Le délit de mise en danger de la vie d’autrui

le délit de mise en danger de la vie d’autrui

La mise en danger de la vie d’autrui est définie à l’article 223-1 du code pénal. Cet article prévoit une sanction d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende pour toute personne qui a exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.

Elle fait partie des infractions les plus récentes, crées par le Code Pénal de 1992, c’est en matière de droit pénal spécial, la création majeure de 1992.

Fruits d’hésitations et discussions allant se répercuter dans le texte d’incrimination.

Acte que son auteur ne commet pas pour porter atteinte à la vie d’autrui (à défaut homicide, blessures), mais simplement un risque, et sans qu’il y ait eu une atteinte.

Entre les atteintes volontaires et involontaires.

Hésitations : si pas d’atteintes, droit pénal plus réticent.

En l’absence de volonté de porter atteinte à l’intégrité physique, le droit pénal subordonne sa mise en œuvre à une atteinte, compensation de punir un acte qui n’avait pas pour objectif de causer une atteinte.

Le législateur se reconnaît le droit de punir un acte que son auteur n’a pas voulu porter atteinte à l’intégrité physique et qui n’a pas causé une atteinte à l’intégrité physique.

Ex : une imprudence.

C’est pourquoi, l’infraction fait l’objet d’une définition extrêmement minutieuse et afin d’éviter une mise en œuvre excessive de cette infraction, le législateur veut la contenir aux actes les plus graves.

Et en aval, on va avoir une répression très faible.

Définition de la mise en danger de la vie d’autrui : Le délit de mise en danger de la vie d’autrui va punir un acte par lequel un individu expose autrui à un risque, sans que son auteur ait voulu porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui, et alors que cette atteinte à l’intégrité physique n’a pas été commise.

Section I : les éléments constitutifs :

Code pénal ; article 223-1 : « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ».

  • 1°)- éléments matériels :

La violation d’une obligation, qui doit avoir exposé autrui à un risque.

Nonobstant son caractère formel, l’incrimination reproduit un schéma d’infraction matérielle : ce qui est puni : c’est un acte, qui doit avoir causé un résultat : exposition d’autrui à un risque, lien de causalité entre cet acte et le résultat.

La double nature de l’infraction : participe des deux catégories, puisqu’elle est à mi-chemin entre les deux.

A)- La violation (ou l’acte incriminé) :

L’acte incriminé est la violation d’une obligation déterminée.

1°)- la matérialité de la violation :

C’est ‘acte de transgression, de manquement à une violation légale ou règlementaire. Cette matérialité se caractérise à partir du constat qu’une obligation légale ou règlementaire n’a pas été respecté, peu importe la forme prise par cet irrespect : active, par transgression ; ou passive, par défaut d’application.

Le délit d’exposition d’un risque causé à autrui est indifféremment un délit d’action ou d’omission. Cette distinction est artificielle : la violation d’une obligation doit toujours s’entendre d’une abstention : de l’irrespect d’une obligation.

Ex : le fait de circuler à une vitesse supérieure à celle autorisée : violation par abstention de l’obligation de sécurité.

La violation se sera pas une question en débat, on devra simplement observer si le texte a été violé.

2°)- L’objet de la violation :

Toute violation d’une obligation ne caractérise pas le délit : il faut que cette obligation présente des caractères particuliers, il doit s’agir d’une obligation particulière et imposée par la loi ou le règlement.

Une obligation particulière:

Cf atteinte involontaire à l’intégrité physique.

La notion était issue du délit du risque causé à autrui.

L’obligation particulière correspond à un comportement déterminé. On considère a contrario comme générale, l’obligation qui ne permet pas de déterminer à l’avance l’acte à accomplir dans une situation donnée.

Ex : Crim ; 25/06/1996: a approuvé un refus d’informer rendu par un juge d’instruction, relativement à une plainte déposée comme le maire de Paris et le préfet de Police, qui leur reprochait de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour pallier les effets de la pollution atmosphérique. Le refus d’informer faisant prévaloir que les textes sur la qualité de l’air dans les agglomérations, ne prévoyaient pas d’obligations particulières à la charge de leur destinataire.

