La tromperie dans les contrats de vente

la condition préalable à l’infraction de tromperie, le contrat

Article L441-1 du code de la consommation. Créé par Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 – art.


Il est interdit pour toute personne, partie ou non au contrat, de tromper ou tenter de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers :
1° Soit sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ;
2° Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d’une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l’objet du contrat ;
3° Soit sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d’emploi ou les précautions à prendre.
Les dispositions du présent article sont également applicables aux prestations de services.

Article L454-1 Le délit de tromperie est constitué par la violation de l’interdiction prévue à l’article L. 441-1. Il est puni d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros.

ATTENTION IL Y A UNE NOUVELLE NUMÉROTATION DEPUIS LA LOI HAMON

  1. I) L’existence d’un contrat.

Ce contrat va déterminer le champ de l’’article L. 441-1 (ancien article L. 213-1) qui incrimine la tromperie. C’est une condition préalable qui détermine le champ d’application est entendu largement, aussi bien par les dispositions de la loi qui concernent ce contrat que par la jurisprudence donc plus large sera le champ d’application de cet article. Plusieurs observations doivent être faites: il va falloir décider quel est le moment de la tromperie(A), la nature du contrat(B), l’auteur de l’infraction et sa qualité par rapport au contrat(C).

  1. A) Le moment de la tromperie par rapport au contrat.

Le plus souvent, la tromperie a lieu lors de la conclusion du contrat. La victime va conclure sous l’influence de cette tromperie. Cela n’exclut pas d’autres hypothèses temporelles ou la tromperie est commise au stade de l’offre de contrat ou lors de l’exécution de celui-ci.

Il peut y avoir tromperie lors de l’offre sans que la tromperie soit suivie d’un contrat. On est en présence d’une tentative de tromperie, article L213-1 du Code de la consommation l’a érigé en fait autonome donc il y a une prévision expresse du législateur pour réprimer la tentative de tromperie. C’est par exemple le fait de mettre en vente un produit avec des caractéristiques affiché es qui ne correspondent pas à la réalité. Le fait de mettre en vente ce produit va caractériser une tentative de tromperie. Le fait d’exposer à la vente des voitures dont les caractéristiques ne correspondent par à la réalité, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation de 1984 : c’est une tromperie au stade de l’offre du contrat. De même, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 3 mai 1974 au sujet d’un négociant en vin qui se rend coupable detentative de tromperie pour avoir envoyé à des acheteurs éventuels des échantillons de vins qui étaient présentés sous des appellations d’origine ou de provenance qui n’étaient pas légitime car ces vins ne pouvaient y prétendre. Il a été jugé que ces envois constituent un commencement d’exécution. Le fait qu’aucune commande n’ait été passée est une circonstance indépendante de la volonté de l’auteur et il y a donc bien tentative de tromperie.

Concernant l’époque de l’exécution du contrat, constitue une tromperie le fait par un vendeur d’affirmer qu’il livre tel quantité de marchandises alors que la quantité livrée est inférieure. C’est une hypothèse que vise l’article L213-1 du Code de la consommation : la tromperie sur la quantité des choses qui sont livrées, la livraison correspond bien à l’exécution du contrat.

  1. B) La nature du contrat.

Au fil du temps, le législateur a élargi le périmètre du fait de la nature des contrats :

  • la loi de 1905 avait limité la répression de la tromperie au domaine de la vente. C’était donc le seul contrat de vente qui pouvait donner lieu à une tromperie.
  • il a fallu attendre des décennies pour une extension. Loi du 10 janvier 1978 a en effet modifié quelques peu les termes de l’incrimination et a étendu le domaine d’application de la répression de la tromperie aux contrats sans autres précisions. Si on observe la jurisprudence, la vente est le contrat principal mais il s’agit de l’ensemble des contrats à titre onéreux, ce qu’a précisé la jurisprudence. Autrement dit, les contrats à titre gratuits sont exclus du domaine d’application de l’article L213-1 du Code de la consommation ce qui a pour conséquence que le contrat de donation ne peut donner lieu à la répression d’une tromperie au sens de l’article L213-1 du Code de la consommation. La Cour de cassation a précisé qu’il en allait ainsi même lorsque le motif de la donation était d’ordre commercial. Notamment, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 mars 1990.

Dans les contrats à titre onéreux, on aura les contrats qui ont pour objet les marchandises, notamment le contrat de vente, mais encore l’échange, ou bien il peut y avoir tromperie dans le cadre d’un contrat de société, en cas d’apport d’une chose. Sont également concerné par la législation sur la tromperie les contrats de fourniture de service. Cela dessine donc un périmètre large à l’incrimination.

