Les acteurs des finances publiques (parlement, gouvernement…)

Les différents acteurs des finances publiques

Il fait intervenir beaucoup d’acteurs dans le processus financier. Il y a évidemment des instances représentatives (le Parlement dans ses deux chambres pour l’Etat ; les assemblées délibérantes (conseil régional, général, municipal) pour les collectivités territoriales ; les conseils d’administration pour les établissements publics) qui disposent de la représentativité en ce qui concerne les pouvoirs publics. Elles tirent leur légitimité de cette représentativité. Il y a une représentativité du personnel, des usagers, et des collectivités en ce qui concerne les établissements publics. À côté des assemblées délibérantes, l’autre acteur est l’exécutif. En ce qui concerne l’Etat, c’est le Gouvernement et l’ensemble de ses membres dont les ministres. Pour le conseil général, le président du CG et ses vice-présidents ; le maire et ses adjoints… Pour les établissements publics, il s’agit du directeur général ou du président de l’établissement. L’exécutif a pour vocation de mettre en oeuvre, y compris financièrement, les décisions de l’assemblée délibérante. Certains exécutifs peuvent être considérés comme représentatifs, du fait par exemple de mécanismes de responsabilité (du Gouvernement devant le Parlement). On trouve parallèlement des juridictions dont les rôles varient. Ex. cour des comptes (créée 1807) et les chambres régionales des comptes, instances locales, qui opèrent deux types de contrôle : – Contrôle de la régularité comptable et financière des opérations, – Contrôle de la gestion des politiques publiques. Depuis 1848, on a une Cour de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF), qui a pour vocation d’apprécier la responsabilité des acteurs non concernés par la Cour des comptes/chambres régionales des comptes. Ces différents acteurs apparaissent les uns à la suite des autres. Le modèle décrivant leurs interventions est appelé « les quatre temps alternés ».

  1. A) Le cycle budgétaire : une « présentation » équilibrée des pouvoirs financiers

Les 4 temps alternés constituent un idéal de description de ce que l’on voudrait voir dans le cycle budgétaire. Ils permettent de présenter une procédure d’élaboration, de mise en œuvre et de contrôle du budget qui réaliserait un équilibre entre les différents pouvoirs publics, et permettrait donc d’étayer une forme très élaborée de séparation des pouvoirs. Il s’agirait donc de montrer un équilibre entre le pouvoir exécutif d’un côté et le pouvoir législatif de l’autre.

1) Une présentation idéale du cycle budgétaire

C’est avec la Restauration que naît le parlementarisme. On a alors commencé à tenter d’envisager un système faisant intervenir le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, en opérant une répartition des prérogatives financières entre eux. La difficulté vient de ce que cette répartition originelle des tâches s’est effectuée dans un contexte déterminé (monarchie censitaire et parlementarisme naissant) et évidemment ce contexte n’est pas resté stable pendant deux siècles, alors que le désir d’équilibre des pouvoirs, lui, est resté stable. On a : 29

– Une répartition des prérogatives financières

– Un désir de séparation des pouvoirs

– L’image des « 4 temps alternés » entre les deux. Les 4 temps alternés font intervenir l’exécutif et le législatif : Direction du Budget Min. des finances Exécutif Prépare la loi Exécute de finance LFA Législatif Vote Contrôle Com. des finances Sans Constitution, les pouvoirs ne seraient pas séparés, et l’Etat ne serait pas démocratique. La présentation des 4 temps alternés justifie une séparation financière des pouvoirs, d’autant plus intéressante politiquement qu’elle est politiquement équilibrée, chaque acteur proposant une étape au suivant. L’exécutif doit pouvoir modifier ce qui a été voté, et le vote doit pouvoir réformer ce qui a préparé. Dès lors, les 4 temps alternés ne se combinent pas, mais sont alternés de plus en plus.

2) Une présentation trompeuse.

