Le nom et le prénom : attribution, modification

Le nom et prénom

Le nom comprend en France au moins deux éléments : le nom de famille et le prénom. À ces deux éléments peuvent s’en ajouter d’autres (autres prénoms, pseudonyme, titre nobiliaire…)

§ 1 – Le nom

La nature du nom est ambiguë : s’il est un élément d’identification de la personne et, à ce titre, un instrument de police civile, il revêt incontestablement une dimension personnelle et affective, rattachant la personne à un groupe social et évoquant l’histoire familiale de la personne qu’il désigne. De son aspect public, en tant que mode d’identification, certains auteurs, et en particulier Planiol, avaient déduit que le nom n’était qu’un moyen parmi d’autres d’immatriculation de la personne, de telle sorte que celle-ci serait dépourvue de droit subjectif sur son nom. Le nom ne serait pas l’objet d’un droit et ne serait qu’un instrument de police civile. Cette analyse n’a en réalité jamais réellement convaincu, et la jurisprudence a reconnu l’existence d’un droit subjectif sur le nom, ou au nom. Mais quel droit ? Elle a, un temps, estimé que le droit au nom devait être compris comme un droit de propriété sur le nom, comparable au droit qu’une personne peut avoir sur tel ou tel élément de son patrimoine. Cette conception a, par la suite, été abandonnée, et l’on assimile aujourd’hui le droit au nom à un droit de la personnalité, comme le droit au respect de la vie privée ou le droit à l’image. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi pu considérer que le nom, « en tant que moyen d’identification personnelle et de rattachement à une famille », intéresse la vie privée et familiale de l’individu. On relèvera tout de même, dans les développements qui suivent, que certaines des solutions du droit positif ne s’accordent qu’assez difficilement avec cette idée d’un droit au nom compris comme un droit de la personnalité, donc comme un droit extrapatrimonial, insaisissable, incessible, indisponible, intransmissible et imprescriptible.

I – L’attribution du nom

A – Le nom de famille

Pendant longtemps, hormis dans le cas dans lequel il n’était pas connu ou n’avait pas reconnu l’enfant, celui-ci portait le nom de son père.

S’agissant de l’attribution du nom patronymique, le droit était donc, à cet égard, inégalitaire. Les données de la question ont été profondément modifiées à la faveur de la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille qui tend, pour l’essentiel, à remédier à l’inégalité des sexes dans les règles de transmission du nom. Cette loi, modifiée par une loi du 18 juin 2003, est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. On remarquera, dès à présent, que le « nom de famille » est venu remplacer le « nom patronymique », cette modification terminologique étant révélatrice de la volonté de conserver le caractère familial de la transmission du nom tout en rejetant toute idée de prééminence paternelle. Rompant avec nos habitudes ancestrales, et afin d’exprimer dans l’identité originaire d’une personne l’égalité des sexes, le principe est celui du double nom, l’enfant portant le nom de ses deux parents, à moins qu’ils en aient décidé autrement.

S’agissant de l’attribution du nom aux enfants légitimes, l’article 311-21 du Code civil prévoit que les parents choisissent le nom de famille qui devra être le même pour tous les enfants : soit celui du père, soit celui de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre qu’ils ont choisi.

S’agissant des enfants naturels, plusieurs cas de figure doivent être envisagés :

  • en cas d’établissement simultané de la filiation, la règle précitée de l’article 311-21 du Code civil s’applique ;
  • en cas d’établissement de la filiation de l’enfant à l’égard d’un seul de ses parents, l’enfant portera le nom de celui-ci ;
  • en cas d’établissement successif de la filiation de l’enfant à l’égard de ses deux parents1, l’article 334-1 du Code civil dispose que « l’enfant acquiert le nom de celui de ses deux parents à l’égard de qui sa filiation est établie en premier lieu ». L’article 334-2 prévoit cependant que pendant la minorité de l’enfant et avec son accord s’il a plus de treize ans, les parents pourront décider que l’enfant prendra par substitution le nom de celui de ses parents à l’égard duquel la filiation a été établie en second lieu, ou que l’enfant portera accolés les deux noms du père et de la mère dans l’ordre qu’ils auront choisi.

