Le dommage médical et sa réparation fondée sur la solidarité nationale

LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE ET HOSPITALIÈRE ET LA RÉPARATION FONDÉE SUR LA SOLIDARITÉ NATIONALE

La situation d’hospitalisation et les soins prodigués peuvent être de nature à créer des dommages. Il y a beaucoup d’hypothèses dans lesquelles les soins peuvent être générateurs de complications, de dommages corporels,… Tous les cas de maladies nosocomiales (maladies contractées à l’hôpital étrangères à la pathologie originale). Les infections iatrogènes sont les pathologies développées à l’occasion de l’administration d’un médicament. C’est le cas aussi lorsque le médicament donné n’a pas simplement des effets qui sont néfastes mais prévisibles mais aussi des médicaments contenant une molécule qui peut provoquer de graves complications. C’est le cas de l’affaire du Médiator.

CHAPITRE I – LA RÉPARATION FONDÉE SUR LA SOLIDARITÉ NATIONALE

Il y a un certain nombre de préjudices pris en charge au titre de la solidarité nationale. C’est généralement les préjudices d’une naturelle telle qu’on considère qu’on ne peut pas les laisser sans intervention publique et donc indemnisation publique. C’est l’idée d’un seuil d’acceptabilité sociale appelant la puissance publique à ne pas laisser les victimes seules face au procès. Cette réparation est effectuée par l’ONIAM.

Section 1- Le champ d’application de la réparation fondée sur la solidarité nationale

C’est la loi du 4 mars 2002 qui confié à l’ONIAM l’indemnisation des conséquences dommageables des accidents médicaux non fautifs et des infections nosocomiales graves. Ce procédé s’est développé et on a inclut dans le champ d’application d’autres situations, notamment l’amiante ou le Médiator.

A- Les accidents médicaux non fautifs et les infections nosocomiales

Dans les deux cas, il s’agit de prendre en charge l’aléa thérapeutique. C’est l’idée que derrière tout acte médical, même réalisé en respectant les obligations, a une part de risque. La question est de savoir dans quelle mesure on indemnise cet aléa.

Avant la loi du 4 mars 2002, on avait des positions divergentes de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat car il y avait n traitement différent des patients face à l’aléa thérapeutique selon qu’il a été opéré dans un établissement privé de santé ou dans un établissement public de santé. Le fait que la dualité de juridiction ait des conséquences sur l’indemnisation des victimes est critiquable. La Cour de cassation refusait l’indemnisation de l’aléa thérapeutique dans le champ de la responsabilité médicale : Civ1. 8 novembre 2000: « la réparation des conséquences de l’aléa thérapeutique n’entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l’égard de son patient ». Le Conseil d’Etat avait ne position différente : Conseil d’Etat. Ass. Bianci. 9 avril 1993: le Conseil d’Etat avait admis que l’aléa thérapeutique pouvait engager la responsabilité sans faute du service public.

La loi du 4 mars 2002 vient unifier les deux jurisprudence, plus précisément « corriger » la jurisprudence de la Cour de cassation pour l’aliéner sur celle du Conseil d’Etat. Cette loi pose un principe d’indemnisation de l’aléa thérapeutique grave au titre de la solidarité nationale : article L. 1142-1 du Code de la Santé Publique. Cet article pose un certain nombre de conditions et de critères car il ne s’agit pas de tout indemniser aveuglement. D’abord, les dommages constatés doivent être liés causalement à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins. Ensuite, cet article pose une condition au terme de laquelle les conséquences dommageables doivent être anormales par rapport à l’état de santé du patient quand il est entré à l’hôpital. Ici, le texte reprend expressément la jurisprudence Bianci. La victime ne peut donc pas être indemnisé d’un préjudice qui en tout état de cause se serait réalisé en raison de sa pathologie. C’est une simple question de causalité. Cela permet de protéger l’activité médicale car il s’agit aussi de ne pas imposer aux médecins une obligation de résultat, c’est-à-dire qu’un traitement normalement effectué mais qui n’a pas marché n’ouvre pas doit à indemnisation des victimes. On conserve donc l’obligation de moyens. Dernière condition, c’est celle de gravité de l’atteinte car il faut que de dommage présenté par le patient dépasse un certain seuil de gravité, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de se plaindre du moins désagrément devant l’ONIAM. Des critères permettant de l’apprécier comme la perte de capacité fonctionnelle, les conséquences sur la vie privée et professionnelle, la durée du dommage. S’agissant des maladies nosocomiales, l’intervention de l’ONIAM est possible dès lors que les conséquences fonctionnelles sont équivalentes à un déficit fonctionnel permanent de 25%.

