Le président est-il irresponsable?

L’irresponsabilité Présidentielle.

C’est l’une des caractéristique d’un régime parlementaire qu’un chef de l’état soit irresponsable (cela remonte à l’adage de la monarchie : « le roi ne peut mal faire »).

Sous la 5ème république cette tradition a été maintenue, mais si les présidents de la 3ème et de la 4ème République avaient peu de pouvoir ce n’est pas le cas sous la 5ème République (pas toujours d’obligation de contreseing), d’où le problème.

3 situations.

L’irresponsabilité politique, qui existe en droit, une qui existe en fait devant le peuple et sur le plan pénal.

  • &1. L’irresponsabilité de droit.

La révision du 23/02/2007 a modifié l’art.68 ancien qui est devenu l’art.67 nouveau. En son alinéa 1, il dit : « le président n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité ». On ne peut donc pas lui reprocher un acte accompli en tant que président. Cette irresponsabilité est absolue et permanente (même quand il n’est plus président).

2 réserves

  • Possibilité de poursuivre le chef de l’état devant la cour pénale internationale (art.53-2, en cas de crime)
  • En cas de destitution du président par la haute cours (nouvelle procédure de destitution). Avant 2007 la seule exception à l’irresponsabilité était la haute trahison, hypothèse qui a été supprimée.
  • &2. La responsabilité de fait devant le peuple.

Si en droit il est à l’abri, le président est de fait responsable devant le peuple lors des élections (on rejette sa personne et son action).

Cela peut aussi se manifester lors d’élections législatives, si le président perd sa majorité c’est que son action est contestée.

Lors d’un référendum également, mais seulement utilisé par de Gaulle.

C’est donc lors d’échéances nationales et pas locales ou européennes.

  • &3. La responsabilité pénale du chef de l’état.

La révision de 2007 a modifié en profondeur le titre 9 de la constitution (art.67 et 68 entièrement réécris).

Avant 2007 le Président n’était pénalement responsable qu’en cas de haute trahison devant la Haute Cour de Justice (institution comprenant des députés et des sénateurs, donc juridiction politique, créée sous la 3ème république, mais elle ne s’est jamais réunie pour juger un président sous la 5ème). Désormais on a enlevé toute référence au mot « justice » à l’expression Haute Cour.

  • A) Le nouvel article 67 (ancien 68)

Il institutionnalise l’arrêt de la cour de cassation du 10/10/2001, c’est l’art.67 alinéa 2 : « aucune procédure ne peut être engagée contre le Président de la République en cours de mandat que ce soit pour des actes accomplis avant ou après son élection (durant son mandat) ».

Il y a donc une exception au principe d’égalité devant la loi, le président ne peut être durant son mandat associé à une action de justice, que ce soit en simple témoin, en tant qu’accusé, en tant que défendeur à nuancer. Il bénéficie ainsi d’une responsabilité différée, l’art67 alinéa 3 précise « il peut de nouveau faire l’objet d’une action de justice un mois après la cessation de son mandat ».

Cette inviolabilité protège ainsi la fonction, on souhaite éviter que le Président soit affaiblit pendant son mandat. Cela vise toutes les procédures, civiles, pénales et administratives.

On s’est demandé si cette immunité pouvait être étendue aux collaborateurs directs du président. Le cas c’est produit sous la présidence de Sarkozy, des juges ont enquêté sur les sondages de l’Elysée (organisés par une société amie). La cour d’appel de Paris a été favorable à cette extension, mais cela était critiquable et la Chambre Criminelle de la cassation, dans un arrêt du 19/12/2012, a cassé la décision de la cour d’appel : « aucune disposition constitutionnelle, légale, ou conventionnelle ne prévoit l’immunité ou l’irresponsabilité pénale des membres du cabinet du Président de la République ».

Les dispositions de l’art.67 se sont appliquées à plusieurs reprises. Chirac a ainsi été convoqué par la justice à la fin de son mandat et a été condamné 15 ans après que les faits se soient produits (emplois fictifs de la mairie de Paris).

Idem pour Sarkozy avec les affaires Bettencourt, trafic d’influence, financement de sa campagne par la Lybie, etc…

L’alinéa 2 précise pour protéger les tiers que « les délais de prescription et de forclusion sont suspendus » durant l’exercice du mandat du président.

  • B) Le nouvel article 68.

C’est la procédure de destitution. Elle est nouvelle et reprend les propositions de la commission Avril. Pour que cela soit applicable il faut une loi organique qui n’a toujours pas été adoptée.

L’alinéa 1 précise que : « le président ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Les devoirs du président renvoient à l’article 5 qui définit son rôle (arbitre et gardien). Cela concerne-t-il que ses devoirs constitutionnels ?

Ce manquement doit être manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat, le caractère manifeste du manquement signifie que les fautes détachables du mandat n’engagent pas la responsabilité du président (il est flashé à 200 km/h par exemple, c’est une faute détachable). Ici l’appréciation est souveraine.

La nature de la sanction n’est ni civile, ni administrative, ni pénale, elle met simplement fin à ses fonctions, c’est donc une sanction purement politique.

Cela met en jeu une certaine forme de responsabilité politique puisqu’on peut lui reprocher un acte pris dans l’exercice de ses fonctions (exemple il refuse de promulguer une loi alors qu’il y est obligé par ses fonctions).

C’est à la Haute Cour à qui revient l’interprétation souveraine.

L’alinéa 1 précise que « le président peut être destitué par le parlement réuni en Haute Cour », ce donc 925 parlementaires qui peuvent ainsi être amenés à juger et à destituer le Président.

Les alinéas 2 à 4 précisent la procédure :

L’alinéa 2 prévoit qu’une proposition de réunion de la Haute Cour doit être adoptée par l’une des 2 assemblées et est aussitôt transmise à l’autre assemblée. L’initiative est donc prise dans l’une des 2 assemblées. Dans le projet de loi organique on précise que cette proposition devrait recevoir la signature d’un dixième des membres de l’assemblée. La proposition doit être votée dans chacune des 2 assemblées.

L’alinéa 4 précise, que la proposition doit recueillir la majorité des 2/3. Si cette première phase est validée, on passe à la réunion de la Haute Cour présidée par le président de l’assemblée nationale et elle doit statuer dans un délai d’un mois à bulletin secret. La majorité des 2/3 est requise pour la destitution. Le projet de loi organique prévoit que ne seront comptabilisés que les votes en faveur de la destitution.

Si la destitution n’est pas votée le président reste en fonction.

Si la majorité des 2/3 est acquise, la destitution est d’effet immédiat, la vacance est déclaré et constatée par le Conseil Constitutionnel et le président du Sénat prend l’intérim.