Le droit moral de l’auteur

Définition, caractère et prérogatives du droit moral

Le droit d’auteur comporte des prérogatives morales et des prérogatives patrimoniales :

– Les droit patrimoniaux sont ordonnés autour de trois prérogative essentielles : le droit de reproduction, le droit de représentation (regroupé sous l’appellation « droit d’exploitation » à l’article L122-1 du CPI), le droit de suite.

– Les droit moraux. Le droit d’auteur date du 18ème siècle, de la philosophie des Lumières > vision romantique de l’auteur mettant toute sa personne dans l’oeuvre. L’auteur est une personne que l’on veut protéger en protégeant son oeuvre. L’artiste français bénéficie d’un certains nombres de droits, dont le droit moral.

Section 1 – La définition du droit moral

Le droit moral est le droit de l’auteur d’une œuvre littéraire, artistique ou scientifique de la divulguer, d’en fixer les conditions d’exploitation et d’en défendre l’intégrité. On oppose le droit moral au droit pécuniaire (ou droit patrimonial) portant sur les profits obtenus par l’exploitation de l’œuvre.

Le droit moral comprend quatre attributs distincts mais fondamentalement unis. Les deux premiers découlent de l’article L121 alinéa 1 du CPI, qui dit : « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. » Les autres prérogatives découlent respectivement de l’article L121-2, alinéa 1 qui énonce : « l’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre sous réserve des dispositions de l’article L132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. » et de l’article L121-4, alinéa 1 qui énonce : « nonobstant la cession de son droit d’exploitation, l’auteur, même postérieurement à la publication de son œuvre jouit d’un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il peut toutefois exercer ce droit qu’à charge d’indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. »

Section 2 – Les caractères du droit moral

L121-1 du CPI indique que le droit moral est attaché à la personne et est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

  • Incessible : On ne peut pas le céder, il n’est pas négociable financièrement.
  • Inaliénable, jamais être cédé à un tiers. Indisponible, et ne peut y renoncer. Toute convention contraire est nulle. Les clauses de renonciation générales et anticipées ont été condamnées par la jurisprudence. Elles sont non écrites 28 janvier 2003 « on va fluncher » » les auteurs de « on va s’aimer » avaient céder tous les droits avec une clause disant que les auteurs ne s’opposeraient à rien en gros. Seul l’exploitant était maitre de cette décision, mais ca c’est une clause de renonciation générale et anticipée).

Parfois les juges du fond ont pu faire preuve de pragmatisme car ils ont pu considérer que les clauses spéciales étaient valables (si elles étaient claires et précises). C’est ainsi que les auteurs de la doctrine ont pu dire que si les clauses générales sont prohibées, on peut peut-être accepter les clauses spéciales (hypothèse).

C’était une clause de renonciation anticipée. La doctrine a interprété a contrario.

  • Insaisissable
  • Imprescriptible : Il ne se perd pas par le non usage. Un tiers ne peut l’usucaper. La règle ne signifie pas que l’action en justice puisse être intentée sans limite de temps, mais peut importe le délai entre la création, et l’atteinte.
  • D’ordre public : Il peut être invoqué même par un auteur étranger découlant de la mission même du droit morale de protéger l’auteur. Ordre Public de protection, ce qui explique son inaliénabilité. La jurisprudence a pu déclarer que la volonté contractuelle est impuissante pour modifier les dispos du Droit Moral. La conséquence= la jurisprudence a estimé que le droit moral est une loi de police d’application impérative, elle est susceptible d’interdire en France la coloration d’un film américain volontairement tourné en noir et blanc. Affaire John Houston interdite de diffusion en France qui connait le droit moral et pas aux Etats-Unis. De même une clause abdicative de paternité dans un contrat soumis à la loi américaine est écartée par le droit français
  • Perpétuel : Il ne s’éteint pas avec les droits patrimoniaux.
  • Transmissible à cause de mort aux héritiers. Les héritiers pourront agir sur le fondement du droit moral, même si l’oeuvre est tombée dans le domaine public.
  • Il est discrétionnaire. On verra le principe mais il y a une limite au droit moral, il n’est pas totalement discrétionnaire. Il est susceptible d’abus.