B- Les autres dommages indemnisés au titre de la solidarité nationale

Il n’y a pas de liste parfaitement synthétique. Cela dépend tout à fait de l’intervention publique et évidement de la gravité. Dans les maladies, on retrouve par exemple les maladies liées aux vaccinations obligatoires, les contaminations transfusionnelles pour le Sida ou l’hépatite C, les mesures d’urgence sanitaire, le Ben Florex (seul cas où il n’y a pas de présomption de causalité car la victime doit apporter la preuve), hormone de croissance. C’est une liste qui n’a pas un critère unique, sinon celui de la gravité du préjudice de la victime et la volonté d’une prise en charge publique. Souvent, cela intervient à la site de scandales.

Section 2- La procédure d’indemnisation

Elle est plus ou moins simplifiée selon la situation de la victime. Dans le cas par exemple de l’infection par le virus du Sida, une offre d’indemnisation est faite par l’ONIAM dans un délai de 4 mois. On applique les présomptions de causalité et donc la victime est dans une situation juridique très simplifiée. Mais, elle peut proposer cette offre d’indemnisation faite par l’ONIAM. En cas de refus, elle doit introduire un recours juridictionnel contre l’offre de l’ONIAM. Pour les victimes du Benflorex, cela est similaire à une procédure juridictionnelle devant l’ONIAM où la victime n’est pas tellement favorisée car il lui appartient de prouver le fait du praticien, le lien avec le dommage, le degré du dommage et l’anormalité du dommage. Un collège d’expert peut refuser l’indemnisation et dans ce cas il peut y avoir une saisine juridictionnelle contre cette décision. Lorsque l’ONIAMl accepte le principe d’une indemnisation, elle fait en offre qui peut être acceptée par le victime ou refusée et donc entraine une instance juridictionnelle.

CHAPITRE II – GÉNÉRALITÉ SUR LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE ET HOSPITALIERE

On peut avoir un dommage occasionné par la faute du médecin, de l’infirmier,… C’est le cas d’une erreur de dosage. Ce sont des hypothèses avec une faute du patricien. C’est assez classique et ce n’est pas toujours très grave. Il arrive très rarement que ce soit des choses graves. Le cas le plus fréquent est l’oubli d’une compresse dans le corps à la site d’une opération.

Il y a des dommages en raisons de faute dans le fonctionnement et l’organisation du service. C’est le cas d’un oublie d’une personne dans la salle d’attente des urgences. La détermination de la cause du dommage est très importante dans ce cas. Le problème se passe souvent sur le terrain de la causalité car on se demande quel élément à causé le dommage que présente le patient. On recherche donc la cause directe du dommage. La question qui se pose dans la jurisprudence est de savoir s’il faut considérer que le patient est, par ses prédispositions, coauteur de son dommage et donc limiter la responsabilité médicale. La jurisprudence impute à la victime une part de responsabilité si elle a contribué au dommage. Cela renvient un peu à sanctionner le comportement du patient tout au long de sa vie qui n’était pas fautif et donc cela est très critiqué. Dans ces hypothèses de prédisposition de la victime, on laisse une part de responsabilité au patient comme s’il avait commis une faute, mais ce n’est pas une faute généralement (tabac, alcool, toxicomanie,…). C’est donc une position assez stricte de la part du juge car l’exonération de la responsabilité se fait sur un comportement jugé fautif alors que la notion de faute n’est pas utilisée.

On retrouve les mêmes hypothèses dans les relations patient-médecin dans la médecine libérale. En cas de faute de diagnostic ou de pronostic par exemple le médecin sera responsable en raison de sa faute.

On a regroupé ces hypothèses sous deux régimes juridiques :

  • un régime de responsabilité stricto sensu, l’engagement d’un patrimoine en raison de la méconnaissance d’une obligation
  • un régime d’indemnisation fondée sur la solidarité

On a eu une évolution très marquée et tout au long du XX e siècle avant de la protection de l’administration à la protection de la victime. On est donc passé d’un régime rigoureux envers le victime à une situation dans laquelle on indemnise très facilement les victimes dans un certain nombre de cas. Contrairement au droit civil, la faute en droit de la responsabilité administrative a toujours été considérée comme protectrice du service public parce qu’on demandait à la victime d’un dommage de prouver une faute de l’administration pour engager sa responsabilité. La faute se présentait comme une condition mais aussi un obstacle à l’engagement de la responsabilité. L’établissement d’un dommage ne suffisait pas car il fallait prouver que ce dommage a été causé par l’administration et que le fait générateur du dommage était un fait fautif de l’administration. Cependant, il n’y a pas toujours de faute, notamment dans le cas des maladies nosocomiale. Dans ce cas, le patient ne pouvait pas prouver l’existence d’une faute donc la méconnaissance d’une obligation. Il n’y avait donc pas d’indemnisation.

