Le droit de rétention : définition, conditions, effets

LE DROIT DERÉTENTION

Le droit de rétention s’analyse comme une faculté offerte à un créancier détenteur d’un bien de refuser de restituer ce bien tant que le débiteur ne l’aura pas payé.

Pour certains auteurs ce droit serait une modalité affectant l’obligation de délivrance pesant sur le détenteur; pour d’autres on serait en présence d’une simple garantie. ( on parle parfois de garantie indirecte) et pour d’autres encore ce droit est une véritable sûreté.

Il s’agit d’une sûreté archaïque, sans doute l’une des premières apparues ( idée de justice privée) et cet archaïsme en fait une des sûreté les plus intéressante principalement dans l’hypothèse ou le débiteur est soumis à une procédures collectives car malgré cette procédure le créancier peut rester en possession de la chose tant qu’il n’a pas reçu complet paiement
La position de la jurisprudence est simple qui dénie au droit de rétention la qualité de sûreté.

I : LES CONDITIONS DU DROIT DE RÉTENTION

Le Code civil n’a pas construit de théorie générale du droit de rétention. Il indique simplement dans certaines dispositions que le créancier bénéficie de cette prérogative.
Ces situations sont aussi bien contractuelles qu’extracontractuelles

A) LES APPLICATIONS TEXTUELLES DU DROIT DE RETENTION

Les hypothèses où un droit de rétention est prévu e retrouvent tant dans le Code civil que dans d’autres dispositions. Si on se limite aux dispositions du Code civil on voit que ce droit est admis dans les hypothèses où il existe un rapport contractuel et dans des hypothèses sans rapport contractuel

  1. Les hypothèses de rapport contractuel

    En cas de rapport contractuel entre le débiteur et le créancier, il est nécessaire des dégager 3 situations :
    – il existe un contrat synallagmatique entre le débiteur et le créancier, l’hypothèse la plus importante étant celle prévue par le droit de la vente, et la disposition la plus intéressante l’article 1612 du Code civil qui dispose qu’en cas de vente le vendeur est autorisé à retenir la chose vendue tant que le prix n’a pas été intégralement payé sauf s’il fait crédit.
    On est dans une situation juridique proche de l’exception d’inexécution (un cocontractant peut refuser d’exécuter sa prestation tant que son cocontractant n’a pas lui même exécuté sa propre prestation) et certains auteurs ont parfois affirmé que ces deux notions se confondent alors qu’il n’en est rien.
    Ces deux institutions n’ont pas le même domaine d’application : le droit de rétention joue dans d’autres situations que les contrats synallagmatique à la différence de l’exception d’inexécution; les conditions de mise en œuvre de ces institutions sont elles aussi différentes : l’exception d’inexécution suppose un manquement grave d’un cocontractant alors qu’en matière de droit de rétention tout manquement de l’une des parties entraîne la possibilité pour l’autre de s’en prévaloir
    – les contrats unilatéraux comme la contrat de dépôt et l’article 1948 du Code civil il faut supposer que le dépositaire a été amené à engager des dépenses pour la conservation de la chose; il devient créancier du déposant. L’article 1948 du Code civil lui permet de retenir la chose déposée tant qu’il n’a pas été intégralement remboursé
    – les sûretés réelles qui entraînent dépossession du débiteur. Toutes ces sûretés vont avoir comme prérogatives le droit de rétention

    2. Les hypothèses en l’absence de rapport contractuel

    Le droit de rétention va s’appliquer malgré l’absence de lien contractuel. Dans cette hypothèse une personne créancière du propriétaire détient une chose qui ne lui appartient pas ou plus Elle pourra dans certaines hypothèses refuser de restituer avant complet paiement notamment en droit des biens
    Ex : expropriation pour cause d’utilité publique. En vertu de l’article 545 du Code civil l’indemnité doit être préalable aussi le propriétaire exproprié la possibilité de retenir l’immeuble jusqu’au versement de l’indemnité; en cas de perte ou de vol d’un meuble son vrai propriétaire peut le revendiquer contre le vendeur ou l’inventeur mais aussi contre celle qui en a ensuite acquis la propriété en ignorant l’origine de ce bien. S’il l’a acquis de manière régulière au sens de l’article 2280 du code civil, l’acquéreur a un droit de rétention jusqu’à ce qu’il soit remboursé
    Il ressort que dans beaucoup de domaines le Code Civil a prévu un droit de rétention mais dans le même temps il y a dans le Code civil d’autres dispositions excluant expressément la possibilité pour le créancier de l’exercer ( ex : art 1885 du Code civil pour le prêt à usage) d’où la question d’une éventuelle extension


