Les limites à liberté de communication

LES LIMITES DE LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION

Peut-on la limiter ? Les débats du 18ème siècle ont prouvé que des courants de pensées estimaient que la liberté d’expression devait être illimitée. A cela s’oppose un autre courant qui voulait la limiter.

Les démocraties libérales restreignent les limitations à ce qui est nécessaire.

Le congrès ne peut pas restreindre la liberté d’expression ou de la Presse aux USA.

Depuis 1964, La Cour suprême des USA n’admet aucune restriction dès qu’un Intérêt Général est en cause, ou des que la liberté s’exerce à l’encontre de personnes exerçant un mandat public.

Aux USA tu peux tenir un discours haineux, xénophobes dès lors que tu es sous la protection offerte par le 1er amendement de la Constitution et que donc tu fais cela dans le cadre de l’Intérêt Général.

En Europe, la liberté d’expression est un principe constitutionnel sauf à répondre des abus : Le législateur est appelé à déterminer quels sont les abus. Ce qui est différent du congrès.

La position de la France est mise en œuvre par la loi de 1881 qui met en place un régime répressif, à posteriori, avec un régime de responsabilité en cascade : Est responsable à titre principal le directeur de la publication ou de la chaîne, le journaliste ou l’auteur des propos étant sanctionné comme complice.

La Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme tend sur ce point à interpréter l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales qui est conçu sur le même modèle en plus précis que l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (Il prévoie la liberté de communication et ses restrictions) sur le modèle Américain :

Lorsqu’un Intérêt Général ou un intérêt public est en cause, il n’est pratiquement pas possible de restreindre la liberté des médias et particulièrement celle des journalistes.

23/09/1994, JERSILD c/ DANEMARK : Un animateur de communication audiovisuelle, qualifié de journaliste avait animé une émission consacrée à un groupe marginal et extrémiste Danois qui se caractérisait par le fait de professer des idéologies racistes primaires. L’animateur avait interrogé les mecs après les avoir fait boire, puis avait sélectionné les propos les plus choquants pour les diffuser.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a dit que le mec avait seulement traité un fait de société donc le Danemark n’avait pas à le sanctionner.

I- La protection des individus

On peut limiter la liberté d’expression pour sauvegarder la vie privée mais encore pour assurer la protection de « l’honneur ».

Il convient de distinguer l’injure et la diffamation.

L’injure :

Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme pas l’imputation d’un fait précis.

Elle est toujours punissable, mais la sanction peut être atténuée lorsqu’on peut faire valoir l’excuse de provocation.

Elle ne se réfère à aucun fait précis.

La Diffamation :

Allégation ou imputation d’un fait déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne déterminée.

On invoque quelque chose de précis en l’imputant à une personne ou à plusieurs.

On sanctionnait ces deux infractions pour éviter des dégénérescences qui pourraient troubler l’ordre social : Elles étaient punies indépendamment de toutes les preuves qu’aurait pu apporter les personnes injuriant ou diffamant.

Ce n’est que tardivement que le législateur a admis l’apport de la preuve de la véracité des faits : C’est après la seconde guerre mondiale qu’on a permis d’apporter la véracité des faits sur lesquels on se fonde pour accuser ou injurier.

Mais on ne peut faire la preuve que dans les 10 jours suivant la diffamation, de façon totale et à condition que les faits ne soient pas vieux de plus de 10 ans, ne touchent pas à la vie de la personne et ne touchent pas non plus des faits prescrits.

Pour la Jurisprudence il est toujours possible d’admettre la bonne fois de l’auteur de la diffamation : Des personnes invoquent dans la presse le passé trouble des politiques, notamment pendant la deuxième guerre mondiale ou pendant la guerre d’Algérie.

Donc on va mater si c’est pour attirer le public ou pour réellement informer.

On peut intenter une action devant la juridiction répressive mais aussi user du droit de réponse.

Protection des individus : Il convient de distinguer selon que ce droit s’exerce dans la presse écrite ou à la télé.

Droit de réponse dans la presse :

Lorsque l’individu est mis en cause par une publication alors c’est plus facile : Dès que la personne est mise en cause, que cette mise en cause corresponde à une injure ou à une diffamation, voir même si elle est élogieuse (« non en vrai je suis un connard, retirez les éloges du journal… ») : Alors réponse publiée dans la même rubrique, les mêmes caractères, faire au moins 50 lignes et au plus 200 lignes.

La Cour de Cassation a restreint cette possibilité d’user du droit de réponse, au moins s’agissant des partis politiques : Jurisprudence de la chambre civile et de la chambre criminelle concernant le droit de réponse du FN.

Cour de Cassation, Chambre civ. 2ème, 24/06/1998 : FN mis en cause en 1995 dans le Monde à propos d’un crime commis à côté de la manif du 1er Mai. Des Skins avaient balancé à la Seine un jeune Marocain qui s’était noyé. Le Président du FN avait voulu utiliser son droit de réponse aux accusations du Monde en disant qu’il n’avait rien à voir avec le crime, que le parti était ni de droite ni de gauche.