Discrétionnaire signifie quele droit d’auteur de son vivant, le juge peut il contrôler son exercice ? Le législateur ne s’est pas prononcé, l’abus est envisagé mais après la mort de l’auteur, exercice par les héritiers. La loi est restée muette, sur le vivant de l’auteur. La tentation est grande de le considérer comme discrétionnaire. Ça contribue à la magnificence du droit moral. On retrouve cette thèse dans l’arrêt MADDALENA Civ 1ere 5 juin 1984. Position aujourd’hui minoritaire. De nombreuses décisions sont venues dissiper toute équivoque en reconnaissant que l’exercice du droit moral était susceptible d’abus (le droit au respect était en cause : souci de ménager un équilibre avec les titulaires des droits patrimoniaux). Sur les terrains, il est difficile d’identifier les hypothèses d’abus tant le caractère personnel est marqué. L’argument vaut également pour le droit de retrait et de repentir dont la mise en oeuvre est fortement conditionnée par la loi.

Arrêt CHIAVARINO 14 mai 1991 -> a reconnu un abus dans l’exercice de son droit moral par l’auteur. Il s’agissait du droit de retrait et repentir.

Ainsi on a 2 décisions disant le contraire. Les 2 sont critiquables car les juges répondent à une question non posée, Statuent ultra petita. L’auteur dans CHIVARINO ne remplissait pas les conditions de repentir et d’abus car invoquait qu’il n’était pas payé mais le droit moral est intellectuel !!! Les juges sont allés nous cherché cette justification on ne sait où ! Le droit de propriété est sacré et au titre du droit de propriété le droit d’auteur est protégé. Mais si on compare au droit de propriété matériel, 544 indique qu’il est absolu, et pourtant le droit de propriété est susceptible d’abus CLEMENT BAILLARD. Ainsi l’un des droits les plus absolus n’est pas discrétionnaire.

  • Attaché à la personne

Une Personne Morale (c’est-à-dire par exemple une société) ne peut jamais se prévaloir du droit moral de l’auteur. La présomption de titularité peut être exercée par seul l’auteur hormis le cas douteux de l’œuvre collective. Il peut y avoir des contrats de mandat mais personne d’autre ne peut invoquer les droits de la personnalité de l’auteur. L’exercice est aussi réservé à l’auteur incapable se rattachement ne semble pas dire que le droit moral soit exercé par un mandataire, c’est possible. Il est perpétuel. Subsiste tant que la personnalité de l’auteur s’exprime dans l’œuvre. Signifie que le droit moral survit à la mort de l’auteur et à l’expiration des droits patrimoniaux. Le droit moral peut être exercé par les héritiers même longtemps après qu’elle soit tombée dans le domaine public. Après la mort se transforme en droit fonction.

  • Opposable à tous : énoncé art L111-1 droit d’exploitation exclusif et opposable à tous, qualité commune au droits patrimoniaux et moraux. Toute personne doit respecter le droit moral des individus.

Section 2 – Les prérogatives du droit moral

Autrement dit, les droits moraux qui correspondent au droit de divulgation, droit de repentir ou de retrait, droit au respect de l’oeuvre, droit à la paternité, et le droit au respect de l’œuvre

1° Le droit au respect de l’auteur

Le mot respect vient du latin respecire qui signifie veiller sur la chose. Selon les termes mêmes de la loi, le respect de l’auteur porte sur sa paternité à travers la mention de son nom et de sa qualité, mais il porte surtout sur l’intégrité de sa création.

Commençons donc par voir le droit de l’auteur à l’intégrité de son œuvre. Le droit français adopte sur le sujet une position particulièrement stricte. Il se rattache à la philosophie humaniste qui est à l’origine de notre droit d’auteur. L’œuvre est un démembrement de la personne de son créateur, toute atteinte à celle-ci est une atteinte à la personnalité de l’auteur puisque c’est à travers l’œuvre que le public perçoit l’auteur. Le devoir de respect s’impose au public mais avant tout aux exploitants. C’est ainsi que les cessionnaires des droits sont tenus à ne pas modifier l’œuvre. Le CPI le prévoit expressément en matière de contrat d’édition par exemple. L’atteinte est qualifiée lorsqu’elle modifie l’appréciation du public sur la création. La conséquence et vérifiée autant lors d’une altération de la forme que d’une dénaturation de l’esprit de l’œuvre. Commençons donc par voir les cas où il peut y avoir altération de la forme avant de nous pencher sur l’altération de l’esprit de l’œuvre.