B) L’EXTENSION DU DROIT DE RETENTION

Elle suppose une créance dont ce droit est l’accessoire. Celle-ci doit être certaine en ce que la dette du débiteur ne doit pas être éventuelle. Elle doit être exigible car le droit de rétention s’analyse en une garantie de paiement. En revanche elle n’a pas à être liquide.
Cette extension suppose la détention d’une chose par le créancier et l’existence d’un lien de connexité entre la créance et la chose

1. La détention de la chose

La chose détenue au titre du droit de rétention peut être aussi bien mobilière qu’immobilière mais traditionnellement on considérait que les biens du devant faire l’objet d’un droit de rétention devait être corporels car ce droit nécessite une maîtrise de fait sur la chose

a. Les conditions relatives à la détention

La détention de la chose objet du droit de rétention est une condition essentielle pour cette sûreté.
Peu importe que cette maîtrise matérielle s’effectue par possession ou détention précaire mais comme cette condition est de l’essence du droit de rétention, il ne pourra y avoir de droit de rétention sans cette maîtrise
Normalement cette détention doit être exercée par le créancier mais elle peut l’être par un tiers agissant pour le compte du créancier
Pour pouvoir produire un droit de rétention, la détention doit avoir été obtenue par un procédé régulier, elle ne pourra s’effectuer si elle a été illégalement obtenue
Cette condition de la détention est parfois éludée de manière artificielle par le législateur qui crée des « détentions fictives ». La première hypothèse est celle du gage sur véhicule automobile. Le propriétaire du véhicule gagé demeure en possession mais le créancier bénéficie d’un droit de rétention qui est un droit fictif. Cette détention fictive produit les mêmes effets une détention réelle avec une infériorité en cas de conflit entre un droit de rétention matériel puisque la détention réelle l’emporte

b. Les choses susceptibles de rétention

En principe seule les choses corporelles qui se trouvent dans le commerce juridique peuvent faire l’objet d’un droit de rétention. Il importe peu qu’elles soient mobilières ou immobilières
A l’inverse des chose qui ne sont pas dans le commerce juridique ne peuvent servir de support au droit de rétention ex : marchandises contrefaites, cadavres, prothèses ….
On peut retenir des choses sans valeur marchande car le but du droit de rétention est de gêner le débiteur pour qu’il exécute son obligation. La valeur marchande est en grande partie secondaire dans le droit de rétention car le créancier n’a pas d’intérêt à faire vendre le bien objet de sa garantie ex : documents comptables, cartes grises ….

La question est celle de savoir si on peut étendre le droit de rétention à des meubles incorporels. De ce point de vue il faut faire une distinction.
Il existe un certain nombre de meubles incorporels qui ont un support matériel qui permet d’appréhender le bien. L’hypothèse classique était celle où il existait des titres au porteur. Plus récemment la Cour de cassation a admis qu’on puisse détenir des fichiers informatiques à partir du moment où on en détenait le support
Par contre, peut on admettre un droit de rétention sur des meubles incorporels ne comprenant pas de support matériel ? Un certain nombre d’auteurs répond par l’affirmative et s’appuient sur la création par la loi du 22 juillet 1996 d’un gage portant sur les instruments financiers et qui comporte un droit de rétention. Le instruments financiers sont aujourd’hui dématérialisés puisque l nantissement aura lieu par une inscription en compte.


De même, la jurisprudence a admis qu’un banquier pouvait retenir le solde créditeur de son client.
Malgré tout, la doctrine majoritaire considère qu’il n’est pas possible d’exercer un droit de rétention car à partir du moment où le législateur crée des détentions fictives, il utilise un procédé démontrant que la solution qu’il donne est contraire à la réalité. Ainsi, en dehors des hypothèses légales il est impossible d’avoir un droit de rétention avec une détention fictive.

2. La connexité entre la créance et la chose détenue

Compte tenu de l’intérêt du droit de rétention pour un créancier on s’est demandé si on pouvait étendre ce droit au delà des hypothèses légales. Après discussion on a choisit une voie intermédiaire

a. Les différentes théories


Les deux premières théories avancées sont maximalistes et ont été rejetées :
– il ne peut y avoir droit de rétention en dehors des hypothèses prévues par législateur
– le droit de rétention est permis chaque fois qu’il n’est pas expressément interdit par le législateur

