Les missions du Conseil Constitutionnel

QUELLES SONT LES MISSIONS PRINCIPALES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ?

Le Conseil constitutionnel est une institution juridictionnelle. Il est composé de neuf membres. Il a pour particularité de faire porter ses décisions sur des questions éminemment politiques : qu’il s’agisse de vérifier la conformité de la loi avec la Constitution, notamment en tant que celle-ci protège des droits et des libertés, qu’il s’agisse de vérifier la régularité des opérations électorales nationales (élections présidentielles, élections législatives et sénatoriales, opérations référendaires) ou qu’il s’agisse de vérifier que les conditions qui justifient la mise en œuvre de l’article 16 de la constitution (pouvoirs spéciaux du Président de la République en cas de crise majeure) sont réunies ou encore réunies après un laps de temps d’un mois. On pourrait résumer les fonctions principales du Conseil Constitutionnel :

  1. la fonction d’unification de l’ordre juridique
  2. la fonction de protection des droits fondamentaux
  3. la fonction d’arbitrage entre les pouvoir publics constitutionnels au son de l’Etat.
  4. les conflits de compétence entre l’Etat central et ses composantes.
  5. la fonction de contentieux relatif aux infractions à la constitution.

Paragraphe 1 : la fonction d’unification de l’ordre juridique

C’est une section unification de l’ordre juridique. Au cœur du contentieux constitutionnel, il y a la conception normativiste du droit selon laquelle les normes juridiques forment un ensemble cohérent et hiérarchisé selon une construction du droit par étape et degré successif tendant à l’unité de l’ordre juridique. Cette approche normativiste du droit, on la doit à Kelsen «l’ordre juridique n’est pas un système de normes juridiques placées toutes au même rang mais un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide d’un certain nombre d’étages de normes juridiques. Son unité résulte de la connexion entre éléments qui découle du fait que la validité d’une norme qui est créée conformément à une autre norme repose sur celle-ci. Qu’à son tour, la création de cette dernière a été conçue par d’autre qui constituent à leur tour le fondement de leur validité, cette démarche débouche finalement sur la norme fondamentale« . Pour lui, une norme juridique est validée parce qu’elle est créée par une norme juridique définie immédiatement supérieure.

On a l’idée d’un système cohérent et hiérarchisé au sein duquel la constitution a sa place. Mais la constitution n’est pas parachutée au dessus de l’ordre juridique, elle est une norme qui s’y insère, et qui se situe au sommet. Mais si la constitution est au sommet, elle donne corps, naissance à un ordre constitutionnel, qui va irriguer l’ensemble des branches du droit. On parle constitutionnalisation des branches du droit.

Le droit constitutionnel est une source juridique pour toutes les branches du droit. On est dans un ordre constitutionnel au sein duquel la constitution occupe la place principale, elle devient une préoccupation constante.

Lorsque l’on parle d’unification de l’ordre juridique sous l’emprise du droit constitutionnel, c’est le sujet de la constitutionnalisation des branches du droit qui se pose, c’est à dire, la consolidation des sources des bases constitutionnelles d’une branche de droit ou d’une source juridique.

La constitutionnalisation, aussi effective qu’elle soit, ne saurait occulter le fait qu’il s’agit d’un processus normatif bien souvent postérieur à l’apparition de la matière juridique. Ex : en droit de la fonction publique, il y a eu un droit de la FP avant que les bases constitutionnelles n’apparaissent.

Il s’agit de ne pas, sur le plan chronologique, se tromper de grille d’analyse, la constitutionnalisation reste un phénomène tardif. Conséquences jurisprudentielles pour ce constat puisque le Conseil Constitutionnel lorsqu’il va consacrer des sources constitutionnelles à une matière, un champ juridiques, le ferait de sorte à ce que cette reconnaissance ne remette pas en cause le champ de la matière concernée. Il pourra ériger un certains nombre de principes, valeurs, droits qui devront, dans un second temps, être respectés par les normes de valeur législative. Mais dès lors où la constitutionnalisation est plus tardif que les normes législatives, le Conseil Constitutionnel doit faire attention à ne pas déstructurer toute une branche.

Reprise, par le Conseil Constitutionnel, en matière de contentieux constitutionnel, d’un certain nombre de concepts, notions et techniques qui sont apparus dans d’autres branches du droit.

On parle de civilisation du droit constitutionnel, l’influence du droit civil sur le droit constitutionnel, lorsque le Conseil Constitutionnel utilise des notions de droit privé (responsabilité contractuelle, délictuelle, personne publique, etc.), il est vigilant sur la manière dont la COUR DE CASSATION a pu interpréter telle notion qui est un concept du Conseil Constitutionnel. Il y a des influences qui vont se réaliser, elles ne remettent pas en cause le principe d’autonomie du droit constitutionnel, mais il y a des interactions qui opère dans le cadre de ce schéma qu’est la constitutionnalisation des principales branches du domaine juridique.

