Les contrats d’occupation du domaine public

Les contrats d’occupation du domaine public

L’objectif fondamental de ce contrat est de permettre de confier à l’occupant du domaine public la construction d’un ouvrage répondant aux besoins de l’administration avec mise à disposition de l’ouvrage à l’administration pour permettre l’étalement du paiement sur une longue durée. L’idée est issue des montages de l’occupation du domaine privé.

Le contrat d’occupation du domaine public est un contrat de droit passé avec une personne morale ou physique, autorisant, moyennant certaines conditions l’occupation du domaine public. Il peut être l’objet de droits, taxes et redevances ainsi que de participation aux recettes procurées par l’occupation du domaine public aux personnes privées qui en bénéficient, le tout fixé par le contrat ou par les textes financiers.

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P1- Les atouts de l’occupation du domaine privé

En matière d’occupation du domaine privé des personnes publiques, l’administration loue un terrain contre une redevance domaniale due par le repreneur, celui ci faisant fructifier le terrain, notamment grâce à des constructions réalisées sous sa responsabilité et donc sous maitrise d’ouvrage privée. Deux types de contrat de longue durée de 18 à 99 ans ont été utilisés : le bail à construction et le bail emphytéotique.

Le bail a construction de l’article L. 251-1 du code de construction et de l’habitation est une situation dans laquelle le preneur s’engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail. L’idée générale est qu’ici le preneur a à titre principal une obligation de construire.

Le bail emphytéotique est prévu à l’article L. 451-1 du code rural. C’est un contrat qui confère à son titulaire un droit réel sur la chose donnée à bail, à charge pour lui d’améliorer le fond et de verser un loyer.

Dans les deux contrats, les constructions deviennent en principe gratuitement la propriété du bailleur à l’expiration du bail. Pendant le contrat, les ouvrages construits sont de la propriété du preneur. Ces types de montage sont attractifs car ils présentent des garanties. Ils permettent la constitution sur les terrains de droits réels immobiliers avec tous les attributs de la propriété. L’opération peut devenir une opération croisée par lequel l’administration loue le terrain à l’investisseur privé qui à son tour loue à bail l’ouvrage construit dans le domaine, c’est ce qu’on appelle un montage aller retour ou appelé parfois contrat réplique. Dans ce cas, cela permet à l’administration de disposer d’un immeuble en ne versant qu’un loyer, sachant qu’en principe l’administration devient propriétaire dans indemnité à la fin du bail.

P2- Les limites initiales de l’occupation du domaine public

La limite principale était que ce type de montage était possible que pour des immeubles exploités par l’administration à titre purement patrimonial. Or, parce que ces montages sont attractifs, dès les années 1980, l’administration a cherché à transposer ces techniques au domaine public, en particulier la technique du montage aller retour. Elle déclassait certains terrains nus appartenant au domaine public afin d’en faire des dépendances du domaine privé. Ainsi, cela permettait la conclusion de contrats de droit privé et donc de montages particuliers dans le but de permettre des constructions avec location des ouvrages construits pour la gestion d’un service public. Une fois l’opération accomplie, l’administration réintégrait les ouvrages construits dans son domaine public.

Le Conseil d’Etat a eu à trancher une affaire de ce type : Conseil d’Etat. 6 mai 1985. Association Eurolat : le Conseil d’Etat met fin à de telles manœuvres en créant la domanialité publique virtuelle qui permet de considérer qu’un bien appartient par anticipation au domaine public lorsqu’il est destiné à devenir un bien nécessaire au service public ou affecté à l’usage du public. En l’espèce, le Conseil d’Etat a refusé que l’administration utilise la technique d’un montage confiant à une personne privée la construction d’une résidence sur le terrain d’une commune et la gestion de cette résidence. Depuis cet arrêt, les investisseurs se sont montrés méfiants.

La question était de savoir depuis comment adapter le montage aller retour aux opérations ayant leur siège sur le domaine public et non plus sur le domaine privé. Le problème est que le contrat d’occupation privative du domaine public est marqué par une forte précarité qui défit complètement la confiance nécessaire aux financements. Pour adapter le montage, il fallait donc résoudre deux difficultés : donner des garanties suffisantes aux investisseurs & autoriser la construction sur le domaine public d’ouvrages à destination publique. Or, les contrats ordinaires d’occupation du domaine public ne permettent pas de répondre à ces enjeux car ils n’offrent pas de droits réels à leurs occupants car le domaine public est inaliénable et insaisissable. De plus, les ouvrages construits par les occupants du domaine public ne peuvent être utilisés à titre du sûreté donc pas d’hypothèque ou crédit bail.

