Le principe de la liberté d’entreprendre et ses limites

La liberté d’entreprendre

  • Il peut paraître surprenant de parler de cadre au sujet d’une liberté, en l’occurrence la liberté d’entreprendre. En effet, le cadre fait songer à un enfermement, le cadre encadre quelque chose alors que la liberté ferait plutôt référence à une absence de contrainte. Raisonner ainsi serait oublier que la liberté en droit consiste surtout à faire toute ce qui n’est pas contraire aux lois et aux règlements.
  • La liberté d’entreprendre est une déclinaison que la liberté juridiquement considérée. Cette liberté ne va pas de soit. Telle que nous la connaissons aujourd’hui, la liberté d’entreprendre procède d’un texte, le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 donnant aux citoyens le droit d’exercer tout commerce ou toute profession qui leur plaira de faire, à condition d’acquitter une patente. Procède également de la loi Le Chapelier qui supprime les corporations. Le Conseil Constitutionnel a élevé cette liberté d’entreprendre au rang de principe à valeur constitutionnelle. Cependant, le législateur est toujours fondé à restreindre l’exercice d’une liberté quand il le fait de façon limitée et pour l’intérêt général.

Section 1 : Le principe de la liberté d’entreprendre

  • Celle liberté repose en FRANCE sur des dispositions légales remontant à la révolution Française. Cependant, l’apport de l’Europe communautaire est aussi considérable en cette matière. Raison pour laquelle on envisage successivement le droit interne (§1) et le droit communautaire (§2)

1 : Droit interne : de la liberté du commerce et industrie à la liberté d’entreprendre

La liberté d’entreprendre est le fruit d’une évolution qui part de la liberté du commerce et industrie pour aboutir à la liberté d’entreprendre. C’est également le reflet juridique d’une autre évolution qui est économique : passage du négoce traditionnel (artisanat traditionnel et professions libérales traditionnelles) à l’entreprise moderne.

Le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791, dans son article 7 pose en substance que toute personne pourra faire le négoce ou exercer le métier qui lui plaira de faire à condition de payer une patente exigée par la loi sous réserve des règlements de police qui pourront être édictés. On peut l’observer dès la révolution Française, la liberté du commerce et de l’industrie, ouvrait à tout praticien le champs entier de l’entreprise mais restreignait le champs de la liberté conquise par le nécessaire respect des obligations légales, notamment fiscales par ceux usant de cette prérogative juridique.

La jurisprudence a affiné la portée juridique du décret d’Allarde. Le Conseil d’Etat a dit que ce texte posait un principe de liberté 2 juin 1951, Daudignac.

Ce même Conseil d’Etat a ensuite abandonné la référence au décret d’Allarde pour dire que la liberté du commerce et de l’industrie consistait dans un principe général du droit, 9 janvier 1981, Claude Publicité.

Entre temps, le même Conseil d’Etat avait décidé que le principe de la liberté du commerce et industrie avait une valeur constitutionnelle ce qui lui permettait d’apprécier de manière très restrictive les limitations que le législateur voulait apporter à l’exercice de cette liberté 28 octobre 1960, Martial de Laboulay.

C’est la CE qui a véritablement marqué en droit l’évolution de la conception traditionnelle de l’activité économique par le droit en substituant la liberté d’entreprendre à la liberté du commerce et de l’industrie. 27 décembre 1973, Loi Royer dont l’article 1 affirme que la liberté et la volonté d’entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. C’est à l’occasion des nationalisations d’un certain nombre d’entreprises privées, que le juge constitutionnel a érigé à valeur constitutionnel la liberté d’entreprendre, dans deux décisions majeures : 5 janvier 1982 et 16 janvier 1982.

  • Désormais, la liberté d’entreprendre est un principe à valeur constitutionnel. Cette valeur permet au Conseil Constitutionnel de contrôler étroitement les atteintes législatives au principe énoncé. Le principe de la liberté d’entreprendre paraît encore plus fermement assis en droit communautaire.

2 : Le droit européen

  • L’Europe communautaire s’affirme comme une construction essentiellement économique dont la dernière grande réalisation est l’Euro. Cette construction consiste concrètement dans la suppression de toutes les entraves protectionnistes dans les relations économiques et financières entre les Etats membres. Grâce à des principes qui fondent la matière de l’activité des entreprises. Le droit communautaire parle de liberté fondamental.
  • La liberté d’établissement de traité des communautés européennes veut dire, le droit pour tout ressortissant d’un Etat membre de s’installer dans un autre état membre pour y demeurer et y exercer toute activité économique ou social de son choix. Ce ressortissant étant une personne physique ou morale. La liberté d’établissement est concrètement, la liberté pour chaque ressortissant de l’UE de circuler sur le territoire communautaire et de s’y installer à un lieu du territoire communautaire pour y mener l’activité économique de son choix.
  • Cependant, les Etats membres peuvent poser des limites, restrictions appréciées par le juge communautaire.

