Le mandat successoral (à effet posthume, conventionnel, judiciaire)

L’administration de la succession par un mandataire

Suite à un décès, le défunt laisse à ses héritiers un patrimoine composé notamment de biens matériels (logement, objets, etc.) et financiers. La succession s’effectue alors soit en fonction de règles déterminées par la loi ou bien en fonction des dispositions prises par le défunt avant son décès (rédaction d’un testament, donation, assurance-vie).

Innovation majeur de la loi de 2006 réside dans la mise en place du mandat à effet posthume qui s’ajoute aux 2 autres formes classiques de mandat (= mandat conventionnel et judiciaire).

Le mandat successoral est susceptible de résulter d’un acte du défunt, le mandat à effet posthume, ou de la volonté de tous les ayants droit, le mandat conventionnel. Mais l’administration de la succession par un mandataire peut aussi s’imposer par une décision de justice, le juge compétent étant le président du tribunal de grande instance.

Le tribunal de grande instance (TGI) nommera alors un mandataire judiciaire chargé d’administrer la succession. Il est compétent pour réaliser certains types d’acte comme régler les dettes ou percevoir des revenus.

Les articles 840 à 842 du Code civil définissent les règles du partage judiciaire.

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Section 1 : Le mandat à effet posthume

La mise en place du mandat à effet posthume par la loi de 2006marque un infléchissement de la théorie de la succession envisagée traditionnellement comme une succession à la personne et no une succession aux biens.

Dans la logique de la succession à la personne, c’st l’héritier qui administre normalement la succession à la différence des théories de succession aux biens où le patrimoine est confié à la gestion d’un tiers. L’héritier étant alors dessaisit de l’administration de la succession. Le mandat à effet posthume porte aussi atteinte au principe de la saisine héréditaire dont l’effet principal est normalement d’habiliter l’héritier à appréhender matériellement les biens du défunt et exercer tous les droits du défunt sur ces biens.

Désormais, le de cujus peut confier à un tiers la gestion de l’hérédité et maintenir ses héritiers à l’écart de la succession qui leur est pourtant échue.

I. la formation du mandat

Ce mandat à effet posthume est régit par les articles 812 et suivants du Code civil «Toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d’administrer ou de gérer, sous réserve des pouvoirs confiés à l’exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l’intérêt d’un ou de plusieurs héritiers identifiés. Le mandataire peut être un héritier. Il doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d’une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral. Le mandataire ne peut être le notaire chargé du règlement de la succession ».

A. Les parties au mandat

Le mandant est le futur défunt dont le mandataire va tenir son pouvoir.

Concernant ce mandant, une remarque s’impose. En effet, d’après l’article 1984 du Code civil qui régit le droit commun du mandat. Le mandant est celui de qui le mandataire tient son pouvoir et pour le compte de qui il agit. Appliqué au mandat posthume, la règle suscite une interrogation car si le mandataire tient bien son pouvoir du de cujus il agit pour le compte des héritiers et non du mandant. Dans le mandat à effet posthume, le mandataire agit donc non pas pour le compte du mandant mais pour le compte des héritiers et finalement l’objet de ce mandat à effet posthume c’est en fait de dessaisir l’héritier de tenir l’héritier à l’écart de la gestion des biens objet de ce mandat à effet posthume.

Cette mise à l’écart de l’héritier s’explique par la volonté du futur défunt d’organiser sa succession et d’anticiper les difficultés éventuelles de gestion du patrimoine successoral lorsqu’une entreprise est en jeu ou lorsque certains héritiers sont mineurs ou atteint d’un handicap.

Concernant le mandataire, s’il s’agit d’une personne physique ce peut être un héritier mais aussi un tiers non successible ou un professionnel à l’exclusion du notaire chargé du règlement de la succession. Le mandataire peut être aussi une personne morale comme une association.

B. Les conditions du mandat

1. Les conditions de fond

Le mandat doit être accepté par le mandataire du vivant du mandant. Le mandat à effet posthume doit être motivé par un intérêt légitime et sérieux qui peut être soit un intérêt personnel soit un intérêt réel.

