Le conjoint du commerçant

Le conjoint du commerçant

  • Le commerçant personne physique peut vivre en mariage ou sous le régime du PACS. Il faut mesurer l’influence de la vie de couple sur l’activité commerciale. Il devrait a priori y avoir un cloisonnement entre la vie professionnelle et la vie familiale du commerçant. Cependant, le faits sont différents.
  • Le commerçant bénéficie parfois de l’aide de son conjoint dans l’exercice de son activité. Quel est le statut juridique de ce conjoint au regard de l’activité commerciale ? La situation du conjoint collaborateur du commerçant varie-t-elle selon qu’il y ait mariage, PACS ou concubinage ?
  • Quelles effets produisent les différents régimes matrimoniaux sur les rapports du commerçant avec son conjoint et plus généralement sur l’activité commerciale. Exemple : un commerçant puisant dans le patrimoine commun du ménage et fini par faire faillite, quelles sont les conséquences de cette faillite sur la situation patrimoniale de son conjoint ? Se pose également la question de l’évolution du statut du couple au regard de l’activité commerciale.

L’évolution de la législation du mariage au regard de la situation du commerçant

  • Les femmes mariées ne pouvaient exercer le commerce que sous la tutelle de leurs époux. En revanche, les femmes non mariées pouvaient librement exercer le commerce. La société a évolué, la loi du 13 juillet 1907 donnaient à la femme mariée le droit de disposer de ses biens propres sans pour autant supprimer l’incapacité civile de la femme mariée.
  • La loi du 18 février 1938 : elle supprimait l’incapacité civile de la femme mariée, cela lui donnait en théorie la possibilité de faire du commerce en nom propre. Cependant ce texte ne changeait en rien la pratique antérieure.
  • Il a fallu attendre la 2nde guerre mondiale pour voir le législateur faire évoluer sérieusement la place de la femme mariée dans l’activité commerciale. La loi du 22 septembre 1942 permettait alors l’exercice du commerce par la femme mariée sans l’autorisation du mari mais le mari pouvait faire opposition dans l’intérêt de la famille, intérêt apprécié par le juge en cas de litige.
  • Loi du 23 décembre 1955 : chacun des deux époux peut librement exercer sa profession commerciale également.

L’incidence du mariage sur le statut du commerçant

  • Le mariage est un événement important dans la vie du commerçant. Il est à l’origine d’une série de règles destinées à concilier le commerce et la famille. Considérant par exemple la publicité légale requise en cas de mariage d’un commerçant, le commerçant qui se mari doit faire mentionner le changement de statut civil au RCS.
  • Le commerçant peut en effet connaître des difficultés à propos desquelles sa qualité de marié conduira éventuellement le juge à le dessaisir de la gestion de son commerce. Ainsi, il peut y avoir gestion incompétente et frauduleuse du commerçant marié sous le régime de la communauté ou bien impossibilité durable du commerçant marié de manifester sa volonté en droit. Alors, le conjoint du commerçant pourra demander en justice sa substitution dans la gestion de l’entreprise commerciale.
  • Toujours en cas d’impossibilité pour le commerçant marié de manifester sa volonté en droit ou en cas de mise en danger de l’intérêt de sa famille en raison de sa gestion hasardeuse, son conjoint pourra demander au juge d’ordonner des mesures propres à sauvegarder l’intérêt familial. Cette demande fait l’objet d’une publication au RCS.
  • Quand les biens de l’entreprise proviennent de la communauté conjugale, l’époux exerçant le commerce ne peut en disposer sans l’accord de son conjoint, à défaut de ce consentement, le conjoint non consulté peut obtenir en justice la nullité de l’acte litigieux pendant une période de deux ans. Le fait que les biens de l’entreprise viennent de la communauté et servent à l’époux non commerçant ne doit pas paralyser les initiatives du commerçant. L’époux commerçant dispose de l’autonomie professionnelle par rapport à son conjoint.
  • Le commerçant ne peut pas, seul attacher des droits réels au bien commun comme l’hypothèque ou bien consentir un bail commercial sur un immeuble commun, encore moins aliéner un immeuble affecté à l’activité commerciale sans le consentement de son conjoint sauf s’il s’agit de l’activité normale de l’entreprise.
  • Loi du 1e août 2004 : énonce que le logement familial de l’entrepreneur individuel est insaisissable donc les créanciers de l’entrepreneur individuel ne peuvent pas obtenir une saisine du logement familial de l’entrepreneur.