Paragraphe 2 : la fonction de protection des droits fondamentaux

On est au cœur des interrogations que peut soulever la justice constitutionnelle. Cela doit être le cœur de sa mission car la justice constitutionnelle doit veiller au respect des valeurs, principes et droits fondamentaux qu’énonce une constitution. C’est parce que la démocratie n’est pas simplement un agencement technique des normes, le respect de procédure purement formelle, que la justice constitutionnelle doit veiller au respect des principes fondamentaux que doit garantir un État de droit.

Kelsen a publié, en 1928 une étude sur la garantie juridictionnelle de la constitution à la revue du droit public. Dans lequel il dit que «c’est lorsque la justice constitutionnelle va commencer à se mêler de la question de valeur, de la question des droits, que va se poser la question de la légitimité de son intervention, que va se poser la question de son pouvoir d’interprétation, que va se poser la question de sa capacité à être lui même un producteur de norme« . Lorsque la justice constitutionnelle intervient sur des sujets tels que « qu’est ce que la démocratie » qu’il peut y avoir une contestation.

Comme le dit Hart, ce sont des principes à texture ouverte, susceptibles de recevoir un certain nombre de significations possibles, ils peuvent potentiellement comporter plusieurs interprétations. Ex : le principe de laïcité autorisé-t-il les subventions à l’enseignement privé ? Autorisé-t-il le port de signes religieux dans les espaces publics et notamment dans les établissements scolaires ?

Si l’on prend le sujets des subventions à l’enseignement libre, une partie de la doctrine considère que le principe de la laïcité est une sorte de liberté religieuse, y compris dans le domaine de l’éducation.

DC 27 novembre 1989 : le port du signe religieux dans un établissement scolaire est possible s’il n’est pas porté de sorte à engendrer une gêne pour les autres.

Loi du 15 mars 2004 qui interdit tout signe par lequel un élève manifeste ostensiblement sa conviction religieuse (croix, kippa, voile). Le législateur a retenu une conception étatique républicaine plutôt que libérale qui considère que l’Etat est laïc et que les écoles doivent garantir la laïcité des bâtiments publics, et doit par conséquence s’appliquer aux usagers des services publics.

La conséquence est que l’on assiste à un déplacement de la prise de décision du texte constitutionnel vers le juge qui, in fine, sera celui qui donne la signification précise de la règle juridique qu’est la norme (ce qui prescrit, commande ou interdit).

Rivero (grand publiciste du XXème) évoquait les mots qui sentent la poudre : «le mot laïcité sent la poudre, mais ce mot rejoint bien d’autres concepts ou notion susceptibles de recevoir bien d’autres significations« . Ex : CE 1995 Morsang-sur-Orge, il y avait deux notions de la dignité humaine, d’une part le nain qui était « fier » d’être balancé pour des motifs financiers parce qu’il l’avait choisi et le Conseil d’Etat qui estimait qu’il était contraire à la dignité humaine d’être balancé, même si c’était pour des motifs financiers.

Aux USA, la Supreme Court a rendu des arrêts qui ont divisé la communauté américaine, en 1973, Roe vs Wade, la cour a admis pour la première, qu’il puisse y avoir une dépénalisation de l’IVG, qui en tant que tel. N’est pas contraire à la constitution américaine car cela relève du droit au respect de la vie privée de la femme qui souhaite prendre cette décision. C’est le juge qui est venu rendre une décision normative en la matière, et non le législateur. Cet arrêt amis en présence deux écoles : d’une part l’école de la thèse de l’originalisme et d’autre celle de la thèse de la constitution. Le premier disait qu’il n’y avait rien dans la constitution pour prendre une telle décision, tandis que les seconds estimaient qu’il fallait interpréter la constitution comme étant un document vivant, à la lumière des conditions de vie actuelle. Les juges se répartissent entre ces deux écoles, les nominations à la cour suprême des USA est un débat politique. Les républicains choisiront des juges de la thèse de l’originalisme alors que les démocrates choisiront ceux de la thèse de la constitution (idem pour le débat sur la peine de mort).

Le JC ne se contente pas d’une interprétation littérale, mécanique, on ne peut pas dire « qu’il n’est que la bouche de la loi » (Montesquieu), de part son interprétation, il met en lumière les sens caches des lois.

