Le droit d’auteur : l’héritage et le régime matrimonial

La famille de l’auteur :

L’auteur ne peut être qu’une personne physique, et non morale (≠ aux USA).

Incidence de l’union sur les droits d’auteur ?

Section I : Les régimes matrimoniaux :

La plupart des couples mariés, le sont sous le régime légal : la loi leur attribue automatiquement un régime légal, la communauté réduite aux acquêts.

Tout ce que les époux gagnent ou font, ou acquièrent pendant le mariage, tombe dans la communauté : patrimoine commun.

À la dissolution du mariage, on partage par moitié.

Cette règle appliquée aux œuvres :

Un écrivain s’est marié, il y a 30 ans, il a écrit 15 romans, à qui appartiennent les droits d’exploitation ?

Les 15 romans appartiennent aux deux, à la dissolution du mariage, ils vont devoir partager les droits patrimoniaux portant sur les œuvres, et non le droit moral attaché à la personne.

C’est la solution de la Cour de Cassation, dès le XIXe, de 1880 jusqu’en 1957, puis la loi est venue briser la jurisprudence.

Les auteurs ont exigé que les œuvres soient soustraits du régime de droit commun : on ne peut traiter des œuvres, comme on traite les Valeurs Mobilières, les SICAV etc.

L’œuvre n’est pas un produit comme un autre.

L121-9 : « sous tous les régimes matrimoniaux, le droit d’exploitation reste propre à l’époux auteur ».

Les œuvres sont sorties de la communauté et appartiennent à l’auteur, au divorce elles seront conservées par l’auteur, exception au régime légal.

Mais il est prévu que les fruits de l’exploitation, pendant le mariage seront en revanche partagés, tombant dans la communauté (acquêts).

La Cour de cassation approuvée par la doctrine majoritaire fait un sort à part au support matériel : la valeur patrimoniale d’un tableau est essentiellement le support, et non les droits d’exploitation.

Affaire Bonnard : les tableaux tombaient-ils en communauté ?

Les œuvres sont des biens propres

Mais par une interprétation littérale de L121-9, la Cour de cassation considère que le support matériel n’est pas une œuvre. S’agissant de la propriété de tableaux pris comme support et non comme œuvre, Cour de cassation a considéré que les tableaux n’étant pas des œuvres, sont exclus de L121-9 et donc application du droit commun, le support matériel tombe en communauté.

Pour le PACS, pas L121-9, mais le droit commun.

Section II : Les successions :

Sous-section I : La dévolution des droits patrimoniaux :

  • 1°)- Le mécanisme de dévolution :

A)- Le délai :

L123-1 : les droits d’exploitation de l’auteur passent après sa mort à ses héritiers, mais pour une durée limitée : prescription extinctive, 70 ans après la mort de l’auteur.

Une œuvre est protégée dès sa création toute la vie de l’auteur, puis après sa mort, elle passe aux héritiers qui conservent l’exploitation exclusive pendant 70 ans.

Cette durée de 70 ans résulte d’une directive européenne de 1993, avant en France : 50 ans.

Au bout de 70 ans l’œuvre n’est plus protégée, elle tombe dans le domaine public, propriété de tous.

Ex : coffret de toutes les œuvres de Mozart, alors que l’œuvre est gratuitement à la disposition de tous, les héritiers cherchent des moyens pour faire prolonger la durée de l’exploitation.

Civ1ère ; 27/02/2007 : après les deux guerres mondiales, le Parlement a voté deux lois pour prolonger la durée de protection des œuvres, pour un total de 14 ans, l’un en 1919, et l’autre en 1951. A cette époque, protection de 50 ans après la mort de l’auteur.

Pour tous les auteurs qui avaient crée leurs œuvres avant chaque Guerre Mondiale : 64 ans.

Mais directive 70 ans, mais le gouvernement n’a pas supprimé les deux dispositions en temps de guerre. Ces 14 ans sont-ils ajoutés au nouveau délai de 70 ans ?

Un des arrêts porte sur Monnet : reproduction d’œuvres de monnaie, à un moment si on avait utilisé ce délai de 84 ans, protégé : contrefaçon, si délai de 70 ans : dans le domaine public.

Cour de cassation : 70 ans max.

Œuvres de Monnet réalisées avant la Seconde Guerre Mondiale, Monnet est décédé en 1926, si délai de 70 ans : dans le domaine public.

Si on utilise les prorogations de guerre : 70 + 14 : 84 ans, Monnet encore protégé aujourd’hui, jusqu’en 2010.

