Les irrégularités sur la formation du mariage : nullité et opposition

Les irrégularités sur la formation du mariage

  • La prévention

Il existe deux manières de prévenir une union que l’on estime entachée de nullité. L’une d’elle est la dénonciation, c’est-à-dire sans formalisme l’officier d’état civil sera seul juge de la suite à donner. On peut aussi faire opposition au mariage.

Il ne faut pas confondre, divorce, nullité et opposition :

– Le divorce permet de dissoudre le mariage de sorte que le divorce n’a d’effet que pour l’avenir.

– La nullité du mariage est plus radicale dans la mesure où l’on considère que le mariage n’a, en principe, jamais existé.

L’opposition au mariage est un acte juridique qui oblige l’officier d’état civil à surseoir au mariage en toute hypothèse.

I) L’opposition au mariage

L’opposition au mariage est donc l’acte par lequel une personne qui connaît l’existence d’un empêchement au mariage qu’il soit prohibitif ou dirimant, le signale à l’officier d’état civil afin d’éviter un mariage irrégulier

A) Les conditions de l’opposition

  • 1) Les conditions de forme

Elle doit être formée par acte d’huissier. Doivent être mentionnés à peine de nullité, la qualité de l’opposant, les motifs invoqués et le texte qui fonde l’opposition. Cet acte doit être signifié aux deux futurs époux et à l’officier d’Etat civil.

L’opposant doit avoir élu domicile dans la commune où le mariage va être célébré. Ceci pour permettre à l’époux dont le mariage est empêché de demander la main levée du tribunal de ce lieu et non pas celui du domicile de l’opposant comme le voudrait le droit commun. (Art 176).

  • 2) Les conditions de fond
  • a) L’opposition des ascendants

Le droit d’opposition appartient d’abord aux pères et mères ou à défaut aux grands parents et ainsi de suite. L’opposition peut être fondée sur un motif quelconque mais à condition qu’il corresponde à l’une des conditions du mariage.

Des motifs d’ordre moral, religieux, familial ou de convenance personnelle ne sont pas suffisants. Les ascendants n’engagent pas leur responsabilité dans l’exercice de ce droit même si le motif invoqué est inexact.

  • b) L’opposition du conjoint ou de certains collatéraux

Il s’agirait du conjoint non divorcé qui peut faire opposition sur le fondement de la bigamie. Ensuite un frère, une sœur, oncle, tante… peuvent former opposition qu’à défaut d’ascendant et seulement pour 2 causes.

– La 1ère est le défaut de consentement du conseil de famille (requis par l’article 559) qui suppose qu’un des époux est mineur sans ascendant.

– La 2ème cause est la démence du futur époux pour cause de maladie, infirmité ou affaiblissement dû à l’âge et que ces causes pourraient susciter une mise sous tutelle.

  • c) L’opposition du tuteur

L’article 575 du code civil prévoit qu’il qui peut faire opposition au mariage dans le même cas que les collatéraux mais à condition d’en avoir été autorisé par le conseil de famille.

  • d) Le ministère public

Il peut faire opposition. C’est un droit jurisprudentiel qui est devenu légal suite à la loi du 24 août 1993.

Article 175-1 du code civil prévoit que le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage c’est à dire seulement dans les cas susceptibles d’entrainer la nullité du mariage. Son droit est donc moins étendu que celui des ascendants puisque pas d’opposition en cas de nullité relative.

Est particulièrement visée l’hypothèse dans laquelle l’intention conjugale fait défaut (article 175-2). Le procureur est tenu dans les 15 jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu’il sera sursis à la célébration dans l’attente de l’enquête à laquelle il fait procéder.

B) Les effets de l’opposition

Une opposition régulière en la forme oblige l’officier d’état civil à surseoir à la célébration jusqu’à ce qu’elle soit levée sinon il encourt une amende.

  • Une opposition régulière est donc un empêchement au mariage et l’officier d’état civil n’est pas juge du motif d’opposition.
  • Une opposition irrégulière est en principe sans valeur mais elle peut inciter l’officier de l’état civil à vérifier le motif avancé. Lorsqu’il y a des doutes sérieux qui laissent penser que le mariage pourrait être fictif, l’officier d’état civil doit saisir le procureur et celui-ci dans les 15 jours doit laisser procéder au mariage, faire opposition à celui-ci et décider qu’il sera sursis à la célébration

C) La disparition l’opposition

  • La main levée de l’opposition

C’est le retrait de l’opposition, elle est indispensable à la célébration du mariage. Elle peut être volontaire si l’opposant consent à se désister soit oralement le jour du mariage soit par le biais d’un acte d’huissier dont l’époux devra produire copie à l’officier.