Section 2 : Les tempéraments au principe de la liberté d’entreprendre

  • · Certains auteurs disent que la réglementation de la concurrence et le droit de la consommation sont des dérogations à la liberté d’entreprendre (Rénard et Chazal) Point de vue défendable mais on peut aussi soutenir que la réglementation de la concurrence procède d’une autre liberté qui se présente comme un corollaire de la liberté d’entreprendre. La concurrence ne saurait être réduite à une bataille économique et les plus forts pourraient tirer tous les avantages. La concurrence est un espace de liberté où l’émulation économique doit se dérouler loyalement et dans l’ordre.
  • Complément utile de la liberté d’entreprendre. Le législateur permet aux entreprises de renforcer leur efficacité économique en prenant systématiquement en considération les attentes véritables des destinataires de la production économiques que sont les consommateurs (exemple : le droit de la consommation est né aux USA qui n’est pas réputé pour créer sans raison des législations de protection)
  • Un consommateur satisfait est mieux disposé pour consommer d’avantage qu’un consommateur écrasé par l’acteur économique qu’est l’entreprise. Il faut appréhender de manière plus étroite les tempéraments à la liberté d’entreprendre (nature légale ou conventionnelle)

1 : La déclaration

  • Système le plus simple et le plus souple des tempéraments à la liberté d’entreprendre. Exemple : obligation pour les commerçants de s’inscrire au RCS ou pour les artisans de s’inscrire au répertoire des métiers. L’exercice de l’activité économique n’est pas ne change cependant pas suite à cette inscription. L’absence de déclaration fait perdre à l’entreprise certaines prérogatives juridiques.

2 : L’autorisation

  • C’est un pallier supplémentaire franchi dans le sens de la restriction de la liberté d’entreprendre. L’autorisation préalable de mise en activité d’une entreprise vise tantôt les personnes, tantôt les activités elle même. S’agissant des personnes, on remarque que les étrangers ne peuvent pas en principe exercer une activité commerciale en FRA NCE.
  • L’exercice de certaines activités requérait une autorisation (débit de boisson, profession libérale etc.)

3 : La réglementation

  • Réglementation plus ou moins restrictive que le législateur édicte pour restreindre la liberté d’entreprendre. Exemple : les entreprises les plus efficaces et terme économique sont celles à qui le droit confère la personnalité juridique. Il en va ainsi des sociétés commerciales qui ne disposent de la personnalité morale qu’après immatriculation au RCS. C’est la loi qui impose cette immatriculation, laquelle achève un parcours étroitement règlementé, parcours que doivent suivre les fondateurs de la société en cause : informer les tiers de l’existence de la société, ils peuvent ainsi s’assurer de l’existence de la société par des éléments établissant l’effectivité de la société ou la crédibilité sur le plan économique du groupement.

§4 : L’interdiction

  • C’est le degré le plus élevé de la restriction à la liberté d’entreprendre. L’interdiction d’exercer une activité économique est une atteinte radicale à une liberté publique. Elle doit donc être motivée par un impérieux motif. C’est pourquoi on ne rencontre pareille situation que dans des cas exceptionnels. Exemple : condamnation d’une personne pour la commission d’infractions pénales ou interdiction d’exercice de certaines activités économiques pour des raisons d’ordre public, de sécurité, ou de santé publique.

Conclusion partielle

  • La liberté d’entreprendre comporte une double déclinaison économique et juridique :
  • Plan juridique : Elle fixe le cadre de l’exercice de l’activité économique, c’est le libéralisme. Il sert de base au capitalisme moderne, régime économique qui est le notre.
  • Plan économique : Fixe également le cadre de l’interventionnisme de l’Etat dans le domaine économique. La liberté est le principe, la limitation l’exception. Encadrement normatif car ce qui concerne l’autorité publique et les acteurs de l’entreprise, le respect de la liberté est la règle de conduite de base. Il résulte de cet ordre de choses que la liberté d’entreprendre s’inscrit dans une logique précise, il sert de matrice à l’ensemble des activités économiques sous notre régime.
  • D’une manière générale, la liberté d’entreprendre fait l’objet d’un contrôle étroit pour ce qui est de sa mise en œuvre, notamment à l’occasion de divers contrôle exercés par le conseil constitutionnel pour ce qui est des textes touchant à l’activité économique. Il en est notamment ainsi de textes récents : PME, 26 juillet 2005. Cette logique est une logique de rationalisation de l’économie à travers le droit.