La situation du conjoint du chef d’entreprise au regard de l’activité de l’entreprise

  • Il arrive qu’un couple au sens familial du terme se compose d’un membre qui est commerçant et d’un autre qui participe à l’activité commerciale du premier sans être pour autant commerçant. Celui qui participe de la sorte à l’activité commerciale sans être commerçant est appelé par la loi : conjoint du chef d’entreprise. S’agissant de la situation qui va être considérée, il s’agit du conjoint du chef d’entreprise travaillant dans l’entreprise familiale. La question est de savoir quel est le statut juridique de ce conjoint du chef d’entreprise ? Qu’arrive-t-il en cas de dissolution de la collaboration ?
  • -soit du vivant du couple
  • -après la mort du commerçant par exemple
  • A cet égard, la loi prévoit un statut de conjoint du commerçant.
  • Le statut légal du conjoint collaborateur du commerçant
  • Il a évolué dans le temps s’agissant du droit positif. Il n’y a eu, en la matière, une évolution législative dont les points marquant sont :
  • -la loi du 10 juillet 1982
  • -des reformes intervenues en 2005 et 2006
  • Ils créent un véritable statut du conjoint du chef d’entreprise de manière générale.

Le statut légal du conjoint du commerçant avant la loi du 10 juillet 1982 : La situation du conjoint du commerçant était régie par l’ancien article 4 du code de commerce. Il faut définir de prime, le conjoint collaborateur. Le conjoint collaborateur d’un commerçant ou artisan est au sens large une personne qui participe à l’activité commerciale tout en menant une vie de couple avec le commerçant. Il s’agit naturellement d’un époux mais dans les faits, la question intéresse des personnes pacsées ou vivant en concubinage. L’ancien article 4 du code de commerce ne considérait que la situation de l’épouse du commerçant en posant que la femme mariée du commerçant n’était pas réputée commerçante si elle ne fait que détailler (vendre au détail) les marchandises de son mari, elle n’est réputée telle que quand elle fait un commerce séparé. Le terme réputé signe comme toujours l’existence d’une présomption dont la valeur devait être précisée.

  • La jurisprudence a dans un premier temps estimé que cette présomption de non commercialité de l’épouse du commerçant était irréfragable. C’est une solution trop rigide car entre l’aide apportée à un commerçant par son conjoint et l’installation de ce conjoint en tant que commerçant autonome, il y a des degrés de situations. L’exercice commun de l’activité commerciale par les deux époux en tant que commerçants, la participation du conjoint au commerce exercé en société par l’autre membre du couple, le conjoint salarié de son époux commerçant, l’aide bénévole fournie par le conjoint à son époux, représentes autant de situations diverses à appréhender.

La jurisprudence a du évolué. Pour cause, la difficulté de qualification du statut du conjoint du commerçant survient quand le couple se sépare, le conjoint voulant bénéficier d’une partie des fruits du commerce auquel il a activement participé (contribué par sa force du travail à développer sur le plan économique)

Il a été admis qu’il pouvait y avoir ce qu’on appelle une société créée de fait entre le commerçant et son ancien collaborateur. De fait : des personnes agissent comme si elles avaient une société mais sans en créer une. Consacrée par la jurisprudence, la société créée de fait suppose pour s’appliquer que soit constatée la réunion des principaux éléments constitutifs d’une société (x3)

  • Les apports soit en nature, en numéraire, en industrie
  • La participation des associés aux bénéfices et pertes
  • L’affectio societatis, c’ est l’intention des associés d’agir dans une société.

1e situation : La jurisprudence dit que dans la société créée de fait, l’affectio societatis peut se déduire des apports et du partage des bénéfices et des pertes. Les juges ont ainsi pu attribuer une partie des bénéfices commerciaux aux conjoints collaborateurs du commerçant lors de la dissolution de la relation de couple ayant existé entre le commerçant et son collaborateur.

2e situation : La jurisprudence a déjà accueilli une action pour enrichissement sans cause (conjoint collaborateur contre le commerçant principal pour obtenir une part de l’activité économique)

3e situation : La jurisprudence a parfois découvert un contrat de travail derrière la collaboration du conjoint du commerçant, le commerçant étant l’employeur et son conjoint, le salarié.

4e situation : La jurisprudence a parfois qualifié les deux époux de commerçants et surtout le conjoint collaborateur en constatant que ce conjoint exerçait ce commerce au même titre que le commerçant principal dans une pleine et entière collaboration faite dans le cadre d’une action commune et égalitaire.