La main levée peut être judiciaire, action exercée par l’époux qui relève du TGI qui doit statuer dans un délai de 10 jours et le mariage pourra alors être célébré. Si la main levée judiciaire a été prononcée aucune autre opposition ne sera recevable.

  • La péremption de l’opposition

(Article 176-2) Selon cet article l’opposition cesse de produire effet au bout d’un an mais l’opposition peut être renouvelée. Cependant ce délai n’est pas applicable lorsque l’opposition est formulée par le ministère public puisque dans ce cas l’opposition cessera de produire effet seulement sur décision judiciaire.

II) La nullité du mariage

Les nullités du mariage ont une importance pratique limitée mais leur théorie est capitale car elle permet de comprendre la définition du mariage.

La sanction civile des règles relatives à la formation du mariage c’est donc la nullité de l’Union contractée en violation de ces règles.

La nullité se définit comme l’anéantissement rétroactif d’un acte juridique entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond.

  • La nullité relative est une nullité d’intérêt privé que seule peut invoquer la partie protégée et seulement en principe pendant 5 ans.
  • La nullité absolue est une nullité qui sanctionne la violation d’une règle d’intérêt général d’une absence d’un élément essentiel à un acte, elle peut être demandée par tout intéressé pendant un délai de 30 ans.

La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a maintenu ce délai de 30 ans alors que le délai de droit commun est désormais de 5 ans.

La nullité absolue du mariage diffère donc profondément du droit commun des nullités car elle est à l’évidence plus grave que la nullité d’un contrat.

La « théorie des nullités » trouve son origine dans le droit canonique qui s’il n’admet pas le divorce admet la nullité du mariage. Il ne faut pas confondre « nullité » et « divorce », la nullité sanctionne le non-respect au moment du mariage d’une condition exigée par la loi. Le divorce résulte de faits postérieurs à la cérémonie du mariage.

De plus, lorsque le mariage est annulé il est censé ne jamais avoir existé alors que le divorce ne dissout le mariage que pour l’avenir.

  • A) Les causes de nullité

L’esprit général de la matière est celui d’une faveur pour la validité du mariage ce qui est la suite logique de la liberté matrimoniale. Les nullités sont donc de droit strict cela se traduit dans 2 règles générales : pas de nullité sans texte et ensuite on distingue les empêchements prohibitifs et les empêchements dirimants.

Les empêchements prohibitifs ne sont pas suffisamment graves pour faire obstacle à la validité du mariage, ce ne sont pas des causes d’annulation du mariage ce sont des irrégularités qui n’affectent pas les conditions essentielles du mariage. C’est le cas du défaut de publication des bans.

Les empêchements dirimants touchent eux le mariage dans ses éléments essentiels et sont donc causes d’annulation du mariage.

  • 1) Les nullités relatives

Elles sont destinées à protéger une des parties au mariage et sont de deux ordres.

  • L’action fondée sur le vice du consentement d’un époux

Cette action en nullité relative est une action attitrée qui ne peut être exercée que par les personnes que la loi énumère elle appartient donc seulement à l’époux dont le consentement a été vicié.

C’est une action strictement personnelle ce qui signifie que si le titulaire de l’action décède ses héritiers ne pourront continuer son action que s’il l’avait lui-même engagée avant son décès.

L’action en nullité se prescrit pour 5 ans à compter du mariage (art 181) la loi présume ainsi que la loi dont le consentement était initialement viciée a accepté la situation et qu’il a confirmé la volonté de se marier.

  • L’action fondée sur le défaut des consentements nécessaires au mariage d’un incapable

L’action appartient à l’incapable mais aussi aux personnes dont le consentement était nécessaire. L’action en nullité se prescrivait par un an mais ce délai a été rallongé à 5 ans. Le point de départ de la prescription varie en fonction de la qualité de la personne qui exerce l’action. Si c’est un incapable mineur, le délai court à partir du jour où il a acquis sa capacité c’est-à-dire sa majorité.

Si c’est un incapable majeur le délai court à partir du jour où il a recouvert sa capacité par main levée de la tutelle ou de la curatelle. Pour les personnes dont le consentement était requis le délai court à partir du jour où elles ont eu connaissance du mariage.

L’article 183 prévoit que ceux qui devaient donner leur autorisation au mariage peuvent confirmer celui-ci et ainsi faire échec à une action en nullité. La confirmation peut se faire par écrit que ce soit par acte authentique ou par acte sous seing privé. Le plus souvent cette confirmation est tacite et va résulter de leur attitude. La confirmation donnée par un seul ascendant s’impose à tous et paralyse l’action en nullité.

  • 2) Les nullités absolues

Il y a 6 causes de nullité absolue énoncées aux articles 184 et 190-1 du Code Civil : L’impuberté, la bigamie et l’inceste, le défaut de consentement, la clandestinité et l’incompétence de l’officier d’état civil

  • Les causes
  • Le défaut de consentement

Il est visé par l’article 146 du code civil : « il n’y a pas de mariage quand il n’y a pas de consentement ».