L’altération de la forme de l’œuvre est une atteinte objective, elle correspond à la coupure, la suppression ou au contraire à l’adjonction d’éléments à la création. Il peut s’agir de la seule mise en couleur, la colorisation d’un film, par exemple. Elle découle aussi du remontage ou remixage qui modifie l’agencement des séquences, voire du seul cadrage ou de l’adjonction d’un logo lors de la diffusion. En effet, il importe peu que le support original de l’œuvre reste intact, il suffit que le public en ait une vision déformée. L’exploitant ne peut pas non plus modifier l’ordre dans lequel la création a été présentée par son auteur. Par exemple la diffusion autorisée d’un extrait d’une minute d’un film n’autorise pas les coupes, les inversions et l’adjonction d’un commentaire, ainsi en ont décidé les tribunaux. Le droit au respect s’impose au propriétaire du support, les juges ont ainsi considéré que l’acquéreur dans une vente de charité d’un réfrigérateur peint sur les trois côtés par Buffon et celui-ci découpant cette œuvre afin de la revendre par morceaux violait le droit moral de l’artiste peintre. Mais dans certains cas le propriétaire peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant la vocation utilitaire ou la prévisibilité de l’atteinte ou l’état de nécessité ; c’est notamment le cas pour les œuvres d’architecture.

Voyons maintenant les situations où il peut y avoir altération de l’œuvre de l’esprit. L’atteinte à l’esprit de l’œuvre est une dénaturation subjective de la création. Il importe que l’œuvre soit communiquée au public dans l’interprétation la plus proche possible de ce que souhaitaient les créateurs. Il y aura donc atteinte en présence d’un décalage entre l’esprit de l’œuvre et l’esprit véhiculé par sa communication publique. Les juges ont aussi sanctionné l’utilisation du personnage Tintin dans une pièce de théâtre. Ils ont mis fin à une atteinte à l’esprit de l’œuvre originaire, atteinte préjudiciable pour l’auteur dans la mesure où elle venait modifier la perception de sa création dans l’imaginaire du public. Il y aura aussi atteinte à l’esprit si l’éditeur publie l’œuvre avec une préface peu élogieuse pour l’auteur, ou même si un autre ouvrage de la collection polémique sur les qualités de l’auteur. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris en 1984 a sanctionné l’éditeur anglais de Camus, présentant ce dernier comme un piètre philosophe peu écouté et aux idées dépassées. Pourtant l’œuvre n’était pas directement en cause.

L’obligation qui pèse sur l’exploitant étant une obligation de résultat, il suffira à l’auteur de faire constater l’altération pour que la responsabilité de l’exploitant soit engagée.

Envisageons maintenant le droit au respect de la paternité de l’auteur. Le droit au nom et un droit inné, il autorise l’auteur à afficher ou à proclamer sa paternité sur la création. L’utilisateur doit en effet pouvoir identifier le créateur de l’œuvre, relier l’œuvre à une personne. En conséquence l’identité des auteurs apparaît toujours au côté de sa création. Le droit à la paternité peut être exercé néanmoins positivement mais aussi négativement par l’auteur. En effet le créateur peut imposer à l’exploitant l’apposition de son nom, comme nous l’avons vu, ce droit concerne bien évidemment les exemplaires de l’œuvre mais aussi tous les documents publicitaires. Le respect du nom s’accompagne en principe de celui de la qualité de l’auteur et non de la qualité de l’œuvre. Il est en droit de demander la mention de ses titres, grades et distinctions honorifiques.

Le créateur a aussi la possibilité de garder l’anonymat. Dans ce cas il donne mandat à un tiers pour exercer ses droits. L’auteur peut se faire connaître quand il le souhaite et donc renoncer à son anonymat. S’il conserve sa position jusqu’à sa mort, la durée de la protection courra à partir de la publication et non à compter de la date de la mort que l’on ignore par hypothèse. Le créateur peut aussi utiliser un pseudonyme, il s’agit d’un nom de plume ou d’un nom d’emprunt. Ce dernier permet en cas de célébrité de conserve une partie de sa vie privée ou correspondre à une volonté de détachement par rapport à son œuvre ou à une partie de son œuvre. En conséquence, l’exploitant qui révèle le nom de l’auteur pseudonyme viole le droit moral de celui-ci, ainsi en ont décidé les tribunaux.

