Les juges de l’administration en droit comparé

Les juges de l’administration dans les différents pays européens

Il y a une extraordinaire diversité qui prend racine dans l’histoire de chaque Etat et de ses institutions qui véhiculent des représentations des valeurs de ce qu’est l’Etat etc.

On présente souvent les différents systèmes en opposant système dualiste et système moniste. Les systèmes monistes sont ceux où il y a un seul juge pour les litiges privés et administratifs.

Cette opposition n’est pas pertinente et est assez simpliste. A l’observation, le dualisme est la règle. Ce qui chance c’est la façon dont il se traduit dans les institutions et dans les procédures.

Le dualisme repose sur le fait que quelque soit le système qui s’est développé, les autorités administratives ne sont jamais tout à fait des justiciables comme les autres. L’assimilation, même si elle est proclamée, se trouve contredite par le droit applicable.

Le dualisme est la règle mais il ne faut pas perdre de vue que dans tous les pays, les juges ne traitent qu’une partie du contentieux de l’administration : modes alternatifs de règlement des conflits. Les garanties procédurales ont été régulièrement renforcées.

Le dualisme peut se traduire dans des ordres juridiques distincts. Dans d’autre pays, le dualisme peut apparaître dans les voies de recours, les procédures et le droit applicable au fond.

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Histoire des juridictions administratives au Royaume-Uni


Concernant l’organisation juridictionnelle, on oppose souvent la France et le Royaume-Uni. On oublie que le Royaume-Uni a été caractérisé dans un passé récent par une forme originale de dualisme résultant du développement de l’equity qui a donné naissance à une juridiction distincte, la chancelor Court, qui n’a pris fin qu’avec la réforme de 1895.

A partir du XVe siècle, crise du droit, les cours de common law sont contestés. On en appelle au roi qui est à cette époque la source de toute justice. Le roi, par le biais du chancelier, de acceptant ses plaintes, commence à développer un système de justice distinct : système de l’equity fondé sur des principes généraux et non plus sur la règle du précédent. A partir du XVIè siècle, dualisme de plus en plus prononcé.

Cela a fonctionné jusqu’en 1975 où fusion en cours uniques. A ce moment, on a intégré dans la Haute Cour, la Cour du Chancelier. Au sein de cette juridiction unique, les juges pouvaient utiliser l’equity ou la common law en fonction des circonstances. Cependant la réforme prévoyait de supprimer la Chambre des Lords. Seulement, avant qu’on ait pu mettre en œuvre cette suppression, les conservateurs sont revenus et l’ont maintenu. Il y avait donc deux degrés d’appel : Chambre des Lords ou Cour d’appel. Le président de la Chambre des lords était : président de la plus haute Cour, président de la Commission d’appel de la chambre des lords et garde des sceaux

La réforme de 2005 a supprimé ce système et a transformé la Commission d’appel de la chambre des lords en Cour Suprême.

=> Le dualisme juridictionnel a existé pendant longtemps au Royaume-Uni.

Les juridictions administratives en France, Belgique, Espagne


Néanmoins, ce système a eu une influence considérable au XIXe siècle dans la mesure où il était le seul pays où on pouvait soumettre l’administration à un juge. Le Conseil d’Etat en France était inclus dans un système de justice retenue. Il a inspiré la Belgique, l’Italie (1865 : système où le juge ordinaire est aussi le juge de l’administration), l’Espagne (évolution entre système juridictionnel attaché à l’administration (Conseil d’Etat français) ou détaché (depuis 1904, juridiction ordinaire : chambres spécialisés -> dualisme au sein de la juridiction ordinaire) ; article 117§5 proclame ce principe). La spécialisation de la juridiction ordinaire a inspiré plusieurs pays.

