Le droit de grève : définition, conditions, conséquences

Qu’est-ce que le droit de grève?

Le Droit de Grève est un droit des salariés prévu par la Constitution. Si le principe n’est donc pas contesté, l’exercice du droit de grève est cependant soumis à certaines règles – préavis de grève -, définies par la jurisprudence. Il convient de savoir quels critères et conditions doivent être réunis pour qu’une grève soit licite, ainsi que les possibles conséquences pour les salariés grévistes, et les droits et obligations des salariés grévistes.

Chapitre 1 – Les conditions de l’exercice du droit de grève

Hormis dans les services publics, le droit de grève ne fait l’objet d’aucune réglementation. Un seul texte : L521-1 : prévoit une certaine protection du gréviste. Il ne définit pas le droit de grève.

Définition du mouvement :

– Soit le mouvement est une grève => on applique le régime du droit de grève. Exercice d’un droit constitutionnel.

– Soit ce n’est pas une grève => c’est un mouvement illicite.

Définition Jurisprudenceielle : Jurisprudence constante : la grève est une cessation collective du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles (soc 18 juin 1996, 2 fév. 2006). Si ces 3 conditions cumulatives sont remplies, le mouvement est une grève => application du régime de la grève. S’il manque une condition, le salarié commet une faute.

Section 1 – Une cessation du travail

Il faut un véritable arrêt du travail. Donc ne sont pas des grèves :

– ralentissement de la production (« grève perlée »)

– exécution partielle des obligations, défectueuse du travail

C’est une faute => peut être sanctionné.

Peu importe la durée et la fréquence des arrêts de travail. Ex : nombreux arrêts de courte durée = grève.

Section 2 – Cessation collective

La grève est un droit individuel qui s’exerce collectivement. C’est un droit qui appartient à chaque salarié : chacun est libre de faire ou de ne pas faire grève (la grève n’a pas à obéir à mot d’ordre syndical et n’a pas à obéir à des conditions de vote ou de majorité).

Ce droit s’exerce collectivement : il faut que plusieurs salariés s’arrêtent de travailler. Le salarié qui cesse le travail tout seul commet une inexécution fautive de son travail => sanction disciplinaire.

A partir de 2 salariés, le mouvement est collectif.

Exception au caractère collectif du droit de grève :

– un salarié peut être seul à faire grève dans son entreprise quand il répond à un mot d’ordre formulé au plan national (soc 29 mars 1995)

– un salarié peut être seul à faire grève quand il est le seul salarié de l’entreprise (soc 13 nov. 1996)

Section 3 – Revendications professionnelles

  • 1 – La notion de revendication professionnelle

Doivent avoir pour objet la défense d’intérêts collectifs et professionnels : concerner directement ou indirectement les conditions de travail ou d’emploi des salariés. Exclut :

les mouvements à caractère exclusivement politique (= mouvements illicites)

les mouvements de solidarité externe : arrêt de travail par solidarité avec des salariés d’une autre entreprise.

les mouvements de solidarité interne : si les mouvements de solidarité ont pour objet de protester contre une mesure purement individuelle (licenciement pour faute par ex) : soc : cet arrêt de travail n’implique rien d’autre que la faute personnelle du salarié sanctionné donc aucune revendication professionnelle en cause => mouvement illicite.

vs : protestation contre licenciement pour motif éco d’autres salariés de l’entreprise : soc 22 nov. 1995 : un arrêt de travail pour protester contre un projet de licenciement éco a pour objet la défense et le maintien de l’emploi dans l’entreprise => revendications professionnelles.

Licéité des mouvements d’autosatisfaction ? Les salariés satisfont eux-mêmes leurs revendications en cessant le travail. Soc : En principe, le mouvement d’autosatisfaction est un mouvement illicite (ex : lundi de pentecôte). Le droit de grève n’autorise pas à exécuter le travail dans des conditions autres que celles fixées au contrat de travail.

Mais cass considère que le mouvement est bien constitutif d’une grève dès lors qu’il existe d’autres revendications que celles auto-satisfaites : soc 25 juin 1991.

Ces revendications doivent-elles être raisonnables ? Le juge peut-il contrôler la légitimité, le bien-fondé des revendications des grévistes ? Non : soc 2 juin 1992 : dès lors qu’il existe des revendications professionnelles, le juge ne peut substituer son appréciation à celle des grévistes concernant la légitimité et le bien-fondé de celles-ci.

  • 2 – La présentation de ces revendications à l’employeur

Seul préalable posé : l’employeur doit avoir connaissance des revendications professionnelles au moment du déclenchement de la grève : soc 19 nov. 1996.

