Le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce

Le principe de rétroactivité de la loi pénale plusdouce

Ce principe est consacré explicitement dans le code pénal à l’article 112-1 3°,mais dérivé de l’article 8 de la DDHC de 1789 en ce que celui-ci prescritque la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires pour le conseil constitutionnel qui en fait un principe constitutionnel à part entière,

  1. Le principe et sa force.

Présent également dans le pacte international des droits civils civiques etpolitiques à l’art 15 § 1 à défaut d’être explicitement proclamé dans la Cesdh, c’est un principe en réalité bien plus ancien et M .Merle et Vitu rappellent qu’ilest établi par la Jurisprudence du 19ème mais qu’on en trouve déjà la trace dansdes écrits du 14 ème siècle.

La force du principe ne fait plus aucun doute. On le trouve formulé detrois façons : principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, principe d’application immédiate de la loi pénale plus douce, ou principe de rétroactivité in mitius de la loi nouvelle.

La cour de cassation au motif qu’elle ne peut exercer de contrôle de constitutionnalité, s’est contentée de dire que le principe de l’application immédiate de la loi pénale plus douce s’appliquait« en l’absence de dispositions contraire expresses » ce qui revient à limiter la p ortée du principe.

Faute d’un contrôle de constitutionnalité, elle n’ écarte donc pas un texte qui méconnaît ce principe et qui expressément prévoit que les dispositions plus douces ne seront pas rétroactives.

  1. application du principe

Deux questions se posent ici :

-quelles sont les infractions qui en bénéficient ?

-quelle est la date d’effet des dispositions plus douces ?

Les infractions qui en bénéficient :

1) Les infractions définitivement jugées sont exclues du bénéfice de ce principe

L’article 112-1 est parfaitement clair, la loi plus douce peut être invoquée pour toutes « les infractions n’ayant pas donné lieu à une condamnationpassée en force de chose jugée».

Donc, tant que l’infraction n’a pas été définitivement jugée, la loinouvelle plus douce doit lui être appliquée. Si l’affaire en est à la cour de cassation lorsque survient la loi nouvelle, la cour va casser et renvoyer devant la même cour pour appliquer la loi nouvelle plus douce. Elle lui renvoie l’affaire pour appliquer cette loi nouvelle.

Par contre lorsque l’affaire a été définitivementugé,j pas question de la rejuger à la lumière de la loi nouvelle. C’est tant pis, c’est trop tard. Solution qui n’est pas tout à fait équitable encore que la cour de cassation l’a jugé non discriminatoire au regard de l’art 14 de la Cedh (Crim. 22 nov. 2000), car selon la lenteur relative des juridictions, des faits identiques commis à une même date mais jugés à des dates différentes seront jugées à partir de lois différentes et la lenteur bénéficiera à l’auteur de l’infraction ; mais c’est évidemment une solution de bon sens pour éviter de transformer la justice en Pénélope. Le législateur a cependant introduit un dispositif qui corrige les injustices les plus manifestes que pourraient entraîner le système.

2) limite de l’exclusion l’article 112-4 al 2 ducode pénal

« La peine cesse de recevoir exécution quand elle a té prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction pénale »

Deux choses à noter ici :

Le domaine de l’exception est limité. La peine ne cesse de recevoir exécution que si le fait n’a plus le caractère d’une infraction pénale; par contre si la loi adoucit seulement la pénalité, l’article 112-4 ne joue pas et la peine continue bien sûr de s’exécuter. Idem si l’infraction est transformée et le fait puni sous une autre qualification, la peine continue là encore de s’exécuter.

La portée de l’exception est aussi limitée, lorsqu’un fait cesse d’être une infraction, la peine prononcée pour ce fait cesse de recevoir exécution maisla condamnation demeure inscrite au casier.

3) date d’effet des dispositions plus douces

Le moment à compter duquel les dispositions plus douces commencent de pouvoir être invoquées fait question depuis un arrêt du CC de 1992 (21 février) : « considérant que dans les domaines de sa compétence, il est du pouvoir du législateur organique, sous réserve de ’application immédiate des lois répressives plus douces, de fixer les règles d’entrée en vigueur des dispositions qu’il édicte »

Le législateur n’aurait pas le droit de reporter l’entrée en vigueur de la loi plus douce ? C’est ce que l’on peut comprendre. Pourtant, si le principe de l’application immédiate de la loi pénale plus douce est dérivé de l’article 8 de la DDHC et que la loi ne pouvant édicter que des peines strictement nécessaires, l’adoucissement de la loi pénale signifie que la loi pénale ancienne n’est plus estimée nécessaire, et il est assez logique que la loi nouvelle plus douce ne puisse voir son entrée en vigueur reportée. Car ou bien elle n’est plus nécessaire, ou bien elle l’est encore et alors on ne touche à rien. Tout ceci va assez de soi lorsque la loi pénale touche aux valeurs fondamentales de la société mais qu’en est-il lorsqu’elle concerne la police économique ?

