La situation de l’entreprise pendant la période d’observation

La situation de l’entreprise

Durant la période d’observation, la société continue en principe son activité. Cependant le tribunal peut à tout moment prononcer la cessation partielle de l’activité ou convertir en redressement ou liquidation judiciaire la procédure de sauvegarde qui a été ouverte, ou encore convertir en liquidation judiciaire la procédure de redressement dans la société a fait l’objet.

En dépit de la poursuite d’exploitation, le chef d’entreprise subit quelques contraintes temporaires ou durables.

Section 1 – Les mesures conservatoires

Dès le jour du jugement d’ouverture tout est mis en oeuvre pour préserver les intérêts et le patrimoine de l’entreprise.

Ces mesures visent non seulement l’entreprise elle-même mais aussi celui ou ceux qui se trouvent à sa tête.

I – Les mesures relatives au patrimoine du débiteur

Dès son entrée en fonction, l’administrateur doit prendre les dispositions nécessaires pour sauvegarder l’intégrité de l’entreprise, plus précisément, pour conserver ses droits contre ses propres débiteurs et conserver ses capacités de production.

À cette fin, il a qualité pour procéder à l’inscription ou au renouvellement au nom de l’entreprise, des hypothèques, nantissements, gages et privilèges que le chef d’entreprise avait négligé d’effectuer.

De plus, en vue d’un examen de la situation de l’entreprise, il peut demander au débiteur ou à un tiers détenteur la remise des livres comptables.

Dès l’ouverture de la procédure de sauvegarde, afin de permettre une exacte évaluation de l’actif du débiteur et d’éviter d’éventuels détournements, un inventaire des biens est dressé. Il ne s’agit pas seulement des biens de l’entreprise mais aussi des biens propres au chef d’entreprise en cas d’entreprise individuelle et même de ses ayants droits connus, présents ou appelés.

Aussi, incombe t-il au débiteur de remettre à l’administrateur et au mandataire judiciaire, outre la liste certifiée de ses créances et montant de ses dettes, la liste des principaux contrats et des instances en cours.

L’inventaire présente un intérêt majeur pour un créancier réserviste ; en effet, dès lors que la teneur des biens de l’entreprise est déterminée à l’ouverture de la procédure, la revendication des marchandises vendues avec réserve de propriété se trouve facilité.

Quand le débiteur exerce une profession libérale, l’inventaire est dressé en présence d’un représentant de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont il relève. Cet inventaire ne saurait porter atteinte au secret professionnel auquel doit obéir l’intéressé.

II – Les mesures relatives au dirigeant de la personne morale

Malgré l’amélioration apportée à leur condition, la loi du 25 janvier 1985 suivie par celle du 26 juillet 2005, méfiante à leur égard, a aménagé des dispositifs de sécurité destinés à paralyser les dirigeants de personnes morales dont l’action ou l’inaction pourrait nuire au redressement de l’entreprise.

A / Les mesures spécifiques à la procédure de redressement judiciaire.

Dans une telle procédure, dès le jugement d’ouverture, il est interdit au dirigeant de droit ou de fait, rémunéré ou non, de céder, à peine de nullité, leurs droits sociaux dans des conditions différentes de celles fixées par le tribunal.

Les actions sont virées sur un compte spécial bloqué, ouvert par l’administrateur au nom du titulaire et tenu par la société émettrice (titre nominatif) ou par un intermédiaire financier (titre au porteur).

Aucun mouvement ne peut y être effectué sans l’autorisation du juge commissaire. À moins d’être privé du droit de vote, les dirigeants sociaux peuvent obtenir un certificat leur permettant de participer aux assemblées de la société.

Sauf décision contraire du tribunal, il est mis fin à ce compte spécial à la demande de la personne intéressée la plus diligente après adoption du plan de redressement ou la clôture des opérations en cas de liquidation.

Dans l’hypothèse d’une cession forcée, il est mis fin au compte spécial après que la décision ordonnant la cession soit passée en force de chose jugée.

B / Les mesures communes aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.

En pareille circonstance, peut être mis en oeuvre des dispositions de mise hors circuit des dirigeants dont la présence ou l’influence néfaste pourrait entraver la survie de l’entreprise.

L’administrateur peut ainsi subordonner l’adoption du plan au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants à la demande du procureur sauf lorsque le débiteur exerce une profession libérale.

L’éviction des dirigeants sociaux ne sanctionne pas leurs erreurs passées mais constitue une mesure de sauvegarde de l’entreprise.

Afin de neutraliser complètement les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, qui par l’usage de leurs droits de vote en tant qu’associé pourrait nuire à la nouvelle politique mise en place, le tribunal peut adopter 2 types de mesures radicales :

il peut prononcer l’incessibilité de leurs droits sociaux et confier pour la durée qu’il fixe les droits de vote qui y sont attachés à un mandataire de justice désigné à cet effet qui est le plus souvent l’administrateur. Ces mesures sont généralement prises pour la période du plan c’est-à-dire de 10 ans maximum.

Il peut ordonner, à un prix fixé par un expert, la cession forcée des droits sociaux.

Dans ces différents cas d’éviction, retrait du droit de vote et cession des droits sociaux, le tribunal ne peut se prononcer qu’après avoir entendu ou dûment appelé les dirigeants et représentants du comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel.

Les dirigeants et les actionnaires peuvent faire appel de la décision ordonnant la cession de leurs droits sociaux.

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Cours de droit des entreprises en difficulté

Droit des entreprises en difficulté

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Section 2 – La gestion de l’entreprise

I – Les modalités de gestion de l’entreprise

Pendant la période d’observation, les actes de disposition étrangers à la gestion courante de l’entreprise, les constitutions d’hypothèque ou de nantissement sur les biens sociaux, les compromis ou les transactions sont autorisés par le juge commissaire.

