Le commerçant, personne morale : définition, régime

Le commerçant, personne morale

Ce ne sont pas les commerçants individuels qui participent le plus au dynamisme du commerce. Donc, au dynamisme de l’économie en général mais les sociétés commerciales, grandes, moyennes, petites, qui animent vraiment l’économie capitaliste. Pour agir de la sorte, il fallait que les sociétés commerciales soient des outils juridiques particulièrement efficaces.

C’est à la fin du XIXe siècle que la jurisprudence approuvé ultérieurement par le législateur à donner leur entière personnalité juridique aux sociétés civiles et commerciales en leur conférant la personnalité juridique. Cette personnalité juridique qui fait de l’organisme titulaire ce qu’on appelle une personne morale pour la distinguer de la personne physique comporte des caractères spécifiques. En effet, l’entité juridique constituée par la personne morale se compose d’un conglomérat d’hommes et biens qui ne s’inscrit pas dans la vie sociale de la même manière qu’un individu physique. L’opposition : personne morale/physique ne tient pas du choc frontal car pour créer une personne morale, il faut des personnes physiques se regroupant pour mettre en commun les moyens les plus divers pour réaliser un profit.

On parle alors plus génériquement de groupement d’affaire. De plus, par exception à la loi général, une société commerciale peut ne comporter qu’un seul individu personne physique. Cependant, le principe du commerçant personne physique se rapproche du commerçant personne morale y compris l’hypothèse du commerçant de fait.

Section 1 : La notion de personne morale

La prise en compte de la personne physique en tant que sujet de droit remonte aux origines du droit. La personnalité morale est un concept juridique assez récent. La personnalité morale est une notion vieille d’un peu plus d’un siècle en France. C’est une invention de la doctrine que le droit positif s’est approprié. Le droit positif mais également, le monde économique car avec la personnalité juridique, l’entreprise acquiert une capacité juridique qui la rend plus efficiente sur le plan économique.

  • Paragraphe 1 : La théorie juridique
  • L’esprit créatif des auteurs trouve dans la théorie de la personne morale, un bon terrain d’exercice. La théorie de la fiction (I), la théorie de la réalité (II)
  • La personnalité morale, une fiction juridique
  • C’est véritablement au XIXe siècle que la doctrine s’est évertué à construire une théorie de la personnalité morale. Parmi les premières propositions, la thèse de la fiction apparaît comme l’une des plus solides avec comme principaux promoteurs, les deux plus grands juristes allemands du XIXe siècle : Savigny et Ihering
  • Ils partent d’un constat : la personne physique dispose d’une personnalité juridique tirée de la nature des choses. En dehors d’elle, pas de personnalité juridique, sauf si la loi décide de conférer la personnalité juridique à tel ou tel groupement (exemple : association, société, corporation, l’Etat lui-même) On dit alors qu’il y a personnalité morale par opposition à la personnalité physique. Cette personnalité morale est un artifice, une construction qui jure avec la réalité. C’est une fiction car on tient pour réelle une chose irréelle.
  • La personnalité morale, une réalité
  • Elle s’inscrit en faux contre la théorie de la fiction. Son principal défenseur fut le grand juriste de l’entre XIXe et XXe siècle : François Gény. Il dit : le droit est un et l’on y a introduit des divisions pour l’étudier avec ordre et méthode. Selon Gény, la personnalité morale ne saurait être qu’une fiction, un artifice législatif. Il existe d’après lui des groupements d’hommes réunis pour protéger un intérêt supérieur dépassant la somme des intérêts particuliers de leurs membres. Dès que l’intérêt supérieur défendu par le groupement ne va pas à l’encontre de la loi : on doit pouvoir reconnaître la personnalité juridique au groupement en question. Le moteur du groupement est donc l’intérêt supérieur défendu.

Pour illustrer ce propos, exemple de l’Etat. Il vise non pas à défendre la somme de intérêts de tous les citoyens pris individuellement, ce qui serait impossible. L’Etat veut régir toute la société des citoyens considérés globalement.

Paragraphe 2 : La pratique juridique

La question est de savoir si l’entreprise en général et l’entreprise commerciale en particulier se trouvent dotées de la personnalité morale. Principalement pour les sociétés commerciales considérées en tant que variété d’entreprise. Si la réponse est affirmative, il faut préciser si cette personnalité juridique procède de la fiction ou de la réalité. En concluant sa thèse de doctorat (Entreprise et le droit) Michel Despax souhaitait que la personnalité juridique soit conférée à toute entreprise quelle qu’elle soit. La loi ne définit pas l’entreprise bien qu’elle en règlemente bon nombre d’aspects. Elle ne reconnaît pas la personnalité juridique à toute les déclinaisons de l’entreprise. Cependant, beaucoup d’entreprises, sociétés, associations, établissements publics, ont la personnalité morale.