La Chambre civile a dit que la réponse n’avait rien à voir avec l’article : En gros, il aurait dû se contenter de nier le rapport avec les skins sans développer sa position dans la vie politique française.

Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 16/06/1998 : Le FN avait fait savoir qu’il n’accepterait plus d’être qualifié dans la presse de parti d’extrême droite et qu’il userait de son droit de réponse à chaque fois qu’on le dénommerait ainsi. La Chambre Criminelle refuse de publier la réponse du FN à un journal en estimant qu’il n’y avait pas de rapport effectif entre le sujet de l’article et la réponse. Le droit de réponse n’est pas le droit d’accéder à une Tribune Libre.

Le législateur en 1881 pensait que ce droit permettait un accès direct aux journaux pour répondre : Donc c’était l’accès à une Tribune Libre en quelque sorte…cela est contraire à la Jurisprudence de la chambre civile et criminelle mais bon ce qu’il faut retenir c’est qu’on ne permet pas les abus ou les excès de ce droit.

Dans le domaine audiovisuel :

On ne peut utiliser le droit de réponse que si la mise en cause correspondait à des imputations portant atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne.

C’est-à-dire que le champ d’application est beaucoup plus restreint qu’en matière de presse écrite.

Les délais ne sont pas les mêmes, ils sont plus brefs. On ne peut pas intervenir directement sur les ondes, réponse de 30 lignes maximum lue par le présentateur.

La mise en cause par les organes de communication audiovisuelle est beaucoup plus gênante que par celle de la presse. Donc on doit pouvoir intervenir plus rapidement.

II- La protection de la société

Cette protection est assurée de façon plus diffuse et plus épisodique.

Donc en gros on va en voir que quelques aspects.

Délits de presse, mentionnés dans la loi de 1881 :

– Délit d’offense au chef de l’état.

– Délit de diffamation envers les corps constitués

– Délit d’apologie et de provocation

— Seulement à certains crimes et délits mentionnés dans la Loi de 1881.

– Délit de diffusion de fausses nouvelles

— Ce qui est sanctionnable c’est la diffusion de fausses nouvelles que l’on sait fausse et que l’on diffuse dans le seul but de troubler l’Ordre Public.

Comment est assuré la protection de la jeunesse, la lutte contre le racisme et la protection de sentiments communs ?

A- Protection de la jeunesse

Des enfants, des adolescents bref des mineurs.

Dispositions spécifiques et éparses : Régime des publications destinées à la jeunesse, des publications destinées aux adultes mais pouvant troubler la jeunesse. Mission de protection du CSA…

Donc les films pornos ne sont diffusés que sur des chaînes payantes et en cryptés.

Le CSA a estimé le 10/02/2004 que les radios ne peuvent diffuser de contenus violents et pornos avant 22h30.

Moins le moyen d’expression est dangereux, plus la protection est efficace. A contrario plus le moyen est dangereux, moins la protection est efficace.

Mineurs bien protégés lors des procès, idem contre tous ce qui pourrait froisser leur conscience et leur sentiment.

Contre les abus de la presse.

Pour le Cinéma, classification pour les protéger.

Le contrôle est moins sévère concernant la radio.

Pour Internet c’est plus dur…

S’agit-il de protéger un ordre moral ?

Il semble que cela ne correspond pas à la réalité juridique : La protection de la morale supposerait que l’on ait une morale établie ce qui n’est plus guère le cas. Ce que l’on protège ce n’est pas une morale, mais plutôt la liberté des mineurs.

Une liberté au sujet de laquelle les sociétés contemporaines ont beaucoup évolué. On considérait jadis que les parents étaient libres pour leurs chiards et décidaient pour eux.

Aujourd’hui on a tendance à considérer que les enfants et adolescents disposent d’une liberté dont ils disposeront pleinement à leur majorité.

Les institutions étatiques doivent faire respecter cette liberté.

Cela justifie le régime scolaire : L’obligation qui pèse sur les enseignants est de respecter la morale mais surtout la vérité en faisant en sorte que les élèves ne soient confrontés qu’à des problèmes auxquels ils peuvent se faire une libre opinion.

Or précisément le reproche qui est fait aux médias c’est de confronter des enfants et des adolescents à des problèmes d’adultes, de façon violente et émotive, sans que les spectateurs mineurs ne puissent se faire une opinion. On les agresse par des programmes, propos, images fassent auxquels ils ne peuvent réagir de façon personnelle.

B- Lutte contre le « racisme »

Au terme de l’article 24 de la loi sur la Presse est sanctionnable l’incitation à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personne en raison de leur appartenance à une race, ethnie, religion etc…

Cette incrimination suppose que l’auteur des propos vise une personne déterminé ou déterminable. Donc les propos trop flous ne sont pas sanctionnables.

Le Tribunal Correctionnel de Paris, en Octobre 2002, a relaxé un écrivain qui exprimait une opinion très négative sur la religion islamique mais envisagée au sens général et en ne visant personne de particulier.

Idem l’article 24 vise le négationnisme (ou délit de révisionnisme) : Remettre en cause l’existence du génocide pratiqué par les Nazis durant la seconde guerre mondiale.