Mais la Cour de cassation a considéré que les prorogations de guerre ne sauraient être appliquées car il y aurait contrariété avec le droit européen, harmonisation sur le marché intérieur.

La durée limitée du droit d’auteur s’apparente à la prescription : principe, la mort de l’auteur + 70 ans, mais variantes :

– les œuvres de collaboration : un film ayant pour auteur, réalisateur, scénariste, le compositeur de la BO, le point de départ, fixé dès le XIXe siècle (CCass, série d’opéras) : à compter du jour de la mort du dernier auteur, règle favorable ; L123-2 CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE.

Ex : BD, Astérix, ensemble de BD créées par Goscinny et Uderzo : le point de départ de la prescription ne courra qu’à la mort d’Uderzo.

– séries d’œuvres pour lesquelles ce serait trop compliqué, et le rôle de l’entreprise qui est à l’origine de l’œuvre est déterminant.

Ex : dictionnaire, à l’initiative d’un éditeur réunis la contribution de 80 spécialistes, compliqué pour conna��tre lequel est décédé le dernier, et chacun n’a qu’une petite contribution.

D’où L123-3 : les 70 ans ne courent qu’à compter de la publication de l’œuvre.

B)- Les héritiers :

Application du droit commun, pas de règles spécifiques pour la dévolution des œuvres aux héritiers de l’auteur.

L’auteur exprime ses volontés, et transmet ses biens : donations, ou testament.

Sous réserve des héritiers réservataires, il peut librement disposer de ses œuvres : légataire universel ou particulier.

Mais si l’auteur n’a pas fait de testament : dévolution légale, les biens sont de plein droit transmis aux héritiers, principalement ses enfants, le conjoint survivant etc.

L’auteur laisse 3 enfants, les œuvres vont leur appartenir : copropriétaires, des supports et droits d’exploitation.

Le plus souvent, la succession d’un auteur se dénoue par une indivision, mais cela suppose que les enfants s’entendent pour prendre des décisions relativement à l’exploitation des œuvres.

Mais réforme du 23/06/2006 a introduit la règle selon laquelle les décisions peuvent être prises à la majorité des 2/3 et non plus à l’unanimité (CCiv815-3).

La règle de l’unanimité subsiste que pour les actes de disposition les plus graves.

Les trois enfants vont eux-mêmes avoir des enfants, eux-mêmes vont transmettre à leurs propres enfants jusqu’au terme du délai de 70 ans, mais plus on avance, plus la gestion des œuvres est compliqué (plus d’indivisaires), d’où réforme importante.

Il n’y a pas de règle qui interdirait que par le jeu des dévolutions, après le 2nd degré, les œuvres sortent de la famille.

Ex : légataire universel peut être un tiers, qui à son décès peut lui-même transmettre l’œuvre à des tiers (éditeur).

  • 2°)- Les œuvres posthumes :

—> Œuvre inédite découverte après la mort de l’auteur.

Toutes les œuvres que Monnet avait divulguées de son vivant sont concernées, tableau inédit découvert après son décès : œuvre posthume.

Est-ce que l’on peut considérer que c’est trop tard, toutes les œuvres étant tombées dans le domaine public, il n’y aura pas de protection attachée à cette œuvre ? Ou l’œuvre, étant inédite, non divulguée, on fait courir un nouveau délai de prescription ?

Décret de Napoléon, 1808-1810 : les œuvres posthumes seraient protégées, aujourd’hui dans L123-4.

Jusqu’en 1997, délai de 70 ans, puis après la directive européenne : 25 ans à compter de la publication de l’ouvre posthume.

Le titulaire du droit de propriété de 25 ans :

– soit propriété incorporelle : légitime que ce soit les héritiers qui reçoivent ce nouveau droit.

– principe droit civil : celui qui découvre en devient propriétaire pour partie ou la totalité.

→ celui qui a découvert et qui publie sera propriétaire de la propriété matérielle et incorporelle, alors même qu’il n’est pas un héritier.

Le seul cas où les héritiers vont recevoir des droits d’exploitation, c’est lorsque l’œuvre posthume est découverte alors que l’on est encore dans la période des 70 ans post-mortem.

Le droit de propriété va aux héritiers et non à l’inventeur.

Si du vivant de l’auteur, il y avait eu des répétitions : l’œuvre est posthume ou déjà divulgation ? Caractère public de la divulgation.