L’utilisation d’un pseudonyme entraîne les mêmes conséquences que l’anonymat. Attention tous les noms d’artiste ne sont pas des pseudonymes, par exemple Johnny Hallyday ou Eddie Mitchell signent leurs chansons de leur état civil que le public connaît de surcroît. Certains pseudonymes sont transparents.

2° Le droit de divulgation

Divulguer vient de vulgu, c’est à dire foule. Le droit de divulgation correspond à la faculté pour l’auteur de mettre la création en contact avec le public. C’est donc normalement la première prérogative qui est exercée par l’auteur. Comme le droit au nom, le droit de divulgation peut être exercé positivement. L’ayant droit décide de l’opportunité, du moment et des modalités d’une communication publique. C’est la divulgation qui donne naissance aux droits patrimoniaux. Sans la volonté d’un premier contact entre l’œuvre et le public toute exploitation est interdite. Aucun droit patrimonial n’est exercé.

D’aucuns affirment que ces facultés ne s’épuisent pas après la première divulgation. Un tel débat demeure théorique. La volonté légitime de l’auteur de contrôler les utilisations postérieures ou secondaires de sa création est toujours respectée. En effet, tous ces actes mettent en jeu un droit patrimonial. En conséquence, toute forme d’exploitation requiert l’autorisation de l’auteur.

La vigueur du droit de divulgation entraîne deux conséquences : première conséquence, toute œuvre publiée sans son consentement expresse est une contrefaçon ; seconde conséquence, toutes les œuvres que l’auteur n’a pas expressément divulguées sont insaisissables. Le droit pour l’auteur de décider du principe de la mise à disposition du public de sa création est absolu.

La faculté de l’auteur s’étend aux conditions de la divulgation. Il peut choisir le mode de la diffusion de l’œuvre, pièce de théâtre éditée mais non représentée, par exemple ou œuvre littéraire uniquement sur support papier. L’auteur pourra même subordonner l’exploitation à des conditions draconiennes, reproduction d’œuvres graphiques en livre à condition que le papier utilisé soit d’une telle qualité ou diffusion de films en salle équipée de tel matériel de projection. L’auteur choisi aussi le moment de la diffusion.

Le droit de divulgation peut aussi s’exercer négativement. Bien évidemment l’auteur est en droit de refuser toute communication de son œuvre. Mais plus l’œuvre est détachée de son auteur et plus la création revêt pour ce dernier une fonction économique et moins donc le droit de divulgation négatif s’appliquera.

La question de la compatibilité entre la liberté d’exercice du droit de divulgation et la situation de créateur salarié ou de débiteur d’un contrat de commande est importante. Le droit moral étant incessible, l’auteur conserve théoriquement son pouvoir discrétionnaire. Il peut toujours refuser de livrer son œuvre. Le droit de divulgation peut permettre de faire obstacle à l’exécution forcée d’un contrat de commande. Par exemple, le fait pour un peintre d’avoir accepté la commande d’un portrait ne vaut pas exercice du droit de divulgation, fut-il celui de la femme de la personne ayant commandé l’œuvre.

L’exercice du droit de divulgation permet aussi à l’auteur de contraindre son cocontractant au respect de ses engagements. La position des tribunaux a été très sévère à cet égard. Elle a permis à un auteur, partie d’un contrat de commande, d’exiger le maintien de la réalisation d’un projet suivi de l’exploitation réelle de sa création. Dubuffet, créateur du plan d’une fontaine destinée à décorer la cour des locaux appartenant à Renault a pu obliger l’entreprise à concrétiser la commande. Les auteurs sont aptes à demander l’exécution forcée du contrat quand les termes n’en sont pas respectés. Il est nécessaire cependant de nuancer le propos. La jurisprudence évolue. Aujourd’hui, les juges se contentent de condamnation à des dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi par l’auteur du fait de l’absence de diffusion de son œuvre.

