Le respect de la loyauté de la concurrence

L’obligation de respect de la loyauté de la concurrence

Notre système juridique est dominé par la liberté du commerce et de l’industrie et donc il pourrait se passer d’une réglementation de la concurrence. En effet, les commerçants médiocres seraient éliminés par le libre jeu de l’équilibre du marché, puisque les clients vont vers les produits les moins chers et de meilleure qualité. Cependant la transparence est utopique car seuls les commerçants qualifiés sont capables de déterminer les meilleurs produits. L’État (la jurisprudence) est intervenu de 3 façons :

  • Il assure la loyauté. : c’est ce principe de loyauté que nous étudierons ici.
  • La liberté de la concurrence.
  • Assure une concurrence équilibrée.

Pourquoi une obligation de loyauté de la concurrence? il faut éviter que le commerçant utilise des procédés abusifs pour tenter de détourner la clientèle d’un autre commerçant qui exerce une activité dans le même domaine que lui. L’action en concurrence déloyale est loin de tomber en désuétude, puisqu’elle prolifère en ce moment. Les commerçants utilisent de nombreuses manœuvres pour attirer la clientèle d’un concurrent.

La jurisprudence sur le fondement de l’article 1382 du code civil (responsabilité délictuelle), il faut une faute un dommage et un lien de causalité.

1)La faute.

Il n’y a pas de lois, ainsi c’est la jurisprudence qui a dû le faire, mais celle-ci n’a pas donné de définition ou de liste de procédés de concurrence considérés comme déloyaux. L’élément intentionnel n’est pas nécessaire dès lors où la mauvaise foi est démontrée. La faute doit être prouvée, il n’y a pas de présomption.

  • Le dénigrement.

Jeter le discrédit sur la personne, les services, ou les produits du concurrent. Cette faute est tellement grave qu’il n’est pas nécessaire que les deux professionnels agissent dans le même domaine d’activité (règles relatives à la concurrence s’applique à tout professionnel). Il suppose une information malveillante, ceci dit la jurisprudence admet qu’une information soit humoristique, il faut des informations plus ou moins véridiques. Cour d’appel de Paris de 2000, une société avait mis en vente une compote sur laquelle la boite indiquait qu’il s’agissait que la 1ère compote fraiche du marché. Affaire du 26 septembre 1991 : le fait d’annoncer qu’un concurrent fait l’objet d’un procès est un dénigrement. En l’espèce un concurrent faisait l’objet d’un procès pour contrefaçon, le concurrent avait annoncé dans la presse cette action en justice en annonçant « ce n’est pas bien joli de copier ses petits camarades ». Cour d’appel de Paris 14 mars 1995 : il s’agissait de savoir si les Guignols avaient jetés le discrédit sur une société automobile, la cour a rejeté car la caricature est un aspect de la liberté d’expression. Dans un arrêt du 12 juillet 2000, l’assemblée plénière a considérée qu’il n’était pas interdit de pratiquer la satire envers une entreprise ou une marque dès lors qu’aucun risque de confusion avec la réalité n’est possible. Arrêt de la cour d’appel de Versailles affaire Le Chat, la société Henkel France expose une lessive sans phosphates et une société concurrence a décidé de faire couler son concurrent, pour attirer tout sa clientèle en disposant d’un slogan « il ne faut pas prendre les verts pour des bleus » pour dénoncer les produits sans phosphates. Le tribunal de commerce de Nanterre l’a débouté (pas de désignation), contrairement à la cour d’appel de Versailles qui a considéré qu’il y avait dénigrement, car la victime était suffisamment désignée. Par conséquent, la société fut condamnée à retirer les affiches publicitaires et les messages téléphoniques. Il faut que la personne soit aisément identifiable. Cour d’appel de Paris, société de presse dénigrait les agents immobiliers. Il faut une diffusion publique de l’information. La diffamation. Soumise à des règles précises depuis une loi du 29 juillet 1981. En effet la diffamation ne peut concerner que des personnes physiques ou morales, et non pas des produits. Il existe une excuse de vérité, ainsi il n’y a pas diffamation si c’est vrai, contrairement au dénigrement. Un commerçant peut faire des publicités comparatives, selon l’article L121-8 du Code de la Consommation, elle doit être objective vis-à-vis des consommateurs, et loyale à l’égard des concurrents. Lorsqu’elle porte sur des prix, la comparaison doit tenir sur des produits identiques, vendus dans les mêmes conditions. Lorsqu’elle porte sur les qualités, elle doit se limiter aux caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables immédiatement. Donc la publicité comparative est plus tolérée qu’autorisée.