S’agissant des enfants adoptés, il faut cette fois distinguer selon qu’il s’agit d’une adoption simple ou d’une adoption plénière. Alors que la première ne rompt pas les liens que peut avoir l’enfant avec sa famille d’origine, la seconde emporte rupture totale avec elle et assimile l’enfant adopté à un enfant légitime. Aussi bien, en cas d’adoption plénière, les règles générales s’appliquent-elles : les parents adoptants donnent à l’adopté, qui perd son nom originaire, le nom du père, ou de la mère, ou des deux accolés, dans l’ordre qu’ils ont choisi2. En cas d’adoption simple, il faut distinguer le cas dans lequel elle serait le fait d’un seul adoptant ou d’un couple : en cas d’adoption individuelle, l’adopté ajoutera à son nom d’origine celui de l’adoptant ; en cas d’adoption par deux époux, le nom de famille accolé à celui de l’adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme et, en tout état de cause, à défaut d’accord, celui du mari

B – Le nom d’usage

Dans certaines hypothèses, une personne va pouvoir user du nom d’un autre. Ainsi en va-t-il bien souvent de la femme mariée qui peut porter le nom de son mari qui n’est pour elle qu’un nom d’usage. Alors en effet que, en droit, la femme mariée conserve son nom de jeune fille, elle choisit fréquemment de le remplacer par celui de son mari ou, éventuellement, de l’y ajouter. Il s’agit là d’une coutume que le Code civil a implicitement repris à l’article 264 disposant, dans sa rédaction issue de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, que, « à la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint ».

S’il en va ainsi, c’est bien que, en amont, le mariage permet à un époux, le plus souvent en pratique à la femme, d’acquérir l’usage du nom de son conjoint. Du reste, même après divorce, il peut, à certaines conditions, conserver l’usage du nom de l’autre, s’il y a consenti, ou avec l’autorisation du juge «s’il justifie qu’un intérêt particulier s’y attache pour lui ou pour les enfants ».

Hormis l’hypothèse du nom d’usage de la femme mariée, il faut signaler que, avant la loi du 4 mars 2002, le législateur avait déjà cherché, de façon assez prudente il est vrai, à limiter la prééminence masculine dans le régime du nom : aux termes de la loi du 23 décembre 1985, « toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui des parents qui ne lui a pas transmis le sien », cette faculté étant, pour les mineurs, mise en œuvre par les titulaires de l’autorité parentale. On n’a pas manqué de remarquer que cette loi avait ainsi ouvert la voie d’une place faite à la volonté individuelle dans l’attribution du nom. La loi du 4 mars 2002 est, depuis, allée bien plus loin, consacrant même une certaine « privatisation du droit au nom »

II – La modification du nom

Longtemps, le principe a été celui de l’intangibilité du nom et, donc, de l’impossibilité de le modifier, principe qui, venant de l’Ancien Régime, s’expliquait notamment par la volonté d’empêcher les roturiers de changer de nom et risquer ainsi de porter atteinte à la noblesse. A la Révolution, une loi du 24 brumaire an II avait, en réaction, donné à chaque citoyen la possibilité de changer de nom par simple déclaration.

Ce système a cependant assez rapidement été abandonné pour des nécessités de police par la loi du 6 fructidor an II, l’article 1er de cette loi disposant en effet « (qu ‘)aucun citoyen ne peut porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ». Le texte prévoyait même que ceux qui avaient quitté leurs noms étaient tenus de les reprendre.

