Le principe pollueur-payeur

LE PRINCIPE POLLUEUR-PAYEUR EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

=> Consacré à l’art L110-1 II 3° Code environnement : « le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur »

=> Ce n’est pas un principe juridique, mais un principe inspiré d’une théorie économique, selon laquelle les coûts sociaux externes qui accompagnent la production industrielle (au titre desquels les coûts qui résultent de la pollution) doivent être internalisés, c’est à dire pris en compte par les agents économiques dans leurs coûts de production

– consacré d’abord par le principe 16 de la Déclaration de Rio de 1992, avant d’être intégré en droit français par la loi Barnier du 2 février 1995 (loi codifiée dans le Code environnement)

– schématiquement, 2 sens à ce principe pollueur payeur

  • (1) dans une acceptation large, ce principe vise à imputer au pollueur le coût social de la pollution qu’il engendre

=> Ça conduit à entraîner un mécanisme de responsabilité pour dommage écologique couvrant tous les effets d’une pollution

=> C’est à dire couvrant non seulement les effets sur les biens et les personnes, mais également les effets sur la nature elle-même

– ce principe est de plus en plus invoqué pour justifier l’adoption de régimes de responsabilité objective en matière d’environnement (= responsabilité sans faute)

– par exemple, la Convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement

=> Le considérant 6 de cette convention est extrêmement clair sur ce point : « considérant l’opportunité d’établir dans ce domaine un régime de responsabilité objective tenant compte du principe pollueur-payeur »

– autre ex : le livre blanc sur la responsabilité environnementale du 9 février 2000, de la Commission des Communautés européennes, dans son article 3.1 précise : « la responsabilité environnementale permet de mettre en œuvre les grands principes de la politique environnementale inscrite au traité Conseil d’Etat, et avant tout le principe du pollueur-payeur »

  • (2) dans une acceptation plus limitée (notamment retenue par l’OCDE), le principe pollueur-payeur vise à faire prendre en charge les dépenses de lutte contre la pollution par le pollueur

=> Cette fois-ci, on ne s’oriente pas vers un mécanisme de responsabilité

– ce principe va permettre de mettre en place des taxes ou redevances de pollution à payer par les pollueurs, sans faire supporter la dépollution par l’ensemble de la collectivité

– ex : la TGAP = la taxe générale sur les activités polluantes, mise en place à partir du 1er janvier 1999

– la TGAP regroupe en fait 5 taxes qui existaient déjà :

– la taxe sur les déchets industriels spéciaux

– la taxe sur le stockage des déchets ménagers et assimilés

– la taxe sur la pollution atmosphérique

– la taxe sur les huiles de base

– la taxe d’atténuation des nuisances sonores au voisinage des aérodromes

– et depuis 2000, la TGAP prend également en compte la pollution des eaux

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* la mise en œuvre du principe pollueur-payeur

– pour que le pollueur assure une véritable dépollution, les pouvoirs publics qui veulent faire supporter la charge de la dépollution au pollueur peuvent recourir à plusieurs instruments, lesquels sont généralement utilisés conjointement :

– la taxation des pollutions

– l’imposition de normes

– la mise en place de mécanismes divers de compensation

– et le principe doit aussi se traduire juridiquement par l’abolition des droits acquis à nuire en matière de pollution

(1) la taxation des pollutions

=> On utilise la fiscalité de l’environnement : contribue à faire peser sur le pollueur un prélèvement obligatoire décidé par les pouvoirs publics, et ce prélèvement obligatoire va être utilisé par eux plus ou moins directement pour restaurer ou contrôler l’environnement

– ex : la TGAP : normalement, son produit doit être utilisé pour lutter contre les activités polluantes

– or on constate qu’à partir du 1er janvier 2000, la TGAP a été affectée à la sécurité sociale

– cette réforme a été accusée à juste titre de détourner la fiscalité écologique pour financer la réduction du temps de travail à 35h

(2) les normes anti-pollution

=> C’est un procédé non directement financier qui permet de réduire les pollutions en imposant aux seuls pollueurs la charge de l’investissement

=> Concrètement, on va imposer par des actes juridiques obligatoires des normes techniques anti-pollution

– c’est un mécanisme qui aujourd’hui est largement utilisé (d’abord, dans le domaine de l’air, puis de l’eau, et enfin du bruit)

– on constate que ces normes techniques peuvent être de nature différente, de plusieurs sortes

– on a tout d’abord les normes à la source, les normes d’émission, les normes de qualité du milieu ambiant, les objectifs de qualité

  • les normes à la source imposent des techniques de fabrication ou des normes de produits empêchant toute pollution
  • les normes d’émission consistent à déterminer un seuil maximum d’émission de polluants

– comment déterminer ce seuil maximum ?

