Les accords internationaux conclus par l’Union Européenne

Les accords internationaux conclus par l’Union Européenne

L’Union européenne peut conclure des accords internationaux car elle possède la personnalité juridique et notamment la personnalité internationale.

Sont-ils des actes de droit dérivé ? À priori, on devrait conclure par la négative car ces accords n’ont pas pour auteurs exclusifs les institutions de l’Union, mais en principe, le Conseil, et aussi des tiers, des Etats tiers et des organisations internationales tiers. Pour autant, il y a deux arguments qui tendent à une réponse affirmative :

• ils sont tout de même conclus sur le fondement des traités européens qui confèrent compétence à l’Union pour conclure de tels accords ;

• la CJUE n’a pas hésité à considérer que ces accords constituaient, en ce qui concerne l’Union européenne, des actes pris par l’une de ses institutions. Que justifie une telle analyse ? C’est la possibilité de contrôler, notamment dans le cadre du recours en annulation, la compatibilité de ces accords aux traités.

Résultat de recherche d'images pour "Les accords internationaux conclus par l'Union Européenne"

1. Le contrôle de leur compatibilité aux traités de base

Le fait qu’un tel contrôle soit prévu et ait lieu indique-t-il que ces accords internationaux faisant l’objet du contrôle sont subordonnés aux traités de base servant de référence au contrôle ? Cela dépend. En effet, le seul mode de contrôle ayant été prévu est un contrôle préventif : on ne peut rien en déduire en matière de hiérarchie des normes. La thèse de la subordination devient pertinente quand on constate que la CJUE, dans le silence des traités, a prévu aussi, en plus, un contrôle à postériori.

a) Le contrôle préventif

Sous l’empire des traités antérieurs au traité de Lisbonne, à l’époque de la structure en piliers, des accords internationaux pouvaient être conclus dans ce cadre, mais le contrôle préventif n’était envisagé que dans le traité CE, c’est-à-dire dans le cadre du pilier communautaire, à l’article 300§6 du TCE, repris par l’article 218 du TFUE : désormais, il pourra aussi porter sur les accords internationaux pris par l’Union en matière de coopération pénale et peut-être même en matière de PESC.

Ce contrôle fait songer au mécanisme prévu par la Constitution française à l’article 54 qui permet au Conseil constitutionnel de contrôler la conformité à la Constitution d’un engagement international, et si celui-ci se voit doté d’une clause contraire, l’autorisation de ratification n’est pas possible sans révision constitutionnelle préalable.

Le contrôle prend la forme d’une demande d’avis adressée à la CJUE par le Conseil, la Commission ou tout Etat membre ou par le Parlement européen. Elle peut porter aussi bien sur le contenu de l’accord que sur la compétence de l’Union européenne pour le conclure, voire sur la procédure de conclusion. Cette demande doit être adressée à la CJUE avant la conclusion, mais à un stade suffisamment avancé des négociations pour que le contenu de l’accord projeté soit déjà suffisamment élaboré, pour que la CJUE se prononce en connaissance de cause.

En cas d’avis négatif, le traité prévoit que l’accord ne peut entrer en vigueur sauf modification de celui-ci ou révision des traités : c’est la reprise de l’article 300§6 du TCE, il aurait fallu préciser que la négociation était possible. Si la forme prise par l’intervention de la CJUE est un avis, il s’agit en réalité d’une véritable décision contraignante, ce n’est pas un avis consultatif.

Ce contrôle semblait devoir être interprété comme excluant toute possibilité de contrôle ultérieur, mais l’Union européenne a envisagé puis mis en oeuvre cette hypothèse.

b) Le contrôle à posteriori

Un tel contrôle est très surprenant car une fois conclu, l’accord lie l’Union à ses partenaires contractuels : sa responsabilité internationale peut être engagée. La CJUE s’est tout de même engagée dans cette voie.

Dans l’avis 1-75 du 11 novembre 1975, la Cour de justice a affirmé que les accords internationaux conclus par l’Union pouvaient lui être soumis :

• soit directement par la voie du recours en annulation contre la décision du Conseil de conclure cet accord,

• soit par la procédure du renvoi préjudiciel.