Par la suite, afin de combattre les excès antérieurs tout en favorisant la fonction de police civile, identification par l’État-, la loi du 11 germinal an XI, sans exclure la possibilité de changer de nom, l’avait subordonnée à des conditions strictes. Certes, l’article 4 de cette loi prévoyait que « toute personne qui aura quelque raison de changer de nom en adressera la demande motivée au Gouvernement » ; mais, pratiquement, compte tenu de la position restrictive du Conseil d’État, compétent pour donner ici son avis, les changements de noms supposaient des raisons graves, tenant à la consonance ridicule du nom, aux confusions déshonorantes qu’il pouvait entraîner, ou encore au désir de relever un nom familial menacé d’extinction. Aussi bien le principe de l’immutabilité du nom dominait-il. La loi du 8 janvier 1993 est venue modifier les règles applicables. Abrogeant la loi du 11 germinal an XI, elle a ainsi admis la possibilité de changer de nom pour « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime », le changement pouvant alors être autorisé par décret. L’immutabilité du nom se trouve ainsi tempérée, d’autant que, à l’hypothèse de changement de nom visée par l’article 61 du Code civil, il faut ajouter, plus spécialement, celle prévue par la loi du 25 octobre 1972 autorisant la francisation des noms étrangers : toute personne qui acquiert la nationalité française peut en effet demander la francisation de son nom et de ses prénoms lorsque leur apparence et leur consonance étrangères sont susceptibles de gêner l’intégration de celle-ci dans la communauté française.

La conséquence la plus remarquable de l’immutabilité du nom qui demeure, bien qu’assouplie, le principe tient à l’imprescriptibilité du nom.

Ainsi le nom ne doit-il pas, en principe, pouvoir s’acquérir par l’écoulement du temps, pas plus d’ailleurs qu’il ne doit pouvoir se perdre ainsi. Le fait d’avoir porté un pseudonyme ou le nom d’autrui pendant un certain temps ne devrait donc pas permettre de l’acquérir et, inversement, le fait de ne pas porter un nom pendant longtemps ne devrait pas le faire perdre.

Parce qu’imprescriptible, il ne saurait donc y avoir, s’agissant du nom, de prescription acquisitive ou extinctive. A vrai dire, de la même manière que l’immutabilité du nom a été assez largement tempérée, son imprescriptibilité est, elle aussi, nuancée.

La Cour de cassation a certes affirmé que le nom ne se perd pas par le non-usage, et donc jugé que la possession d’un nom ne fait pas obstacle à ce qu’un individu, renonçant à s’en prévaloir, revendique le nom de ses ancêtres qu’il n’a pas perdu en raison de l’usage d’un autre nom par ses ascendants les plus proches. Elle indique tout de même qu’il appartient au juge, « en considération de la durée et des circonstances dans lesquelles elles se sont succédé, d’apprécier s’il y a lieu d’accueillir cette revendication ». Autrement dit, le juge doit distinguer deux périodes, celle où le nom que l’on revendique a été porté et celle où le nom que l’on veut quitter l’a été lui aussi, et comparer la durée et l’ancienneté des possessions respectives. Par où le temps joue tout de même ici un rôle, traduisant une certaine patrimonialisation du nom

III – La protection du nom

Le nom est, d’abord, protégé contre l’usurpation dont il peut, éventuellement, faire l’objet. Dans l’hypothèse en effet dans laquelle une personne usurpe le nom d’autrui, celui qui porte légitimement le nom usurpé peut agir contre l’usurpateur. Encore faut-il, comme l’exige la jurisprudence, que deux conditions soient réunies : il faut non seulement, pour pouvoir agir, porter légitimement et exactement le même nom que celui qui a été usurpé, mais encore que l’usurpation fasse naître un risque de confusion, ce qui sous-entend que le nom usurpé soit un nom rare ou illustre, on ne saurait protéger un nom si répandu que la confusion en est généralisée. Si ces conditions sont satisfaites, le juge interdira à l’usurpateur de porter le nom et pourra le condamner à des dommages et intérêts si l’usurpation a causé un préjudice.

Le nom est, ensuite, protégé contre les utilisations abusives qui peuvent en être faites. Ainsi, si l’utilisation commerciale de son propre nom est en principe licite, elle est en revanche interdite dans l’hypothèse dans laquelle ce nom serait déjà utilisé comme nom commercial ou comme marque dans un commerce identique par un homonyme, et ce afin d’éviter tout risque de confusion et de détournement de la clientèle par une concurrence qui serait alors déloyale.

