Le contenu de la loi de finances

Le contenu de la loi finances

Il s’agit ici d’opérer une distinction matérielle entre la loi ordinaire et la loi de finances, de justifier le fait que l’on distingue ces deux lois. L’article 34 de la constitution du 4 octobre 1958 fixe les règles, l’assiette, le taux, et le recouvrement des impositions de toute nature. La loi fixe l’impôt. Si la loi fixe les règles concernant l’impôt, une loi ordinaire peut le faire. Ce même article 34 précise que les lois de finances (cat. particulière) déterminent les ressources et les charges. Au sens large, les dispositions financières, c’est-à-dire des dispositions ayant un lien à un degré ou à un autre avec les finances publiques sont susceptibles d’être contenues autant dans des lois ordinaires que dans des lois de finances. Le champ financier n’est pas de la compétence exclusive des lois de finances. Pour autant, la loi de finance est avant tout un texte financier. Les lois de finances comportent des comptes, mais les lois de finances sont aussi susceptibles de contenir des mesures législatives (ordinaires au sens des articles, des dispositifs, susceptibles de venir modifier la législation en vigueur). Ex. La loi de finance peut contenir un article financier allant modifier le taux de l’impôt.

  1. A) Un texte financier

Toute décision génère des répercussions financières. Peut-on intégrer n’importe quel type de disposition au sein des lois de finance.

1) Les dispositions devant figurer en loi de finance

– Le titre III de la loi organique s’intitule « du contenu et de la présentation des lois de finances ». On constate qu’au sein de ce contenu, il existe des dispositions qui ne peuvent figurer qu’en lois de finance (ex. l’autorisation de dépenser ou d’émettre des emprunts est une disposition du domaine des lois de finance). – Les garanties accordées par l’Etat aux opérations financières effectuées par certaines personnes morales doivent aussi figurer en lois de finance. Cf. art. 34. – La loi de finance doit comporter les dispositions proprement budgétaires. Tout ce qui attrait au budget et à l’autorisation de sa mise en œuvre doit figurer dans la loi de finance.

2) Les dispositions qui peuvent figurer en loi de finance

Ce sont principalement les dispositions susceptibles d’influer sur les recettes, mais qui ne sont donc pas du domaine exclusif des lois de finance. Essentiellement, c’est tout ce qui concerne la fiscalité mais n’appartient pas à son domaine exclusif. Le législateur peut décider d’introduire un nouvel impôt par une loi ordinaire. Pour des raisons d’harmonisation financière, on intègre traditionnellement les dispositions fiscales dans les lois de finances (de l’année, rectificatives ou de règlement). La loi de finance de l’année 2005 fixe le barème de l’impôt sur le revenu pour l’année 2006, dont on précise qu’il sera établi en 2007. Quand le Gouvernement veut modifier en cours d’année une disposition fiscale, il propose au Parlement de le faire dans une loi de finance.

3) Les dispositions qui ne doivent pas figurer au sein d’une loi de finance

Ce sont les « cavaliers budgétaires ». C’est une disposition en loi de finance, mais qui ne devrait pas y figurer. Pratique très ancienne au sens où les lois de budget de la III République étaient littéralement truffées de cavaliers budgétaires. C’étaient des articles qui venaient modifier le C. pén., C. civ., C. stés.. La pratique ne choquait pas sous la III République. Il n’existait aucun moyen juridique de s’opposer à leur présence. La difficulté venait évidemment de ces cavaliers introduits par voie parlementaire sous forme d’amendement. Avec l’apparition du CC, il y a du changement. Le Conseil Constitutionnel a utilisé le domaine de la loi de finance pour exclure juridiquement les cavaliers budgétaires. Ces cavaliers étaient traqués à partir de 1959, mais la réforme des modalités de saisine du Conseil Constitutionnel en 74 a permis d’accroître la lutte contre les cavaliers budgétaires. Le Conseil Constitutionnel a trouvé le renfort de l’opposition parlementaire qui ne se prive pas de signaler ces cavaliers. Ex. un cavalier budgétaire a été signalé dans la loi de finance pour 1992. Une décision du Conseil Constitutionnel du 30 déc. 1991 censure une disposition de la loi de finance qui permettaient aux services de la redevance audiovisuelle d’accéder aux fichiers de Canal +. La difficulté était que la loi était générale et prescrivait l’accès aux fichiers des chaînes non publiques (Canal + à l’époque). On compare le fichier des abonnés au fichier des contribuables. La CNIL s’était évidemment opposée à la transmission du fichier personnalisé. La loi de finance pour 1992 avait mis une procédure de recouvrement de l’impôt avec la possibilité d’aller consulter ces fichiers. Le Conseil Constitutionnel est intervenu en expliquant qu’il s’agissait d’un cavalier budgétaire.

