Les actions relatives à la filiation : procédure, caractères, conflits

Les règles communes aux actions relatives à la filiation

Les actions relatives à la filiation sont définies par les articles 318 et suivants du Code civil. Elles visent à établir ou à contester une filiation. Des règles communes à ces différentes actions existent. Elles concernent la procédure (I) et les caractères (II) des différentes actions relatives à la filiation.

Section I – La procédure

La compétence, l’instance et le jugement sont des étapes à aborder de façon successive.

I) La compétence :

Il faut d’abord envisager la compétence matérielle (A) puis la compétence territoriale (B).

  • A- La compétence matérielle
  • L’article 318-1du Code civil nouveau (article 311-5) donne une compétence exclusive aux TGI pour connaître des actions relatives à la filiation, comme toutes les actions mettant en cause l’état des personnes. Ceci est logique en raison de la gravité de ces actions. (Exemple: le JAF doit nécessairement décliner sa compétence s’il est saisi à l’occasion d’une procédure de divorce d’une action en non- paternité par un ex-mari pour échapper au paiement d’une pension alimentaire).
  • L’article 317 du Code civilissu de la loi du 13 décembre 2011 (article 311-3) donne compétence désormais au juge d’instance (avant « des tutelles ») pour constater les possessions d’état, pour établir les actes de notoriété.
  • B- La compétence territoriale

Le droit commun s’applique : le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le défendeur a son domicile (article 42 CODE DE PROCÉDURE CIVILE).

II- Le déroulement de l’instance :

Particularités des instances relatives à la filiation :

  • Une des parties peut être un enfant.

Le mineur peut être soit demandeur à l’action (exemple: action en recherche de paternité) soit défendeur (exemple: action en contestation de paternité). Quand l’enfant est mineur, il sera représenté par son représentant légal ou son tuteur ad hoc quand il y a conflit d’intérêts entre lui et son représentant légal.

  • Afin de protéger la vie privée des parties, l’audience aura lieu en Chambre du Conseil (article 1145 CODE DE PROCÉDURE CIVILE). Seul le prononcé de la décision se fait en public. Lareproduction des débats dans la presse est interdite.
  • Le ministère public peut avoir communication au préalable de toute affaire relative à la filiation car cela touche à l’état des personnes, cela intéresse l’ordre public (article 425-1 CODE DE PROCÉDURE CIVILE).
  • Les pouvoirs du juge sont relativement étendus car en matière de recherche des preuves de la filiation, il pourra ordonner une expertise sanguine…même d’office.

III-Le jugement :

  • Le jugement est rendu en audience publique.
  • Article 324 du Code Civil: Il est opposable « erga omnes». C’est à dire qu’il est opposable à tous, même à ceux qui n’y ont pas été parties. Cela va à l’encontre du principe de l’autorité relative de la chose jugée fixé par l’article 1351 du Code civil.

La loi permet ainsi aux tiers de faire tierce opposition (article 324 in fine) dans le délai de droit commun décennal (article 321). Si le bien-fondé de la tierce opposition est en revanche reconnu, le jugement litigieux devient inopposable à celui qui a formé la tierce opposition. Cependant, la Cour de cassation a jugé qu’il conservait toute son autorité à l’égard des parties au premier procès (première chambre civil le 27 octobre 1981).

  • Le jugement a un effet déclaratif car il constate une situation. Il peut avoir des effets rétroactifs. Il peut avoir des conséquences quant à l’autorité parentale, quant au nom de l’enfant….

Section II – Les caractères des actions relatives à la filiation

Les actions relatives à la filiation étant des actions relatives à l’état des personnes, sont ainsi soumises aux mêmes règles d’intransmissibilité que l’action en divorce ou l’action en nullité. Aucune action n’est reçue quant à la filiation d’un enfant qui n’est pas né viable : article 318 du Code Civil.

1) Une action indisponible :

D’après l’article 311-9 du Code Civil ancien devenu l’article 323, « les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l’objet de renonciation ». Ceci implique que les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l’objet de renonciation au sens strict mais encore de transaction ou de convention (article 1128 du Code Civil) ni même acquiescer au jugement. Par exemple, la mère d’un enfant ne peut par avance renoncer à engager une action en recherche de paternité. C’est le principe d’indisponibilité des actions sur l’état des personnes qui s’oppose aux conventions dites de mère porteuse, conventions par lesquelles une femme s’engage à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance (Assemblée plénière le 31 mai 1991). Par contre, cette règle est écartée en cas de PMA : Article 311-19 et 311-20.

2) Une action transmissible :

Ces règles nouvelles contrastent à l’évidence avec les dispositions de l’ancien article 311-8 du code civil, issu de la loi du 3 janvier 1972, qui fondait au contraire l’intransmissibilité de principe des actions relatives à la filiation en raison du caractère personnel de ce type d’action et du principe d’indisponibilité. Selon cet ancien texte, les héritiers ne pouvaient en effet exercer l’action relative à la filiation appartenant à leur auteur que dans le seul cas où ce dernier était décédé mineur ou encore dans les cinq ans après sa majorité ou son émancipation (article 311-8 alinéa 1). Nouveau principe de transmissibilité aux héritiers des actions relatives à la filiation (article 322 du Code Civil).