Il est apparu nécessaire de trouver une position intermédiaire selon laquelle il doit exister un lien de connexité entre la chose retenue et la créance réclamée.
La méthode de raisonnement a été la suivante. On a commencé par étudier les différentes positions législatives consacrant le droit de rétention et de ces textes on a à dégager des principes généraux appliqués aux situations non légales
On est venu dire qu’il existait deux sortes de connexité :
– la connexité intellectuelle ou juridique : le lien entre la chose et la créance résulte d’un même contrat ex : vente Toutefois cette théorie a été parfois critiquée comme ne correspondant pas à toutes les hypothèses dans lesquelles le droit de rétention est accordé d’où la seconde théorie
– la connexité matérielle ou objective : dans ce cas le lien entre la chose et la créance tient à l’existence d’un acte matériel effectué sur cette chose ex : impenses faites par un dépositaire Par conséquent, à partir du moment où la créance a pour objet le remboursement de dépenses pour la conservation, l’amélioration ou la modification d’une chose il y aura droit de rétention
Toutefois comme cette théorie est étroite, la doctrine considère que la connexité peut être tant juridique que matérielle

b. La position de la jurisprudence


Elle considère que la connexité ne sera pas nécessaire dans deux situations :
– celle des situations prévues par le législateur
– lorsque le droit de rétention est une prérogative offerte par une sûreté comme le gage
Hormis ces hypothèses la jurisprudence a considéré qu’il pouvait y avoir droit de rétention aussi bien en cas de connexité matérielle que de connexité juridique, pourtant toute deux ne confèrent pas toujours les mêmes prérogatives
En cas de connexité matérielle la créance garantie sera uniquement celle née relativement à la chose détenue aussi un créancier ne peut exercer son droit de rétention si la détention est née une seconde fois alors que sa créance résulte de la première détention, même si ce principe a été assoupli
En cas de connexité juridique la créance et la détention doivent procéder d’un même contrats
Ces principes vont subir des infléchissement jurisprudentiels : en cas de détention successive une même chose par un créancier la jurisprudence considère souvent que les parties ont conclu une convention globale et donc à ce moment là la détention et la créance vont procéder d’un même contrat aussi par ex le garagiste créancier peut retenir la voiture pour une réparation antérieure
Cette jurisprudence repose sur l’interprétation de volonté des parties et donc pour des opérations voisines on aura des solutions différentes.
En cas de connexité juridique, le droit de rétention portera sur tout ce qui aura été remis au créancier au titre du contrat aussi dit on parfois que cette connexité serait plus intéressante


III : LES EFFETS DU DROIT DERÉTENTION


Ce droit s’analyse avant tout comme un refus légitime de restitution c’est à dire que le créancier aura la possibilité de conserver le bien même si une action réelle ou personnelle est exercée contre lui. Il s’agit là de la seule prérogative du créancier rétenteur. Pour cette raison on parle du caractère défensif du droit de rétention ce qui porte à s’interroger sur la nature juridique de ce droit qui subsiste jusqu’à extinction intégrale du paiement de la créance où dessaisissement volontaire du créancier


A) LE CARACTÈRE DÉFENSIF DU DROIT DE RETENTION


Il signifie que le créancier pourra conserver la détention de la chose tant qu’il n’aura pas reçu paiement. Ce droit ne semble pas susceptible d’abus.

1. La conservation de la détention de la chose

a) L’aspect positif


La première caractéristique du droit de rétention est son indivisibilité : chaque partie de la dette est garantie par la totalité de la chose aussi le créancier sera autorisé à conserver la chose même en cas de paiement partiel. L’obligation de restitution ne naîtra qu’à extinction totale de la créance.
Deux autres conséquences résultent de cette indivisibilité :
– en cas de division de la chose chacune des partie pourra être retenue jusqu’à complet paiement
– en cas de division de la créance entre les héritiers du rétenteur, chacun reste entièrement garantit

Pour constituer une garantie véritablement efficace, le droit de rétention doit être opposable non seulement au débiteur ou au propriétaire de la chose, mais aussi aux tiers qui auraient acquis un droit sur cette chose.
L’opposabilité du droit de rétention au débiteur résulte de la définition même de cette garantie mais il arrive que le bien détenu appartient à un autre que le débiteur et que le premier en soit pas l’ayant cause à titre particulier du second. Dans ce cas les conditions de constitution de la garantie ne sont pas réunies car il ne peut exister de connexité.
Finalement pour devenir opposable aux ayant cause à titre particulier du débiteur il faut que ces tiers aient acquis le bien ou constitué de droits réels postérieurement au droit de rétention
L’opposabilité du droit de rétention aux tiers suppose plusieurs distinction :
– le créancier pourra opposer s prérogative aux créanciers chirographaires. Ceux-ci ne peuvent pas exercer un droit qui n’appartient pas à leur débiteur
– le créancier peut opposer sa prérogative aux créanciers privilégiés ce qui se justifie par le fait qu’il suffirait au débiter de concéder une sûreté sur la chose pour anéantir le droit de rétention.
L’effet de cette opposabilité s’avère particulièrement intéressant en cas de saisie du bien. Le rétenteur contre lequel cette procédure est diligentée doit informer l’huissier de l’existence de son droit ce qui arrêtera la procédure de saisie sauf au saisissant de contester le bien fondé de cette rétention.