  • B) Les différents comptes figurant au sein d’une loi de finance

Tous ces comptes composent au sens large le budget de l’Etat. À l’origine, il existait bien un budget de l’Etat, qui sous la restauration servait bien à décrire l’ensemble des mouvements financiers publics qui se déroulaient sur le territoire national (à l’époque, pas de collectivités territoriales : les dépenses des communes étaient intégrées dans le budget de l’Etat). On pouvait avoir une lecture de la règle de l’unité budgétaire signifiant qu’il n’y avait qu’un document budgétaire unique. Evidemment, certaines opérations financières vont être individualisées pour des raisons pratiques, dans des comptes particuliers, et c’est l’ensemble de ces comptes que l’on appelle le budget de l’Etat. Cf. loi de finance de l’année qui détaille l’ensemble de ces comptes. Ces comptes sont de 3 types : – Le budget général, compte le plus important en terme de volume. – Les budgets annexes. – Les comptes spéciaux du trésor (CST).

1) Le budget général et l’unité budgétaire

Le budget général constitue un idéal unitaire qui à l’origine comportait l’ensemble des recettes et des dépenses. C’est un compte qui permet d’autoriser et de prévoir ce que seront les mouvements financiers réalisés au titre de l’Etat. De manière très large, le budget général définit des plafonds de dépense, détermine des évaluations de recette, et il regroupe toutes ces données de manière synthétique. Il s’agit bien ici de permettre un consentement éclairé des représentants de la Nation. En ce qui concerne les recettes, le budget général prévoit bien l’ensemble des recettes qui vont être perçues. Il prévoit le montant des prélèvements sur recette et détermine les recettes nettes de l’Etat. Le budget général renvoie à des états annexés à la loi de finance pour une ventilation par type de recette. En ce qui concerne les dépenses, le budget général va fixer par mission et par programme le montant des dépenses autorisées. La mission désigne une politique publique. Le programme, sous division, désigne la mise en œuvre de ces politiques publiques à travers des missions de service public.

2) Les budgets annexes et l’affectation

Les budgets annexes sont mentionnés à l’article 18 de la loi organique, mais il s’agit ici encore d’une pratique ancienne d’individualisation comptable d’une activité administrative. Il s’agit d’un cas très particulier qui permet de distinguer au sein du budget d’une personne publique, qui ne compose donc qu’une seule personne morale, des autonomies financières. Aujourd’hui, il ne subsiste que 3 budgets annexes : – Les monnaies et médailles, – L’aviation civile – Les JO. Les PTT ont fait l’objet jusqu’en 1990 d’un budget annexe. Un budget annexe est l’autonomisation financière d’une partie de l’Administration. C’est un morceau de l’Administration, généralement un service, auquel on accorde une individualisation des comptes. Ex. L’Administration des monnaies et médailles frappe la monnaie pour le compte de l’Etat, aujourd’hui pour la BCE, mais aussi pour certains gouvernements étrangers. ATT. – La loi de finance est adoptée selon une procédure particulière. On peut être amené à sortir ou intégrer certaines dispositions de cette loi. – La loi de finance, appelée communément le budget, est un temps fort politique. Il peut être tentant de surfer sur une vague (en ce moment le déficit), puis faire passer des amendements dans le sens plus libéral. On exclut certains de ces débats de la loi de finance. Cf. ufr-comete.u-paris10.fr Pourquoi isole-t-on une activité financière ? Parce qu’il est apparu que cette activité était de type industrielle ou commerciale, ce qui a entraîné deux types de réflexion : – une visant à accorder une autonomie financière et à établir une comptabilité industrielle et commerciale. On adopte une comptabilité plus proche du droit privé. Les budgets annexes sont détaillés en sections de fonctionnement et d’investissement. – une consistant à pouvoir affecter une recette à cette activités. Il s’agit d’affecter comptablement une recette à une activité correspondante. Ex. typique le budget annexe du JO, au sein duquel sont affectées les recettes liées au prix de vente du JO. Ce budget annexe prendra en charge les différentes dépenses afférentes à la production du JO. Le régime juridique de transfert financier entre le budget général et les budgets annexes est précisé par la Loi. Les budgets annexes sont des partitions des activités de l’Etat, alors que les budgets des établissements publics sont autonomes. Ainsi, les budgets des PTT sont devenus budgets annexes en 1923 ont été transformé en 2 40 personnes morales de droit public en 1990 (La Poste/France Télécom), pour constituer de fait des établissements publics industriels et commerciaux distincts.

