Les administrations centrales dans le monde

Comparaison des différentes organisations administratives centrales dans le monde (l’exemple suédois et américain)

On va se concentrer sur les Administrations centrales.
Dans tous les pays, la base de l’organisation centrale, ce sont les ministères. Il y a cependant une grande diversité dans le mode de fonctionnement des ministères. Ce n’est pas non plus le mode exclusif d’Administration. On a vu se développer des formules concurrentes : administrations nationales (Suède, Finlande)
Les appareils administratifs ne se limitent en outre pas aux ministères. On a assisté à l’émergence d’organismes extérieurs sous l’autorité du gouvernement qu’on a parfois voulu doter d’un statut indépendant.
L’administration ministérielle a fait l’objet depuis les années 1970-1980 de critiques. On a cherché des modes alternatifs sous l’influence de doctrine qu’on a coutume de regrouper sous l’appellation new public management. Cela a débouché sur des réorganisations administratives qui se nomment souvent agence.

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Section I – L’administration ministérielle : caractéristiques générales et diversité

Dans tous les pays, le gouvernement se compose de ministres qui dirigent des ministères bien que la terminologie puisse varier. En Angleterre, ce qu’on appelle department est un ministère. De même que tous les ministres ne s’appellent pas ministre. En Angleterre, il porte le titre de secretary of State ; aux Etats-Unis, ce sont des secretary (subordination car régime présidentiel).

Un ministère en Suède n’a toutefois rien à voir avec un ministère français ou espagnol ou allemand. Il y a une très grande diversité. Par exemple, à Stockholm, le ministère des finances est un tout petit immeuble.

Typologie des ministères pour représenter les différentes modalités d’organisation :
– Ministère traditionnel
– Ministère réduit à l’administration centrale que l’on trouve dans des Etats fédéraux.
– Ministère plus réduit dans des pays où leur fonction se réduit à un état-major.
– Ministère composé de structures multiples, éclatés sur lequel le ministre a autorité : ministère central d’agences.

Dans un même pays, on peut trouver différents types de ministère en fonction de l’histoire, en fonction des domaines d’intervention…

Quelles sont les variables qui expliquent ces différences ? Des facteurs constitutionnels (Etats fédéraux), d’ordre socio-politique (relations avec les intérêts organisés), la volonté d’avoir une organisation homogène.

Comment sont créés et supprimés les ministères ? Les réponses sont différentes selon les pays. En France et en Allemagne, c’est une prérogative de l’exécutif (article 34 et 37 en France : c’est le premier ministre qui détermine les ministères, leur intitulé etc ; Chancelier fixe le nombre, l’organisation et les compétences des ministères à l’exclusion des ministères prévus par la Loi Fondamentale). Dans d’autres pays en revanche, c’est une loi. C’est le cas en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, il y a un certain nombre de ministère qui sont soumis à prérogative royale : ministère de l’Intérieur, des finances, des affaires étrangères. D’autres relèvent de la loi. Le fait que la loi intervienne conduit à une plus grande stabilité de l’organisation ministérielle mais c’est assez relatif (Italie).

1° Le ministère traditionnel
Il s’agit d’une administration hiérarchisée placée sous l’autorité du ministre qui réunit des fonctions de conception, de direction, d’exécution des politiques et même de gestion administrative. Centralisation et hiérarchisation sont deux maître-mots.
En France, l’une des formes du développement administratif, ce sont les services extérieurs subordonnés à l’Administration centrale mais établis dans les circonscriptions administratives.
Ce mode d’organisation s’est retrouvé dans les pays soumis à l’influence napoléonienne. On le retrouve en Italie, en Espagne, en Europe centrale, dans certains ministères aux Pays-Bas. C’est également le mode de fonctionnement des exécutifs fédéraux aux Etats-Unis.