Lorsque l’on découvre l’œuvre qui a été fixée sur plusieurs supports ? sans doute le 1er inventeur.

  • 3°)- L’usufruit du conjoint successible :

Droit de jouissance accordée sur une chose, démembrement du droit de propriété.

Au XIXe, la question s’est posée de savoir si lorsque l’auteur est mort, le conjoint successible ne devrait pas avoir le droit de recevoir pendant le restant de sa vie, un usufruit sur l’exploitation des œuvres.

Une loi de droit d’auteur a augmenté les droits du conjoint, loi de 1866 aujourd’hui L123-6.

Difficultés :

– arithmétique : articulation des droits du conjoint successible portant sur les œuvres, lesquels constituent une fraction du patrimoine de l’auteur, avec les droits que le conjoint reçoit de façon générale aux termes du Code civil, pas de conflit, mais harmonisation.

Cette harmonisation est partiellement remplie par le CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE qui prévoit :

∙ usufruit peut se cumuler avec les droits que le conjoint a en vertu du Code civil : un droit d’usufruit qui peut porter sur toute la succession et un droit de propriété, depuis la loi de 2001, d’un ¼ + tout l’usufruit du patrimoine artistique.

∙ ce cumul ne doit pas excéder la quotité disponible, la fraction de la succession non dévolution exclusivement aux héritiers réservataires.

L’usufruit, le droit de jouissance :

Cour de cassation ; 2000 : succession de Goscinny, elle reconnaît à sa veuve le droit de percevoir les redevances produites par l’exploitation des DVD, mais encore elle lui e reconnu le droit de participer à la négociation et à la signature des contrats.

L’usufruit est constitué dans ces deux éléments.

En revanche, le conjoint ne peut pas disposer des œuvres, et les héritiers conservent la nue-propriété, pouvant le faire sanctionner s’il gère mal ses droits et les héritiers conservent le droit moral (extrapatrimonial, pas transmissible par usufruit).

Sous-section II : la transmission du droit moral :

  • 1°)- Le mécanisme de transmission :

Même schéma que pour les droits patrimoniaux, le droit moral est transmissible et perpétuel L121-1, par la voie d’une décision de l’auteur, à défaut de façon automatique.

L121-1 : l’exercice du droit moral peut être confié à un tiers en vertu de dispositions testamentaires

L’auteur va nommer par testament un exécuteur testamentaire, « exécuteur littéraire », en général écrivain.

Les droits patrimoniaux qui appartiendront aux enfants, mais le droit moral est confié à une autre personne, qui peut être étrangère à la famille : l’auteur peut fractionner sa succession artistique. Peut créer des conflits.

Et ce tiers va décéder à son tour, alors que le droit moral est perpétuel.

Curieusement, aucune jurisprudence, que des propositions doctrinales : revient à la famille.

Il faut trouver une solution qui permet à l’auteur de désigner une personne qui ne meure jamais : personne morale : Edmond de Goncourt.

Ex : association, fondations, désintéressées, fondation Goncourt, activité culturelle.

Mais en l’absence de dévolution testamentaire ?

CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE : le droit moral est transmissible à cause de mort aux héritiers, de façon infinie, perpétuel.

Modalités et destinataires ? CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE L121-2, droit de divulgation : à la mort de l’auteur le droit de divulgation est transmis à la mort de l’auteur, aux enfants, à défaut au conjoint, au légataire universel (liste), mais texte incomplet et rédigé pour régler la succession de l’auteur de l’œuvre, ne dit rien pour la succession du 1er héritier de l’auteur de l’œuvre.

Soit l’auteur désigne un légataire universel, mais à son décès qui le reçoit ? Famille ou héritiers du légataire ?

En 1989, Cour de cassation applique les mêmes règles que pour la dévolution des droits patrimoniaux, sachant que celles-ci ne sont que l’application du droit commun civil.

Ex : succession d’un peintre du début du XXe, Utrio ( ?), droit moral transmis à sa veuve qui lègue son droit moral à son secrétaire, qui n’avait jamais connu l’auteur et aucune compétence en matière artistique.

Il a fait beaucoup de procès pour exercer son droit moral, et s’est trouvé en conflit avec de lointains héritiers.

Cour de cassation : le reconnaît détenteur du droit moral, selon les règles du Code civil, alors qu’il est étranger à la famille de l’auteur.

Le Code civil a des dispositions qui permettent de sanctionner les mauvais titulaires du droit moral, d’où contrôle par le juge.