Qqsoit la forme de cette présentation : tracts distribués 3 semaines auparavantÂ…

Les salariés n’ont pas à attendre une quelconque réponse de l’employeur concernant leur revendication pour cesser le travail.

(Attention arrêt de 1968 dans le code dit qu’il faut attendre le refus de l’employeur : c’est faux).

Chapitre 2 – Les effets de la grève sur le contrat de travail

L521 : la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde du salarié. le contrat de travail est suspendu.

Section 1 – Les effets de cette suspension sur la rémunération

Le salarié n’exécute pas son travail => l’employeur n’a pas à le rémunérer. C’est un mécanisme synallagmatique.

Montant de l’abattement ? Jurisprudence constante notamment soc 8 juil. 1992 : la rémunération ne doit subir qu’un abattement strictement proportionnel à l’arrêt de travail (arrêt de 10 minutes => 10 minutes de salaire). On ne prend jamais en compte la perte subie par l’entreprise du fait du mouvement. Ex : salarié d’un orchestre se mettent en grève uniquement le jour de la représentation : pas d’abattement sur les 3 mois de répétition.

L’employeur peut-il procurer des avantages particuliers aux non-grévistes, voire mettre en place des systèmes de primes anti-grève ?

L521-1 al 2 : l’exercice du droit de grève ne doit donner lieu à aucune discrimination en matière de rémunération ou d’avantages sociaux.

Licéité des primes d’assiduité ? Elles récompensent la présence du salarié dans l’entreprise. Risque d’être perdue à chaque absence du salarié donc peut dissuader les salariés de se mettre en grève. Cass : les primes d’assiduité sont valables et peuvent être réduites ou supprimées en cas de grève à condition que toutes les absences autorisées ou non donnent lieu à retenue. Soc 10 déc. 2002, 15 fév. 2006.

Exception au principe de l’abattement : les salariés pourront obtenir le paiement du temps de grève lorsqu’ils se sont trouvés contraints de faire grève pour faire respecter leurs droits suite à un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligation : Jurisprudence constante, notamment 26 janv. 2000.

Pour que cette Jurisprudence s’applique il faut un manquement grave et délibéré. Cass : le fait de ne pas payer les salaires pour un employeur en situation de liquidation judiciaire n’est pas un manquement délibéré => salariés ne pourront pas demander le paiement du temps de grève.

Si mouvement illicite avec ralentissement de la production : dans ce cas, mauvaise exécution du travail => l’employeur ne peut pas pratiquer de retenues sur salaires. Dans ce cas, l’employeur doit prononcer une sanction or là elle serait pécuniaire donc nulle (soc 20 avril 1991).

Section 2 – Les effets de cette suspension sur le pouvoir disciplinaire de l’employeur

L521-1 : la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde du salarié. Règle édictée à peine de nullité.

L122-45 : aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de l’exercice normal du droit de grève.

Jurisprudence : sauf faute lourde, le salarié ne peut subir aucune sanction (ni licenciement, ni MAP, ni avertissement) : soc 16 déc. 1992.

Qu’est-ce qu’une faute lourde dans l’Hypothèse d’une grève ?

En principe : intention de nuire à l’employeur. Ce critère est inadéquat en matière de grève. En soi, la grève suppose une intention de nuire à l’employeur. Pas de définition de la faute lourde de grève. En réalité elle suppose des débordements, des actes graves, détachables de l’exercice du droit de grève (ex : blocage de l’entreprise => entrave la liberté du travail des non-grévistes, actes de violence, de séquestration = sanctionnable pénalement, détachable du droit de grève donc constitutif d’une faute lourde, destruction de matérielÂ…).

Il faut des actes suffisamment graves : Cass : des insultes au cours d’un conflit collectifs ne constituent pas une faute lourde.

Pour qu’il y ait faute lourde, il faut caractériser la faute personnelle du salarié.

L’employeur dispose d’un pouvoir d’individualisation des sanctions. Il peut sanctionner différemment des salariés ayant participé à la même faute sous réserve de ne pas commettre de discrimination au sens de L122-45 (ex : 2 syndiqués licenciés et les 3 autres non).

Chapitre 3 – Les réactions de l’employeur face à un conflit collectif

L’employeur peut-il réglementer le droit de grève, notamment par AC ? Jurisprudence : soc 7 juin 1995 : une CC ne peut avoir pour effet de réglementer ou limiter le droit de grève pour les salariés (espèce : respect d’un préavis de grève). Limites posées par l’AC sont inopposables aux salariés.

Mais la CC peut produire des effets envers les syndicats signataires.

