Le contentieux fiscal de l’assiette et du recouvrement

LES DIFFÉRENTS TYPES DE CONTENTIEUX FISCAL

Le contentieux fiscal peut se définir comme l’ensemble des litiges qui opposent les contribuables à l’administration fiscale.

 2 catégories principales de contentieux en matière fiscale : le contentieux d’assiette (ou contentieux de l’imposition) et le contentieux du recouvrement (cf. ci-dessous)

  • Le contentieux d’assiette concerne les contestations portant sur l’assiette (c’est-à-dire la base de l’imposition) et la liquidation de l’impôt (c’est-à-dire le calcul de l’impôt).
  • Le contentieux du recouvrement concerne la régularité des actes de poursuite de l’administration (on parle d’opposition à poursuite) ou le bien-fondé de l’obligation de payer (on parle alors d’opposition à contrainte).

Le contentieux fiscal : tribunal compétent et procédure fiscale

Section I – LE CONTENTIEUX DE L’IMPOSITION (ou contentieux de l’assiette)

Le contentieux fiscal survient quand un litige entre le contribuable et l’administration ne trouve pas d’autre issue, et il renvoie principalement au contentieux de l’imposition (contentieux de l’assiette).
Ce contentieux représente, avec le contentieux du recouvrement, le contentieux fiscal de droit commun et la majorité des litiges.

Le contribuable a la possibilité de demander la décharge ou la réduction de son impôt. Pour cela, il peut faire valoir des erreurs dans la détermination de l’assiette, des erreurs dans la liquidation de l‘impôt ou soutenir que la règle appliquée n’était pas conforme à une règle de droit supérieure.

Les deux grandes caractéristiques du contentieux de l’imposition :

Avant de saisir le juge, le contribuable doit exposer avant devant l’Administration fiscale sa requête et les moyens qu’il veut soutenir. Cette réclamation offre à l’Administration l’occasion de porter un regard neuf sur la situation et les arguments du contribuable. Cette tentative de solution amiable donne la possibilité d’éviter une contestation contentieuse de la créance fiscal Þ surcharge la juridiction.
Si le désaccord persiste, le contribuable saisie le juge fiscal.
Le contentieux de l’imposition se caractérise par l’absence d’une juridiction unique spécialement compétente pour statuer dans ce domaine. Il aurait pu sembler normal ce contentieux relatif au service public relève du Juge Administratif mais en réalité il se partage en Juge judiciaire et Juge Administratif.

Ce partage ancien apparaît dès la loi des 6 et 11 septembre 1790. Il est ensuite précisé par la jurisprudence et la loi et il repose sur le critère de la nature de l’impôt.

Juge Administratif => impôts directs + taxes sur le Chiffres d’Affaire.
Juge Judiciaire => impôts indirects + impôts qui ne sont pas perçus par voie de rôle nominatif (droits d’enregistrement).

Cette répartition est source de complications, le contribuable est pénalisé par la double juridiction car il existait des différences notables entre Juge judiciaire et Juge Administratif du point de vue du pouvoir du juge mais compte tenu des évolutions, des pouvoirs importants sont des deux côtés.

Le contentieux fiscal ce déroule en différentes phases:

1. La phase préalable de réclamation auprès de l’administration

A. Formes de la réclamation et délais

Avant la saisine du juge, une phase de réclamation auprès de l’Administration fiscale est prévue (si le contribuable souhaite contester l’imposition dont il est l’objet il doit d’abord le faire auprès de l’administration directement).
Cette réclamation est formulée par écrit, envoyée au service des impôts du service d’imposition. Elle peut prendre la forme d’une simple lettre sur papier libre et doit mentionner l’imposition contestée mais aussi exposer sommairement les faits, moyens et conclusions du contribuable. Assez substantielle pour permettre à l’administration d’apporter une contestation sur ses propos.

Signature manuscrite de son auteur. Elle doit contenir les documents suivants : avis d’imposition, avis de mise en recouvrement, une pièce justifiant le montant de la retenue.

Etre déposée au plus tard le 31 décembre de la seconde année suivant celle de la mise en recouvrement.

Le paiement est l’élément à partir duquel est calculé le délai de dépôt de la réclamation.

Un contribuable à l’IR qui souhaite contester l’IR acquitté en 2010 sur ses revenus de 2009, peut le faire jusqu’au 31 décembre 2012. Néanmoins, le délai est parfois raccourci ou rallongé (s’il est objet d’une procédure de reprise ou de rectification).