  • La confusion avec le concurrent.

Faute la plus fréquente de telle sorte que les clients pensent se fournir chez celui-ci. Il s’agit d’imiter le concurrent. La confusion ne doit pas être confondue avec la contrefaçon, en effet dans ce cas, un produit ou une marque ont étés déposés, ce qui n’est pas le cas dans la confusion. Une action en contrefaçon et une action en confusion il faut que les deux actions reposent sur des faits distincts. 1ere chambre civile du 25 mais 2004 : magasine Playboy, un magasine avait publié des photos correspondants exactement à celles de Playboy (Pamela Anderson). Il y avait concurrence déloyale et contrefaçon, la société avait systématiquement repris les clichés alors que Playboy avait versé des millions au modèle et à son photographe. Jurisprudence incertaine. 4 avril 2006, il s’agissait de l’affaire « Angélique Marquise Des Anges ». La société appelé Colmax diffusait des films pornographiques intitulés Angélique. L’action en concurrence déloyale a été jugée recevable par la cour d’appel et la cour de cassation. Pour la confusion, elle n’a pas à être démontrée, mais les ressemblances doivent être suffisantes pour entrainer une confusion ou un vice de confusion. Contrairement au dénigrement, la jurisprudence exige que les deux concurrents exercent dans le même domaine d’activité. Dans un arrêt du 7 mai 1896, affaire le Petit Zinc, deux restaurants ont coexistés (le Grand Zinc à st germain des prés et le petit Zinc à Paris). Le grand Zinc avait copié la devanture ce dont s’est plaint le petit zinc en considérant qu’il y avait confusion. La cour de cassation n’a pas reçu cette action car on s’est rendu compte que beaucoup de restaurants utilisaient les mêmes matériaux sous l’effet de la mode et que la clientèle n’était pas la même. Par conséquent il aurait eu représentation identique de l’architecture s’ils se trouvent dans la même zone de chalandise (même clientèle, même ville). Par exemple la Tour d’argent (restaurant parisien), un restaurant utilise le même nom et la cour commerciale le 7 juin 1992 le condamne car il a été jugé trop connu et prêtait à confusion.

  • La désorganisation.

Pour attirer la clientèle d’un concurrent, on va désorganiser son entreprise, ce de différente manières :

  • Ainsi il ne faut pas révéler les secrets de fabrication, ce qui est réprimé par l’article L 621-1 du Code de la Propriété Intellectuelle. De plus, l’article L 157-7 du Code du Travail punit de 3 ans d’emprisonnement et de 30000€ d’amende pour révélation ou tentative de révélation de fabrique par tout membre d’une entreprise.
  • La désorganisation peut aussi consister dans le débauchage, en débauchant les salariés de son concurrent. Cela est parfaitement licite, sauf s’il s’agit de débauchage m Le simple débauchage ne suffit pas car commerçant a le droit d’attirer vers lui des ouvriers d’un autre en offrant un meilleur salaire. Le débauchage doit donc être intentionnel, s’accompagner de pressions, d’irrégularités, d’offres répétées, pour être sanctionné.
  • La désorganisation peut aussi consister à désorganiser les méthodes commerciales du concurrent: arracher les publicités, détournement de commandes, vol de fichiers, vol du logiciel de dupliquage, injection de virus dans les ordinateurs des concurrents…

Conclusion :

L’action en concurrence déloyale peut être mise en œuvre quelque soit le statut juridique de l’auteur de la faute : arrêt de la chambre commerciale du 30 mai 2000. Elle suppose une faute, la jurisprudence refuse donc une responsabilité objective. Ainsi, la CA de Paris du 26 avril 2006 rappelle l’exigence d’une faute concernant l’affaire Volvo.