Le mandat justifié à raison d’un intérêt personnel sera motivé soit par l’âge soit par l’incapacité soit la prodigalité de l’héritier, de la mésentente avérée des co héritiers

Le mandat peut être justifié par la consistance du patrimoine qui peut se révéler difficile à gérer en raison de la nature des biens qui le compose.

Cette exigence que le mandat soit justifié par un intérêt légitime est fait pour éviter que l’héritier soit « frappé d’une incapacité d’exercice fulminé du fond du tombeau par un père despotique ».

Ce mandat ne peut être que temporaire compte tenu du dessaisissement qui s’impose aux héritiers. Sa durée maximale est de 2 ans et de 5 ans par exception lorsque le mandat est justifié par l’âge de l’héritier ou la nature professionnelle des biens.

2. Les conditions de forme

C’est un contrat solennel qui doit être passé par acte authentique à peine de nullité (= article 812-1-1 alinéa 3).

Le mandat doit être précisément motivé et mentionné l’intérêt légitime et sérieux qui le justifie. C’est prévu de manière expresse par l’article 812-1-1 alinéa 1er in fine.

Ce mandat doit être inscrit au fichier des dernières volontés afin d’éviter qu’il soit ignoré.

II. Les effets du mandat

Jusqu’à l’ouverture de la succession, le mandat peut être révoqué par l’une ou l’autre des parties. La loi ne précise rien quant aux formes de la révocation et la seule précision apportée par l’article 812-1-1 alinéa dernier concerne l’obligation pour celui qui renonce au mandat de notifier sa décision à l’autre partie sans que d’ailleurs cette exigence ne soit assortie d’aucune sanction particulière.

A l’ouverture de la succession, le mandat qui n’a pas été révoqué va produire ses effets, effets qui seront différents selon que l’on se place avant l’acceptation de la succession ou après l’acceptation de la succession.

Tant que l’héritier n’a pas accepté la succession, les pouvoirs du mandataire sont limités et il ne peut accomplir que les actes qui n’emportent pas acceptation tacite. Le CC prend soin de préciser que les actes accomplis par le mandataire sont sans effet sur l’option héréditaire (= article 812-1-2 du Code civil) et le CC ajoute à l’article suivant que tant qu’aucun héritier visé par le mandat n’a accepté la succession, le mandataire ne dispose que des pouvoirs reconnus aux successibles par l’article 784 (= vise les actes n’emportant pas acceptation tacite).

La période antérieure à l’acceptation est la seule traitée par le CC et on admet par conséquent qu’à partir du moment où l’héritier a accepté la succession il y a lieu d’appliquer la règle générale inscrite à l’article 812-1-4 qui renvoie aux dispositions des articles 1984 à 2010 c’est-à-dire au droit commun des mandats.

Ce mandat est en principe gratuit sauf quand il sera confié à un professionnel. Si tel est le cas une rémunération peut être prévue mais elle est strictement règlementée par l’article 812-2 alinéa 2 du Code civil.

Section 2 : Les mandats conventionnel et judiciaire

I. Le mandat conventionnel

C’est ce que prévoit l’article 813 « Les héritiers peuvent, d’un commun accord, confier l’administration de la succession à l’un d’eux ou à un tiers. Le mandat est régi par les articles 1984 à 2010. Lorsqu’un héritier au moins a accepté la succession à concurrence de l’actif net, le mandataire ne peut, même avec l’accord de l’ensemble des héritiers, être désigné que par le juge. Le mandat est alors régi par les articles 813-1à 814 ».

Il découle de la lecture combinée des alinéas 1 et 2 : c’est réservé à la seule hypothèse où tous les héritiers ont accepté purement et simplement la succession. Le mandat est régit par les règles du droit commun du mandat.

A l’inverse, si un au moins des héritiers a accepté la succession en concurrence de l’actif net, le mandat ne peut plus être conventionnel puisque dans ce cas le mandataire ne peut être désigné que par le juge.

Un auteur souligne le caractère critiquable d’un point de vue technique de l’introduction de ce type de mandat conventionnel. Il relève à cet égard le manque de cohérence de la loi nouvelle qui en créant ce nouveau mandat n’a pas tenu compte des règles de l’indivision.

