La TVA sur les livraisons à soi-même (LASM)

le régime des livraisons à soi-même (LASM)

Lorsqu’une entreprise décide de réaliser un investissement dans un nouveau bien destiné à
l’exploitation, il peut arriver que ce bien soit fabriqué grâce aux moyens propres de l’entreprise.
Un bien, initialement affecté aux besoins de l’entreprise (et ayant ainsi donné droit à déduction de la TVA correspondante) peut recevoir ultérieurement une autre affectation étrangère aux besoins de l’entreprise.


Afin de respecter la neutralité fiscale de la TVA la loi exige que de telles opérations soient soumises à la TVA et, pour cela, recourt à la technique dite de la « livraison à soi-même ».
Outres les opérations relatives aux biens, la taxation des livraisons à soi-même peut également
s’appliquer à des prestations de services rendues pour des besoins autres que ceux de l’entreprise.

– AUTOCONSOMMATION : lorsque les biens sont utilisés pour des besoins autres que ceux de l’entreprise c’est à dire pour la satisfaction des besoins de l’exploitant, de son personnel, de tiers.

– AUTO-FABRICATION : lorsqu’une entreprise fabrique un bien ou un service destiné à son utilisation professionnelle.

Section 1 : les particularités des LASM

On parle de LASM lorsqu’un assujetti, pour une même opération, présente à la fois la qualité de fournisseur et de client (ex : un cafetier qui est aussi un ivrogne. En plus d’être un fournisseur, il est aussi un consommateur final). Cette autoconsommation va interrompre le circuit économique, il prend fin par la consommation du cafetier.

Dans cette hypothèse, pour ne pas compromettre la neutralité de la TVA, cette consommation personnelle de l’assujetti constitue une opération imposable.

C’est une opération imposable sans même constituer une opération juridique, et ce contrairement au régime général de la TVA (une opération imposable est une opération juridique car elle faite entre 2 personnes distinctes). A ce principe constitue une exception : le transport de marchandises.

Alors que la LASM constitue une opération à titre gratuit, elle est néanmoins imposable… on a une seule personne, fournisseur et client, donc une seule personne juridique, donc en principe non imposable mais la loi en fait une opération imposable.

Si donc c’est une opération imposable, ce n’est que par la seule volonté du législateur. La loi a le souci de respecter la libre concurrence, laquelle est assurée par le principe de la neutralité de la TVA (ex : l’autoconsommation du cafetier doit lui coûter la même chose que s’il allait se saouler la gueule chez un autre cafetier).

On distinguer 2 sortes de LASM :

L’autoconsommation : elle est réalisée pour des besoins autres que l’entreprise.

L’auto fabrication : elle est toujours réalisée dans l’intérêt de l’entreprise.

Section 2 : l’autoconsommation

Des biens sont prélevés ou des services rendus pour des besoins autres que ceux de l’entreprise, à savoir les dirigeants, le personnel ou les tiers. Les prélèvements peuvent porter soit sur les stocks, soit sur les immobilisations, soit sur les services.

Les prélèvements portant sur le stock

Il s’agit de l’hypothèse la plus fréquente.

2 possibilités :

Lorsqu’il achète la télévision et qu’il sait que l’appareil va servir à un achat privé, il ne va pas déduire la TVA. L’opération ne sera pas imposable puisqu’il n’y a pas eu de déduction initiale.

Lorsqu’il achète la télévision et qu’il ne sait pas que l’appareil va servir à un achat privé, alors l’autoconsommation devient une opération imposable du fait de la déduction réalisée en amont.

Cependant, la base imposable de la LASM est constituée par le prix de revient du bien, autrement dit le prix d’achat (et non le prix de vente puisqu’il n’y a pas eu de vente…). En conséquence, la TVA collectée à raison de la LASM sera égale à celle déduite au titre de l’achat. L’opération est donc blanche et l’on respecte ainsi la neutralité de la TVA car normalement un assujetti n’est pas un consommateur final mais un consommateur intermédiaire imposable seulement sur sa valeur ajoutée et non sur le prix de vente final.

En présence d’une entreprise individuelle, on va distinguer selon que la consommation personnelle est normale ou non. La tolérance n’existe ici que pour les entreprises individuelles. En effet, pour les sociétés, une autoconsommation constitue toujours une LASM.