La faute consiste dans la violation non pas d’une norme légale mais d’un usage professionnel. Cela pose des difficultés, car les usages ne sont pas codifiés. Le 20 mai 1973, la chambre de commerce internationale a adopté un code de bonne conduite, des pratiques loyales en matière de publicité. La référence aux usages, du point de vue théorie risque d’aboutir à des solutions de type corporatif. La faute n’est pas nécessairement intentionnelle, elle ne suppose pas une intention de nuire. Pourtant, lorsqu’elle est grave et intentionnelle on constate implicitement que les tribunaux vont augmenter le montant des dommages et intérêts. La fonction punitive de la responsabilité délictuelle. L’article 1382 du Code Civil est ici quelque peu déformé.

2) Le dommage.

Il consiste en une perte de clientèle. En effet, si les deux commerçants exercent dans le même secteur, celui qui mène une concurrence de manière déloyale, par suite de ses agissements, la clientèle passe du fonds de commerce de la victime à celui du concurrent : affaire des fosses septiques CA de Versailles du 8 décembre 1994. En l’espèce, entreprise de vidange de fosses septiques estimait qu’elle était concurrencée de manière déloyale par un agriculteur qui faisait lui-même sa vidange. Celui-ci ne respectait donc pas les règlements en la matière pourtant elle a considéré qu’il n’y avait pas de préjudice, car la clientèle commune était inexistante. L’action en concurrence déloyale, n’est pas une action disciplinaire. Il faut donc un préjudice. L’action en concurrence déloyale n’est pas une sanction, elle trouve ses fondements dans la responsabilité civile.

La jurisprudence a considéré qu’il ne pouvait y avoir de concurrence déloyale en matière de coopératives car elles n’ont pas de clientèle. Aujourd’hui, elle considère que malgré leurs statuts spéciaux, les coopératives et mutuelles peuvent attirer une partie des clients des commerçants traditionnels.

Afin d’évaluer le préjudice on se base sur le chiffre d’affaire, cependant celui-ci n’est pas facile à démontrer. En effet, cela est difficile d’établir si la baisse du chiffre d’affaire est due à des manœuvres de la concurrence. Les tribunaux, se contentent d’un préjudice vraisemblable ou même seulement possible, car le préjudice résultant d’une confusion, d’une désorganisation est difficile à évaluer. Les juges du fond ne sont pas obligés d’évaluer de manière chiffrée le préjudice. C’est pourquoi, la Cour de Cassation rejette les pourvois reprochant aux juges du fond d’avoir accorder des dommages et intérêts sans aucun débat sur le caractère actuel, direct et certain du préjudice invoqué. Cet élargissement des conditions de responsabilité civile, car cette action ne vise pas seulement à réparer le dommage déjà causé mais aussi à faire cesser pour l’avenir l’emploi de procédés illicites.

La diversification du préjudice réparable : pendant longtemps la perte de clientèle était seule visée. Aujourd’hui d’autres préjudices sont invoqués, et peuvent être à ce titre indemnisés. La jurisprudence recourt de plus en plus à la notion de trouble commercial : arrêt de la chambre commerciale du 25 janvier 2000, dans tout acte déloyal, il y a nécessairement un préjudice matériel (perte de clientèle) ainsi qu’un préjudice moral toujours présent. Il y a ici une jurisprudence constante, car ce préjudice moral a été rappelé dans un arrêt du 26 juillet 2006.

3) Le lien de causalité.