3) Les Comptes Spéciaux du Trésor (CST)

Les CST sont une individualisation comptable distincte du budget général pour autant contenue dans le budget de l’Etat. C’est un des comptes du budget de l’Etat. Les CST sont à la disposition de la Direction du Trésor. Ces comptes lui permettent d’effectuer les opérations non permanentes dites de trésorerie. Ils sont d’une création ancienne. Le pouvoir a autorisé la Direction du Trésor (alors Mouvement Général des Fonds) à tenir des comptes des entrées et sorties de caisse permettant le financement de la dette. Ces montants venant financer la dette, et plus largement les mouvements dits temporaires, sont extrêmement importants. Au sein d’une année, ils peuvent dépasser les montants du budget de l’Etat ! L’ordre de grandeur est celui du budget de l’Etat. Les CST ont dû être encadrés. L’idée est double : – Il s’agit évidemment d’assurer une forme de démocratie financière en permettant au Parlement de se prononcer, – Il s’agit d’accorder une autorisation limitée dans son montant. Cet encadrement s’effectue aux art. 19 à 24 de la loi organique. Sa principale caractéristique vient de ce que la loi de finance définit un solde et non pas un montant maximum de dépenses.

On a 4 catégories de CST, ce qui est un progrès car sous le régime de l’ordonnance organique de 1959, il y en avait 6. L’ordonnance améliorait le régime antérieur qui disposait d’une liste des CST, ayant été au nombre de plusieurs centaines sous la III République. La technique même du CST est une atteinte aux pouvoirs du Parlement et à la démocratie financière. On accorde beaucoup de liberté à la direction du trésor. La multiplication des comptes spéciaux du trésor accordait encore plus de marges de manoeuvres à la direction du trésor. Rapidement, dès que le régime juridique des CST a pu être fixé, les CST n’ont pu être ouverts que par une disposition en loi de finance. Il fallait évidemment le faire à un moment d’attention particulière des parlementaires à ce phénomène financier.

Définie à l’article 21, 1° de la loi organique de 2001, regroupant les comptes d’affectations spéciales. La Direction du Trésor va ouvrir un compte (ressource/charges + solde à la fin) par type d’activité de trésorerie au sein duquel on souhaite pour des raisons soit politiques, soit pratiques, opérer un lien très strict entre les ressources et les charges. Ex. le compte 902-24 est le compte d’affectation des produits de cession de titres, droits et parts de société. Pratiquement, c’est bien dans ce CST que vont être retracés les mouvements financiers liés aux opérations de privatisations. En recette, on voit les recettes des cessions (vente des sociétés), les recettes des sociétés, et en dépense le montant des dotations en capital aux entreprises à participation publique, les achats de titres… L’affectation comptable opère un lien politiquement entre la recette et la dépense. S’agissant de l’investissement temporaire, il faut avertir les représentants de la Nation. Le 902-15, « compte d’emploi de la taxe parafiscale affectée au financement des organismes du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ». Il s’agit de la « redevance audiovisuelle », c’est-à-dire une des taxes parafiscales supprimée juridiquement par l’ordonnance du 1er août 2001, devenues maintenant des taxes affectées. Il y a une action de l’Etat derrière les politiques.

Les comptes dits de commerce de l’article 22-1 de la loi organique : s’agissant de CST, ce sont toujours des opérations temporaires. Ces comptes permettent de retracer certaines opérations industrielles et commerciales. On ne passe pas par des budgets annexes, car on ne souhaite pas individualiser financièrement l’activité, mais on souhaite juste individualiser financièrement le mouvement et définir un solde. Ce compte va retracer des mouvements très particuliers, par ex. les ventes d’armes. On cache le coût de production de certaines armes par ex. dans ce CST. En fin d’année, les mouvements sont gérés par le Trésor, sans que personne ne connaisse les précisions. Le Parlement n’est averti que d’un solde sur lequel il se prononce.

Les comptes d’opérations monétaires. Ces comptes sont précisés à l’article 23 de la loi organique, et ont une finalité particulière qu’est l’intégration et l’inscription financière des résultats liés aux écarts entre les cours des devises lors de la réalisation des opérations de l’Etat. Ces comptes ne sont pas forcément en voie d’extinction, mais leur nombre a diminué avec la création de l’€uro.

Les comptes de concours financiers, prévus à l’article 24 de la loi organique. Ces comptes permettent de retracer les mouvements entre les Etats, qu’il s’agisse d’avances de trésorerie ou de prêts. On a finalement : 1 budget général 3 budgets annexes Une dizaine de CST Leur détail n’est pas lié à leur importance. Un compte peut générer des mouvements financiers de plusieurs dizaines de milliards d’€, alors qu’au niveau de l’Etat, un sous budget d’un milliard d’€ sera bien plus détaillé.