Le lien de causalité entre le fait et le préjudice

LE LIEN DE CAUSALITÉ

Afin, d’établir la responsabilité civile délictuelle d’une personne, morale ou physique, le juge doit réunir 3 conditions essentielles : l’existence d’un fait générateur, d’un préjudice, et d’un lien de causalité entre la fait et le préjudice.

Le lien de causalité est donc une condition indispensable à la mise en œuvre de la responsabilité civile. Le lien de causalité se définit comme un lien de cause à effet entre le fait générateur et le dommage subi par la victime.

I – DÉFINITION : LIER LE PRÉJUDICE AU FAIT

Il s’agit de rattacher un préjudice à un événement antérieur. Rationnellement, un événement se rattache à tous les faits qui l’ont précédé ; un préjudice se rattache à diverses causes antérieures : comportement de l’auteur de la faute, de la victime, environnement, circonstance particulière.

  • 1. Théorie de l’équivalence des conditions

Tout événement sans lequel le dommage n’aurait pas pu se produire doit être envisagé comme une cause du dommage et oblige son auteur à réparation.

Selon cette théorie, on opère un tri qui, sans retenir tous les événements ayant précédé le dommage, conduit à prendre en considération plusieurs causes : tous les événements ou conditions en l’absence desquels le dommage ne se serait certainement pas produit sont ainsi retenus. Il peut y avoir plusieurs causes.

  • 2. Théorie de la causalité adéquate

L’application de cette théorie requiert que le tri opéré soit plus précis et plus fin. Sera exclu tout ce qui n’est pas la cause directe du dommage.

Seuls les facteurs qui en suivant le cours normal des choses devaient entraîner le dommage doivent être retenus comme la cause déterminante du dommage.

Seuls les faits dont on peut pensé – normalement – qu’ils ont contribués à la réalisation du dommage seront retenus. L’analyse est plus positive.

Ces deux théories laissent une certaine marge d’appréciation au juge. De fait, la jurisprudence reste très pragmatique : il semble que l’on exige seulement que l’enchaînement des causalités ne soit pas trop discutable pour que la responsabilité délictuelle puisse jouer. La théorie de la causalité adéquate est préférée, car retenir l’autre théorie peut aboutir à tenir les personnes responsables de tous les malheurs qui frappent le monde ; or, ils sont si nombreux.

II – PORTÉE : LA PROBLÉMATIQUE DE LA DIVISIBILITÉ

  • Pluralité d’évènements: plusieurs faits concourent à la réalisation d’un dommage. Selon la théorie de la causalité adéquate : seul l’évènement de nature à produire le dommage est retenu.
  • Pluralité des auteurs: plusieurs personnes participent à la commission d’un dommage (accident chasse).

Lorsque plusieurs causes ont contribué à la réalisation d’un dommage, faut il fractionner le lien de causalité ou bien la cause doit être considéré comme indivisible ?

  • 1er solution : répartir selon le degré de causalité la responsabilité de tous les participants au Solution équitable.
  • 2ième solution : tenir chaque fait comme cause du dommage en son entier. La justification d’une telle solution est que, d’une part, le fait dommageable est indivisible en théorie, et, d’autre part, qu’il est impossible, la plupart du temps, de déterminer la part exacte de chacun dans la réalisation du dommage. Pour trancher entre ces deux conceptions la jurisprudence a posé un principe:

  • Principe : la causalité n’est pas divisible

Trois applications peuvent être dégagées.

  • Pluralité de fautes

Réparation in soldium: chacun des auteurs est tenu de réparer l’intégralité du dommage. La victime peut se tourner contre l’un ou l’autre de ces auteurs pour être indemnisée, en général la personne la plus solvable. Celui des coauteurs qui a dû payer peut se retourner contre les autres coauteurs pour être remboursé.

La charge du dommage est répartie proportionnellement à la gravité de la faute ; il appartient au juge de déterminer la part de chacun des coauteurs.

  • Faute commise en groupe

Responsabilité collective du groupe dans l’impossibilité d’identifier l’auteur du dommage. Les fautes étant indissociables, chacun des membres est tenu à réparer intégralement le dommage, sachant que celui qui a payé peut bien évidemment se retourner contre les autres.

  • Faute ou force majeur (de causalité partielle a causalité total)

Si deux événements participent au dommage : une faute (fait d’un responsable) et un fait extérieur de force majeure. La responsabilité est elle divisible ?

La jurisprudence classique considérait que les deux événements étaient constitutifs du dommage, sans distinction possible. Il en résultait un partage d’indemnisation en fonction de la gravité de l’événement. Cette solution est aujourd’hui caduque puisque la causalité est indivisible.

  • la preuve d’un cas de force majeure exonère nécessairement de toute responsabilité dans la participation du dommage celui qui la rapporte. Si la force majeure est établie, le lien de causalité direct et immédiat avec le dommage exclut toute indemnisation.
  • lorsqu’une faute est prouvée, la preuve d’un cas de force majeure est exclue, l’auteur est responsable.

La responsabilité n’est pas divisible entre un auteur fautif et un événement de force majeur. Ou bien il y’a force majeur et l’auteur est totalement exonéré ou bien il y’a faute et il est responsable.

III – ATTÉNUATIONS

  • 1. Faute de la victime

Exception du principe de la responsabilité in solidum : la participation fautive de la victime dans la réalisation de son propre dommage. L’auteur du dommage n’est alors que partiellement responsable, puisqu’on tient compte de la gravité respective des fautes. Il n’est pas nécessaire que la faute de la victime lui soit imputable, ni même que celle-ci ait eu conscience de ses actes. La faute est ici l’acte objectivement anormal.

  • 2. L’opposabilité ou l’inopposabilité de la faute

Cette solution s’applique même en cas de décès de la victime, lorsque les héritiers demandent réparation par une action personnelle (préjudice d’affection). 2 thèses s’affrontent.

  • Thèse de l’inopposabilité de la faute de la victime aux héritiers

Les proches parents peuvent demander entière réparation du préjudice résultant de la disparition de la victime, car il s’agit d’une action personnelle, et non pas de l’action de leur auteur continuée par eux. Ces personnes agissent, comme des victimes à part entière.

Étant en face de deux fautes, l’une commise par l’auteur du dommage, l’autre par le défunt, ils vont bien sûr demander réparation intégrale uniquement au fautif, qui ne pourra pas se retourner contre les demandeurs, ceux-ci ayant qualité de tiers : ils ne peuvent être affectés par les relations victime – auteur. Cette première thèse est logique, peut-être trop

  • Thèse de l’opposabilité de la faute de la victime

Le responsable, contre lequel les proches parents intentent une action, va tenter de s’exonérer, du moins partiellement, en se retranchant derrière la faute commise par la victime.

L’idée de solidarité familiale permet d’englober les proches parents de la victime. Si les proches peuvent agir à titre individuel, il n’en faut pas moins tenir compte de tous les faits, permettant ainsi d’opposer la faute de la victime aux demandeurs. C’est l’argument retenu par la jurisprudence, qui permet donc à l’auteur du dommage de limiter la réparation due en cas de faute de la victime.

  • 3. Prédispositions de la victime

Les prédispositions de la victime (ex: fragilité particulière), doivent elles être prise en comptent dans l’appréciation de la causalité ? La jurisprudence ne tient aucunement compte des prédispositions de la victime au stade de la responsabilité elle même (doit l’indemniser si les conditions de sa responsabilité sont établies) mais ils sont pris en considération lors de l’évaluation du montant de la réparation (le responsable devra réparer que ce qui découle strictement de son acte dommageable).