Le dépôt d’une réclamation ne suspend pas le paiement de l’impôt. S’il ne veut pas acquitter l’impôt, le contribuable doit assortir sa réclamation d’une demande de sursis en paiement.

B. La décision de l’administration des impôts

Une fois la réclamation déposée, elle est instruite par l’administration fiscale.

Seul le directeur du service qui a établi les bases d’imposition ou assuré la liquidation de l’impôt a le pouvoir de statuer sur la réclamation et dispose de six mois pour procéder à cette appréciation à compter de la présentation de cette réclamation. Il peut arriver que l’Administration ne s’estime pas en mesure de statuer dans ce délai et donc elle doit avant expiration des six mois, informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu’elle juge nécessaire pour prendre sa décision, en sachant que ce délai ne peut excéder 3 mois. Au terme du délai, l’Administration doit rendre sa décision et la notifier au contribuable par lettre recommandée. Il peut décider d’admettre totalement ou partiellement la demande du contribuable, ou de rejeter la réclamation.

Le silence gardé pendant 6 mois est regardé comme une décision de rejet. Quand la décision n’admet pas intégralement la réclamation du contribuable, lors de rejet, l’Administration fiscale doit indique les motifs.

En cas de rejet, total ou partiel, le contribuable possède un délai de 2 mois pour saisir le juge.

2. La phase proprement contentieuse

A. La première instance

Le juge saisi est, selon l’imposition en cause le Juge judiciaire ou le Juge Administratif. TGI pour Juge judiciaire et prend la forme d’une assignation signifiée à l’Administration par ministère d’un huissier de justice. Si le litige relève de la compétence du Juge Administratif, le recours n’est soumis a aucun formalisme => lettre adressée au Tribunal Administratif. Recours est dispensé du ministère d’avocat.

B. L’appel
Les décisions rendues en première instance peuvent être contesté en appel.
Juge Judiciaire : recours formé dans le délai d’un mois qui suit la notification du jugement, devant la Cour d’Appel compétente. L’appel est non suspensif et est nommé par voie de déclaration aux greffes de la Cour d’Appel.

Juge Administratif : le contribuable peut interjeter appel devant la Cour Administrative d’Appel, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de jugement, ce recours n’est pas suspensif. Obligatoirement présenté par un avocat.

De son coté, l’Administration fiscale bénéficie aussi de la possibilité de faire appel sur un jugement du TA dans un délai de 2 mois. Pour l’Administration fiscale, ce délai s’écoule à compter de la date d’expiration du délai de deux mois imparti au directeur des services fiscaux pour transmettre le jugement et le dossier au ministre ou bien à compter de la date à laquelle le contribuable a fait signifier le jugement du TA au ministre par exploit d’huissier.

  1. La cassation

Quand la CA rend son arrêt, on peut se pourvoir en cassation. Recours non suspensif. Ce pourvoi peut être formé devant la Cour de cassation dans les 2 mois qui suivent la signification de l’arrêt de la CA.
Les jugements de la CCA peuvent être contestés en cassation devant le Conseil d’Etat dans un délai de 2 mois.
Le pourvoi suppose dans les deux cas la constitution d’un avocat.


Section II – LE CONTENTIEUX DU RECOUVREMENT

Comme toutes les créances publiques, l’impôt donne lieu à une procédure de paiement (recouvrement).

Une fois l’impôt établi, il reste à obtenir le paiement du contribuable mais celui-ci peut contester les poursuites engagées à son encontre par le trésor public en vue de parvenir au recouvrement de cet impôt. Ici l’Administration fiscale et le juge fiscal ne sont donc pas saisis d’une demande qui met en cause l’assiette ou la liquidation de l’impôt, c’est le recouvrement de l’impôt qui est contesté. (Recouvrement => encaisser une recette ou percevoir le montant d’un impôt ou d’une taxe).

§1. Le domaine du contentieux du recouvrement

Délimité étroitement. Le contribuable peut tenter de s’opposer aux poursuites en faisant valoir certains arguments seulement :

Opposition a l’acte de poursuite : contester la validité en la forme des actes de poursuite (régularité des poursuites). Soutenir que l’acte de poursuite est entaché d’une irrégularité de forme qui ne respecte pas certaines exigences posées par la loi (ex : la méconnaissance des délais ou le fait qu’un acte ne présente pas toutes les caractéristiques requises).

