Le caractère perpétuel du droit de propriété

LE CARACTÈRE PERPÉTUEL DU DROIT DE PROPRIÉTÉ

L’article 544 annonce les caractères du droit de propriété : la propriété est un droit absolu. Traditionnellement, deux autres caractères y sont ajoutés :l’exclusivité et la perpétuité.



Notion de caractère perpétuel

Le droit de propriété ne s’éteint pas par le non usage de la chose (Civile 3ème, 9 juillet 1970) ; il n’y a pas, à son endroit, de prescription extinctive. Bien entendu, il se peut que, pendant une plus ou moins longue période de non usage par un propriétaire, une autre personne acquiert par prescription acquisitive la propriété du bien ; mais c’est alors ce processus acquisitif qui prive le propriétaire de son droit sur la chose ; ce n’est pas le non usage de celle-ci.

La cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer dans ce sens en faveur d’un propriétaire qui, s’étant abstenu d’exercer son droit de propriété pendant plus de 30 ans, revendiquait le bien contre un tiers qui ne pouvait se prévaloir de l’usucapion, sa possession ayant revêtu un caractère précaire. Au défendeur invoquant l’article 2262 du Code civil qui prévoit que toutes les actions tant réelles que personnelles sont prescrites par 30 ans, il a été en ce sens répondu avec succès que la propriété ne se perd pas par le non usage, qu’il s’agisse d’immeubles ou de meubles. La Cour de cassation énonce depuis longtemps que l’action en revendication (pour réclamer son bien entre les mains d’un tiers) est imprescriptible (chambre des requêtes, 12 juillet 1905).

Critiques
Si le propriétaire s’est désintéressé de sa chose pendant si longtemps, il ne mérite peut-être pas la chose.
Mise en avant de l’article 2262 du Code civil : toutes actions tant réelles que personnelles sont prescrites par 30 ans.


À l’appui de cette solution, plusieurs arguments ont été avancés.

Celui-ci qui n’a pas pu utiliser son bien a peut être été empêché, le propriétaire n’est pas forcément négligent.
Le droit de propriété confère certes au propriétaire, l’usus mais aussi le droit de ne pas user du bien.

On a tendance à considérer que le droit de propriété est un droit fonction, donc, on a du mal à supporter qu’il soit maintenu en cas de non usage. Si on admet une prescription extinctive du droit de propriété, cela multiplierait les biens sans maîtres qui est la négation de la liberté individuelle.
Ces arguments ne sont pas forcément très convaincants. La jurisprudence de 1905 est anachronique. Pourtant cette jurisprudence est très ferme.

Assemblée plénière du 23 juin 1972 : Le propriétaire d’un marais perd celui-ci lorsqu’il est recouvert par la mer à cause d’un phénomène climatique. Son terrain avait disparu, la mer appartient à l’état. 70 ans après, un nouveau phénomène climatique : la mer recule. Les marais ont réapparu dans leur forme primitive. Y avait-il une prescription extinctive sur le terrain ou le droit de propriété était-il réapparu ?
La cour de cassation a accordé aux héritiers le droit de revendiquer leur droit de propriété sur ce les marais même en cas de non usage pendant 70 ans car le droit de propriété est perpétuel.

Mais cela ne veut pas dire que le droit de propriété ne peut être perdu :
effet de l’usucapion : le possesseur peut prescrire contre son propriétaire.
En matière mobilière : l’article 2279 al. 1 du Code civil dispose que le possesseur devient propriétaire au détriment du propriétaire dans ces deux cas.
Le propriétaire abandonne sa propriété.
Aliénation
En cas d’expropriation ou de nationalisation.


Les fausses exceptions au caractère perpétuel :

Le droit de propriété du locataire sur les constructions pendant la durée du bail (après accession au profit du propriétaire). À la fin du bail, la propriété est transmise à une autre personne (changement de titularité) donc la propriété n’est pas éteinte, elle dure tant que la chose existe, elle est seulement transmise au bailleur.

Les propriétés incorporelles : industrielles, littéraires ou artistiques (brevets, droit d’auteur…) disparaissent au bout de 70 ans pour les droits d’auteur et 20 ans pour les brevets à compter de la mort de leur auteur. Ce sont donc des propriétés temporaires. On considère qu’elles n’ont de propriété que le nom, il s’agit plutôt de monopoles d’exploitation pris en compte par le droit.

La multipropriété : formule qui a connu un grand succès ; il s’agit de propriété temporaire, périodique ou propriétés spatiaux temporelles.
Ex : on est propriétaire d’un chalet pendant une certaine période, puis dans une seconde période, cela devient une autre propriété. Mais les prétendus propriétaires sont en fait les associés d’une société civile (SCI). Les associés n’ont qu’un droit de jouissance sur l’appartement et sur une période considérée, moyennant le paiement des charges.