2° Le ministère réduit à l’Administration centrale
On a une Administration plus légère car elle ne dispose pas de services territoriaux. On rencontre ce type de ministères dans les pays qui pratiquent le fédéralisme d’exécution.
C’est le cas en Allemagne et en Suisse. De ce fait, les ministères fédéraux n’ont pas de service propre dans les landers (la Loi Fondamentale leur interdit d’ailleurs d’en avoir). La Suisse est un peu un régime présidentiel sans président : il y a une séparation des pouvoirs fortes mais il n’y a pas de président. Les cantons se distinguent par leur position géographique, par la langue, la religion. Il y a un co-gouvernement entre les composantes de la Suisse. L’organe exécutif est le Conseil fédéral, organe collégial dans lequel chaque membre dirige un ou plusieurs départements de l’Administration fédérale. Ce sont les cantons qui sont chargés d’exécuter les lois fédérales.
Le cas de l’Autriche est différent. Le chef du gouvernement d’un land est également un agent du gouvernement fédéral.
On rencontre ces ministères dans d’autres pays qui pratiquent l’administration indirecte. Les autorités locales se voient consentir de larges pouvoirs d’Administration. Cela a été longuement le cas au Royaume-Uni. Hauriou avait fait d’ailleurs une observation juridiquement fausse : du point de vue juridique, une autorité locale ne pouvait disposer de pouvoirs que ceux qu’elle tenait explicitement d’une loi du Parlement. Ce n’est que dans les années 1980 que l’on a vu se développer des services territoriaux.


3° Le ministère état-major
Les services du ministère ne sont pas chargés de l’administration. On rencontre ce système en Suède et en Finlande. L’essentiel de l’administration est confiée à des structures qui ne sont pas placées sous l’autorité du ministre. Le ministère c’est essentiellement un ensemble de services de conception, d’élaboration, de soutien au ministre.


4° Le ministère central d’agences
L’Administration centrale est assez réduite mais le ministère dispose d’établissements publics, d’entreprises publics ou d’autres types d’organisme qui forment un ensemble éclaté mais qui est en principe chargé de mettre en œuvre les missions du ministère. On a parfois parlé d’agences.
Quelque fois, au nom de la logique managériale, on a délibérément développé ce type d’administration dans le but que les agences, disposant de ressources propres, soient plus efficaces.
Les ministères au Pays-Bas et au Danemark sont souvent organisés de cette manière.
En France, un ministère s’est développé sous cette forme : ministère de l’Environnement. Aujourd’hui, on a le ministère de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement. Il n’y avait pas de services extérieurs donc il s’est appuyé sur nombreux établissements publics qui lui donnaient l’expertise nécessaire à sa mission qui existent toujours (ADEME) mais ils sont désormais regroupés avec ceux de l’ancien ministère de l’équipement. On a aussi de nombreux établissements publics nationaux rattachés aux ministères. Même quand ils s’appellent agence, ce sont le plus souvent des établissements publics.
Aux Pays-Bas, on leur a donné le nom commun d’organismes administratifs autonomes mais une partie d’entre eux relèvent du Droit privé.
Au Royaume-Uni, on a aussi développé ces formes d’organisation sous le terme de Quasi Autonomous Non Governemental Organisations (QUANGO). Ces organismes se divisent en deux catégories : executive ou non executive (Non Departmental Public Bodies). Elles ont été créés au coup par coup par l’Administration et sont aujourd’hui dans le collimateur de Cameron pour faire des économies.


Section II – Les « administrations nationales » en Suède et en Finlande

Qu’appelle-t-on les directions nationales ?

La Suède et la Finlande ont le même système car pendant très longtemps la Finlande a fait partie du royaume de Suède. Quand elle est passée dans l’Empire russe, elle a conservé un système administratif autonome.

Ce modèle procède d’une réforme d’une période importante de l’histoire Suédoise promue par Gustave Adolph entre 1610 et 1632 qui a entrepris d’organiser l’administration sur la base de collèges autonomes.
Après le règne de Gustave Adolph, ce mode a été conservé et on a vu se développer des agences centrales que l’on a appelé administration. Les ministères ne sont parvenus dans l’administration qu’en 1844. Quand on a créé les premiers ministères, l’administration était déjà organisé sur la base de ces organisations nationales placées sous l’autorité directe du roi. On a donc mis les ministres sans changer l’organisation. C’est aujourd’hui le mode d’organisation qui caractérise la Suède.
Un certain nombre d’évolutions historiques et institutionnelles ont donné ces traits actuels. C’est seulement ne 1809 que la Suède se donne une Constitution d’un régime de monarchie limitée. L’administration royale est placée sous le contrôle du Parlement par l’ombudsman. A cette époque s’impose également dans le but de protéger les sujets du royaume le fait que les chefs des différentes administrations prennent des décisions individuelles de manière indépendante du roi et peuvent faire l’objet d’une responsabilité pénale. C’est l’éventualité de cette responsabilité pénale qui explique l’autorité acquise de l’ombudsman dans son contrôle. Il avait la possibilité de saisir le Chancelier de Justice pour poursuivre.
Le régime parlementaire s’est imposé très lentement et il faut attendre la Constitution de 1874 pour que le principe de la responsabilité parlementaire du gouvernement et du premier ministre soit formellement reconnu. En réalité elle a été déjà acquise de manière coutumière. L’institution du premier ministre est le début de la parlementarisation.
Se compose d’un gouvernement parlementaire présidé par un premier ministre. Ce gouvernement dirige l’Administration de la Suède. Il a absorbé les prérogatives royales. Les ministres ont un ministère mais ce n’est qu’un état-major puisque l’Administration est assurée par les « administrations nationales ».
La Constitution de la Suède précise que ces autorités ne sont pas placées sous l’autorité d’un ministre mais sous celle du gouvernement dans son ensemble. Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne dirige pas ces administrations : il dispose d’un certain nombre de moyens comme le budget, il adresse des directives politiques aux autorités administratives nationales, enfin il a le pouvoir de nomination et de remplacement.