La TVA déduite à tort doit être régularisée en fin d’année par l’entrepreneur. L’autoconsommation anormale doit quant à elle donner lieu à de la TVA collectée.

Au final, cela revient au même, que la consommation soit normale ou anormale.

Quel est l’intérêt de distinguer la consommation normale de l’anormale ? Elle est purement psychologique… Lorsque la consommation est anormale, on fait comprendre à l’entrepreneur qu’il ne se comporte pas comme un professionnel…

Les prélèvements portant sur les immobilisations

Ex : Mario donne sa camionnette à un collègue pour démarrer son exploitation.

En toute hypothèse, le prélèvement d’une immobilisation constitue une LASM car on suppose que la TVA sur l’achat a nécessairement été déduite.

La base de la LASM est constituée par la valeur vénale du bien, autrement dit le prix que l’on peut obtenir de sa vente sur le marché. La valeur vénale est différente de la valeur d’origine. En conséquence, l’autoconsommation d’une immobilisation n’est pas une opération blanche. Il n’est ici pas besoin de procéder à une régularisation de TVA. En effet, on ne doit procéder à une régularisation que si l’on sort du champ d’application de la TVA. Or, une LASM est une opération taxable. Bien sûr, il n’y aura de LASM que si à l’origine le bien cédé à titre gratuit a donné lieu à une déduction de TVA.

Les prélèvements portant sur des services

Une LASM portant sur des services ne peut exister qu’à 2 conditions :

Comme pour toute autoconsommation, le service doit être utilisé pour des besoins autres que ceux de l’entreprise. A contrario, les services que l’entreprise se rend à elle-même ne sont pas taxables s’ils respectent son intérêt (ex : un ordinateur d’une société d’informatique est hors d’usage. L’entreprise se rend un service à elle-même et l’opération n’est pas taxable).

Le support du service doit avoir donné lieu à une déduction de la TVA (ex : une société donne en location des camions. Un jour, un ami du dirigeant utilise un camion pour son déménagement. Dès lors que la TVA a été déduite sur le camion, l’autoconsommation de service sera imposable). A l’inverse, si l’entreprise est propriétaire d’une voiture de tourisme qu’elle utilise à des fins privées, ce n’est pas une opération taxable dès lors que l’acquisition de la voiture n’a pas pu donner lieu à une déduction de TVA.

La base d’imposition est constituée par le prix de revient du service, autrement dit ce que coûte le service à l’entreprise.

Section 3 : l’auto fabrication

Elle porte toujours sur des biens affectés aux besoins de l’entreprise. L’auto fabrication ne concerne pas les services ni les biens immatériels, et porte donc exclusivement sur des biens corporels.

I – L’exclusion des biens et services immatériels

Lorsqu’une entreprise se délivre un service à elle-même, l’opération ne peut être taxable. Il en est de même par assimilation aux services pour les biens immatériels (ex : une entreprise qui fabrique elle-même un logiciel pour ses besoins).

II – Les biens corporels

Par principe, l’auto fabrication d’un bien corporel est imposable. Les modalités de cette imposition vont changer selon qu’il s’agit de fabriquer du stock ou une immobilisation.

A- Le principe de l’imposition

On parle d’auto fabrication lorsque l’entreprise fabrique elle-même un bien avec ses propres moyens (humains et matériels). Là encore, la LASM constituée par une auto fabrication d’un bien corporel est imposable de manière à respecter la neutralité de la TVA. On veut en effet éviter des distorsions de concurrence entre les différents corps de métiers (ex : une entreprise du bâtiment est en mesure de construire un immeuble qu’elle va se livrer à elle-même pour y installer ses locaux. Au contraire, une entreprise de service informatique est incapable de faire de même, donc la seule solution qui s’offre à elle est de s’adresser à une entreprise du bâtiment).

Arrêt du Conseil d’Etat de 1968 relatif au Théâtre des Folies Bergères : le juge a reconnu que le théâtre devait être imposé sur la valeur des costumes et des décors qu’il avait lui-même créés. D’où la nécessité de taxer l’auto fabrication par rapport à d’autres théâtres sui ne produisaient pas leurs costumes. Il s’agit de supprimer l’avantage fiscal dont profiterait à une entreprise capable d’effectuer elle même et donc gratuitement certaines opérations au lieu de es commander à de tiers, avec TVA.