La particularité du droit administratif est qu’on avait des théories de faute lourde et de faute qualifiée donc des fautes d’une particulières gravité dont il incombait à la victime de prouver qu’elle a été commise par le service public. Cette théorie de la faute lourde venait protéger un service dont on considérait que l’activité était difficile à exercer. La faute lourde était appliquée pour protéger les activités complexes : dommages de guerre, en matière fiscale, en matière médicale.

Cela signifiait qu’un patient subissant un dommage potentiellement grave en raison d’une faute d’un médecin ne pouvait engager la responsabilité de l’hôpital et donc être indemnisé de son préjudice.

Ce système a volé en éclat dans les années 1990-2000 avec la disparition de la théorie de la fausse lourde, le développement de la responsabilité administrative sans faute et surtout le développement des fonds d’indemnisation. Tout cela permet une meilleure prise en considération du dommage et de l’indemnisation pour la victime. On a donc une rupture de paradigme car les rôles se sont quasi inversés. Cette inversion est liée au développement du droit des patients, on peut même parler de droit du patient d’engager la responsabilité administrative. Cette évolution est très mal reçue par les praticiens, on peut notamment le remarquer dans le cadre de l’intervention médiatique du médecin dans le cas de l’affaire Lambert. Encore aujourd’hui, les médecins sont réticents et au moment de la suppression de la faute lourde ils sont dénoncé une mise en cause de l’activité médicale. Ils y voient un dysfonctionnement du service public et une incitation des médecins à ne plus rien faire. Cette argumentation n’est pas propre au droit de la santé car il existe la même chose dans le cadre de la responsabilité financière.

Mais une activité, même complexe, ne peut se faire en dehors du Droit et les patients doivent avoir accès au juge pour que leurs droits soient effectifs. C’est donc une conquête du Droit.

Il est de plus en plus fréquent de distinguer les notions de dommage et de préjudice. On considère que le dommage est un fait qui est lié causalement avec un fait générateur du dommage, par exemple, une pathologie, une blessure, la mort. La notion de préjudice est la qualification juridique du dommage. Très souvent la doctrine présente ces notions comme synonymes. Le préjudice est en réalité ce que le juge administratif considère comme dommage susceptible d’être juridiquement pris en compte pour ouvrir droit à une indemnisation du préjudice. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de politique juridique concernant le dommage alors que le préjudice est la qualification juridique des faits donnant lieu à indemnisation et donc elle peut être le résultat d’une politique juridique. Cela est important en raison d’un débat sur la réparation du dommage écologique. En fait, le législateur et la jurisprudence ne reconnaissent pas le dommage écologique comme un préjudice indemnisable. Le préjudice est une qualification qui se construit juridiquement. On a développé à la victime et ses ayants droits les postes de préjudice c’est-à-dire les atteintes qui sont indemnisables, par exemple les atteintes corporelles seront indemnisées par la souffrance, l’incapacité de travail,… Un autre poste sera la perte de chance, l’atteinte aux ayants droits. C’est donc une question de politique préjudice car on se demande ce qui peut être indemnisé.

Pendant longtemps, le juge administratif a été plutôt restrictif à l’égard de l’indemnisation des préjudices. On indemnisait uniquement le préjudice corporal lié au dommage corporel. Le juge administratif a évolué pour prendre intégralement en considération le préjudice des victimes. Le juge administratif a donc adopté une jurisprudence de plus en plus favorable à la victime et qui est cohérente avec ce tropisme favorable à la victime. Désormais, on indemnise le préjudice corporel, la perte de chance ou encore le préjudice moral lié à l’absence d’information du patient. Le Conseil d’Etat considère qu’un patient qui a été mal informé par exemple de la douleur qu’il va éprouver l’opération n’a pas pu se préparer à cette douleur et donc le Conseil d’Etat considère qu’il subir n préjudice lié au défaut d’information.

Ce qui est lié au fait générateur du dommage, le faute de l’administration, est uniquement le dommage donc un autre fait. Le préjudice concerne les suites juridiques de ce dommage.