  • Quand le titulaire de l’action est décédé « avant l’expiration du délai qui lui était imparti pour agir ». (L’ordonnance a supprimé la limite qui ne permettait d’agir que si l’enfant était décédé mineur ou dans les 5 ans de son émancipation ou de sa majorité).
  • Quand l’action était déjà engagée par son titulaire, les héritiers pourront la poursuivre sauf s’il y a eu désistement ou péremption d’instance (alinéa 2).

3) Une action prescriptible :

Avant la réforme de 1972, les actions étaient imprescriptibles car il y avait indisponibilité de la personne. Article 311-7 du Code Civil ancien, devenu l’article 321. « Sauf lorsqu’elles sont enfermées dans un délai plus court, les actions relatives à la filiation se prescrivent par le délai de droit commun de 10 ans ».

La prescription court :

  • Soit du jour où l’individu a été privé de son état pour les actions en réclamation d’état.
  • Soit du jour où il est entré en possession de son état pour les actions en possession d’état.

Après expiration de ce délai, les situations (possession d’état) pourront se consolider. Dans des hypothèses prévues par la loi, des actions sont soumises à des délais différents. A l’égard de l’enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité (art. 321)

Section III – Le principe chronologique général en matière de filiation

Afin de prévenir définitivement les conflits de filiation, l’Ordonnance du 4 juillet 2005 met désormais en place un principe chronologique général et absolu.

L’article 320 du Code Civil dispose désormais que « tant qu’elle n’a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait ». Le lien juridique de filiation établi en premier lieu prévaut systématiquement et empêche par lui-même l’établissement d’une filiation contraire.

Rappel :

Il y a possibilité de conflit lorsque la filiation d’un enfant peut être établie à l’égard de deux hommes. Ces conflits de paternité peuvent avoir lieu entre 2 filiations de même nature (§ 1) ou de nature différente (§2).

I) Les conflits entre filiation de même nature :

  • A- Entre paternités légitimes

Cas : une femme mariée se remarie sans respecter le délai de viduité de 300 jours et sans en être dispensée : article 228 du Code Civil. Lequel du 1° ou du 2° mari est le père ? Conflit.

L’enfant peut choisir la date de sa conception à l’intérieur de la période légale de conception, suivant la présomption « omni meliore momento » de l’article 311 alinéas 2. C’est une présomption simple. Ceci pourra être remis en cause. Aux termes de l’article 311-12 du Code Civil, il appartient aux juges de « rechercher par tous les moyens de preuve la filiation la plus vraisemblable », afin de régler le conflit de filiation.

  • B- Entre paternités naturelles

Cas : plusieurs reconnaissances sont faites en des lieux différents ce qui provoque un conflit de paternité. Article 338 du Code Civil. C’est la première reconnaissance qui est prise en compte. Celui qui a reconnu l’enfant est censé en être le père tant que cette filiation n’a pas été contredite en justice.

II) Les conflits entre filiation de nature différente :

Il faut tenir compte de l’ordre dans lequel les filiations ont été établies.

A- Quand une paternité naturelle est déjà établie

Cas (exceptionnel): un couple légitime revendique un enfant naturel comme sien (article 323-328). La filiation naturelle établie antérieurement bloque l’établissement d’une filiation légitime.

B- Quand une paternité légitime est déjà établie

Cas (plus fréquent): « L’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari » (Article 312 alinéa 1). La paternité légitime étant présumée, elle empêche en principe toute reconnaissance et arrête toutes les recherches.

Cependant un conflit peut surgir dans 2 cas :

  • Après divorce : C’est le cas envisagé de l’enfant déclaré à l’état civil sous le nom du mari de sa mère, après divorce : l’enfant né plus de 180 j et moins de 300j après la dissolution du mariage bénéficie de la présomption « omni meliore momento» de l’article 311 al 2 du Code Civil.

Cette présomption peut être renversée. Il appartient au juge de trancher « selon la filiation la plus vraisemblable » selon l’article 311-12 du Code Civil.

  • L’enfant ayant un acte de naissance d’enfant légitime sans possession d’état correspondante. On peut alors se trouver dans deux cas de figure :
  • Article 334-9 du Code Civil a contrario : cet enfant peut être reconnu comme enfant naturel par un tiers.
  • L’enfant peut valablement intenter une action en recherche de paternité naturelle contre ce

àA la suite de cette reconnaissance ou de l’aboutissement de l’action en recherche de paternité, deux pères sont en concurrence ; les juges règleront le conflit «selon la filiation la plus vraisemblable»suivant l’article 311-12 du Code Civil.