Il ne faut pas le confondre avec le « vice du consentement ». C’est le cas du mariage contracté par un malade incapable d’exprimer son consentement lors de la cérémonie. La jurisprudence a rejeté la thèse doctrinale selon laquelle le défaut absolu du consentement rend le mariage inexistant.

  • La clandestinité

Un mariage clandestin ne signifie pas un mariage secret. Pour qu’il y ait clandestinité il faut qu’ait été spécialement recherchée l’absence de publicité de la célébration. Il faut donc la convention d’un vice de forme constitué par le défaut de publicité et de l’élément intentionnel c’est-à-dire la volonté des époux d’éviter cette publicité dans le but d’empêcher les tiers de connaître leur mariage et c’est le juge qui va en apprécier les circonstances.

  • L’incompétence de l’officier de l’Etat civil

Elle est laissé à l’appréciation des juges (nullité facultative) les époux peuvent en effet avoir ignoré l’incompétence de l’officier. L’incompétence de l’officier de l’état civil est un vice important qui affecte le mariage de nullité absolue.

Ex : Affaire des mariés de Montrouge (1884) des centaines de mariages célébrés à la mairie par un officier d’état civil qui s’est révélé incompétent parce que la délégation du maire était irrégulière. Les juges ont été bienveillants et n’ont pas annulé tous ces mariages.

  • Le régime des nullités absolues
  • Les titulaires de l’action

Certaines personnes peuvent intenter cette action en vertu d’un seul intérêt moral sans même avoir à en justifier car la loi présume l’existence de cet intérêt. Tout d’abord les époux, le premier conjoint de l’un des époux mais uniquement s’il évoque la bigamie, les père et mère ainsi que les ascendants et enfin le conseil de famille que l’article 186 désigne sous le nom de famille qui ne peut agir qu’à défaut d’ascendant et seulement pendant la minorité de l’époux.

Certaines personnes peuvent agir en justifiant d’un intérêt pécuniaire. La notion de l’intérêt moral est large et le législateur a redouté la malveillance de certains membres de la famille qui feraient état de ce seul intérêt. Ces personnes sont les collatéraux, enfants nés d’un précédent mariage, créanciers de l’un des époux ou même un tiers.

Le ministère public justifie son action parce que les causes de nullité absolue intéressent l’ordre public. Il ne peut agir que du vivant des époux car l’intérêt qui motive son intervention est de faire cesser une union scandaleuse pour la morale publique et « de faire condamner les époux à se séparer » art 190.

  • Les obstacles à l’action

Les nullités absolues ne peuvent être couvertes par une ratification ou une confirmation et se prescrivent par 30 ans. Cependant dans l’intérêt de la stabilité des mariages la loi admet un certain nombre de faits confirmatifs ayant pour conséquence la régularisation des mariages nuls.

Article 185 « une action en nullité fondée sur l’impuberté de la femme ne peut plus être intentée à partir du moment où la femme est enceinte. »

Article 196, « même si l’acte de mariage comporte une grave irrégularité de forme les époux ne peuvent invoquer sa nullité s’ils ont eu la possession d’état d’époux c’est-à-dire si depuis la célébration ils vivent comme mari et femme et qu’ils ont été considérés comme tel par leur entourage.

  • B) Les effets de l’annulation du mariage

En principe l’annulation du mariage a un effet rétroactif, il n’est censé ne jamais avoir existé.

  • Le principe, effet rétroactif

On considère que les effets personnels et patrimoniaux sont rétroactivement anéantis. Le mariage a existé en fait mais pas en droit. L’homme et la femme sont donc censés avoir vécu en concubinage.

  • Les tempéraments au principe

La rétroactivité est écartée de plein droit à l’égard des enfants. Le « mariage putatif » temporise les effets de la rétroactivité entre époux, c’est un principe imaginé par le droit canonique et qui figure dans l’article 201 du Code civil.

Art 202 du Code civil : cet article a vocation à protéger les enfants de l’annulation du mariage.

Le mariage putatif est un mariage nul mais que l’on traite comme s’il était valable parce que la cause de la nullité est ignorée par un ou par les deux époux. L’annulation du mariage n’entraine qu’une dissolution pour l’avenir et l’existence du mariage est juridiquement reconnue, tout mariage nul peut être putatif.

Le bénéfice du mariage putatif ne peut être accordé que sur décision judiciaire. Le mariage cessera de produire effet à compter du jugement devenu définitif mais tous les effets qui se sont produits avant le jugement sont maintenus. Si les deux époux sont de bonne foi les effets produits par le mariage seront conservés pour chacun d’eux si un seul des époux est de bonne foi ces effets seront conservés à son seul profit.