b. L’aspect négatif du droit de rétention


Refus légitime de restitution, le droit de rétention n’emporte pas en principe de prérogative positive et on dit souvent que le droit de rétention ne confère ni droit de préférence, ni droit de suite.
Cette affirmation doit être nuancée par deux points de vue
– elle n’est pas forcement exacte quand le droit de rétention este englobé dans une sûreté car en vertu de celle-ci le créancier bénéficie d’un droit de préférence et d’un droit de suite.
– si on se place sur le seul plan du droit de rétention, cette affirmation doit être précisée.
Le principe est effectivement que le créancier ne bénéficie pas d’un droit de préférence c’est à dire que sil le bien a été rendu à son initiative ou avec son accord le droit de rétention est alors éteint. Il redevient un créancier chirographaire.
Malgré tout ce principe d’absence de tout droit de préférence n’est pas absolu et comporte des dérogation démontrant que le droit de rétention est aussi parfois un droit sur la valeur de la chose. La jurisprudence a décidé que si la vente forcée en justice du bien est opérée à l’initiative des autres créanciers la créance du rétenteur, s’il s’est opposé à la vente, doit être prélevée sur le prix.
L’article L.622-21 alinéa 2 du Code de Commerce a consacré cette solution en prévoyant en cas de procédures collectives que le liquidateur peut procéder à la réalisation forcée du bien malgré le droit de rétention qui le grève et qui sera reporté sur le prix de plein droit. On est véritablement en présence d’un privilège qui va se substituer au droit de rétention et qui, dans le classement des privilèges figurera aux tout premiers rangs
Ce droit sur la valeur de la chose apparaît enfin en cas de destruction du bien retenu. le C.ass prévoit a son art L.121-13 qu’un mécanisme de subrogation réelle va apparaître et le droit de rétention sera reporté sur le montant des indemnités

On affirme aussi que le créancier rétenteur ne bénéficie pas d’un droit de suite et c’est effectivement le cas quand il se dessaisi volontairement du bien
Toutefois il existe des limites à ce principe : il peut y avoir dessaisissement provisoire quand on doit faire des opérations d’expertises ou des réparation, surtout il y a aune sort de droit de suite quand à la dépossession du rétenteur aura été involontaire ou fortuite. Le créancier bénéficie alors des actions possessoires comme la réintégrande ou d’une action réelle en restitution

2. Le droit de rétention en cas d’ouverture d’une procédure collective

Dans l’hypothèse ou le débiteur est soumis à une procédures collectives le créancier rétenteur apparaît comme celui qui sera le moins sacrifié.
La jurisprudence considérant eu le droit de rétention n’est pas une sûreté il en résulte que le créancier peut se contenter de déclarer sa créance à titre chirographaire
Pendant la période d’observation l’article L.621-24 du Code de Commerce permet au juge commissaire d’autoriser l’administrateur à payer une créance antérieure pour dégager de son droit de rétention une chose retenue lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de l’activité
Le droit de rétention ne sera pas remplacé par un droit de préférence car la situation de concours entre créancier existe pas. On ne peut se débarrasser du rétenteur qu’en le payant
Le droit de rétention va subsister lors de la vente de la chose en cas de plan de continuation ou si la chose est englobée dans un plan de cession
En cas de liquidation, l’article L.622-21 alinéa 3 du Code de commerce prévoit son report sur le prix; de là on aboutit à la conséquence que le rétenteur va primer tous les autres créanciers, y compris le superprivilège des salariés


B) LA NATURE JURIDIQUE DU DROIT DE RETENTION


On a dit que c’était un droit réel, un droit réel inachevé, un droit personnel ….. Et la Cour de cassation donne des solutions étonnantes Il s’agit d’un droit réel opposable à tous et même à ceux qui ne sont pas tenus par la dette; dans le même temps elle vient dire que ce n’est pas une sûreté
Ce n’est ni un droit réel principal, ni démembré, ni accessoire.
En faut si on hésite beaucoup c’est que ce droit est impossible à classer car c’est un mécanisme de justice privée.