Ex : le principe de sauvegarde de la dignité humaine, DC 27 juillet 1994, n’est nul part dans la Constitution, il s’est simplement inspiré de la première phrase du préambule de 1946, disant qu’il faut reconstruire sur des bases nouvelles.

Ex : l’inviolabilité du domicile, dans la constitution de 1958, nul part on ne retrouve cette expression. Il a tiré ce principe de la notion délibérée individuelle qui figure dans la constitution (article 66), en ce qu’elle couvre l’inviolabilité du domicile. C’est une interprétation constructive. DC 29 décembre 1983.

Ex : le principe de la liberté contractuelle, grand principe du droit français, n’apparait pas non plus dans le texte de la constitution. Le Conseil Constitutionnel s’est aventuré à reconnaître une valeur constitutionnelle à ce principe. Il a extrait ce principe de l’article 4 de la DDHC qui définit la liberté comme le pouvoir de faire ce que l’on souhaite tant que l’on ne nuit pas à autrui. On parle de l’interprétation réaliste de la constitution.

S’agissant de ce pouvoir interprétatif/créatif du Conseil Constitutionnel, il ne constitue pas un pouvoir arbitraire. Il ne peut faire tout et n’importe quoi, il est, selon Michel Troper, enserré dans un réseau de contrainte à la fois interne et externe.

Les contraintes internes tiennent au fait que le JC doit pouvoir donner une certaine autorité à ses décisions, ainsi, le juge doit veiller à ce que la motivation, les motifs et le dispositif de la décision emporte la conviction de toutes les personnes destinataires de sa décision (les pouvoir publics, les autres juridictions, les citoyens). Si le juge s’arroge un pouvoir d’interprétation trop important, qu’il va trop loin, sa décision verra son autorité contestée. Le juge, indépendamment de la qualité nécessaire à sa décision, participe d’un mouvement jurisprudentiel d’ensemble, il est donc nécessaire qu’il respecte une certaine forme de dialogue des juges. Ce dialogue doit s’opérer avec les juridictions françaises mais aussi avec la CEDH, la CJUE. C’est un concert à plusieurs voix qui n’est pas théorique, qui ne reste pas au niveau des idées et doctrines hors sol (sans lien avec la pratique judiciaire). La coordination des jurisprudences n’est pas seulement une chose souhaitable mais un impératif juridique, il faut ordonner le pluralisme normatif pour éviter qu’il n’y ait dissonance.

S’agissant des droits fondamentaux, le dialogue sera important avec la CEDH. Il y a eu des cas où des vierge ces jurisprudentielles sont apparues : CEDH 1999 Zielinski, déclare une loi française de validation (qui rend, a posteriori, un texte illégal, légal) d’un acte administratif contraire, inconventionnelle à l’article 6 de la CEDH alors que cette même loi avait été déclarée quelques mois plus tôt, conforme à la constitution française par le Conseil Constitutionnel. C’est une insécurité juridique pour le justiciable. Cet arrêt pointe le risque possible de divergences entre le JC et le JE (juge européen).

Cette coordination des juridictions est d’autant plus importante avec l’entrée en vigueur de la QPC à compter du 1er mars 2010. Cette multiplicité des voies de droits pour protéger les droits et libertés fondamentales soulève une interrogation. Un auteur a évoqué le risque de passage d’un État de droit vers une société contentieuse. Mr Cadiet évoque les abus de la société contentieuse qui revient à tout taxer sur le subjectivisme des prétentions individuelles, sur les garanties multiples en faveur des droits de chacun à quelque chose.

Paragraphe 3 : la fonction d’arbitrage entre les pouvoir publics constitutionnels au sein de l’Etat.

C’est un sujet que met en perspective le droit comparé. C’est le sujet du Juge Constitutionnel comme arbitre des conflits de compétence entre les autorités et organes constitutionnels.

On trouve ce cas dans la constitution espagnole (article 161) où le Tribunal constitutionnel dispose du pouvoir de dernier mot pour statuer sur un conflit de nature constitutionnelle entre deux organes qui contestent la validité de la décision qu’a prise un des deux organes. Dans ce cas, le Tribunal constitutionnel va préciser l’organe compétent pour édicter l’acte et pour invalider ou annuler celui-ci pour vice d’incompétence. Le pouvoir du dernier mot incombe, selon l’article 161 au Tribunal constitutionnel qui va dire aux deux organes lequel des deux est juridiquement habilité à prendre l’acte.

L’article 134 de la constitution italienne attribué la Cour constitutionnelle compétence pour statuer sur des conflits d’attribution entre les pouvoir de l’Etat que sont le président de la République, le gouvernement, le Parlement ou encore l’autorité judiciaire. En revanche, cette procédure de résolution des conflits constitutionnels ne joue que pour des décisions d’ordre excursion ou judiciaire mais contre une loi.