Deux Hypothèse où on permet à l’employeur de réglementer le droit de grève : lorsque le droit de grève entre en conflit avec un autre droit fondamental :

– En matière de SP : grève peut porter atteinte au principe de continuité du SP. Jurisprudence administrative depuis CE Dehaene 1950 : chef de service peut de réglementer le droit de grève pour concilier ces principes.

– Risque d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens (ex : centrale nucléaire) : pour des impératifs de sécurité, on prévoit la possibilité pour l’employeur de réglementer le droit de grève dans le règlement intérieur (CE 12 nov. 1990). L’employeur peut alors requérir certains salariés dont la présence est indispensable à la sécurité. Cette atteinte doit être justifiée par des impératifs de sécurité et strictement proportionnée au but recherché càd limitée à ce qui est nécessaire pour garantir à la sécurité.

Que peut faire l’employeur ?

== Prendre des mesures concernant la marche de l’entreprise ? Il peut être tenté de fermer l’entreprise. En principe, la grève est un droit individuelle donc toute personne a droit de ne pas faire grève. L’employeur reste donc contractuellement tenu en cas de conflit dans l’entreprise de fournir du travail aux non-grévistes.

L’employeur s’expose au paiement de rappels de salaires. Autres sanctions ? Ex : prise d’acte car manquement à ses obligations. On peut se demander si c’est possible. Mais aucune sanction pénale : pas de délit d’entrave au droit de grève.

– Exception : possibilité pour l’employeur de fermer l’entreprise et de mettre les non-grévistes au chômage technique lorsqu’il rapporte la preuve qu’il se trouve dans une situation contraignante (càd qui empêche tout fonctionnement de l’entreprise et tout travail de la part des non-grévistes). Jurisprudence exige le blocage total de l’entreprise.

– Ex : soc 4 juil. 2000 : chaîne d’activité dans une entreprise. Un service en grève. Le blocage a entraîné le blocage de tous les services de l’entreprise => cass : paralysie de tous les secteurs de l’entreprise => l’employeur avait attendu que le fonctionnement de l’entreprise soit totalement bloqué. Cass : situation contraignante rendant impossible la fourniture de travail aux non-grévistes => chômage technique, pas de rémunération.

– Ex : soc 30 sept. 2005 : arrêt de la production pour des raisons de sécurité. Mais possibilité de fournir des tâches annexes. Cass : pas d’impossibilité de fournir des tâches supplétives en rapport avec leur contrat de travail => indemnisation des salariés non-grévistes.

== Remplacement des grévistes ?

Le code du travail pose une interdiction : il est interdit de recourir aux contrats précaires : CDD L122-3, contrat de travail temporaire L124-2-2, pour remplacer des salariés grévistes. Sanction pénales. Risque de requalification en CDI puisque contrats irréguliers. Recours au CNE ? L’ordonnance ne prévoit rien.

Sous réserve de cette interdiction légale, l’employeur peut prendre toutes les mesures pour réorganiser l’entreprise et assurer la continuité de l’activité : placer des non grévistes aux postes des grévistes, recourir à des bénévoles (soc 11 janv. 2000)

== Les actions en responsabilité : engager la responsabilité des salariés ou des syndicats pour obtenir la réparation du préjudice subi => il faut regarder si les individus ont commis une faute ayant fait subir un préjudice à l’employeur et si lien de causalité entre les 2.

– Le salarié engage sa responsabilité dès lors qu’il commet une faute lourde => condamnation à la réparation du préjudice.

– Responsabilité du syndicat PM : soc 9 nov. 1982 : le syndicat n’est pas le commettant des grévistes donc un syndicat n’engage pas sa responsabilité pour des fiats commis par ses adhérents ou les DS. Sa responsabilité ne peut être engagée que si celui-ci a effectivement participé à des faits ne pouvant se rattacher à l’exercice normal du droit de grève : montrer que la PM a donné des directives, qu’elle a été l’instigatrice des débordements, qu’elle a donné les moyens de commettre les fautes.

== Etendue de la réparation ? Soc 18 janv. 1995 :

– l’employeur ne pourra pas obtenir la condamnation in solidum du syndicat et des salariés à la réparation de l’entier préjudice subi du fait du conflit.

– Le juge devra déterminer pour chacun la faute commise et le préjudice subi du fait de celle-ci.

La responsabilité pénale des grévistes : il existe un délit d’entrave à la liberté du travail. Ex : des grévistes bloquant l’entreprise et empêchant les salariés de travailler commettraient un délit pénal : 431-1 CP. Attention : seuls les salariés victimes peuvent agir contre les grévistes.