=> Leur niveau doit être tel que l’industriel est incité à dépolluer pour ne pas dépasser le seuil de pollution toléré

– ces normes s’appliquent ponctuellement aux installations classées

  • les normes de qualité du milieu ambiant

=> Ces normes de qualité du milieu ambiant, c’est en fait un perfectionnement des normes d’émission

=> Au lieu de mesurer les polluants émis à chaque source de pollution, on fixe dans une zone un niveau moyen de pollution du milieu naturel, imposé à tous les industriels de cette zone

=> Ce niveau moyen de pollution de milieu naturel = le niveau qui risquerait de modifier la qualité ambiante du milieu considéré

– ces normes de qualité du milieu ambiant nécessitent une politique d’aménagement du territoire assez rigoureuse : toute création d’une entreprise nouvelle, ou toute augmentation des capacités productives risquent de modifier la qualité du milieu ambiant

– ces normes posent néanmoins un problème dans la pratique

=> Cette technique n’est pas toujours satisfaisante : le niveau de la norme doit tenir compte à la fois des innovations technologiques et de capacités financières des pollueurs

– les pouvoirs publics sont conduits à fixer les normes après une concertation approfondie avec les industriels => Dans tous les cas, les prétextes économiques l’emportent sur les préoccupations d’environnement

=> Les normes font l’objet de négociations, dans lesquelles la recherche du profit l’emporte toujours…

– ex : en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation, il y aura des négociations entre le préfet et le pétitionnaire, pour obtenir l’autorisation, et pour ne pas avoir des prescriptions techniques trop contraignantes

=> Au final, le droit des installations classées est un droit de négociation permettant de fixer un niveau de pollution acceptable pour tous

=> La norme devient en quelque sorte une légalisation des pollutions existantes

– autre problème : le mécanisme des normes est très lourd dans son application : il faut mettre en place un système de contrôle et de mesure permanente des pollutions émises pour vérifier le respect des seuils de pollutions imposé par ces normes

– or ce système de contrôle n’est pas pratiquement possible, par manque de moyens (financiers, humains, matériels)

– et ces normes doivent être périodiquement révisées, au fur et à mesure des progrès techniques

– or cette révision se heurte au caractère rigide des actes juridiques

=> Toutes ces normes sont contenues dans des actes juridiques obligatoires ; or peu de textes prévoient une révision périodique obligatoire de la norme technique

– c’est très regrettable : ça contribue à freiner l’innovation technique

(3) les mécanismes de compensation

=> C’est un aveu d’échec

– ce qui fait l’objet d’une compensation (économique, financière, ou en nature) a été très probablement irrémédiablement détruit ou perturbé

=> Mécanisme de compensation : consiste à faire payer au pollueur une pollution pour laquelle il n’y a pas de restitution in integrum possible

– donc le mécanisme de compensation n’est qu’un pis-aller, qui s’inspire directement des mécanismes de réparation en droit de la responsabilité, lesquels ne sont pas du tout adaptés aux dommages écologiques purs

– dans la pratique, la compensation en nature accompagne souvent certaines mesures d’autorisation

– ex : la remise en état des carrières, prescrite par l’autorisation d’exploiter

– ce mécanisme de la compensation a été consacré au plan législatif par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature

– cette loi a consacré ce principe de la compensation en droit de l’environnement, en prévoyant que les études d’impact comprennent les mesures envisagées pour compenser les conséquences dommageables pour l’environnement

=> Aujourd’hui, art L122-3 Code de l’environnement

=> Au travers de ces mécanismes de la compensation, une orientation inspirée de préoccupations d’ordre économique, qui cherchent à tout comptabiliser, même la nature

=> On va évaluer le prix de la nature, et on va compenser les dommages irréversibles portés à la nature

– cette orientation a été qualifiée par le professeur Untermayer « d’objectif nuisible qui relève de la supercherie »

(4) l’abolition des droits acquis à nuire

=> Principe général : celui de l’application immédiate de la loi ou de la réglementation nouvelle sous réserve d’éventuels droits acquis

– ex : les autorisations délivrées au titre des installations classées ne constituent pas des actes individuels intangibles

=> Ces autorisations peuvent être révisées et modifiées non seulement selon le droit qui était applicable au moment de leur édiction, mais aussi selon le droit nouveau éventuellement applicable au moment de leur édification

=> Le pollueur doit toujours être soumis à la règle nouvelle qui en principe devrait être plus protectrice de l’environnement que la règle ancienne

– cette application immédiate de la réglementation nouvelle aux situations juridiques préexistantes se justifie au regard des principes applicables aux réglementations de police

– les réglementations de police sont des mesures de police => S’appliquent immédiatement aux activités en cours

=> Ceci appliqué au droit de l’environnement : on constate que les règles et prescriptions techniques relatives aux pollutions font partie des règles de police

=> Un certain nombre de textes en matière de police de l’environnement, qui s’imposent explicitement à des situations juridiques en cours, ou déjà fondées sur des autorisations antérieures

– ex : la législation sur les installations classées prévoit des dispositions limitant le droit d’antériorité

– ex : loi du 15 juillet 1975 sur les déchets, qui vise l’élimination des déchets existant antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi

=> Art L541-10 Code de l’environnement

– ex : la loi sur les produits chimiques du 12 juillet 1977 s’applique à des substances déjà mises sur le marché avant l’entrée en vigueur de la loi

– ex : décret du 29 mars 1993, sur les autorisations de rejet dans les eaux, qui impose un contrôle aux installations existantes antérieurement

– CONCLUSION sur le principe pollueur/payeur :

=> Ce principe équivaut souvent à reconnaître le droit de polluer à celui qui paie

– par conséquent, très souvent, ce principe légitime des comportements nuisibles à l’environnement

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