Ce système a posé beaucoup de questions lors de l’intégration à l’UE. Quel impact de l’élaboration des normes communautaires sur l’administration suédoise ? L’essentiel des compétences techniques de l’Administration étant regroupés au sein des autorités administratives de l’Etat, ce sont les fonctionnaires qui vont participer aux réunions à Bruxelles. Les ministres d’autorité politique risquaient de se retrouver couper des décisions. La responsabilité des ministres devant le Parlement pouvait être vidée de son contenu. La Suède a décidé de conserver son système traditionnel.
La Constitution a été révisée pour rappeler que les autorités administratives de l’Etat sont placées sous l’autorité du gouvernement et qu’elles doivent exécuter les politiques qu’il détermine.

Un ministre suédois n’a ni pouvoir réglementaire, ni pouvoir d’instruction, ni pouvoir de révision des décisions individuelles prises par les autorités administratives. Ses orientations doivent être portés par le gouvernement.

C’est en raison d’une analyse managériale de l’administration que le système suédois a retenu l’attention dans les années 1970-1980 car avec ce mode d’organisation, beaucoup de fonctions administratives sont confiés à une organisation spécialisée. Actuellement en Suède, il existe environ 400 autorités administratives.

Section III – Les « commissions réglementaires » aux Etats-Unis et au Canada

Le système américain est à l’origine de bien des malentendus. On utilise couramment le terme d’agence. Or le mot agence dans le système américain ne désigne pas un type particulier d’organisation administrative. Ce qu’on appelle agence c’est l’unité de base de l’organisation administrative américaine. Elle est toujours créée par le Congrès comporte des caractères généraux et en particulier le régime juridique des décisions administratives qu’elles soient individuelles ou réglementaires est le même qu’une décision qui émane d’une agence dite indépendante (commission réglementaire) ou d’une agence dans le sens de département du pouvoir exécutif.

Ensuite, il est vrai qu’il y a plusieurs catégories d’agences. On peut en distinguer trois :
– les commissions réglementaires fédérales ou agences indépendantes qui se caractérisent par le fait qu’elles ne sont pas placées sous le contrôle du président et qu’elles ont une direction collégiale. Cette collégialité est renforcée par la coutume de la composition bipartisane de la commission. Les membres ou les commissaires sont nommés par le président pour une durée fixe et le mandat est toujours plus long que celui du président de manière à assure leur indépendance.
– les agences qui constituent les départements du pouvoir exécutif. On est en présence d’une administration ministérielle.
– les agences exécutives indépendantes, qui se sont beaucoup développées depuis 20, 30 ans. Elles sont indépendantes car elles ne sont pas intégrées à un département ministériel mais elles sont quand même placées sous le contrôle du président et d’un secrétaire. Selon les cas, leur indépendance est plus ou moins grande selon le statut de la direction et les conditions dans lesquelles le directeur peut être révoqué.

Il faut relativiser cette classification car il n’y a aucun texte qui la pose. C’est une classification doctrinale. Il y a un régime posé par le Congrès par catégorie. Toute ceci donne quand même l’allure d’un système assez fragmenté et assez dispersé. Certains l’ont qualifié de polycentrisme administratif.