La base imposable d’une LASM constituée par une auto fabrication dépend du prix de revient du prix fabriqué, donc ce que coute la conception, fabrication de ce bien. L’exigibilité n’est pas constituée par la livraison du bien mais par sa 1ère utilisation. En effet, une livraison suppose nécessairement de recourir à un tiers, ici on ne peut pas parler de livraison car il n’y a pas de vendeur, pas de tiers, on ne reteint pas l’exigibilité de droit commun, l’entreprise devrait se livrer elle même, on utilise donc un autre élément marquant l’exigibilité : la 1ère utilisation (ex : une entreprise de transport fabrique elle-même les palettes qu’elle utilise pour charger et décharges les marchandises. L’auto fabrication ne devient taxable et la TVA exigible que lorsque l’entreprise utilisera la 1ère fois les palettes).

Les modalités de calcul vont différer selon qu’on fabrique du stock ou des immobilisations.

B- Fabrication de stock ou d’immobilisation

Si le bien fabriqué constitue du stock, cette auto fabrication n’est imposable que si ce bien n’avait pas ouvert droit à déduction s’il avait été acquis auprès d’un tiers.

Ex : un constructeur automobile prélève sur son stock une voiture de tourisme en vue de l’affecter aux besoins de l’entreprise. Si le constructeur avait acquis la voiture auprès d’un autre constructeur, l’entreprise n’aurait pas pu déduire la TVA puisqu’elle n’est pas déductible sur les voitures de tourisme. Or, dans l’hypothèse du prélèvement sur le stock, le constructeur a pu déduire la TVA sur les matières premières et les machines ayant permis de construire le véhicule. Cette TVA déductible n’est pas accompagnée d’une TVA collectée, d’où le problème.

On va donc taxer l’auto fabrication de manière à ce qu’une déduction de TVA donne lieu à une collecte de TVA. Voilà pourquoi l’auto fabrication est imposable car la TVA a été collectée en amont, la TVA doit donc être déductible en aval. Conséquence : l’auto fabrication de bien dont l’acquisition auprès d’un tiers n’aurait pas ouvert droit à déduction est un LASM, c’est une opération imposable. On veut éviter des distorsions de concurrence.

Ex : un redevable achète un bien pour un prix de 100. La TVA est de 19,6 %, soit un prix de revient TTC de 119,6 dès lors que la TVA n’est pas déductible. Si le redevable fabrique le bien pour son propre compte, le prix de revient serait de 100 puisque l’opération est faite à titre gratuit. Par conséquent, on va la taxer afin que le prix de revient soit à nouveau égal à 119,6.

En matière de stock, si le bien avait ouvert droit à déduction, s’il avait été acquis auprès d’un tiers, son prix de revient aurait été de 100. Il n’est donc pas ici besoin de taxer l’auto fabrication.

Si le bien fabriqué constitue une immobilisation, on va encore nécessairement considérer que la TVA sur les matières premières a été déduite. Donc, l’auto fabrication est taxable dans tous les cas.

Là encore, la base imposable est constituée par le prix de revient, ce qu’à couter la fabrication. Par conséquent, la TVA collectée sera égale à la TVA déductible : neutralisation de la TVA et opération blanche.

Seules les entreprises dont le coefficient de déduction est inférieur à 1 (assujetti ou redevable partiel) sont pénalisées car elles ne peuvent pas déduire la totalité de la TVA sur le prix de vente.

Attention, vu sur service-public.fr et axens-audit.fr une loi du 21/12/201 qui supprime des cas de liraisons. La loi relative à la simplification de la vie des entreprises, publiée au Journal Officiel n°295 du 21 décembre 2014, supprime plusieurs cas de livraisons à soi-même.

L’article 257 du CGI, avant modification, rendait imposables à la TVA certaines livraisons à soi-même, En pratique, une entreprise qui décide de fabriquer elle-même un bien par ses propres moyens sera considérée comme étant à la fois le fournisseur et l’acquéreur du bien. En tant que fournisseur, elle sera redevable de la TVA sur le prix de revient du bien. En tant qu’acquéreur, elle pourra exercer son droit à déduction (à moins que celui-ci ne soit réduit par l’effet des exclusions ou limitations légales).

L’article 32 de la loi supprime, d’une part, certains cas de livraisons à soi-même de biens affectés aux besoins de l’entreprise et, d’autre part, le cas de livraison à soi-même spécifique applicable aux immeubles non vendus dans les deux ans de l’achèvement.