Les conflits entre les créanciers titulaires d’une sûreté en Belgique

Les conflits entre les créanciers titulaires d’une sûreté

Définition de la notion de « sûreté » : Une sûreté est une garantie accordée au créancier pour le recouvrement de sa créance. Ondistingue :

– La sureté personnelle : la garantie résulte de l’engagement d’une autre personne au coté du débiteur.

– La sureté réelle : la sureté est réelle lorsque certains biens du débiteur garantissent le paiement, de sorte, que, en cas de défaillance, le produit de la vente de ces biens est remis par préférence aux créanciers chirographaires.

généralité :

la multiplication des sûretés (surtout des privilèges) a accru les risques de conflits entre les créanciers titulaires d’une sûreté et ils ne sont que rarement désintéressés en totalité.

la loi hypothécaire règle certaines hypothèque de concours entre les sûretés, et la jurisprudence a développé des solutions en ce qui concerne les hypothèses non visées

A. principe :

Règle de la qualité des privilèges :

article 13 de la Loi Hypothécaire pose le principe que « entre les créancier privilégiés, la préférence se règle par les différentes qualités des privilèges ».

cette règle se vérifie dans la mesure où un grand nombre de concours entre privilèges se règle en fonction de la qualité de la créance. Mais elle admet 1 exception lorsque le créancier normalement préféré savait ou était informé que l’assiette de son privilège était grevée d’un autre privilège

ex : préférence du créancier gagiste et du bailleur sur le vendeur, sauf en cas de connaissance ou d’information que le prix de l’objet mobilier sur lequel s’exerce leur gage était encore dû

règle de l’antériorité :

une autre règle s’applique aux sûretés soumises à une publicité instrumentaire : celle de l’antériorité de la publicité. Elle découle de la nature même de la publicité, qui a pour objet d’assurer l’opposabilité de la sûreté aux tiers.

cette règle s’applique aussi en principe aux sûretés conventionnelles. Elle se justifie alors par le principe : nemo plus iuris administrateur alium transferre potest quam ipse habet: le débiteur ne peut s’affranchir d’une sûreté préexistante pour grever à nouveau ce bien au profit d’un autre créancier, celui-ci ne peut recevoir le bien en garantie que grevé de cette sûreté.

B. Conflit entre privilèges généraux et privilèges spéciaux :

principe :

les privilèges spéciaux sur meubles primes les privilèges généraux.

mais le privilège sur frais de justice > que toutes les créances dans l’intérêt desquelles il sont été faits, et partant, tous les autres créanciers, privilégiés, gagiste ou hypothécaires, mais uniquement dans la mesure où ces créanciers ont tiré profit des frais exposés.

C. conflit entre privilèges mobiliers spéciaux :

frais de justice : les frais de justice priment toutes les créances dans l’intérêt desquelles

ils ont été faits.

Frais pour la conservation de la chose :

les frais faits pour la conservation de la chose priment les privilèges antérieurs.

ex : garagiste : s’il n’avait pas réparé la voiture, tout les créanciers privilégié sur cette chose aurait perdu l’assiette de leur privilège.

Créancier gagiste et vendeur de meuble :

le créancier gagiste est préféré au vendeur de l’objet mobilier qui lui sert de gage, à moins qu’il n’ait su, en le recevant, que le prix en était encore dû.

cette connaissance peut résulter du dépôt au greffe du tribunal de commerce de la copie de la facture dans la quinzaine de la livraison

Créancier gagiste sur fonds de commerce et vendeur d’équipement professionnel :

si pas d’indication dans la loi en ce qui concerne le rang du créancier gagiste sur fond de commerce, la cour de cassation belge. l’assimile à un gagiste ordinaire dans la mesure où les règles de droit commun du gage ne sont pas incompatibles avec l’absence de dépossession du gage sur fonds de commerce (cass 10 nov.1967).

le vendeur > le créancier gagiste sur fonds de commerce si ce dernier savait en recevant le gage que le prix n’en était pas payé. => le dépôt par le vendeur de sa facture au greffe suffis à assurer son rang, même si le gage est inscris avant le dépôt de la facture (cass, 28 sept 1972).

en pratique, les établissements de crédits imposent au commerçant de les avertir si un élément d’actif faisant partie du gage est remplacé par un bien grevé du privilège du vendeur d’effets mobiliers impayés.