Il n’existe pas en France, de procédure identique à celle visée par les constitutions italienne ou espagnole. Cependant, il ne faut pas penser que s’agissant d’un conflit constitutionnel, seul le Conseil Constitutionnel est habilité à intervenir. D’autres organes le peuvent : le président de la République, qui au terme de l’article 5 de la constitution veille à son respect, il est donc le gardien de la constitution, d’une certaine manière, il y a, à certains égards, un conflit, une concurrence entre le Conseil Constitutionnel et le chef de l’Etat sur la question de la détermination du gardien in fine de la constitution. L’article 16 permet au président de devenir le seul et unique gardien de la Constitution. CDG renforce la place du président comme étant le gardien, il peut y avoir une concurrence, sur certains points entre le président et le Conseil Constitutionnel, qui ne conservent qu’une compétence d’attribution, il ne statue que dans les e pour lesquelles il a reçu une habilitation constitutionnelle explicite et expresse.

Le véritable gardien de la constitution par delà des compétences qui incombent au Conseil Constitutionnel, reste le chef de l’Etat.

Kelsen défend l’idée selon laquelle seule le juge peut être considéré comme étant le véritable gardien de la constitution, il offre la garantie juridictionnelle de protection de la Constitution. Tandis que Schmitt considère que le véritable gardien de la C n’est pas le juge car selon lui, ce qui permet d’identifier le véritable protecteur, c’est la situation d’exception, dans cette situation, celui qui décide est le président de la République.

S’agissant des conflits de compétences, le Conseil Constitutionnel ne dispose pas de compétence pour statuer en tant que tel sur ces conflits de compétence normative, mais dans un cas précis, il y a un tempérament : en matière législative, articles 37 la.2 et 41 qui disposent que le Conseil Constitutionnel avant ou après l’entrée en vigueur de la loi a veillé à la répartition des compétences normatives entre le gouvernement et le parlement.

Le Conseil Constitutionnel statue sur des conflits de normes à normes et non pas de compétences (ex : entre le président de la République et le Premier Ministre).

Ex de conflits constitutionnels entre Mitterrand et Chirac, le premier refusait de signer des ordonnances de privatisation, aux motifs que la constitution lui donnait la possibilité et non pas l’obligation de les signer. DC 2005, l’utilisation de l’indicatif présent dans les textes normatifs avaient valeur impérative !

Selon une convention de la constitution, le monarque britannique est obligé de signer tous les projets de loi adopté par le Parlement britannique, il doit apposer la « sanction royale ».

Ou encore L’obligation faite au monarque de désigner comme premier ministre le chef du politique gagnant aux élections législatives.

Paragraphe 4 : les conflits de compétence entre l’Etat central et ses composantes.

Il faut distinguer les Etats fédéraux (ex : Allemagne, Belgique, Autriche) et les Etats unitaires qu’ils soient régionaux ou sur la base d’une décentralisation à caractère administratif (ex : France).

Article 138-1 de la constitution autrichienne octroie une compétence d’attribution à la Cour constitutionnelle autrichienne pour statuer sur les litiges entre la fédération d’une part et les landers d’autre part. Cette compétence de juste répartition couvre à la fois les actes législatifs et les actes réglementaires pris par l’une et les autres. L’article 93-1 3°de la loi allemande donne compétence à la cour constitutionnelle allemande qui statue sur les droits et obligations des uns et des autres entre la fédération et les régions fédérées. Article 161-1 de la constitution espagnole de 1978, qui attribue au Tribunal constitutionnel compétence pour statuer sur les relations entre l’Etat et les communautés autonomes en Espagne (État régional : sa constitution reconnaît l’existence spécifique des régions qui ont des compétences particulières par rapport aux autres CT).

Paragraphe 5 : la fonction de contentieux relatif aux infractions à la constitution.

C’est la possibilité comme en Italie ou en Autriche d’enclencher les procédures contre les plus hautes autorités politiques devant le Tribunal ou la Cour constitutionnelle. Ce sont des infractions politiques spécifiques (corruption grave, menace sur les intérêts de l’Etat).

Dans le modèle constitutionnel français, c’est une autre solution qui est posée par les articles 67 et 68 : le président peut été poursuivi pour manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’existence de son mandat, il sera jugé par le Parlement institué en Haute cour. Ce dispositif a été introduit par la révision constitutionnelle du 23 février 2007 qui instaure une procédure de destitution du chef de l’Etat. Cette solution s’inspire d’un modèle en droit comparé qu’est l’impeachment aux USA.

Pour les membres du gouvernement, c’est la. Cour de justice de la République.