La notion de loi et de règlement:

La Crim a entendu cette exigence de façon restrictive, en réduisant les notions de loi et de règlement à leur sens constitutionnel. Ce qui lui a amené à exclure tous les règlements qui n’émanent pas du pouvoir règlementaire (règlement d’entreprise), et à exclure les arrêtés préfectoraux individuels : Crim ; 10/05/2000: appliquant la définition constitutionnelle, caractère général et impersonnel.

Déclaration d’insalubrité d’immeuble, imposant au propriétaire des travaux de mise en conformité, obligation particulière : les actes étant déterminés par l’arrêté préfectoral, mais n’a pu déboucher sur la poursuite de délit du risque de mise en danger, puisque n’entre pas dans le champ.

L’obligation doit incomber à la personne poursuivie. Dans le domaine de la santé, de l’alimentaire, incertitude.

B)- Le résultat :

Il faut que la violation ait causé un résultat : « exposition directe d’autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure ».

1°)- Le risque :

Le délit requiert pour le caractériser que l’individu ait été exposé à un risque déterminé.

C’est l’élément le plus délicat à apprécier, puisque par hypothèse, aucune atteinte à l’intégrité physique n’a été observée, et qu’il faut démontrer la potentialité d’une telle atteinte.

Les juges du fond doivent constater l’exposition à un risque, à partir des circonstances de fait, étant observé que la Crim semble exiger que l’exposition à un risque soit caractérisée distinctement de la violation d’une obligation de sécurité.

Il ne suffit pas de relever la violation d’une obligation de sécurité, pour que l’exposition à un risque soit nécessairement caractérisée.

Crim ; 19/04/2000: relatif à un dépassement de vitesse, largement supérieure à celle autorisée. L’individu avait été contrôlé et poursuivi pour délit de risque causé à autrui. Crim censure l’arrêt de condamnation, au motif que celle-ci ne faisait pas état de circonstances particulières s’ajoutant à la violation de l’obligation observée.

→ Effectivement, selon la Crim ce n’est pas parce qu’il y a eu violation d’une obligation de sécurité, qu’il y a eu exposition à un risque, il convient de caractériser distinctement ce risque.

NB : délit de très grand excès de vitesse, ne faisant pas double emploi avec celle d’exposition d’un risque à autrui.

Le risque ne se confond pas avec la violation de l’obligation de sécurité.

Mais certaines violations sont intrinsèquement liée à un risque, qui résulte nécessairement de la violation (matière alimentaire).

2°)- L’exigence d’autrui :

La présence effective d’un tiers est-elle nécessaire à la constitution de l’infraction ?

Dans des hypothèses où le comportement très dangereux de l’auteur peut se faire sans présence d’autrui, en raison de circonstances tenant intégralement au hasard, la Crim a retenu qu’il était possible de retenir le délit, notamment en matière de circulation routière : le délit existait alors même que personne n’avait été concrètement mis en danger (rodéo automobile).

Au regard des travaux préparatoire de la loi, le législateur avait pour justifier l’incrimination de cette infraction pris des exemples qui relevait de cette hypothèse.

3°)- Exposition directe :

Il faut qu’il y ait un lien de causalité entre la violation d’une obligation de sécurité et le risque qui a été constaté.

Il est impératif que l’on puisse caractériser un lien direct.

Crim ; 16/02/1999: a annulé une condamnation aux motifs que les juges du fond n’avaient pas caractérisé ce lien direct entre la violation observée et le risque encouru par les victimes.

4°)- Risque immédiat :

L’exposition doit avoir porté sur un risque immédiat : il semble que le législateur ait requis la nécessité d’une proximité quasi-temporelle entre la violation et le risque.