Bailleur d’immeubles et créancier gagiste sur fonds de commerce :

ce concours se règle par l’antériorité des droits d’un créancier par rapport à l’autre.

il faut prendre en compte la date d’introduction des meubles dans la maison louée (pour le bailleur d’immeubles) et la date d’inscription du gage sur fond de commerce (pour le créancier gagiste sur fond de commerce).

D. conflit entre privilèges mobiliers généraux :

principe :

les privilèges généraux sont classés dans l’ordre de leur rang par l’article 19 de la Loi Hypothécaire .

ainsi, le privilèges des frais funéraires l’emporte sur tous les autres privilèges, à l’exception du privilège pour frais de justice, du privilège des frais faits postérieurement pour la conservation de la chose et du privilège du créancier gagiste ; le privilège des travailleurs prime le privilège de l’ONSS.

E. Concours entre sûretés immobilières :

privilège et hypothèque :

les privilèges priment les hypothèques.

si le législateur a jugé telle créance particulièrement digne de protection en la privilégiant (article 12 de la Loi Hypothécaire), il est logique qu’elle soit préférée aux créances protégées par une hypothèque qui résulte de la volonté des parties.

mais s’applique aussi quand il s’agit d’une hypothèque légale qui résultent de la qualité de la créance.

en théorie, un créancier hypothécaire inscrit antérieurement risque de se voir primer par un créancier privilégié inscrit postérieurement (rétroactivité des privilèges). => source d’insécurité puisqu’elle écarte le principe de priorité de la publicité.

en pratique ce n’est pas le cas : 3 exemples.

1) hypothèse d’un concours entre un vendeur d’immeuble et un créancier hypothécaire de l’acheteur. Le privilège du vendeur est nécessairement inscrit avant l’hypothèque du créancier hypothécaire, car l’acheteur ne peut consentir une hypothèque qu’après avoir acheté l’immeuble. => la prééminence des privilèges sur les hypothèques aboutit donc au même résultat que la règle d’antériorité.

2) hypothèse d’un concours entre les créanciers hypothécaire et un architecte qui ferait inscrire postérieurement son privilège. Le privilège de l’architecte prévaut, mais il ne porte que sur la plus-value apportée par les travaux et le créancier hypothécaire ne pouvait compter sur celle-ci lors de la constitution de sa sûreté.

3) hypothèse du concours entre les créanciers hypothécaire et le vendeur d’équipement professionnel. Ce concours peut se produire dans la mesure où cet équipement est immobilisé par destination économique et où le vendeur conserve son privilège en dépit de l’immobilisation s’il dépose sa facture au greffe du tribunal de commerce. Conformément à l’article 12, c’est le vendeur qui prime, même s’il dépose sa facture au greffe du tribunal de commerce après l’inscription de l’hypothèque. Mais, ici aussi, le vendeur a créé une plus-value sur laquelle le créancier hypothécaire ne pouvait pas compter au moment de la constitution de l’hypothèque.

La règle de l’article 12 ne s’applique aux conflits entre les hypothèques et les privilèges qu’en ce qu’ils portent sur des immeubles. Si les privilèges généraux sur meubles de l’article 19 grèvent aussi les immeubles du débiteur, ce n’est qu’après les hypothèques et les privilèges légaux.

Hypothèques :

entre les créanciers hypothécaire, c’est la date de l’inscription qui détermine le rang ; les hypothèques inscrites le même jour sont de rang égal.

E. Concours entre sûretés mobilières et immobilières :

Hypothèque et gage sur fonds de commerce :

un concours peut se produire entre un créancier hypothécaire et un créancier gagiste sur fonds de commerce dans la mesure où l’outillage, le matériel d’exploitation, le mobilier, … sont immobilisés par destination économique. Ils sont donc à la fois inclus dans l’assiette de l’hypothèque de l’immeuble qui les abrite et dans l’assiette du gage sur fonds de commerce.

ce conflit doit être tranché en fonction de l’antériorité de l’inscription.

Démarche à suivre si conflit entre sûreté