  1. C) L’auteur de l’infraction et sa qualité par rapport au contrat.

Comme l’infraction de tromperie suppose comme condition préalable un contrat, on pourrait être tenté de penser que l’auteur de l’infraction est nécessairement partie à ce contrat, autrement dit qu’il est dans les liens d’un contrat avec la victime de la tromperie ou à tout le moins, qu’il est celui qui a ait l’offre de contracter. Mais, précisé ment, ce n’est pas le cas, l’auteur de la tromperie n’est pas nécessairement partie au contrat. C’est d’ailleurs ce que précise sans ambiguïté l’article L213-1 du Code de la consommation qui vise « quiconque, qu’il soit ou non partie au contrat ». Il n’y a donc pas de qualité nécessaire de cocontractant. Cela permet une extension car cela permet de réprimer pour tromperie ou tentative de tromperie un premier vendeur qui va avoir vendu de la marchandise à un grossiste ou un détaillant, lequel premier acheteur peut être au courant de la mauvaise qualité, mais l’achète pour la revendre à quelqu’un qui va être de bonne foi. Ce second acquéreur va de bonne foi acheter ces marchandises et donc être victime de la tromperie. Cela permet par exemple de réprimer un directeur de supermarché qui avait vendu à un restaurateur une centaine de kg de sole qui était à la limite de la fraîcheur. Le restaurateur connaissait la qualité moyenne de la marchandise. Il est possible de rechercher la responsabilité du directeur qui n’est pas directement en contrat avec le consommateur mais il a vendu ces soles et se rend donc coupable. Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 décembre 1990 l’a rappelé. Concernant l’auteur du délit, il faut préciser que leplus souvent, c’est la personne qui fournit la marchandise ou qui exécute la prestation de service. Mais l’infraction peut également être commise par la personne qui reçoit la marchandise, ce qui a été jugé par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 mars 1956 au sujet d’un usager qui avait altérerle fonctionnement de son compteur d’électricité. Il a été déclaré coupable de tromperie. C’était lui qui recevait l’objet du contrat, l’électricité.

  1. II) L’objet du contrat.

L’objet du contrat, autrement dit l’objet de cette obligation contractuelle sur laquelle porte la tromperie. Le champ a été progressivement étendu. La loi du 1er août 1905 visait les marchandises ce qui était déjà larges, rupture avec la législation du XIXe qui cantonnait la tromperie au domaine alimentaire. Il faut préciser ce qui vise les marchandises et il faut ensuite voir l’extension de la loi du 10 janvier 78 en la rendant applicable aux prestations de services (article L216-1 du Code de la consommation).

  1. A) Les marchandises.

Article L213-1 du Code de la consommation vise les marchandises, il est également question deproduits. Ce terme de produit, dans l’application de l’article L213-1 du Code de la consommation est tenu pour synonyme de marchandises. La jurisprudence interprète le terme de marchandises comme désignant des biens mobiliers corporels.

Exclusion :

Les dispositions sont inapplicables aux contrats qui portent sur des biens incorporels par exemple sur des droits de créances, sur des droits d’auteurs ou qui ont pour objet un fond de commerce, un logiciel.

Sont également écartés les contrats qui portent sur des biens immeubles, exemple: le fait pour un vendeur de majorer la superficie de l’appartement qu’il vend ne constitue pas une tromperie punissable, un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 24 mai 1982 l’a rappelé. Là où on serait dans un vice du consentement,le droit pénal ne réprime pas donc le champ d’application n’est pas exactement le même.

Exemples positifs :

  • En dépit de ces exclusions, il reste beaucoup de marchandises sur lesquelles peut porter la tromperie. Ce sont des choses mobilières qui peuvent se compter, se peser, se mesurer ce qui débouche sur une grande variété d’application.
  • L’observation de la jurisprudence montre que ce sont des meubles meublants, les voitures, les denrées alimentaires, le maté riel informatique, mais encore de plus en plus souvent, on constate des condamnations en matière de ventes de jouets (non conforme à la législation sur la sécurité), sans qu’entre en ligne de compte la valeur qui peut être dérisoire.
  • La jurisprudence a parfois une Interprétation qui peut surprendre, affaire du sang contaminé e, la distribution en connaissance de cause de produits sanguins contaminés constitue un empoisonnement (non) ou justifier des poursuites de tromperie. La jurisprudence a considéré que le sang humain et ces dérivés entraient dans le champ de la tromperie car ce sont des marchandises, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 juin 1994. Opinion publique choquée de cette qualification.

  • Les prestations de service.

Loi du 10 janvier 1978. C’est donc l’article L216-1 du Code de la consommationqui étend lapression de la tromperie aux prestations de services. La jurisprudence fait une large applicable de cet article, et ainsi, on peut voir de nombreuses condamnations pour tromperie sur une prestation de service de restaurateur, de professionnels de l’enseignement pour des cours donnés à domicile. Un autre secteur qui donne lieu à un certains nombres d’applications: services offerts par les agences immobiliers, agence de mannequins. On a donc des secteurs très variés qui recouvrent le commerce, les activités libérales donc champ d’application très large. Précision intéressante qui présente une certaine subtilité : cette extension a eu pour effet de faire entrer indirectement les biens immobiliers et incorporels dans le domaine de la tromperie par le biais de prestations de services: en effet, ces biens sont exclus des marchandises sur lesquelles peut porter la tromperie. Néanmoins, ces biens peuvent être l’objet d’une prestation de service de sorte que la tromperie qui sera commise dans ce contexte d’une prestation de service pourra être réprimée sur le fondement de l’article L216-1 du Code de la consommation même si cette prestation porte en tout ou en partie sur un bien immobilier ou incorporel. En pratique, cela signifie que la location d’un immeuble n’entre pas dans les prévisions de la tromperie car l’immeuble n’est pas une marchandise donc le contrat de location ne peut donner lieu à une tromperie punissable au sens de l’article L213-1 du Code de la consommation. En revanche, un agent de voyage peut proposer l’organisation d’un voyage qui inclura la location d’un bien immobilier donc en cas de tromperie sur les biens proposés par cette agence, cette tromperie pourra être réprimée sur le fondement de l’article L216-1 du Code de la consommation. En ce sens, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 mai 1993. Ce qui vaut pour les biens immobiliers vautpour les biens incorporels=> arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 2 novembre 2005 pour un logiciel : lorsqu’il y a une prestation de service qui consiste en la livraison d’un logiciel, cela peutdonner lieu à tromperie qui sera punissable alors que la vente d’un logiciel ne peut donner lieu à tromperie.