Donc avant la loi de 1982, faute de texte clair et exhaustif, la jurisprudence réglait la situation du conjoint collaborateur selon 4 qualifications alternatives compte tenu de la situation particulière en cause (appréciation in concreto)

Le statut légal du conjoint du commerçant après la loi du 10 juillet 1982 : Cette loi a réécrit l’ancien article 4 du code de commerce qui est devenu : le conjoin d’un commerçant n’est réputé lui-même commerçant, que s’il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux. Ce texte :

  • -Supprime le sexisme régnant dans le droit positif antérieur en parlant de conjoint et d’époux et non plus de mari et de femme.
  • -Maintient un mécanisme de présomption, comme dans le passé.
  • -Offre trois possibilités au conjoint participant à l’activité commerciale de son époux : soit le conjoint est collaborateur 1, soit le conjoint est salarié 2, soit le conjoint est associé de son époux 3.
  • Cette solution est apparue critiquable car le triptyque qu’elle propose ne couvre pas toute la gamme de possibilités. Ce qui le rend imparfait.

1e situation : Le conjoint peut disposer du statut de conjoint collaborateur. Ce conjoint n’est ni salarié ni intéressé aux bénéfices comme associés. Il aide le commerçant. Il fallait mentionné spécialement cette qualité au RCS ou au répertoire des métiers pour l’artisan. De ce fait, le conjoint collaborateur est présumé avoir reçu un mandat du commerçant pour accomplir des actes de commerce.

La jurisprudence a estimé que cette présomption était simple. Un tiers peut donc établir par tout moyen que le conjoint est commerçant au même titre que le commerçant, le mandat pouvant tomber, en l’occurrence après déclaration notariée du commerçant et du conjoint collaborateur ou en cas de séparation de fait entre les deux.

2e situation : Il peut être salarié de son époux au terme de la loi de 1982. La cour de cassation avait ouvert cette possibilité bien avant cette loi : Civ. 8 novembre 1938 à la gazette du palais, I. p.33. Ici, la loi se contente de consacrer une solution prétorienne, le conjoint salarié bénéficie dès lors de toute la législation du travail, à condition de percevoir au moins le SMIC. La fiscalité vient cependant limiter la possibilité de déduire le salaire du conjoint, du bénéfice commerciale quand les époux ont adopté le régime de la communauté légale sous prétexte que le salaire profite aux deux époux communs en bien.

3e situation : Associé de son époux commerçant. Alors que la loi limitait précédemment la possibilité d’existence d’une société entre époux, la loi du 10 juillet 1982 ouvre pleinement les portes, particulièrement dans le cadre de l’exercice d’une activité commerciale conjointe. La loi de 1982 a permis aux conjoints mariés sous le régime de la communauté de revendiquer la qualité d’associé quand un époux commerçant a créé une société autre qu’une société par action et ce en apportant des biens communs. Cette possibilité exclue donc les sociétés par action (SA), les sociétés en commandite par action et des société par action simplifiée.

  • Les 3 statuts présentés comportent des avantages dont les principaux résident dans l’exclusion de la commercialité pour cette personne. Ces 3 statuts n’ont pas épuisé toutes les possibilités, il fallait que la loi évolue encore.

Le statut du conjoint du chef d’entreprise travaillant dans l’entreprise familiale : Il ne faut plus parler simplement du conjoint du commerçant mais de conjoint du chef d’entreprise. En effet, le loi offre désormais un statut complet au chef d’entreprise, l’entreprise au sens large (commerciale, artisanale, libérale, agricole, industrielle)

Les possibilités qui s’offrent au conjoint ici sont ouvertes que si ce conjoint travaille dans l’entreprise familiale. Les textes marquant sont ici :

– La loi du 2 août 2005 en faveur des PME. Son décret d’application en date du 1e août 2006 relatif au conjoint collaborateur.

– La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. La loi du 5 janvier 2006 d’orientation rurale, les 2 modifiant l’article L. 321-5 du code rural. Décret du 25 octobre 2006 relatif au conjoint de l’agriculture.

Loi du 12 août 2005 : Au fond, il est prévu une affiliation du conjoint à la caisse d’assurance maladie et à la caisse d’assurance vieillesse du chef d’entreprise quand le conjoint opte pour le statut de conjoint collaborateur. Ce dernier bénéficie aussi de la formation continue mais l’apport principal réside ici dans l’obligation faite au conjoint de choisir entre trois statuts seuls possibles.

  • Conjoint collaborateur
  • Conjoint salarié
  • Conjoint associé

  • L’obligation de choix qui n’est assortie d’aucune sanction. Il en résulte qu’en l’absence de choix, la jurisprudence pourra trancher très vraisemblablement en fonction des positions antérieures à la réforme ainsi opérée.
  • Sort des conjoints collaborateurs envers les tiers : la loi de 2005 crée l’article L. 121-7 du code du commerce qui dit : dans les rapports avec les tiers, les actes de gestion et d’administration accomplis pour les besoins de l’entreprise part le conjoint collaborateur sont réputés l’être pour le compte du chef d’entreprise et n’entraîne à la charge du conjoint collaborateur aucune obligation personnelle. Il y a une présomption de mandat, le conjoint collaborateur sera considéré comme engagé personnellement si et seulement si est prouvé qu’il a agit en dehors du cadre de l’entreprise.