D’où viennent ces commissions réglementaires soustraites à l’autorité exécutive et placées sous le contrôle du Congrès ? Elles ont une histoire qu’on pourrait faire remonter jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. On n’avait pas une idée très claire de ce qui distinguait l’Administration et la Justice. Il n’était pas rare que les Cours de Comté exercent des attributions administratives. L’origine directe de ces commissions, c’est un conflit entre les producteurs de céréales du centre des Etats-Unis et les compagnies de chemin de fer sans lesquelles les producteurs ne pouvaient acheminer leurs récoltes vers les marchés. A la fin du XIXe siècle, les compagnies pratiquaient des prix prédateurs contre lesquels les producteurs ont protesté. Plusieurs lois sont venues limiter les tarifs pratiqués. La Cour Suprême a invalidé ces lois jusqu’à ce qu’en 1877, dans l’arrêt Munn c/ Illinois, la propriété revêt un intérêt public quand elle est utilisé de telle sorte qu’elle présente un intérêt public et qu’elle affecte la communauté dans son ensemble. Dans ce cas, lorsqu’un propriétaire loue l’objet de sa propriété à un usage qui présente un intérêt public, il est considéré comme ayant accordé un intérêt au public à son usage et doit subir un contrôle de la part de ce dernier au nom du bien commun. Elle reconnaît ainsi la constitutionnalité de la réglementation des tarifs. Elle a rendu un autre arrêt Wabash de 1886 : sur la base de la Constitution (le Congrès a le pouvoir de réglementer le commerce entre les Etats), elle juge que les Etats fédérés sont incompétents pour légiférer sur des compagnies de chemin de fer traversant les Etats. C’est de la compétence fédérale. Ces deux arrêts marquent la naissance de l’interventionnisme économique aux Etats-Unis. Cela a donné naissance à la première commission réglementaire : l’Interstate Commerce Commission inspiré de la British Railway Commission.
L’origine de cette commission réglementaire appelle une remarque. Lorsqu’on la crée en 1887, on n’a pas l’idée de créer une commission indépendante du président des Etats-Unis. Seulement, deux années plus tard est élu le président Harrison. Or celui-ci était très lié aux compagnies de chemin de fer et une loi a été votée consacrant l’indépendance de cette commission.

La première technique du modèle a été la création du Federal Trade Commission pour la législation anti-trust. Par la suite, en 1920, on a créé la commission fédérale pour l’énergie puis celle pour les communications en 1934 etc.

Parallèlement à cette évolution, s’est engagée une autre évolution tendant à réintégrer certains de ces organismes dans l’administration fédérale. On ne peut pas tracer de règles d’ensemble. C’est au cas par cas que les statuts ont été modifiés : Commission fédérale de l’énergie, de l’environnement. On a parfois même supprimé les commissions réglementaires et leurs attributions ont été reprises par un département (Interstate Commerce Commission).

Aujourd’hui, si on veut faire un bilan, on peut dire qu’il subsiste quelques commissions réglementaires indépendantes sous la forme comme on l’a vu précédemment (collège, composition bipartisane, soustraite à l’autorité du président, contrôle du Congrès, mandat fixe).

Les commissions fédérales indépendantes ont été l’objet d’un profond malentendu en ce qui concerne leurs pouvoirs à la suite de l’arrêt de 1935 Hymphrey’s Executors. Un obitur dictum a défini les pouvoirs de l’agence comme étant des pouvoirs de nature quasi-législative, quasi-exécutive, quasi-judiciaire contre le principe de séparation des pouvoirs. Si elles ont bien le pouvoir d’adopter des règlements dans les limites des domaines que le Congrès leur a attribués, c’est dans le respect de la hiérarchie des normes. En outre, les sanctions qu’elles prennent (défaut de licence par exemple) peuvent faire l’objet d’un recours judiciaire.
Néanmoins, cet arrêt a déformé la perception de ces institutions. On s’en est inspiré lors de la création des AAI.
De même, on a associé à ces commissions réglementaires fédérales des administrative judges mais on les retrouve ailleurs, dans d’autres autorités administratives.

On a interprété ce modèle comme étant de nature permettant une administration économique capable d’être indépendante du pouvoir politique et de promouvoir plus facilement la concurrence.


Le modèle américain a été copié au Canada, dans des pays d’Amérique Latine et en particulier dans les années 1930.

Lorsqu’on s’y est référé en Europe pour promouvoir une politique de libéralisation, ce qu’on a oublié c’est que ces commissions n’ont pas été créées pour promouvoir la concurrence. Au contraire, la première appliquait une législation anti-trust. Pour les autres, il s’agissait de réglementer les secteurs dans lequel la concurrence ne pouvait pas fonctionner. C’est seulement dans les années 1980 qu’on a introduit des politiques de libéralisation dans l’idée que, en supprimant cette réglementation, on pourrait promouvoir les concurrences et aboutir à une plus grande efficacité économique (par exemple la déréglementation de l’aviation civile en 1985).