Ce mandat conventionnel s’ajoute à la possibilité (= article 815-3 du Code civil) pour les indivisaires qui sont titulaires d’au moins 2 / 3 des droits indivis de donner à l’un d’entre eux ou à un tiers un mandat général d’administration. Mandat qui selon la Doctrine Notariale est alors également soumis aux dispositions de droit commun du mandat.

II. Le mandat judiciaire

Hors mis l’hypothèse visée précédemment du mandat judiciaire obligatoire à concurrence de l’actif net par les héritiers, il peut arriver dans certains cas des situations de blocage. Pour remédier à ces situations, la loi nouvelle a donné la possibilité de désigner un mandataire successoral en justice.

Hypothèse déjà consacrée par la jurisprudence mais réglementée aujourd’hui de façon spécifique par les articles 813-1 à 814-1 qui précisent à la fois les conditions de désignation de ce mandataire successoral et ses pouvoirs.

A. La désignation du mandataire successoral

La demande de nomination peut être demandée par un héritier, par un créancier, par le ministère public ou encore par toutes personnes qui assuraient pour le compte de la personne décédée l’administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant. A cette liste vient s’ajouter hypothèse particulière visée à l’article 814-1 qui prévoit la nomination d’un mandataire successoral à la demande de l’héritier qui a accepté la succession à concurrence de l’actif net pour le substituer dans la charge d’administration et de liquidation de la succession.

La désignation sera motivée pour :

· soit par inertie, la carence ou la faute d’un ou plusieurs héritiers dans l’administration de la succession.

· soit par la mésentente des héritiers entre eux

· soit par une opposition d’intérêts entre les héritiers que cette opposition d’intérêts soit conflictuel ou non. Exemple : succession qui serait dévolue à la fois à un héritier mineur et à son tuteur.

· soit par la complexité de la situation successorale. Notion qui relève de l’appréciation du juge et cette complexité découle de la composition du patrimoine successoral, soit de la multitude d’héritier.

B. Les pouvoirs du mandataire successoral

Ils sont déterminés et comportent certaines limites.

1. Le contenu des pouvoirs

Dans la situation ou aucun héritier n’a encore accepté la succession, dans ce cas, le mandataire successoral ne peut accomplir que les actes visés par l’article 784 du Code civil. C’est-à-dire les actes qu’un héritier peut faire sans qu’il emporte accord tacite de la succession. Là encore, il est prévu que les actes accomplis par le mandataire n’ont aucun effet sur l’option. Deuxième hypothèse : l’un au moins des héritiers a accepté la succession soit purement et simplement soit à concurrence de l’actif net. Dans ce cas, le juge peut autoriser le mandataire successoral à effectuer l’ensemble des actes d’administration de la succession et il peut l’autoriser à tout moment à réaliser les actes nécessaires à la bonne administration de la succession et à en déterminer les prix et conditions (= tous les actes qui concernent l’administration). A ces pouvoirs spécifiques, pouvoir de représentation et sous réserve des pouvoirs expressément attribués par le juge, le mandataire représente par ailleurs l’ensemble des héritiers pour tous les actes de la vie civile et les actions en justice.

2. Les limites aux pouvoirs du mandataire

Le mandataire exerce un pouvoir subsidiaire, il ne peut s’exercer que sous réserve des pouvoirs déterminés à d’autres qu’il s’agisse du mandataire à effet posthume, de l’exécuteur testamentaire nommé par le défunt ou de l’administrateur judiciaire nommé dans l’intérêt de l’indivision en application du nouvel article 816-6 du Code civil.

A quel contrôle le mandataire est-il soumis ? Il devra rendre des comptes à la fois au juge et aux héritiers. Ainsi, les héritiers peuvent à tout moment demander communication des documents relatifs à l’administration de la succession par le mandataire et le Président du TGI peut d’office ou sur demande des héritiers convoquer le mandataire et lui demander toutes informations sur le déroulement de sa mission (= article 1357 du Code civil).

L’exécuteur testamentaire auquel il est fait référence est la personne désignée par le défunt dans son testament pour veiller à la bonne exécution du testament c’est-à-dire à l’exécution de ses volontés.