Le dommage ou préjudice en responsabilité civile

LE DOMMAGE (OU PRÉJUDICE)

Pour que la responsabilité civile d’une personne soit mise en œuvre il faut réunir trois conditions : un dommage (appelé aussi préjudice), un fait générateur et un lien de causalité entre les deux.Nous étudions ici le dommage.

Le dommage est la lésion subie (le préjudice est la conséquence de cette lésion). Le dommage doit être certain, direct et déterminé pour pouvoir être réparable. Tous les dommages ne peuvent donc être réparable.

  • Le caractère certain : Le dommage éventuel ne peut donc être indemnisé. La perte d’une chance peut être considérée comme réparable car c’est bien d’un préjudice actuel.
  • Le caractère direct : Il doit résulter directement du fait reproché au responsable
  • Le caractère déterminé : Il s’agit de pouvoir évaluer le dommage subi. C’est le rôle des experts de chiffrer tous les éléments constitutifs. Le dommage peut être matériel, corporel ou moral .

I – LA NÉCESSITE D’UN PRÉJUDICE

Le dommage est le premier élément de la responsabilité, en vertu de l’art. 1382 (aujourdhui article 1240). La victime doit prouver l’existence d’un préjudice. Un dommage est l’atteinte à un intérêt patrimonial ou extrapatrimonial de la victime

II – LES CARACTÈRES DU DOMMAGE

  • 1. Le caractère direct du dommage

Le dommage doit être direct, c’est à dire en relation de causalité avec la faute commise. Le dommage doit être la suite directe de l’incident.

  • 2. Le caractère légitime du dommage

Pour obtenir réparation la victime doit invoquer d’un intérêt légitime juridiquement protégé.

Le dommage doit être licite, c’est à dire non contraire à la loi et aux bonnes mœurs. Une personne exerçant une activité illégale ne peut réclamer la réparation du préjudice issu de la perte de bénéfices de cette activité suite au dommage. Cette exigence du caractère licite du dommage fut, avant l’arrêt Veuve Gaudras, un des fondements du refus d’octroi de tous dommages et intérêts à la concubine.

  • 3. Le caractère présent du dommage

Le dommage est certain lorsqu’il est vraisemblable. Il ne peut y avoir de réparation en l’absence de dommage. Il y’a certitude du dommage une fois qu’il a été réalisé, la victime doit rapporter la preuve de la matérialité et l’effectivité du préjudice, car selon les juges du fond, la simple exposition a un risque ne constitue pas un dommage certain, il ne peut donc être indemnisé. Exception: il y’a certitude du dommage (= le dommage devient donc réparable) si sa survenance est inéluctable.

  • 4. Le dommage certain et le dommage éventuel

Il faut écarter tout dommage éventuel dont on ne sait pas s’il va se réaliser.

  • Perte de chance : disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. La jurisprudence – après avoir longtemps refusé de prendre en compte une perte de chance, au motif que le dommage concerné était trop hypothétique pour être indemnisé- lui a accordé une véritable valeur juridique. Le juge s’attachent aux caractères réel et sérieux de la perte de chance pour l’indemnisé.
  • Le préjudice d’anxiété : situation d’inquiétude permanente face à un risque. Sa reconnaissance en tant que dommage moral porte atteinte au caractère présent et certain du dommage. Or les juges pratiquent couramment l’indemnisation de dommages futurs mais certains (Ex- chaque fois que la victime est atteinte d’une incapacité physique permanente l’empêchant totalement ou partiellement de travailler, il lui est alloué une somme tenant compte de la diminution ou de la suppression des gains futurs en raison de cette incapacité).

Si la perte de chance vise à indemniser la perte de la possibilité de ce qui aurait normalement dû arriver, le préjudice d’anxiété indemnise la crainte de ce qui n’aurait jamais dû arriver.

III – LA DIVERSITÉ DES DOMMAGES

  • &1. Le dommage matériel

Concerne les atteintes aux droits pécuniaires ou patrimoniaux que subit la victime. Peuvent porter sur:

  • soit la perte éprouvée (damnum emergens). Ex : destruction des biens de la victime.
  • soit le gain manqué (lucrum cessans). Ex : préjudice économique ou professionnel.

  • &2 – Le dommage moral

La victime est lésée d’un intérêt de nature extrapatrimonial. Une douleur ou l’atteinte a un sentiment.

Le principe de réparation : le préjudice résulte de la mort ou de la souffrance d’êtres chers.