Il se peut, autre hypothèse, que, pour exercer une activité commerciale, un commerçant veuille faire usage non plus de son propre nom, mais d’un autre nom qui serait aussi celui d’autrui. Le porteur du nom peut s’y opposer, sauf, premier cas de figure, s’il n’existe aucun risque de confusion susceptible de porter atteinte à ses droits de la personnalité ou, second cas de figure, s’il a donné son autorisation et ainsi consenti à ce qu’un commerçant utilise son nom comme nom commercial. C’est ce qu’a très nettement affirmé la Cour de cassation dans l’affaire Bordas. Pierre Bordas, éditeur, avait cédé aux éditions Bordas le droit d’exploiter commercialement son nom mais, ayant dû quitter l’entreprise, avait souhaité créer une nouvelle société d’édition portant, elle aussi, le nom « Bordas ». La haute juridiction ne l’y pas autorisé en énonçant que « le principe de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité du nom patronymique, qui empêche son titulaire d’en disposer librement pour identifier au même titre une autre personne physique, ne s’oppose pas à la conclusion d’un accord portant sur l’utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou nom commercial ». Il faut préciser que, plus récemment, la Cour de cassation a, s’agissant d’un nom notoirement connu, entendu limiter l’autorisation donnée à l’usage strictement prévu par la convention, décidant que le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement connu à l’insertion de son patronyme dans la dénomination d’une société exerçant son activité dans le même domaine ne saurait, sans accord de sa part et en l’absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services. Cessible, le nom de famille peut donc se détacher de la personne physique qui le porte pour devenir un objet de propriété incorporelle dans le patrimoine de la personne morale. Les solutions qui viennent d’être évoquées relatives à l’utilisation du nom à des fins commerciales pourront être comparées avec les hypothèses d’utilisation littéraire du nom d’autrui, encore que, pour que cette utilisation devienne illicite, il faut ici non seulement qu’elle crée un risque de confusion, mais aussi qu’elle cause un préjudice au porteur du nom.

§ 2 – Le prénom

Le prénom individualise les membres d’une même famille portant le même nom. La loi du 11 germinal an XI avait prévu que pouvaient être choisis comme prénoms les noms en usage dans les différents calendriers ainsi que ceux des personnages connus de l’histoire ancienne, et il appartenait à l’officier d’état civil de n’en admettre aucun autre. Cette loi a cependant été abrogée par la loi du 8 janvier 1993 et l’article 57, alinéa 2 du Code civil dont il est issu pose désormais en principe que les parents sont libres de choisir les prénoms de l’enfant. Il s’agit cependant d’une liberté a priori ou, dit-on parfois, « limitée » : si, s’il a en effet, le prénom, seul ou associé aux autres prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l’intérêt de l’enfant ou au droit des tiers, l’officier d’état civil en avise le procureur de la République qui peut saisir le juge aux affaires familiales. Celui-ci peut en ordonner la suppression sur les registres d’état civil et en attribuer un autre.

II faut, en outre, signaler que, hormis cette hypothèse, l’article 60 du Code civil, lui aussi issu de la loi du 8 janvier 1993, autorise toute personne qui justifie d’un « intérêt légitime » à demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales qui doit procéder à une appréciation in concreto de l’intérêt légitime. Aussi bien ne peut-il pas se déterminer par un motif d’ordre général sans rechercher si l’état de fait invoqué par le requérant n’est pas de nature à constituer, pour lui un intérêt légitime. L’usage prolongé d’un prénom, le désir de réaliser une complète assimilation à la communauté française ou l’exercice d’une religion ont pu être considérés comme révélant l’existence d’un intérêt légitime. Tel n’est, en revanche, pas le cas du simple motif de convenance, le désir de substituer aux prénoms d’origine leurs diminutifs, déjà utilisés habituellement dans la vie courante, ne reposant par sur un intérêt de nature à justifier la demande.