S’agissant de la théorie de la fiction, elle semble aujourd’hui s’appliquer aux sociétés, aux GIE et aux associations. En effet, pour les sociétés, c’est la jurisprudence qui dans un premier temps leur a reconnu la personnalité juridique dans le sillage de la loi.

Application de la théorie de la fiction : dans les deux cas, la personnalité morale résulte de l’accomplissement d’une formalité prescrite par la loi. il n’y a rien de naturel la dedans, c’est la loi qui prescrit les formalités à accomplir pour bénéficier de la personnalité morale.

Application de la théorie de la réalité de la personne morale : ce n’est pas tant la loi que la jurisprudence qui ne donnait la personnalité juridique à un groupement structuré quand cela s’avère nécessaire. C’est la jurisprudence qui semble ici donner le tempo et dans la réalité des choses, il faut s’appuyer sur un arrêt de principe régissant la matière :

  • Ancienne chambre civile de la cour de cassation
  • Date: 28 janvier 1954.
  • Affaire: Du comité d’établissement
  • La cour dit : attendu que la personnalité morale n’est pas une création de la loi, elle appartient en principe à tout groupement aux vues d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêt licites dignes par suite d’être juridiquement reconnus.
  • Allant dans le même sens, la cour de cassation a reconnu la personnalité morale au comité d’hygiène et de sécurité des entreprises. Donc l’entreprise en tant que telle n’a pas nécessairement la personnalité juridique, certaines entreprises l’ont, d’autres pas, notons que les hommes créant des entreprises ont leur personnalité juridique propre (personnes physiques) Ceux qui mettent en commun des capitaux dans le but de rechercher du lucre auront structuré la quête du profit en société commerciale à la personnalité morale.
  • En outre, le dialogue au sein de l’entreprise commerciale (entre les détenteurs de capitaux et leurs salariés) ont pour cadre un comité d’entreprise qui est un organisme composite doté lui-même de la personnalité morale (personnalité morale indépendante de la société qu’il a vu naître) De plus, les salariés pourront se réunir dans une structure qui leur est propre, un syndicat qui dispose également d’une personnalité morale distincte.

Parmi les sujets de droit, la personne morale prend donc place à côté de la personne physique. Elle dispose d’un patrimoine propre. Certains considèrent que le vrai critère de la personnalité morale réside dans la possession d’un patrimoine affecté à la réalisation du but poursuivi par le groupement : Théorie du patrimoine d’affectation.

Il demeure au sein de l’entreprise, qu’il peut y avoir cohabitation de plusieurs personnes morales. Presque toutes les entreprises commerciales ont la personnalité morale mais il peut y avoir des sociétés commerciales sans personnalité morale en raison de la volonté des associés (société en participation)

D’autres groupements d’affaire sans personnalité morale existent mais sont plutôt accidentelle comme la société créée de fait (conjoint du chef d’entreprise)

Section 2 : régime du commerçant personne morale

Une association soumise à la loi de 1901 peut être commerçante de façon ainsi dite. A savoir, quand la réalisation de son objet social qui est nécessairement désintéressée justifie l’exercice d’une activité commerciale accessoire à son objet social qui est toujours désintéressé. C’est une pratique en principe marginale. Il en est de même pour le groupement d’intérêt économique (GIE) qui ne relève cependant pas d’une pratique marginale.

Depuis quelques années, la façon d’étudier les sociétés dans les facultés de droit a changé. L’enseignement en question ne s’appelle pas toujours droit des sociétés mais droit des groupements d’affaires. On envisageait auparavant les sociétés à travers leurs différents types qu’on passait en revu les uns après les autres (société civile, commerciale, de personnes, de capitaux etc.) Désormais, on commence par exposer les règles communes à toutes les sociétés (droit commun des sociétés) puis on considère les règles propres à chaque type de société (droit spécial des sociétés)

Paragraphe 1 : Règles communes à toutes les sociétés

Dans ce bref et incomplet aperçu, on retiendra les règles de fond (I) et les règles de forme (II)

Les règles de fond

Règles applicables à tous les contrats

Avant d’être une personne juridique, la société est un contrat. C’est un acte juridique unilatéral quand la société n’a qu’une seule personne comme membre et un acte juridique bilatéral quand la société a deux associés. Sinon, multilatéral. Le consentement, la capacité, la cause et l’objet doivent être respectés. La société obéit aux dispositions des articles 1111 et suivants du code civil sauf si une disposition légale particulière en décide autrement.