L’entreprise est placée sous l’autorité de l’administrateur judiciaire, cette tutelle étant moins étendue quand la société bénéficie d’une procédure de sauvegarde.

Mais même s’il nécessitait l’intervention de l’administrateur judiciaire, les actes de gestion courante, accomplis par les dirigeants sociaux seuls, sont réputés valables et engagent la société à l’égard des tiers de bonne foi.

Dans les sociétés de petite taille, un administrateur judiciaire est nommé que si le tribunal l’estime nécessaire.

En toute hypothèse et à tout moment, le tribunal peut modifier sa mission à sa demande personnelle, à la demande du mandataire judiciaire, du ministère public, ou d’office en cas de redressement judiciaire.

A / La gestion dans la procédure de sauvegarde.

Le risque de se trouver dessaisi de l’administration de l’entreprise conduit parfois les chefs d’entreprise ou les dirigeants de personne morale à retarder le dépôt de bilan.

Aussi, dans la procédure de sauvegarde, il conserve la gestion de l’entreprise. L’administrateur judiciaire ne se trouve donc pas investi d’une mission d’administration mais seulement de surveillance et d’assistance.

Tout comme dans l’ancienne procédure simplifiée du redressement judiciaire, le code de commerce détermine pour la sauvegarde les règles applicables aux procédures ouvertes sans désignation d’un administrateur judiciaire. Toutes les dispositions régissant la sauvegarde s’appliquent dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec l’absence d’administrateur judiciaire. Ainsi, des comités de créancier ne peuvent se constituer. Certains pouvoirs de l’administrateur judiciaire sont confiés au débiteur, par exemple, la poursuite des contrats en cours, l’acquiescement aux demandes de revendication ou de restitution avec l’accord du mandataire judiciaire, l’établissement du projet de plan comportant les propositions de règlement du passif.

D’une manière générale, le débiteur conserve sur son patrimoine l’exercice des actes de disposition et d’administration ainsi que les droits et actions non compris dans la mission de l’administrateur.

Cependant, le principe de gestion de l’entreprise par son dirigeant est atténué par la multiplicité des missions confiées à l’administrateur judiciaire. Celui-ci exerce des pouvoirs propres déjà prévus dans le cadre du redressement judiciaire :

acquiescer aux demandes de restitution ou en revendication de biens appartenant à des tiers ;

décider de la poursuite ou de l’arrêt des contrats en cours ;

utiliser les comptes bancaires sans sa signature en cas d’interdiction bancaire du débiteur ;

se substituer au débiteur négligent pour inscrire les sûretés et lui demander ou faire lui-même les actes nécessaires à la conservation des biens de l’entreprise ;

effectuer un acte de gestion étranger à la gestion courante sous réserve de l’autorisation du juge commissaire ou payer les créances antérieures pour en tirer un gage nécessaire à la poursuite de l’activité.

B / La gestion de la procédure de redressement judiciaire.

La présence d’un administrateur judiciaire est obligatoire sous réserve de conditions relatives au nombre de salariés et au chiffre d’affaire hors taxes et les pouvoirs du débiteur sont déterminés en fonction de ceux confiés à l’administrateur judiciaire.

L’étendue de cette mission dépendant du degré de dessaisissement du débiteur, 3 situations sont envisageables :

la mission de l’administrateur consiste à surveiller les actes du débiteur qui continue à assurer la gestion de son entreprise ;

l’administrateur judiciaire assiste le débiteur pour tous les actes de gestion ou seulement certains d’entre eux ;

il dispose des pleins pouvoirs et administre seul une partie de l’entreprise. Il remplace alors le débiteur qui se trouve entièrement dessaisi.

Il est détenu au respect des obligations légales et conventionnelles qui incombent au chef d’entreprise.

II – Les règles de gestion de l’entreprise

2 séries de règles :

– d’une part, la continuation des contrats en cours, «L’activité de l’entreprise est poursuivie pendant la période d’observation» (article L. 622-9 du Code de commerce). Pour réaliser cet objectif, une condition préalable s’impose : la poursuite de la continuation des contrats en cours est posé par l’article L. 622-13 du Code de commerce. Hormis le contrat de travail, aucun contrat n’est exclu de l’application de cette disposition dès lors qu’il est en cours d’exécution ou d’existence.

La poursuite de certains contrats en cours peut être nécessaire au maintien de l’activité de l’entreprise. D’autres contrats, en revanche, peuvent être de nature à aggraver la situation déjà fragilisée de l’entreprise. L’administrateur a, seul, la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours.

Un contrat en cours est résilié de plein droit dans deux cas :

  • après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse ;
  • à défaut de paiement dans les conditions définies à l’article L. 622-13 II du Code de commerce et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l’administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation.

Par ailleurs, l’ordonnance du 18 décembre prévoit que la résiliation peut être prononcée par le juge-commissaire, à la demande de l’administrateur, si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

Lorsque le contrat est poursuivi, chacune des parties doit en exécuter les obligations.

– d’autre part, l’interdiction de certains actes.

Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture (sauf compensation de créances connexes, quand deux personnes sont créancières et débitrices l’une de l’autre, la compensation permet d’éteindre les deux dettes à concurrence de la plus faible).

Il emporte également interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture non mentionnée au I de l’article L. 622-17 du Code de commerce.

En revanche, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, ainsi que les créances alimentaires sont payées à leur échéance.

La gestion ne peut plus s’opérer dans le cadre d’une location-gérance désormais reléguée dans la procédure de liquidation judiciaire.