Les 4 temps alternés se veulent une description non ancrée, universelle de la répartition des prérogatives financières. Or, quand on observe la pratique de ces 4 temps alternés, on constate que les choses sont légèrement différentes…

  • a) L’incidence de la parlementarisation du régime

Si le parlementarisme naît sous la Restauration et se développe chaotiquement au XIX siècle, c’est à la fin du XIX et la III République que s’affirme la République. Parallèlement à cette affirmation, les III et IV Républiques représentent aussi l’aboutissement du parlementarisme. Cet aboutissement tend à une surreprésentation du Parlement dont le point d’orgue s’appelle le régime d’assemblée. Au sein du Parlement et de chaque chambre, se trouvent des commissions dont certaines sont permanentes. Parmi ces dernières, on trouve la commission des finances. Il y en a une à l’Assemblée Nationale et une au Sénat. Ces commissions sont composées de parlementaires ayant pour vocation d’étudier en commission, d’amender en commission pour le compte de leur chambre et de rapporter en séance les documents relevant de leur spécialité. Or, ces commissions vont prendre une importance démesurée sous la III mais surtout sous la IV République. Elles deviennent tellement importantes qu’on les qualifie de ministères des finances bis. La surreprésentativité des commissions permet de réformer le travail du ministère des finances et de le lier dans le cadre de l’exécution du budget. Dès lors, il n’est plus tellement nécessaire pour le Parlement de contrôler en fin d’exécution, puisque le Gouvernement docile n’a fait qu’exécuter. Le Gouvernement, du fait de sa responsabilité politique devant le Parlement, se sent complètement lié en ce qui concerne l’exécution du budget. La parlementarisation du régime et l’apothéose du régime d’assemblée conduisent à rendre flous ces 4 temps alternés.

  • b) L’Administration au coeur des finances publiques

Sous les III et IV Républiques, on constate une forte prise en main des décisions financières par le politique. Parallèlement, on constate une focalisation du 30 politique sur cette même décision, qui le conduit à se désintéresser de l’action. Le politique va rester bloqué sur la discussion/négociation du chiffre inscrit dans le budget et se désintéresser de la signification pratique. La joute politique s’opère autour du chiffre inscrit dans le budget plus que de l’action pratique des sommes allouées à l’Administration. Une fois que le politique a débattu en séance, adopté un montant, l’Administration se retrouve complètement libre de dépenser cet argent dans la limite de la légalité de l’action publique. Cette légalité ne s’apprécie qu’au regard de l’intitulé de la dépense. Durant les III et IV Républiques, le Parlement débat sur le montant des dépenses de personnel du ministère des affaires étrangères, sans comprendre les actions administratives mises en œuvre par ces dépenses. Tout ceci se passe dans un contexte d’inflation, d’explosion du budget des dépenses publiques. Après la première guerre mondiale, les budgets se chiffrent en milliards de F. En 1919 est créée une administration chargée spécifiquement d’élaborer et de suivre l’exécution du budget pour le compte du ministère des Finances : c’est la Direction du Budget au sein du Ministère des Finances. Le phénomène financier devient tellement complexe à partir de 1919 qu’il faut le confier à des spécialistes dont la tâche va consister tantôt à préparer, tantôt à suivre l’exécution du document budgétaire. Cela signifie aussi que l’Administration érige face au Parlement et plus particulièrement face aux commissions des finances omnipotentes une administration d’experts en mesure de négocier d’égal à égal avec la représentation nationale. À force d’équilibrer les rapports

– les sommes s’accroissent, l’intervention publique se multiplie, l’Administration se complexifie

– le document budgétaire devient si technique et complexe que les Parlementaires perdent prise dessus. À la commission des finances, peu comprennent le budget de l’Etat et ses variations. Le système est déséquilibré dans l’autre sens. On en arrive à un système qui fait la part belle à l’administration des finances. L’Administration retrouve des marges de manoeuvre qui s’expriment en phase 3, au cours de l’exécution (cf. outils techniques). Au niveau de la V République, on se trouve avec une commission des finances forte politiquement et une Administration très forte pratiquement. La V République revalorise le pouvoir exécutif (on rééquilibre les pouvoirs), mais au niveau financier, ils étaient déjà rééquilibrés. La V République, rééquilibrant les institutions, opère financièrement une rationalisation des pouvoirs du Parlement (> on circonscrit les pouvoirs financiers du Parlement !). Cet encadrement du pouvoir prend plusieurs formes, la plus évidente étant un fort encadrement du droit d’amendement parlementaire en matière financière. Depuis 1958 et le système financier de l’ordonnance du 2 janvier 1959, on se retrouve face à un schéma des 4 temps alternés ne correspondant pas à la réalité…

On a une phase de préparation du budget (vaste phase de négociation entre administrations) qui oppose les différents ministères avec la Direction du Budget.

Puis, le document est arrêté par le Conseil des Ministres et présenté au Parlement (les pouvoirs du Parlement sont très encadrés).

Une fois le budget voté, l’Administration exécute ce budget, avec des marges de manoeuvres lui permettant de reprendre des libertés par rapport au document voté.