En effet, le terme « immédiat » qui a une connotation de temporalité, nous permet de voir que le législateur veut exclure les violations qui sont trop éloignées dans le temps.

Les notions d’immédiateté et de direct se rejoignent pour imposer un lien de causalité très fort.

Éléments objectifs pris en compte pour réduire le champ d’application.

  • 2°)- L’élément moral :

La violation doit avoir un caractère manifestement délibéré.

L’élément moral ne relève pas d’une simple imprudence, mais plutôt de la catégorie aggravé à travers de cet adjectif « délibéré ».

Élément de connaissance:

Il porte sur l’obligation : il y a violation délibérée, lorsque l’auteur connaissait l’obligation qui s’imposait à lui. Il convient donc d’établir cette connaissance, étant précisé qu’il y a des domaines dans lesquels cette connaissance peut être présumée, parce que l’ignorance de cette obligation n’apparaît pas concevable.

Techniquement, ce n’est pas une présomption, puisqu’on n’accepte pas la preuve contraire.

Élément de volonté:

L’individu doit avoir volontairement violé l’obligation qui s’imposait à lui.

Dans bien des cas, ce caractère volontaire va se déduire de la connaissance de l’obligation, dès lors qu’il connait l’obligation, on en déduira qu’il voulait ne pas la respecter, or précisément il l’a transposée.

Le débat va se cristalliser sur la connaissance de cette obligation.

Est-il nécessaire que l’auteur ait conscience du risque exact entrainé par cette violation ?

La Crim a répondu par la négation, Crim ; 16/02/1999: le délit de 223-1 n’exige pas que son auteur ait eu connaissance du risque particulier effectivement causé par son manquement.

Il suffit que l’auteur ait conscience du risque et de son comportement, mais il n’est pas nécessaire qu’il a eu conscience de la gravité de ce risque.

Section II : la répression :

1 an d’emprisonnement et 15 000€ d’amende

Crim ; 6/06/2000: complicité a été retenue comme possible, traditionnellement ce qui relevait d’un comportement imprudent, est considéré comme peu compatible avec la complicité.

Peu d’arrêt dans ce domaine.

Développement de la correction par les éléments constitutifs.

Une personne pouvait-elle être complice d’un manquement à une obligation de prudence et de sécurité : passager d’un véhicule automobile avait enjoint au conducteur de griller le feu.

Pas de tentative punissable : texte ne le prévoit pas, et ne paraît pas concevable dans ce domaine.

Conflit de qualifications :

– Comment résoudre le conflit de qualification quand la violation d’une obligation de sécurité a causé une atteinte à l’intégrité physique, voire à la mort d’autrui

→ délit de risque causé à autrui // homicide involontaire.

Crim ; 11/09/2001: seules les qualifications d’atteinte à l’intégrité physique sont retenues, pas de cumul avec le risque causé à autrui.

Le délit d’homicide involontaire absorbe l’ensemble des faits commis, et d’autant plus que depuis la loi du 10/07/2000, le manquement à une obligation particulière de sécurité ou de prudence est une circonstance aggravante d’atteinte involontaire à l’intégrité physique ou à la vie. En outre, le critère de la valeur sociale protégée, employée parfois par la jurisprudence, les valeurs sociales protégées sont identiques.

Les atteintes à l’intégrité physique ont des peines plus élevée, lorsque circonstance aggravante.

– Violation particulière de sécurité et de prudence est par elle-même incriminée ?

Le respect de l’intégrité est en elle-même érigée en infraction pénale, et en raison de circonstances particulières, on pourra constater que la contravention pénalement punie a créé un risque causé à autrui.

Ex : délit de grand excès de vitesse.

La violation de l’obligation est elle-même constitutive d’une infraction pénale et engendre un risque causé à autrui.

Pour certain : primauté de l’infraction spécial sur celle générale, pas de cumul.

Pour d’autres : cumul, les valeurs sociales protégées sont différentes (discipline – vie et intégrité physique).