Opposition a contrainte : remettre en cause l’existence même de l’obligation de payer. Le contribuable va invoquer par exemple la prescription de l’action en recouvrement, il peut mettre en évidence que la somme qui lui est réclamée n’est pas encore exigible ou bien n’est plus exigible. Le contribuable peut invoquer d’autres motifs pour autant qu’ils ne mettent pas en question l’assiette de l’impôt ou la liquidation de l’impôt. Il peut ainsi soutenir par exemple que le montant est excessif dans la mesure où il ne tient pas compte du paiement partiel qu’il a déjà effectué.

§2. Le déroulement du contentieux du recouvrement

Quelque soit le motif, le contribuable est tenu de former au préalable un recours administratif.
Il doit adresser à l’Administration fiscale une réclamation préalable dans un délai de 2 mois et le chef de service compétent dispose de 2 mois pour répondre à compter du dépôt de la demande pour statuer sur ce recours. Silence 2 mois = rejet.

Alors, le contribuable dispose de 2 mois pour saisir le juge fiscal. La juridiction compétente varie en fonction des moyens développés de la contestation.

Juge Judiciaire : contestations qui mettent en cause la validité formelle des actes de poursuites.

Juge Administratif : contestation sur l’existence du paiement de l’impôt, son montant, son exigibilité. Le Juge Administratif est compétent pour les impôts directs et les taxes sur le CA alors que le Juge judiciaire est compétent pour le reste.


Section III – LES CONTENTIEUX FISCAUX SPÉCIAUX

1. Le contentieux de l’annulation en matière fiscale

Désigne l’hypothèse dans laquelle le contribuable va rechercher l’annulation pour illégalité d’un acte administratif qui interfère avec le statut fiscal. Forme un Recours pour excès de pouvoir devant le Juge Administratif.

Le Recours pour excès de pouvoir occupe une place réduite dans le contentieux fiscal en raison de la mise en œuvre de l’exception de recours parallèle. À partir du moment où une mesure de plein contentieux existe, le Recours pour excès de pouvoir a été écarté.

Mais atténuation par la jurisprudence et la théorie des actes détachables. Le Conseil d’Etat a fini par admettre de tels recours.

Jurisprudence Administrative : si un acte administratif est détachable de la procédure d’imposition le Recours pour excès de pouvoir est recevable. Les actes règlementaires sont détachables et peuvent faire l’objet d’un Recours pour excès de pouvoir. Pour les actes non règlementaires la détectabilité est plus rare.

2. Le contentieux de la responsabilité en matière fiscale

Le contribuable peut rechercher la responsabilité de l’administration et demande réparation d’un préjudice subi par l’activité de l’administration.
Le contribuable qui obtient un dégrèvement total ou partiel de son imposition ne bénéficie pas de plein droit d’un dédommagement sauf pour intérêts moratoires. Il doit engager une nouvelle procédure sur le plan du droit commun de la responsabilité.
Suite à un revirement jurisprudentiel (
CE 2011, Krupa), l’exigence de faute lourde est abandonnée pour une faute simple.

Cette faute simple est assortie d’exigences : démonstration que la décision illégale d’imposition ou de recouvrement a eu pour lui directement des conséquences matérielles ou troubles dans ses conditions d’existence.

La répartition des compétences entre Juge judiciaire et Juge Administratif, obéit en outre à des règles relativement complexes.

Juge Administratif: Pour les fautes intervenues lors des opérations d’assiette, quand le litige concerne impôt direct/CA. Même si la faute est détachable des opérations d’assiette.

Juge Judiciaire: Pour les fautes intervenues lors des opérations de recouvrement, si la faute a été commise dans l’exécution des poursuites, le Juge judiciaire est seul compétent, si la faute réside dans la décision d’engager les poursuites, le juge compétent est celui qui est compétent pour statuer sur les contestations de même nature.

Pour la réparation de services fiscaux pour les dommages causés en dehors de toute contestation relative à l’assiette ou à la perception de l’impôt, le Juge Administratif est en principe seul compétent à moins que le litige se rattache à une procédure suivie au pénal.

Actions en réparation contre les agents du fisc sur une faute personnelle relève du Juge judiciaire lorsque cette faute est détachable du service.