Enfin, le contrôle parlementaire est largement déficient, puisqu’il s’opère relativement tardivement et surtout dans l’indifférence générale.

Les 4 temps d’aujourd’hui sont une réalité politique sans résonance pratique !

B) La réalisation des 4 temps alternés

À partir des années 1970, le Parlement prend conscience de ce que sa place n’est pas celle d’une instance représentative dans l’encadrement institutionnel du phénomène financier. Les parlementaires revendiquent une autre position en matière financière. Ces revendications s’expriment dans les années 1980, mais ce n’est qu’à partir des années 1990 qu’on réunit une forme de consensus politique, mais aussi 31 administratif autour d’un nécessaire repositionnement du Parlement. Les parlementaires ne sont pas satisfaits de cette rationalisation des pouvoirs financiers, mais cette défaillance du Parlement est nuisible à la mise en œuvre de la dépense publique. On se retrouve dans cette situation paradoxale d’un Parlement qui revendique plus de pouvoirs face à l’exécutif et à l’Administration (bras armé de l’exécutif) et d’un exécutif qui adhère à cette revendication (il faut redonner du sens à l’action parlementaire). La grande sagesse des réformes proposées va être de parvenir à rééquilibrer le schéma des 4 temps alternés. L’intérêt de la réflexion qui mûrit dans les années 1990 est de rééquilibrer le schéma. La loi organique du 1er août 2001 réalise cet équilibre.

1) L’apport de la loi organique

L’apport de la loi organique est double :

– Elle encadre juridiquement l’obligation d’information de la représentation nationale, ce qui concoure à une forme de sincérité et de transparence à l’égard des représentants de la Nation. L’exécutif prépare et informe (dans un contexte d’ouverture des administrations vis-à-vis des usagers). Dir. Budget Exécutif prépare et Exécute informe Discuter Législatif Amender Contrôle Voter Délibérer le projet Loi de réglement de loi de finance

– La direction du budget prépare et informe.

– Le pouvoir législatif discute, amende, vote : il délibère le projet de loi de finance. – La loi organique intègre le fait que le document délibéré et voté doit pouvoir être modifié en cours d’exécution. Le document budgétaire n’a pas de cadre intangible.

– La loi organique met en œuvre, n’applique pas aveuglement.

– La loi organique réintègre le contrôle parlementaire comme une phase extrêmement importante de la procédure budgétaire.

– La loi organique, appelé Loi de Finance de l’Année (LFA), est exécuté. Le contrôle prend la forme d’une autre loi : la « loi de règlement » (ou « loi de règlement du budget » à l’origine). On règle le budget. Pour revaloriser le contrôle, il fallait redonner du sens à la loi de règlement.

– La loi organique, dans son art. 46 impose que la loi de règlement de l’année soit votée avant le 1er juin de l’année suivante. N – 1 N N + 1 2003 2004 Préparation Exécution Contrôle Vote Auparavant, le contrôle arrivait en n + 2, n + 3. Rapprocher le moment du contrôle avant le 1er juin de n + 1, c’est mettre en œuvre par les mêmes institutions politiques le contrôle du budget qu’elles ont préparé et voté. L’enjeu de ce rapprochement est double.

2) Un nouveau type de contrôle : le contrôle de délibération

Le contrôle du budget n’intervient en phase de préparation et avant le vote de n + 2. En 2006, on discute le projet de 2007 avec le contrôle de 2005. Cela restaure le pouvoir du Parlement, car il peut influer sur des crédits en sachant sur quoi il fait (demander plus de crédits pour la justice, car l’année précédente, ce ministère a manqué d’argent). C’est ce que l’on peut appeler le « contrôle de délibération ». Le contrôle de délibération est mis en œuvre par la loi organique du 1er août 2001 et permet de favoriser la prise de décision par les instances délibérantes, en mettant à la disposition du décideur une information claire, sincère et surtout actuelle. Dans le fond s’opère une nouvelle présentation du cycle budgétaire. Influe sur les Gouvernements préparant le prochain budget Gouvernement prépare Parlement contrôle Parlement vote Gouvernement exécute Le nouveau schéma est équilibré, il ne survalorise pas le Parlement. C’est un schéma dynamique faisant que chaque étape du cycle budgétaire sert à quelque chose dans une perspective de préparation de l’avenir. Jusqu’à maintenant, le Gouvernement avait l’impression de préparer un document appliqué d’une façon ou d’une autre. Au moment du vote, on vote quelque chose qu’on pourra contrôler. Lors du contrôle, on contrôle dans le dessein de pouvoir renégocier les chiffres suivants.