Article 1382 du Code Civil. L’appréciation ici est difficile, car comment savoir si la perte de clientèle a été provoquée uniquement par l’acte de concurrence déloyale. Il y a souvent un cumul de cause, car la concurrence déloyale est souvent fréquente lorsque la conjoncture économique est peu favorable au développement des affaires. De même, la concurrence déloyale provoque des effets à long terme, de caractère cumulatif. La clientèle est souvent moutonnière. Dans l’ensemble les tribunaux font preuve de pragmatisme. La jurisprudence est de nouveau libérale et souple afin de protéger l’intérêt des victimes. L’exigence du lien de causalité est allégé voir supprimé. L’article 1382 du code civil est totalement déformé. L’action en CD tend donc à faire respecter une certaine déontologie/ éthique avec les usages du commerce. C’est pour cela que l’on dit que l’action en CD protège aussi les consommateurs. Elle lutte contre les paras commerçants.

4) Les sanctions de la concurrence déloyale.

L’action en CD est de la compétence des tribunaux de commerce, dès lors qu’il s’agit de deux commerçants, sinon les juridictions civiles. Le conseil des prud’hommes peut être compétent dans le cas ou un salarié commençait une activité concurrentielle et déloyale avant le terme de son contrat de travail. L’action intentée au principal est l’action en concurrence déloyale susceptible de donner lieu à trois sanctions qui peuvent être cumulatives :

  • Dommages et intérêts.
  • Mesures de publicités afin d’attirer l’attention de la clientèle sur les procédés déloyaux utilisés. Cette publicité faite aux frais de l’auteur de la concurrence déloyale. Elle prend généralement la forme d’une insertion dans la presse afin qu’elle produise de plein effet. Parfois ces mesures on étés ordonnées à la radio.
  • Il peut ordonner toute mesure propre à faire cesser la concurrence.

La concurrence n’est pas illicite en elle-même, mais ces procédés le sont. Il faut distinguer concurrence illicite et concurrence interdite. Une action préventive est nécessaire, elle fut instituée par la loi du 2 juillet 1963. Sa mise en application supposait un décret en CE qui n’a pas été pris. L’article 873 du CPC, exige une action en référé faite par le président du tribunal de commerce pour prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, pour prévenir un dommage imminent, ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

5) Les extensions de la concurrence déloyale : le parasitisme.

Un commerçant peut se comporter comme un parasite, la victime est le parasité. Il s’insère dans le sillage d’autrui pour conquérir une clientèle, il a un caractère suiveur, va profiter des moyens financiers, économiques d’une entreprise, … notion apparue en 1956 par saint gal, apparue avec affaire Ritz.

Affaire « Lilou », CA paris 8 septembre 2004 : SFR a mis en publicité le personnage Lilou alors qu’ils n’avaient pas d’autorisation de Luc Besson et de son producteur Gaumont. Ces derniers ont assigné SFR pour contrefaçon et parasitisme. Ils n’obtiennent pas gain de cause en 1ère instance car les caractéristiques communes entre la publicité et le film étaient trop limitées, mais obtiennent gain de cause en CA, car SFR s’est efforcé d’établir une filiation entre le produit, objet de la campagne publicitaire, et l’œuvre audiovisuelle. Il y a bien parasitisme. Affaire 1992 Yves saint Laurent / champagne.

Dans l’affaire Pontiac : (fabriquant auto) cette marque a été utilisée par fabriquant de frigo. Les fabricants d’automobiles ont eu gain de cause mais pas de dommages intérêts.

En matière de parasitisme le préjudice est difficilement évaluable surtout que le préjudice in futurum car l’action a pour but d’empêcher la réalisation d’un dommage futur. Finalement l’auteur ne commet pas d’infraction aux lois, aux règlements aux usages… mais il pèse sur eux une obligation de loyauté. Quant au lien de causalité, il est fort difficile de le cerner. En effet, il faudrait démontrer que les agissements du parasitaires ont porté atteinte aux actions du parasité.

Il faut donc éviter de trop protéger les commerçants contre les agissements concurrentiels tolérés car la concurrence a aussi des effets positifs.

Le professeur Catala à Paris Panthéon Assas, a présenté un projet de réforme et propose de modifier l’article 1371 de Code Civil et d’y insérer la faute lucrative. Il propose aussi que l’auteur d’une faute lucrative serait condamné au versement de dommages intérêts punitifs, non assurables (environ 15000€).