Les juridictions administratives au Pays-Bas, Ukraine, République Tchèque

On a intégré différents tribunaux administratifs spéciaux au sein des tribunaux d’arrondissement au Pays-Bas (équivalent TGI). En leur sein, on trouve des chambres administratives. En appel, les recours sont adressés au Conseil d’Etat qui lui est une juridiction administrative. Il y a des exceptions car il y a deux juridictions administratives spéciales compétentes sur le plan nationale (affaires sociales et affaires économiques). Ce sont des juridictions d’appel (au premier niveau : Tribunaux d’arrondissement). Ce système a été repris dans des pays de l’est comme la République Tchèque (Cour administrative suprême) ou l’Ukraine.

Les juridictions administratives en Italie



A la suite de l’unification de l’Italie, la loi de 1865 avait aboli les tribunaux spéciaux investis de la juridiction administrative. Il y avait un Conseil d’Etat en Piémont-Sardaigne qui exerçait la justice selon les modalités de la justice retenue. En 1865, au contraire, on affirme al compétence de principe pour protéger les droits civils et politiques comme pour apprécier les actes administratifs. En 1889, le conseil d’Etat est compétent si intérêt légitime. Il devient alors un juge à part entière. La juridiction administrative a été consolidée par la Constitution de 1947 qui a prévu l’institution des tribunaux administratifs régionaux qui constitue le 1er degré de la juridiction administrative.

Les juridictions administratives en Belgique


La Belgique a connu une évolution assez semblable. Compétence de principe pour les litiges relatifs aux droits quelles que soient les personnes en cause et les contestations relatives aux droits politiques ne pouvaient leur être soustraites que par la loi. Les tribunaux pouvaient également apprécier la légalité des arrêtés et règlements régionaux, provinciaux et locaux.
Le Conseil d’Etat a été créé par la loi de 1946 et n’a été consacré que lors de la révision constitutionnelle de 1993. En outre, cette révision autorise la création d’autres juridictions administratives par la loi.
Pourquoi changement d’orientation ? Au début du XXe siècle, il y a eu quelques affaires qui ont fait scandale car la compétence du juge judicaire a abouti à un certain déni de justice. En 1920, la Cour de cassation a fait preuve d’audace en redonnant vigueur au partisan de l’unité de juridiction ce qui a permis d’enterrer les projets élaborés. En 1946, on créée un Conseil d’Etat, conseil du gouvernement et du Parlement, et juridiction administrative à compétence générale chargée du contrôle de la légalité des actes administratifs. C’est bien l’insuffisance du contrôle du juge ordinaire qui existe qu’on en soit venu à créer un Conseil d’Etat.


Les juridictions administratives actuelles en Royaume-Uni
L’insuffisance du contrôle avait aussi déterminé la création de nombreuses juridictions administratives spéciales. On retrouve ce phénomène à grande échelle au Royaume-Uni. Jusqu’à la loi de 2007, il existait environ 80 administrative tribunals. Ils étaient devenus la colonne vertébrale de la justice administrative. A mesure qu’on créait des lois nouvelles, on créait une instance auprès des ministères chargée d’examiner les recours des différends. Avec le temps, ils ont pris beaucoup d’importance puisqu’ils traitaient un million d’affaires par an. Ils sont particulièrement nombreux dans le domaine fiscal, social, sanitaire ou éducatif. Ils sont d’importance très inégales : une vingtaine seulement produisant plus de 500 décisions par an.
Ils se sont beaucoup développés après la Seconde Guerre Mondiale quand s’est développée la législation économique et la législation sociale.
Pourquoi ? « Parce que nous ne voulons pas que les juges vident de son contenu la législation sociale » (peur du conservatisme)
En 1958 est adoptée une nouvelle loi, qui faisant le bilan de leurs activités, décide de les soumettre en toute hypothèse au contrôle des cours de common law.
A partir de là, il y a eu une certaine judiciarisation de leur activité même si leurs membres n’ont jamais été des magistrats statutairement.
Un rapport de 2001 est à l’origine de la réforme de 2007 qui a eu pour objet de regrouper les tribunals en un seul système de justice administrative organisé à deux degrés mais sans écarter cependant le contrôle en dernier ressort des cours de common law. La loi regroupe tous les tribunals avec deux degrés de juridictions : tribunal et upper tribunal (second degré de juridiction). Cette organisation maintient en son sein une spécialisation fonctionnelle (asile, santé etc.). Les membres de ce tribunal deviennent maintenant des juges dotés des garanties d’indépendance alors que jusqu’alors c’étaient des fonctionnaires. La loi prévoit que le Garde des sceaux peut décider de transférer au upper tribunal certains recours du judicial review qui est la procédure de contrôle juridictionnel des tribunaux de common law sur les actes administratifs.