La discussion sur cette question a resurgi au moment de l’adoption et de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal. Le CC n’a pas été saisi et n’a donc pas eu à trancher. Au moment de la discussion parle mentaire, le gouvernement avait soutenu que le nouveau code n’était ni plus doux ni plus sévère pour tenter de couper court à la discussion et justifier en tou t état de cause le report absolument nécessaire pour des raisons techniques de l’entrée en vigueur du nouveau code. En 1993, il a toutefois pris soin de mettre en application immédiate les dispositions du nouveau code relatives à l’abrogation de l’emprisonnement contraventionnel…

D’un point de vue très pragmatique, on peut cependant dire qu’il peut y avoir besoin de temps pour substituer à un dispositif pénal un autre dispositif par exemple administratif. C’est la position de M. Desportes et Le Gunehec qui prennent l’exemple virtuel de la dépénalisation de l’usage des stupéfiants. Si on est dans l’impossibilité de reporter dans le temps l’application de la loi plus douce, le risque c’est évidemment d’aboutir en certains cas à une certaine frilosité du législateur qui n’oserait pas adoucir la loi ou dépénaliser.

  1. c) limites du principe.

Elles se rencontrent à propos des lois temporaires et des lois pénales économiques.

Dans ce cas, on est en présence de textes qui soit explicitement (loi temporaire) soit possiblement (lois économiques) sont appelés à évoluer très vite. Si on applique le principe de l’application immédiate de la loi plus douce, on encourage le délinquant à jouer la montre et à f aire durer le plus longtemps possible la procédure dans l’espoir que la loi change et s’adoucisse du fait d’une évolution quelconque de la conjoncture économique.

Le risque est évidemment de ruiner l’effectivité de la loi pénale.

La Jurisprudence qui, dans les années soixante dix, écartait purement et simplement le principe de l’application immédiate de la loi plus douce dans ces domaines, s’est faite plus subtile pour tenir compte de ce que le principe de l’application immédiate de la loi plus douce est élevé au rang de principe constitutionnel par le CC. (19 et 20 janvier 1981 D 82 441 note Dekeuwer).

Pour les lois temporaires, les choses sont claires : temporaires ou pas, il n’est pas possible de continuer de l’appliq uer aux faits commis pendant sa période d’application et jugés après.

« L’action publique s’éteint lorsque en cours d’instance et avant décision définitive, le texte pénal en vertu duquel les poursuites ont été engagées devient caduc » Crim 22 janvier 1997 n°28.

Pour les lois pénales économiques, il faut distinguer selon la nature du texte abrogé

– si le texte est une loi ou un règlement communautaire, principe de l’application immédiate de la loi plus douce. Et l’abrogation bénéficie à tous ceux qui sont poursuivis sur le fondement d’une loi pénale économique abrogée ou des règlements pris pour son application. N.B. le règlement communautaire est assimilé à la loi ce qui est normal compte tenu de sa valeur supérieure à la loi dans la hiérarchie des sources.

En revanche, « lorsqu’une disposition législative, support légal d’une incrimination demeure en vigueur, l’abrogation de textes réglementaires pris pour son application n’a pas d’effet rétroactif (Crim 16 mars 1987 B 126 et 10 mai 1989 B 187 et encore 28 janvier 2004, B n°23, 7 avril 2004, B n°93)

Du point de vue pratique, il est certain que l’instabilité est essentiellement le fait des mesures réglementaires qui ne font qu’adapter la répression pénale aux circonstances économiques, tandis que la disposition légale qui posait l’obligation demeure d’ailleurs en vigueur et, sans verser dans le caprice, le législateur peut estimer que jusqu’à la date d’abrogation de la loi pénale la répression était justifiée et que cette solution permet de sauver l’effectivité générale de telles lois pénales rapidement obsolète mais nécessaires au moment où elles sont en vigueur.