Conseil d’Etat. Ass. Avis TGV. 30 mars 1989 : le Conseil d’Etat s’est montré sévère et avait condamné la technique du crédit bail pour financer un immeuble affecté à un service public. En l’espèce, le gouvernement envisageait un montage en crédit bail par lequel une personne publique autoriserait l’occupation de terrains lui appartenant par une société de financement, celle-ci assurant le financement des constructions, les infrastructures construites restant la propriété de la société de financement pendant la durée du contrat. Mais, ces ouvrages étaient loués à l’administration. Pour le Conseil d’Etat, les infrastructures faisant partie du domaine public ne peuvent être financés selon la technique du crédit bail qui impliquerait que les biens ainsi financés demeurent jusqu’au terme du contrat dans le patrimoine de l’organisme du crédit.

Il faudrait une loi pour autoriser ce montage. Notamment, une loi du 13 juillet 1992 en matière de déchets a permis un financement par crédit bail d’ouvrages de récupération appartenant par définition au domaine public. Les contrats ordinaires ne permettent donc pas le montage aller-retour sur le domaine public car ces principes sont conclus à des fins privatives et commerciales dans le but de favoriser le domaine public. Ils ne pouvaient pas être utilisés pour des constructions répondant à des besoins publics.

P3- Les innovations législatives en réponse à ces limites

On a eu deux grandes lois importantes : la loi de 1988 et la loi de 1994 permettant la construction sous maitrise d’ouvrage privée d’ouvrages répondant à des besoins publics avec un préfinancement privé des travaux.

A- La loi de 1988 : le bail emphytéotique administratif

C’est la loi du 5 janvier 1988 qui créé le bail emphytéotique administratif inspiré du bail emphytéotique mais qui est administratif car il présente des spécificités de droit public : articles L. 1311-2 et L. 1311-3 du CGCT.

D’abord, le bail emphytéotique administratif n’est pas possible s’il intervient dans le champ d’application de la contravention de voirie donc les voies publiques, les voies ferrées et le domaine public fluvial. Pour le reste, le bail emphytéotique administratif est un contrat administratif par détermination de la loi : article L. 1311-2 du CGCT. Initialement, il ne concernait que les collectivités territoriales et leurs établissements publics mais aujourd’hui il concerne aussi l’Etat en matière de logements sociaux par exemple ou le bail emphytéotique administratif valorisation créé par la loi du 23 juillet 2010 prévu à l’article 2341-1 du CGPPP.

Il y a aussi des beaux emphytéotiques administratifs spécifiques comme le bail emphytéotique administratif cultuel, le bail emphytéotique administratif sportif, le bail emphytéotique administratif sécurité, le bail emphytéotique administratif secours, le bail emphytéotique administratif valorisation.

Le bail emphytéotique administratif est une réponse aux limites du contrat ordinaire. Il doit être utilisé pour des finalités publiques : « un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique administratif soit en vue de l’accomplissement pour le compte de cette collectivité territoriale d’une mission de service public soit en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence » : article L. 1311-2 du CGCT. La jurisprudence est assez souple concernant le second critère car il suffit qu’il existe un lien suffisant avec l’intérêt général. L’opération peut être notamment que partiellement destinée à une mission d’intérêt général et donc un surdimensionnement des ouvrages n’est donc pas exclu.

La loi de 1988 prévoit que l’hypothèque du bien est possible mais sous réserve de l’autorisation de l’administration et uniquement pour la garantie des emprunts contractés par le preneur en vue de financer la réalisation ou l’amélioration des ouvrages situés sur le bien loué. Par ailleurs, le crédit bail était initialement exclu mais il est désormais possible sous réserve d’introduire dans le contrat de bail des clauses permettant de conserver les exigences du service public.

Le bail emphytéotique administratif a donc des limites mais c’est tout de même un grand progrès. S’est posée la question de la qualification du bail emphytéotique administratif. Le Conseil d’Etat a jugé qu’il ne s’agit pas d’un marché public au sens du droit interne car l’administration n’est pas maitre d’ouvrage et le montant des loyers versés n’égale pas le coût de l’ouvrage. Cela signifie que la réglementation du code des marchés publics ne s’applique pas. Selon le mode de rémunération, ce sera un marché public au sens du droit de l’Union ou une concession de travaux (Conseil d’Etat. Ass. 10 juin 1994. Commune de Carboure).