  • Règles spéciales pour les sociétés
  • Articles 1832 à 1844-17 du code civil. Pourtant, bien que spéciales par rapport aux contrats en général, ces règles sont aussi général pour les sociétés en ce qu’elles régissent l’ensemble des sociétés quel qu’en soit l’objet ou la forme. En effet certaines sociétés sont civiles, et d’autres commerciales. Il apparaît donc que chaque type de société obéit à des règles propres tout en suivant celles applicables à toutes les sociétés. Exemple : articles 1845 et suivants du code civil traitent des sociétés civiles tandis que les articles L. 210-1 et suivants du code de commerce s’occupent des sociétés commerciale.

Le contrat de société est toujours fait par écrit. Dans des statuts, des documents fixant le contenu du contrat de société. La société est le contrat par lequel plusieurs personnes (exceptionnellement, une seule) mettent en commun leurs biens ou leur industrie afin de réaliser un bénéfice ou une économie en contribuant aux pertes s’il en survient.

L’apport fourni par les associés : Il peut y avoir des apports en numéraires, des apports en nature, ou des apports en industrie (force de travail ou savoir faire particulier d’un associé)

Contribution des associés au résultat : Partage des bénéfices ou des pertes quand il y en a, dans la société.

Condition de fond : Non présente dans la loi mais dans la jurisprudence (affectio societatis) collaborer ensemble dans le cadre d’une société.

Objet social : But économique de la société, c’est le type d’activités qu’elle se propose de réaliser.

Les règles de forme

Ces conditions sont particulièrement déterminantes dans l’acquisition de la personnalité morale par l’entreprise en société. Cette acquisition suit un cheminement très précis :

Les fondateurs de la société doivent rédiger des statuts : Ecrit, comportant des mentions obligatoires (exemple : type de la société, anonyme, a responsabilité limitée etc.) et d’autres mentions facultatives. C’est une exigence légale car tout tiers doit pouvoir s’informer sur la société grâce à ces statuts. Ils sont transmis au CFE (centre de formalité des entreprises) qui les adresses au greffe du tribunal de commerce en vue de l’immatriculation de la société au RCS.

L’immatriculation de la société au RCS : C’est l’immatriculation qui confère la personnalité morale à l’entreprise en société. Certains pourrait y voir un miracle juridique dans cette création d’une personnalité juridique par la seule force d’une formalité. De manière plus terre à terre on y verra une fiction juridique car la société ne correspond à aucune réalité tangible, c’est une simple création. Cependant, si la société n’est pas palpable, son activité l’est incontestablement ainsi que le montre les bénéfices que les sociétés réalisent.

La personnalité juridique est constituée à partir d’une fiction (peut être) mais la puissance de cette personnalité issue de l’immatriculation est une réalité (incontestable)

Publication au BODACC : bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

Paragraphe 2 : Règles particulières aux sociétés commerciales

Sous réserve du régime applicable aux personnes morales, la société commerciale obéit aux même règles s’appliquant au commerçant personne physique. Ainsi, la société commerciale se trouve tributaire de la solidarité qui règne sur la matière commerciale et plus particulièrement sur les engagements commerciaux. Elle suit le régime de la preuve commerciale qui est libre. Par ailleurs, il existe une classification des sociétés commerciales procédant d’un certain nombre de critères. On distingue :

  • Les sociétés de personnes : groupements d’affaires détenant la personnalité morale et dans lesquelles les qualités personnelles des individus qui les compose détermine la constitution de la société, SNC, sociétés en noms collectifs dont les membres doivent tous avoir la qualité de commerçant. La société en commandite simple doit comporter au moins deux membres : un commanditaire apportant les capitaux et un commandité menant l’entreprise et réalisant l’activité économique financée par le commanditaire.
  • Des sociétés de capitaux : elles se caractérisent par la nécessité de disposer d’un capital minimum fixé par la loi lors de leur composition. Ce capital sert de garantie aux créanciers de la société. On distingue 4 types de sociétés de capitaux :
  • La SARL (responsabilité limitée) : son capital minimum peut être symbolique depuis la loi du 1e août 2003 relative à l’initiative économique.
  • La SA (anonyme), la SCA, la SAS (action simplifiée) : Capital minimum d’au moins 37 000 euros.
  • L’entrepreneur doit choisir entre ces types de société.