Si la dévolution obéit aux règles du droit commun civil, il va être dans de nombreux cas, qu’il sera attribué à plusieurs personnes en même temps.

Ex : droit moral aux 3 enfants, copropriété, puis transmis à leurs propres enfants etc. : impraticable.

D’où Code civil815-3 : s’il y a de nombreux héritiers, on pourrait faire jouer les 2/3.

La seule exception où la Cour de cassation admet qu’un héritier puisse exercer seul le droit moral, alors que copropriétaire : lorsqu’il agit contre un tiers, pour protéger le droit moral : action conservatoire.

Ex : arrêt Victor Hugo, aujourd’hui plusieurs descendants, l’action intentée par un seul.

  • 2°)- Le contrôle de l’exercice du droit moral :

L121-3 : a priori il ne touche que le droit de divulgation, mais la jurisprudence et la doctrine considèrent que ses dispositions peuvent être étendues à l’ensemble du droit moral.

Le TGI, en cas de difficulté, peut être saisi, afin de les régler, il peut ordonner toute mesure appropriée.

Le droit moral étant perpétuel, la famille peut être éteinte, ou des héritiers qui ne s’en occupent pas, succession vacante ou en déshérence.

Le tribunal désigne le nouveau titulaire du droit moral.

Conflit entre les héritiers : échec de la majorité, le juge peut aussi intervenir.

Ex : il va désigner lequel des héritiers exercera le droit moral, ou une sorte d’administrateur sur le droit moral.

Ex : héritiers Picasso.

Mauvais exercice du droit moral : abus de droit notoire, L121-3, sanction, « le tribunal peut sanctionner l’héritier titulaire du droit moral qui commet un abus notoire » (manifeste, caractérisé).

Ex : la jurisprudence s’est prononcée principalement sur la question de l’exercice du droit de divulgation, droit au respect, notamment dans la divulgation des œuvres posthumes :

– œuvres jamais publiées du vivant de l’auteur, elles sont découvertes, et l’héritier, titulaire du droit moral, refuse de donner son accord à la divulgation. Un éditeur peut-il demander au tribunal qui soit passé outre au refus ?

Oui, Cour de cassation ; 2000 pour Antonin Artaud, contrat d’édition avec Gallimard, sans enfant, mais un frère qui laisse un enfant : le neveu exerce le droit moral et refuse que Gallimard publie les œuvres posthumes, ce dernier a obtenu du juge l’autorisation de publier contre la volonté de l’héritier.

Si l’auteur n’aurait pas été d’accord (journal intime), et l’héritier refuse, un éditeur l’assigne pour qu’il soit divulgué : non.

L’héritier veut divulguer et le demandeur l’assigne pour que le tribunal lui interdise de divulguer.

Ex : dans 80’s, Tribunal de Paris, le journal de Montherlant, des informations sexuelles, l’héritier décide de publier, et l’éditeur refuse la publication, le tribunal a considéré que l’héritier n’abusa pas de son droit.

Arrêt Victor Hugo, devant le juge du fond, avait été évoqué l’abus de l’héritier Hugo dans l’exercice du droit moral.

Ce contrôle de l’abus sur le droit moral a été étendu à l’ensemble du patrimoine artistique y compris au droit patrimonial L122-9.

Qui peut être le demandeur ? Toute personne intéressée (jurisprudence), ex Gallimard // de Montherlant, un de ses amis a agi.

Mais des associations peuvent aussi agir (association pour la mémoire, la défense de tel auteur).

Mais toute personne morale peut-elle agir, y compris des associations, ou société civiles, non spécialement dédiées par l’auteur ou sa famille à la protection du droit moral ?

Cour de cassation partagée.

1960’s : arrêt 1966 sur une adaptation au cinéma du livre « Les liaisons dangereuses », l’auteur est décédé sans héritier. La société des gens de lettre a exercé une action en justice symbolique du droit moral de cet auteur.

Cour de cassation : pas qualité pour agir, pas intérêt général.

Prof : sévère, décourage des actions tendant à protéger le droit moral de l’auteur, sans héritier.

Cour de cassation ; 30/01/2007, arrêt des Misérables : admis la société des gens de lettre, action recevable pour défendre le droit moral et les intérêts des auteurs, mais le demandeur à l’action : héritier Hugo et la société, juste intervention (pas action principale), pas revirement.

Prof : préférable de se faire nommer en tant que titulaire du droit moral par le TGI, lorsque déshérence.