Elle a par la suite, à plusieurs reprises, admis les recours en annulation contre des décisions de conclusion d’un accord international par le Conseil. Dans la plupart des cas, le recours visait exclusivement la décision du Conseil ; le contenu n’était pas mis en cause. Mais dans un arrêt de 1998, en admettant le recours, la CJUE a contrôlé à travers cette décision le contenu même de l’accord.

Chaque fois que le recours en annulation s’est conclu par l’annulation de la décision, l’Union se trouvait confrontée à un cas de figure désagréable : l’accord continuait à lier l’Union d’un point de vue international, mais était dépourvu de base légale en droit interne.

Comme l’Union européenne ne peut être déliée de ses engagements sur la scène internationale, la seule solution consiste :

• soit à adopter une nouvelle décision de conclusion dans les plus brefs délais qui puisse servir de base légale à l’accord,

• soit, quand le contenu même de l’accord était incompatible avec les traités, à réviser les traités.

La CJUE, consciente de la difficulté dans laquelle elle plaçait l’Union en admettant sa compétence, prévoit, lorsqu’elle annule la décision, que les effets passés de celle-ci demeurent acquis, la rétroactivité est limitée.

2. Leur autorité sur les Etats membres et sur les institutions

a) Le cas simple des accords conclus par l’Union

L’article 216 du TFUE précise que ces accords lient les institutions de l’Union et les Etats membres. Cela vaut pour les actes de droit dérivé qui pourraient être adoptés sur le fondement de ces accords, et aussi pour les actes mixtes, à cheval entre les compétences de l’Union et des Etats membres. Leurs clauses peuvent être invoquées devant les juridictions nationales et sont susceptibles d’effet direct.

Les institutions doivent adopter des actes de droit dérivé conformes à ces accords, ils doivent être interprétés d’une manière qui les rend conformes, et en cas d’illégalité, ils doivent pouvoir être annulés pour méconnaissances des accords internationaux.

b) Le cas révolu des accords conclus au nom de l’Union dans le cadre des piliers intergouvernementaux

Ces accords conclus au nom de l’Union dans le cadre des piliers intergouvernementaux liaient les Etats membres puisqu’ils étaient conclus par eux. L’Union elle-même n’ayant pas la personnalité juridique, elle ne pouvait être réputée l’auteur de ces accords.

Ils pouvaient être conclus par décisions du Conseil, expression par les Etats membres de leur consentement à être liés à ces accords. Cela posait des problèmes dans les cas où le Conseil devait statuer à la majorité : faute d’être dans la majorité, les Etats membres s’étant abstenu ou n’y ayant pas consenti ne pouvaient être considérés comme liés. Le TUE en dispose expressément, puisqu’aucun accord ne peut lier un Etat membre dont le représentant déclare au sein du Conseil qu’il doit se conformer à ses propre règles constitutionnelles ; c’est le système de l’abstention constructive.

On a assisté à un processus de personnalisation de l’Union européenne, et elle finissait donc par conclure ces accords. Avec le traité de Lisbonne, l’Union européenne a la personnalité juridique, et par voie de conséquence, en toute matière, y compris la PESC et la coopération pénale, l’Union a la capacité de conclure elle-même des accords internationaux.

c) Le cas particulier de la substitution de l’Union aux Etats membres dans les accords avec des tiers

C’est l’hypothèse dans laquelle les Etats membres ont conclu avec des tiers des accords dans des matières qui, par la suite, ont été transférées à l’Union. Dans ce cas, avant le transfert de compétences en la matière, les accords ont pour parties les Etats membres ; mais à partir de l’instant où le transfert a eu lieu, on observe une substitution de l’Union aux Etats membres désormais privés de la compétence ; toutefois, la compétence suppose un caractère exclusif, car si elle a un caractère partagé, l’Union devient partie aux accords aux côtés des Etats membres.

Cela a reçu application dans les accords du GATT sur le commerce international, mais la même logique n’a pas pu valoir en ce qui concerne la CESDH car les Etats n’ont jamais transféré à l’Union de compétences en matière de protection des droits fondamentaux. C’est pour cela que la CJUE avait conclu en 1996 à l’impossible conclusion par la Communauté d’un accord sur les Droits de l’homme.

Avec le traité de Lisbonne, l’Union est appelée à conclure un tel accord aux côtés des Etats membres.