Les droits des indivisaires

LES DROITS DES INDIVISAIRES DANS L’INDIVISION

Le droit de chaque indivisaire sur le bien indivis est original. Les biens indivis appartiennent collectivement à tous, mais chacun n’a pas un droit matérialisé sur chaque part individualisée du bien. Chacun a un droit réel sur la chose ne portant pas sur une quote-part abstraite de cette masse.


On détermine le lot de chacun au partage, le partage a un effet rétroactif. Chaque indivisaire est censé avoir eu un droit de propriété privatif sur son lot dès le début de l’indivision.
Ex : deux biens et deux indivisaires. Chacun a droit à une quote-part abstraite de chacun des biens. Au moment du partage, si les 2 biens sont de même valeur, on leur attribue chacun un bien.
Sur cette quote-part, l’indivisaire a un véritable droit de propriété. Si les biens ne sont pas de même valeur, celui qui a le bien le plus cher doit payer à l’autre la différence. On peut aussi vendre les biens.
Si un droit de propriété est indivis : chaque indivisaire va avoir droit à un abusus, un fructus et usus.


1) l’abusus de l’indivisaire

Le propriétaire indivis a l’abusus donc il a le pouvoir d’aliéner le bien indivis (doit de disposer).

Les conséquences sont spécifiques, on va pouvoir aliéner une quote-part indivis avec le consentement de tous les indivisaires. Si en revanche on décide d’aliéner sa quote-part personnelle, on peut le faire librement.

Plusieurs hypothèses :

Si cet indivisaire veut aliéner sa quote-part dans l’ensemble du bien indivis, cette aliénation a lieu pendant l’indivision, avant le partage. Lors du partage, l’acquéreur de la quote-part va recevoir des biens mis dans le partage, c’est son lot. Il va en connaître alors la composition à ce moment là.

Si l’indivisaire n’est pas très prudent et qu’il aliène sa quote-part sur tel bien indivis déterminé.

Ou bien le partage va attribuer à cet indivisaire le lot où il y a le bien en question. On va faire comme si l’indivisaire qui a vendu était propriétaire du bien dès le départ (effet rétroactif). La vente est valable.

Ou alors le partage n’attribue pas ce bien à l’indivisaire qui est attribué à quelqu’un d’autre. Donc l’acquéreur est réputé avoir été propriétaire du bien il a acquis a non domino. Il n’a aucun droit sur le bien, il peut se retourner contre le vendeur (action en garantie d’éviction article 1626, action en nullité de la vente de la chose d’autrui article 1589, article 1279 al. 1 pour les meubles).
Il y a prescription au bout de 30 ans. L’indivisaire peut céder sa quote-part mais l’issue concrète de l’opération est aléatoire (car ne correspond pas à des biens concrets, ils sont seulement connus le jour du partage). L’acquéreur doit rendre les biens (vente nulle).


La loi a donné aux coindivisaires un moyen pour empêcher de céder sa quote-part à un tiers étranger à l’indivision. Les coindivisaires peuvent se servir de leur droit légal de préemption, c’est-à-dire acheter la quote-part en priorité s’ils le veulent.
Le coindivisaire vendeur doit notifier son projet de cession à titre onéreux aux autres indivisaires, à peine de nullité de la cession. Pour être en mesure d’exercer leur droit, ils ont un mois pour dire s’ils préemptent par notification aux prix et conditions fixées. Et après ils ont deux mois pour réaliser la vente en ces termes (article 815-14).
L’indivisaire a un abusus sur sa quote-part mais limitée par l’indivision.



2) l’usus et fructus de l’indivisaire



a) l’exercice de l’usus et du fructus

Comment concrètement exercer son usus et son fructus sur une quote-part « idéale » ?

article 815-9 al.1er: « chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ».
La loi prévoit qu’on peut exercer directement le fructus et l’usus sur le bien indivis mais en respectant les droits des autres. Les indivisaires sont tenus de respecter la destination du bien ce qui permet de résoudre les éventuels conflits entre eux.

Pour répartir l’usus du bien, il y a plusieurs méthodes :
– On peut diviser la jouissance du bien selon les périodes. Il faut des règles très précises acceptées par tous pour que cela fonctionne.
– Ou bien, si les conflits ne sont pas résolus, la seule solution reste le partage du bien.