Est punissable le fait de contester les crimes contre L’Humanité reconnus par les juridictions nationales et internationales.

Idem est punissable le fait de minorer le nombre de morts.

Mais n’est-il pas dangereux d’imposer une vérité historique ? Ne vaut-il pas mieux laisser les historiens la rappeler périodiquement ?

De même caractère isolé de ce délit qui n’est sanctionnables que lorsque l’on conteste les crimes contre les nazis, en revanche on peut toujours ne pas admettre les crimes commis par les soviétiques et Staline puisque cela n’a pas été reconnu par les tribunaux internationaux.

La Cour de Cassation française a restreint la portée de l’article 24 :

Chambre Criminelle, 17/06/1997 : Ce qui est sanctionnables c’est la minoration abusive du nombre de personnes, commises de mauvaise foi : On ne peut sanctionner que la négation d’un crime ou sa très forte diminution commise de mauvaise Foi.

Donc cela ne paralyse pas la recherche et ce n’est pas une limitation abusive de la liberté d’expression.

C- Protection des sentiments

Lorsque des actions sont intentées devant des juridictions civiles, les juges qui ne disposent pas d’un texte précis se réfèrent à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il leur appartient de concilier la liberté d’expression et les droits qui sont protégés.

L’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen fournit une espèce de fondement théorique à l’action des juges civiles, notamment lorsqu’ils sont soumis sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civil.

Les juges utilisent aussi l’article 1382 du Code civil : Si chacun dispose d’une liberté, elle ne peut pas être utilisée pour porter préjudice à autrui.

Les juges civils ont accepté de réparer symboliquement l’atteinte à certains sentiments, à la considération des personnes.

La Jurisprudence apparaît assez disparate et on a parfois l’impression, lorsque les juges statuent que la subjectivité est grande.

Mais il y a une certaine logique : Ils admettent que la liberté puisse s’exercer librement quel que soit le sujet abordé. Mais on ne peut pas abuser de ces libertés pour porter atteinte de manière injustifiée et abusive à certaines catégories de personnes et à leurs sentiments.

Les juges modules les réparations en fonction du type d’atteinte :

Lorsque les personnes offensées ne sont pas tenues d’aller voir le spectacle, le film, d’écouter la publication alors les juges ont admis qu’on devait faire un avertissement avant le film. On doit ainsi avertir du contenu.

Lorsqu’en revanche il s’agit d’un affichage public les juges sont plus sévères surtout lorsque l’affichage n’a rien à voir avec le produit dont il fait la publicité. Les juges prennent donc en compte l’absence de lien entre l’affiche et le produit : C’est la pure provocation qui est condamnée.

Donc modulation en fonction de l’impact sur le receveur et de la manière dont il est plus ou moins protégé.

CONCLUSION SUR LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION :

A certains égards on va vers une approche de plus en plus globale de cette liberté. Les principes inscrits dans la loi de 1881 s’appliquent à d’autres moyens de communication, y compris à Internet.

La Jurisprudence a précisé que les notions de correspondances, de diffamation étaient valables.

La spécificité des médias est le fait de lois distinctes qui ne sont pas forcément adaptées. Mais il n’est pas possible de ne pas prendre en compte cette spécificité.

Sketch du « rabbin nazi » a choqué un nombre important de téléspectateurs : Propos tenus en direct, sur une chaîne public. Cela a valu une mise en garde de la part du CSA. La chaîne s’est vue reprochée non pas les propos mais le fait que l’animateur n’avait pas réagi et qu’il avait pu donner le sentiment d’être d’accord avec les propos.

A la suite, spectacles interdits : Notamment à Lyon, arrêté du maire qui interdit. Action en référé devant la Tribunal Administratif de Lyon : On ne pouvait pas interdire un tel spectacle car pas de troubles suffisant à l’Ordre Public.

Donc contradiction : Pourquoi le CSA juge intolérable les propos, et dans ce cas pourquoi le Tribunal Administratif n’interdit pas le spectacle ?

Mais cela n’est pas contradictoire : Liberté d’expression soumis à un régime répressif et non préventif : Donc on ne peut qu’être sanctionné a posteriori et non à priori.

Un maire ne peut interdire un spectacle que si risque de trouble à l’Ordre Public. Mais s’il y a une sanction elle ne pourra qu’être à posteriori.

Il y a au-delà du droit une approche liée à celle des médias concernés : Plusieurs contentieux montrent que même si les juges ne peuvent distinguer entre les divers types de spectacles, ils le font au moment de la sanction.

Lorsque le public est venu dans une salle pour voir un humoriste, en payant, alors le public est averti et donc on sait qu’on peut aller plus loin. Même chose pour les émissions de radio, les journaux : Le public SAIT ce qu’il va recevoir.

En revanche pour la télé : Il faut une plus grande réserve, le public ne le connaissant pas forcément. Les juridictions sont donc beaucoup plus sévères lorsqu’un humoriste intervient dans le cadre d’une émission à vocation générale. Le public n’est pas forcément préparé à recevoir des propos outranciers.