3° Le droit de repentir et de retrait

Le droit de retrait et de repentir est énoncé par la loi à l’article L121-4 du CPI. Il est justifié par le caractère original de l’œuvre au sens subjectif. Il autorise l’auteur à concrétiser des regrets d’ordre intellectuel. Il suppose donc que l’œuvre ait été divulguée et exploitée et que la conception personnelle ou les circonstances extérieures à la création aient changées. Il entérine les scrupules artistiques mais ne doit pas permettre la fraude.

Le repentir est la faculté de remanier cette œuvre. C’est-à-dire que l’exploitation pourrait être poursuivie mais l’œuvre, objet du contrat, aura été modifiée. En cela, bien que la modification change pour l’exploitant les conditions et l’intérêt du contrat. Le retrait serait la faculté de retirer entièrement l’œuvre du commerce, c’est-à-dire de mettre un terme à son exploitation et cela malgré les droits accordés à l’exploitant. Le retrait est donc la forme ultime du repentir. Ce dernier accorde à l’auteur la possibilité d’apporter des changements à sa création, tandis que la mise en œuvre du premier revient sur la divulgation et stoppe toutes les exploitations commencées. Le droit de retrait et repentir s’applique aux œuvres divulguées. Il ne prend pas en considération l’existence d’une cession de droit.

Ce droit s’applique quel que soit le type de contrat qui lie l’auteur à l’exploitant. Contrat de reproduction, contrat de représentation, etc. En revanche, il n’est pas opposable au propriétaire du support. Si le support matériel de l’œuvre a été cédée à un particulier, l’auteur est démuni, l’expropriation n’est pas autorisée. Par ailleurs, cette prérogative de droit moral n’existe pas en matière de logiciel.

Conscient du préjudice potentiel pour l’exploitant, le législateur soumet l’exercice de ce droit à une indemnisation préalable, c’est-à-dire que l’auteur devra par avance rembourser les pertes occasionnées mais aussi payer le manque à gagner de l’exploitant. Plus le processus de distribution est avancé, plus la compensation financière sera importante. Dans le cas d’une création de salarié ou si la création est réalisé grâce aux moyens techniques mis à disposition par l’exploitant, le préjudice est augmenté d’autant. Pour toutes ces raisons, l’exercice d’une telle prérogative est théorique. Cet attribut du droit moral est vidé de sa substance.

B. La mise en cause du droit moral

Certains affirment que le droit moral n’est pas essentiel à la cohésion du droit d’auteur puisqu’il n’est apparu que tardivement. Lancé par les exploitants, l’accusation trouve un écho mitigé parmi les membres de la doctrine. Les pays de tradition copyright, appliquent ce raisonnement, ils ignorent le droit moral des auteurs. Le droit anglo-américain propose une protection générale et uniforme des œuvres de l’esprit. L’esprit matérialiste est dominant. Il n’est pas concevable que la bonne marche de l’entreprise soit perturbée par les scrupules de l’auteur.

Cependant, sous la pression des créateurs, les États-Unis ont reconnu un droit moral pour certaines œuvres graphiques. Dans le milieu audiovisuel américain, l’avancée vers une protection de l’œuvre personnelle est aussi sensible.

Par ailleurs, le droit moral est absent de la convention universelle de Genève. Elle n’est pas non plus mentionnée dans l’accord concernant les questions de propriété intellectuelle dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce. Son étendue est même réduite dans la Convention de Berne. Le droit à la paternité est établi mais le droit au respect ne défend que les atteintes préjudiciables à l’honneur et à la réputation de l’auteur. L’application de cette disposition aboutit à un droit moral objectif contraire à notre conception subjective. De plus, si l’honneur et la réputation sont proches du respect, ils ne concernent que l’auteur et non l’œuvre en elle-même. En pratique, la disposition revient à protéger la notoriété de l’auteur et non l’intégrité de l’œuvre. Elle consacre l’approche du copyright. L’atteinte est supprimée si le nom de l’auteur apparaît. Le cessionnaire peut alors exploiter l’œuvre sans aucune retenue. De surcroît, l’atteinte est d’autant plus difficile à rapporter qu’il incombe à l’auteur de prouver le préjudice qui en résulte, c’est cette conception qui a été retenue en droit interne pour les œuvres logicielles.