Les adversaires de ce type de réparation font valoir qu’il n’est pas possible de « monnayer les larmes » et qu’en outre, l’appréciation par équivalent (sous forme d’argent) de la douleur morale est éminemment délicate. Les partisans d’une telle indemnisation font valoir que dans notre société, l’argent procure une satisfaction indirecte et que les textes eux-mêmes ne distinguent pas selon le type de dommage (ainsi l’article 1382 est-il très général).

Depuis 1883 la jurisprudence a opté en faveur de la réparation du dommage moral car si l’argent n’a pas le pouvoir de faire revenir les absents ou de faire taire la douleur, il est une valeur incontestable de remplacement.

Le préjudice moral est apprécié par les juges du fond selon des circonstances factuelles. Son appréciation peut être difficile.

Variété du dommage morale: atteinte à l’honneur, à des convictions religieuses, souffrances morales, il peut aussi résulter de la perte d’un être cher.

Les personnes morales peuvent aussi recevoir réparation d’un dommage morale.

  • &3. Le dommage corporel

Atteinte à l’intégrité physique d’une personne. Le corps humain est inviolable. Tout ce qui porte atteinte à son intégrité donne droit à une réparation. La réparation est fixée en fonction du taux d’incapacité.

A) Les atteintes corporelles non mortelles

  1. Le dommage comprend
  • Le gain manqué (lucrum cessans) : incapacité de travail
  • La perte subie (damnum emergens) : frais médicaux engagés.
  • Le prix de la douleur (pretium doloris) : dommages lié aux souffrances physiques ou morales.
  1. Inventaire des préjudices corporels non mortelle
  • Incapacité temporaire de travail: elle est évaluée en multipliant la durée de l’incapacité, par le revenu Elle peut être totale (ITT = incapacité totale de travail) ou partielle (ITP= incapacité partielle de travail).
  • Incapacité physique permanente: déterminer par une expertise médicale les séquelles définitivement laissées par le fait dommageable, autrement dit la réduction du potentiel physiologique initial de la victime.
  • Pretium doloris: l’évaluation est proposée par l’expert médical qui fixe un niveau, en fonction de la douleur ressentie par la victime, sur une échelle allant de 1 à 7.
  • Préjudice d’agrément: il résulte de la perte d’une qualité de vie de la victime. Préjudice résultant de la diminution des plaisirs de la vie, causée notamment par l’impossibilité ou la difficulté de se livrer à certaines activités normales d’agrément (activité sportives ou ludiques). Impossibilité pour la personne, provisoire ou définitive, de continuer à pratiquer des activités de loisirs qui étaient régulières avant l’accident.
  • Préjudice esthétique: vise à compenser les traces visibles et permanentes laissées par le fait générateur sur le corps de la victime.
  • Préjudice sexuel: indépendant de tous les autres préjudices, son indemnisation permet de compenser la privation de tout ou partie de l’activité sexuelle de la victime.

Le préjudice de contamination a été défini comme le préjudice exceptionnel extra patrimonial qui est caractérisé par l’ensemble des préjudices tant physiques que psychiques résultant notamment de la réduction de l’espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ainsi que des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d’agrément ainsi que de toutes les affections opportunes consécutives à la déclaration de la maladie. Ex- contamination par le virus VIH.

B) L’atteinte mortelle

L’ayant droit est une personne détenant un droit du fait de son lien avec l’auteur.

Ayant une vocation successorale universelle, les héritiers sont en droit de demander tout ce que leur auteur aurait pu faire valoir s’il avait survécu. Ils peuvent aussi obtenir l’indemnisation du préjudice qu’ils ont vécu personnellement : c’est ce que l’on appelle le préjudice « par ricochet ».

Les victimes par ricochet subissent un préjudice moral ou matériel du fait des dommages causé à la victime principal.

Dans un premier temps, la jurisprudence avait exigé du demandeur qu’il ait un lien d’ordre alimentaire (indemnisation refusée à ceux qui ne bénéficient pas d’une créance alimentaire contre la victime, ex: neveux, oncles, fiancées, amis et voisins).

L’arrêt Veuve Gaudras du 27 février 1970, a abandonné cette exigence.

Aujourd’hui en droit positif, le préjudice par ricochet peut faire naître aussi bien une réparation matérielle, dès lors que le dommage est certain, sans avoir à prouver un quelconque lien alimentaire entre le demandeur et le défunt, que morale, qui sera le plus souvent la réparation d’un préjudice d’affection. Le caractère personnel du dommage est considérablement nuancé.