a affirmée dans l’arrêt Franck rendu par les Chambres réunies le 2 décembre 1941. Dans cette affaire, le voleur d’une voiture avait causé un accident, la Cour de cassation a décidé que le propriétaire, dépossédé par les faits du vol, « se trouvait dans l’impossibilité d’exercer sur sa voiture une surveillance ». Et que, par conséquent, il n’en avait plus la garde puisqu’il avait été privé « de l’usage, de la direction et du contrôle de sa voiture ». C’est cet arrêt qui pose la définition de la notion de garde. La garde réside donc dans les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle exercés sur une chose au moment du dommage.

3/ On a précisé ce qu’il fallait entendre par pouvoir de fait sur la chose. Il s’agit d’un pouvoir physique, matériel exercé sur la chose, cela permet donc de considérer que le voleur est le gardien de la chose. Il doit s’agir d’un pouvoir effectivement exercé au moment de la survenance du dommage.

b) un pouvoir indépendant sur la chose

Pour être considéré comme le gardien d’une chose, la personne doit avoir exercé sur elle un pouvoir autonome. Cette exigence permet d’exclure la qualité de gardien dans certaines situations, par exemple, une personne qui prend une leçon de conduite ne dispose pas de la qualité de gardien car il est privé d’un pouvoir autonome sur la chose. Deux précisions apportées par la jurisprudence: une personne atteinte d’un trouble mental peut être gardien de la chose. En effet l’article 414-3, l’oblige à réparer les dommages causés sous l’empire d’un trouble mental or, ce texte ne distingue pas que le dommage soit causé par un fait personnel ou bien par la fait d’une chose qu’elle a sous sa garde. L’enfant en bas âge peut également être gardien et cela malgré son absence de discernement depuis les arrêts rendus en assemblée plénière le 9 mai 1984. La qualité d’incapable n’exclue pas la qualité de gardien et donc n’exclue pas la qualité du fait des choses.

2 – La détermination du gardien

Ce n’est pas une tâche simple pour les juges mais elle est facilitée par une présomption qui connait certains infléchissements.

a) la présomption de garde pesant sur la propriétaire

Le propriétaire est présumé gardien de sa chose, par conséquent, quand on ne sait pas de façon précise qui utilisait la chose dommageable, on présume qu’elle est demeurée sous la garde de son propriétaire. Cette présomption repose sur le « plerumque fit » c’est à dire sur la loi du plus grand nombre. En effet, la plupart du temps, le gardien d’une chose est son propriétaire. Cette présomption est simple et elle peut donc être renversée par tous les moyens de preuve. Le propriétaire doit simplement prouver que la garde a été transférée à quelqu’un d’autre. La Jurisprudence admet assez facilement le transfert de la garde à la charge des personnes qui se sont emparés même temporairement de l’usage d’une chose. Plus précisément lorsque la personne marque la volonté de s’approprier la chose, le transfert de la garde est effectif.

1/ le transfert involontaire de la garde: la garde est transférée au voleur par l’effet du vol, le propriétaire cesse d’être gardien et n’en est donc plus responsable.

2/ le transfert volontaire de la garde par un contrat, par l’accord des volontés, donnant droit à la détention de la chose comme un contrat de bail, de prêt, de transport. Le locataire, l’emprunteur, le transporteur deviennent gardien de la chose remise par le propriétaire à condition qu’ils aient un pouvoir réel et autonome sur la chose. Le transfert de la garde de la responsabilité va alors s’opérer.

Conclusion de la notion de gardien dans les propositions de réforme de la RC

La proposition de loi déposée devant le Sénat contient un article 1386-6 qui définit le gardien et qui pose une présomption « le gardien est celui qui a la maitrise de la chose (…) lors de la survenance du fait dommageable. Le propriétaire est présumé gardien ».

La proposition de Terré, dans son article 20 alinéa 3, définit la notion de gardien et pose une présomption « est gardien celui qui avait ou aurait dû avoir l’usage et la maitrise de la chose au moment du fait dommageable. Le propriétaire est présumé gardien ».

Ces deux propositions ont la même présomption de garde du propriétaire, elle est exprimée de manière identique au plan formel. C’est l’expression d’une solution jurisprudentielle classique. Ces deux textes abandonnent la trilogie de l’arrêt Franck (usage, direction et contrôle) au profit de la notion de maitrise qui vient remplacer le contrôle et la direction.

Dans la proposition Terré il y a davantage d’éléments: l’usage s’ajoute à la maitrise, alors que l’autre proposition mentionne simplement la maitrise, ces deux conditions sont cumulatives. Le texte de proposition du groupe Terré va au-delà d’un pouvoir effectif de la chose en qualifiant également de gardien celui qui aurait dû en avoir l’usage et la maitrise. Ce texte réintroduit une certaine dose de subjectivité dans ce cas de responsabilité objective.