L’article 815-9 a prévu l’hypothèse où les indivisaires n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le partage de l’usus. Dans ce cas là, c’est le président du tribunal qui va fixer l’usus et le fructus. Si l’usage et la jouissance ne sont pas bien répartis c’est-à-dire que si l’un va jusqu’à user et jouir privativement de la chose, on applique la solution de l’article 815-9.


b) l’indemnité d’occupation privative

Lorsqu’un coindivisaire use et jouit privativement de la chose, il doit dédommager les autres coindivisaires, sauf conventions contraires.

Les indemnités particulières sont calculées selon la perte des fruits et des revenus qu’aurait pu produire le bien indivis, par exemple, s’il avait été loué à un tiers. Ils peuvent dire que c’est l’un d’entre eux, qui va l’occuper privativement (il va payer un loyer = indemnité).


Cas de la rupture d’un couple marié : l’indivision post communautaire.

Il se peut qu’un des époux continue d’occuper le domicile après la rupture conjugale. Doit-il payer une indemnité d’occupation privative ?
Normalement oui, parce que l’époux jouit privativement du bien indivis. Mais l’indemnité ne va pas forcément être payée : il se peut que la jouissance exclusive du logement ait été attribuée à l’un des époux par l’autre, au nom du devoir de secours.
Lorsqu’il y a des enfants, les deux parents doivent contribuer à leur éducation. Ceci peut constituer une occupation privative du bien indivis au nom de la contribution pour l’éducation et l’entretien des enfants.
Il y a versement d’une pension alimentaire et la jouissance gratuite, l’époux n’a pas besoin de payer une indemnité.

Dans le cas contraire, l’indemnité est due. Cette appréciation relève des juges. Certains auteurs proposent de poser une présomption d’occupation gratuite qui dispenserait le conjoint de toute indemnité d’occupation (présomption simple).
Cette indemnité d’occupation privative ne joue pas seulement dans l’indivision post communautaire. Elle peut jouer dans toutes les indivisions.


c) les fruits et les revenus procurés par le bien indivis

Ces fruits et ces revenus ne sont pas dans toutes les indivisions. Quand il y a des fruits et des revenus, ils vont apparaître au fur et à mesure de l’indivision. Si rien n’est prévu, ils sont immédiatement absorbés par l’indivision (article 815-10). Ils deviennent automatiquement indivis.

Mais cette règle est supplétive : les indivisaires peuvent décider du partage automatique des fruits et revenus dès qu’ils sont perçus.

L’article 815-11 du Code civil permet à tout indivisaire de demander sa part annuelle dans les bénéfices. Ceci suppose la tenue d’un compte annuel de gestion. Ce compte annuel fait la liste de tous les revenus reçus (bénéfice net). Pour déterminer la part de chacun, on tient compte de la quote-part respective de chacun dans l’indivision. Si la part est inégale, le bénéfice sera fonction de cette part.

Le droit aux revenus de l’indivision se prescrit par cinq ans. Le point de départ est le jour de la perception des revenus. Si un indivisaire s’est approprié les revenus, et que pendant cinq ans les autres n’ont rien réclamé, il peut garder ce qu’il a perçu.
La Cour de cassation étend la prescription quinquennale à l’indemnité d’occupation privative : il faut la réclamer dans un délai de cinq ans.


d) les dépenses faites par un indivisaire sur ses propres deniers

Il peut arriver qu’un indivisaire seul ait effectué des dépenses à ses propres frais, qui porte sur le bien indivis. Distinction :

S’il s’agit d’une amélioration : hypothèse où il y a une plus-value apportée au bien indivis. Les autres indivisaires vont rembourser les dépenses effectuées. Ce remboursement intervient au moment du partage. C’est à ce moment-là qu’est calculée la plus-value. Si la plus-value disparaît, il n’y a pas de remboursement.
Exception : si le bien indivis a été aliéné avant le partage on se place au moment de l’aliénation. Le montant du remboursement est en principe supérieur ou inférieur à la dépense, on prend on compte la plus-value. Cette référence de départ peut-être aménagé par le juge (article 815-13). Le juge doit statuer en équité. Il ne peut pas mettre à la charge des autres indivisaires un remboursement intégral.

S’il s’agit des dépenses nécessaires à la conservation du bien. On rembourse à l’indivisaire la dépense qu’il a faite, le remboursement peut se faire sans attendre le partage : il n’y a pas de plus-value puisqu’il n’y a pas d’amélioration. Mais l’amélioration est possible. Le juge peut modifier la somme si elle est trop lourde.

Si la détérioration est imputable à un indivisaire, celui-ci doit réparer les détériorations et dédommager les indivisaires.
Peu importe que la détérioration soit due ou non à la faute de l’indivisaire, le Code civil vise la faute ou le fait de l’indivisaire.