Le décret du 1e août 2006 : défini juridiquement le conjoint collaborateur : le conjoint du chef d’une entreprise commerciale artisanale ou libérale qui exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans recevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé au sens de l’article 1832 du code civil.

Le commentateur de ce décret fait observer que la loi ne précise pas si la présomption s’agissant de l’exclusion d’un travail extérieur est simple ou irréfragable. L’option entre :

  • le statut de collaborateur
  • salarié
  • associée
  • est déclarée par le chef d’entreprise au RCS en vue d’une inscription ou bien déclarée au répertoire des métiers.

En ce qui concerne le conjoint de l’agriculteur, la loi du 5 janvier 2006 élargit les possibilités antérieurement offertes par l’article 321-5, en introduisant dans le milieu agricole le statut de conjoint salarié et celui de conjoint collaborateur. La déclaration d’option se fait auprès de la caisse de mutualité sociale agricole ou caisse d’assurance maladie du chef d’entreprise agricole. En matière agricole, l’option bénéficie aux personnes mariées mais aussi aux personnes pacsées ou vivant en concubinage.

L’incidence du décès ou de l’accident sur le statut du conjoint collaborateur.

  • Le décès du commerçant personne physique portera parfois un grand préjudice au conjoint collaborateur. La loi du 19 décembre 1961 permet à un époux de se faire attribué le fond de commerce de son conjoint commerçant. Ce mécanisme emprunte celui de l’attribution préférentiel des fonds agricoles. De même, le conjoint collaborateur d’un commerçant pourra bénéficier d’une rémunération prélevée sur l’actif du commerçant décédé. Article 14 de la loi du 30 décembre 1989, cette rémunération est perçue si et seulement si le conjoint du commerçant prouve sa collaboration pendant une période d’au moins 10 ans sans avoir obtenu du commerçant, ni salaire, ni part de bénéfice de l’entreprise.

Le commerçant de fait

  • Cette expression vient de la doctrine et désigne les personnes astreintes à subir les contraintes rigoureuses nées de la qualité de commerçant sans pouvoir bénéficié des avantages de la progression commerciale (que les inconvénients) Exemple : personne exerçant le commerce sans être immatriculées au RCS ou encore la personne qui pratique une activité commerciale soumise à autorisation sans avoir obtenu cette autorisation.
  • L’intérêt de conférer à une personne la qualité de commerçant de fait : la loi et la jurisprudence attachent cette qualité à une personne dans le but de protéger les tiers. En effet, celui qui agit comme un commerçant sans en être un ne doit raisonnablement pas devoir faire supporter les conséquences de sa conduite (inconduite) à des tiers de bonne foi avec qui cette personne est entrée en rapport d’activité. La qualification commerçant de fait constitue indéniablement une sanction. Ce n’est pas chose agréable que de se voir opposer la preuve commerciale libre sans pouvoir répliquer sur le même terrain, de se trouver sanctionné par la faillite commerciale alors qu’on n’a jamais voulu être commerçant.
  • Ressortissant d’un pays étranger exerçant le commerce en FR sans avoir obtenu l’autorisation préfectorale indispensable.
  • Le conjoint du commerçant qui collabore à l’activité commerciale sur un pied d’égalité sans avoir été inscrit au RCS ou qui omet de mentionner la fin de sa collaboration avec son conjoint au RCS.
  • Dans toute ces hypothèses, on dit qu’il y a commercialité de fait. Dans chacun de ces cas de figures on remarque que la commercialité de fait vient toujours de l’omission ou de la violation d’une formalité (soit le défaut d’inscription au RCS soit le défaut d’obtention d’une autorisation administrative, soit la violation d’une interdiction légale)
  • Certains auteurs contestent cependant la qualification « commerçant de fait » et estiment que d’après la loi, la commercialité d’une personne ne s’acquiert pas par l’accomplissement d’une formalité ou bien par le respect d’un commandement légal mais pas l’exercice d’une activité. C’est le point de vue de Mr François Xavier Vincenzini pour qui on est commerçant par l’exercice de l’activité commerciale et uniquement pour cette raison. Examen attentif de la loi et de la jurisprudence. Cependant, le débat demeure essentiellement sur un plan terminologique et n’affecte pas le fond. La commercialité de fait consiste finalement dans une commercialité sanction dans laquelle le supposé commerçant porte le poids de toutes les obligations commerciales sans bénéficier d’aucun des avantages liés à cette qualité.

On retrouve également cette idée de commercialité de fait en étudiant le commerçant personne morale.