Il y a une obligation de publicité et de mise en concurrence pour le bail emphytéotique administratif au cas par cas : article 96 de la loi du 14 mars 2011.

B- La loi de 1994 : l’autorisation d’occupation temporaire

C’est la loi du 25 juillet 1994 qui créé l’autorisation d’occupation temporaire pour le domaine de l’Etat. Elle concerne tout le domaine public artificiel. Ce n’est pas un contrat en lui-même mais un élément pouvant accompagner un contrat.

La loi concerne la construction d’ouvrages privés pour la satisfaction des intérêts privés du constructeur titulaire de l’autorisation initialement. Pour se faire, le dispositif confère des droits réels immobiliers qui sont d’ailleurs présumés pour l’Etat. Par ailleurs, le crédit bail immobilier est autorisé. Le montant de la redevance due est assis sur les revenus tirés de l’exploitation de l’activité sur le domaine public. Ensuite, la loi cherche à favoriser la construction d’ouvrages à finalités publiques. La loi considère que sont indissociables le droit réel portant sur les ouvrages construits sur le domaine public et le droit réel portant sur le domaine public lui-même. Une hypothèque est possible, le crédit bail est autorisé pour garantir les emprunts du titulaire pour le financement des ouvrages et dans ce cas il faut encore avoir des clauses permettant d’assurer et préserver les exigences du service public.

Tout cela est codifié aux articles L. 2122-6 et suivants du CGPPP. La loi précise que pour les concessions de service public, le cahier des charges détermine l’étendu du droit réel de l’investisseur. On peut avoir une appropriation privée des installations nécessaires au service public sous réserve de préserver les exigences du service public mais cette possibilité n’est permise que dans le cadre des dérogations législatives : Conseil d’Etat. Commune de Douai. 2009.

Dans le cadre de l’autorisation d’occupation temporaire, s’est posé la question de savoir si on peut adopter le montage aller retour et donc permettre une autorisation d’occupation temporaire pour la construction d’ouvrage à finalité publique avec une location de l’ouvrage à la collectivité publique. Le Conseil d’Etat n’y a vu aucune difficulté : Conseil d’Etat. Avis. 31 janvier 1995 : le droit réel dans le cadre d’une autorisation d’occupation temporaire peut être utilisé pour la construction d’un ouvrage loué à bail et la collectivité publique peut définir un programme pour l’utilisation de l’ouvrage construit. Dans ce même avis, le Conseil d’Etat a admit le contrat de location avec option d’achat dont il estime qu’il peut être associé à une autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels. L’idée est que l’ouvrage construit par l’investisseur sous maitrise d’ouvrage privée est mis à la disposition de la collectivité publique mais elle n’en devient pas directement propriétaire car il y a une location par l’investisseur avec option d’achat pour la collectivité publique qui permet de prévoir que le montant des loyers versés pendant le contrat sera totalement ou partiellement déduit du prix de vente de l’ouvrage construit.

Depuis l’ordonnance de 2006 portant CGPPP, les autorisations d’occupation temporaire sont également possibles pour les collectivités territoriales : article L. 1311-5 du CGPPP. Mais cela se fait uniquement dans un but d’intérêt général alors que la loi de 1994 prévoyait un but d’intérêt privé pour l’Etat.

A travers ces deux lois, le Législateur a transformé la logique initiale des occupations du domaine public. Initialement, il s’agissait d’une occupation privative à des fins privées mais aujourd’hui la finalité publique est permise. Les deux dispositifs sont destinés à permettre un pré financement privé d’ouvrages publics ou répondant à des finalités publiques. Le Législateur a poursuivi son action par une voie ponctuelle et sectorielle avec des lois spéciales entre 2002-2004. La loi LOPPSI I était destinée à permettre la construction de commissariats, gendarmeries et palais de justice notamment. La loi du 9 septembre 2002 pour la justice permet la construction d’établissements pénitentiaires. La loi du 27 janvier 2003 dans le domaine militaire et l’ordonnance du 4 septembre 2003 sur les établissements de santé sont aussi à signaler. A chaque fois, la mécanique générale est maintenue.