Dans le système anglais, à l’intérieur des cours du common law, une spécialisation s’est insinuée. C’est la conséquence de la réforme de 1978 et de 1981. Jusqu’alors existaient déjà des recours au juge contre des actes de l’administration. Ces voies de recours ont été élaborées au Moyen-Age pour des recours contre des décisions de justice mais pendant plusieurs siècles, on ne faisait pas très bien la distinction entre décision administrative et décision de justice. Habeas Corpus womenies ???

Tout le contentieux juridictionnel suivait ces voies de recours. En 1976, un rapport recommande d’unifier ces procédures, les délais de recours et les conditions de recevabilité. C’est ce qui est fait avec la réforme du règlement de la Cour Suprême en 1978 puis en 1981. Désormais, il n’y a plus qu’un seul recours qui permet de doubler la judicial review. Elle peut aboutir à une annulation, à une injonction ou à une interdiction selon la nature de la demande. En même temps, on a unifié la procédure de présentation des recours et les délais dans lesquels ils sont admis.
On a ainsi fait une distinction entre les womenies et les droits processuels ordinaires. Lorsque la Chambre des Lords a été saisi d’un litige demandant à juger si on pouvait utiliser alternativement les voies de recours judicial review ou les voies de recours ordinaire au nom de l’unité de juridiction, elle a décidé que quand on était en présence d’un recours de droit public, on devait respecter la procédure du judicial review et par conséquent, les demandes

O Reilly v/ Mackman : hors délai -> voies de recours ordinaire (auparavant, c’était permis). Chambre des Lords : non sous peine de vider de son contenu la réforme. (« l’arrêt Blanco du droit anglais »)

Crown officies sur laquelle sont inscrits les juges spécialisés en matière administrative ce qui signifie que pour les affaires mettant en cause l’administration, on doit nécessairement former cette formation de jugement spécialisée en matière administrative. C’était une manière d’introduire une spécialisation au sein de la High Court et de la Cour d’Appel. La réforme a si bien pris que l’on parle de l’Administrative Court pour désigner un type de formation de jugement.

Dans une affaire Batafin de 1996, était en question un litige relatif à la libéralisation du marché financier. On laissait les professionnels organisaient eux-mêmes la discipline professionnel. Pb : organisme professionnel décide d’empêcher une concentration. High Court a décidé de juger ce recours selon la procédure du judicial review. C’était très étonnant car cet organisme ne tenait aucun pouvoir de la loi. La loi avait juste laissé le champ libre aux autorités professionnelles. Car mêmes effets sur les droits du demandeur qu’une décision administrative -> extension du domaine du droit administratif par contraste avec la vision intuitive des effets des politiques de privatisation

Avant, ultra vires
Avec cet arrêt, ce n’est plus le fait qu’une autorité ait agi ultra vires puisque la loi ne donnait rien. Il se base sur les effets.


Aujourd’hui, retour de règlement extérieur des contentieux :
– voies alternatives : conciliation, transaction ou arbitrage
– pour alléger la charge des tribunaux, on a cherché à redonner vie aux procédures de recours administratifs préalables ce que le CE a valorisé dans son rapport de 2009