Les moyens d’action des représentants du personnel

Quels sont les moyens d’action des institutions de représentant du personnel?

La loi prévoit diverses instances ayant notamment pour mission de représenter et de défendre les salariés, de servir d’intermédiaire entre eux et d’assurer le respect des dispositions qui les concernent, telles que celles relatives à la santé et à la sécurité dans l’entreprise. Tout salarié convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, notamment un licenciement, peut demander à se faire assister d’un représentant du personnel. Quels sont leurs moyens d’action? ont-ils un statut protecteur?

  • 1 – Liberté de circulation
  • L412-17 : délégué syndical
  • L424-3 : Délégué du personnel
  • L434-1 : membres du Comité d’Entreprise

Très grande liberté de circulation à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise. Ils peuvent circuler librement pendant leurs heures de délégation comme en dehors de leurs heures de travail.

Limite : ne pas occasionner une gêne trop importante.

  • 2 – Les heures de délégation
  1. Principe

Pour chaque type de représentation du personnel, la loi instaure un crédit d’heures :

L412-20 : délégué syndical

L424-1 : Délégué du personnel

L434-1 : membres du Comité d’Entreprise : 20 h/mois.

Ces salariés peuvent prendre ces heures sur leur temps de travail pour exercer leur mandat. En cas de pluralité de mandats, il y a cumul des crédits d’heures.

Ces heures sont considérées comme du temps de travail et rémunérées comme tel. Cass : le salarié ne doit subir aucun préjudice du fait de l’accomplissement d’heures de délégation. Ex : Pas de perte du droit à la prime de pénibilité, pas de diminution d’une prime au mériteÂ… Aucun préjudice en termes de rémunération.

Ce crédit peut être augmenté par voie d’AC.

Si le crédit s’avère insuffisant, la loi prévoit possibilité de dépassement en cas de circonstances exceptionnelles : moment de la vie de l’entreprise qui requiert du RP plus de temps à l’exercice de son mandat. Circonstances inhabituelles : ex : licenciement collectif, conflit collectif.

Mais l’organisation des élections n’est pas une circonstance exceptionnelle, ni l’arbre de noël du Comité d’Entreprise.

  1. Utilisation des crédits d’heures

Ce n’est pas un forfait que le salarié peut utiliser comme il l’entend. Principe : l’utilisation du crédit d’heure doit être conforme à la mission confiée aux représentants. Donc pas d’utilisation à des fins personnelles.

=> Appréciation au cas par cas selon le mandat du salarié : ex :

– Délégué du personnel : utilisation pour des tâches directement liées au personnel de l’entreprise (et pas pour aller à des réunions syndicales).

– délégué syndical : peut passer des heures auprès de son syndicat.

Principe d’une utilisation personnelle. Il est interdit aux RP de mettre en commun leur crédit d’heure

== Sanction d’une mauvaise utilisation du crédit d’heure :

– remboursement des salaires versés au titre du crédit d’heure

– sanctions disciplinaires

== Contrôle de l’utilisation des heures de délégation :

– si on est dans la limite légale ou conventionnelle :

La loi impose le paiement préalable des heures effectuées par le salarié (sous peine de délit d’entrave, condamnation au paiement des heures même s’il rapporte des preuves)

Présomption de bonne utilisation : l’employeur doit payer et s’il entend contester, il doit d’abord demander au salarié des indications quant à l’utilisation du crédit d’heures (soc 4 juin 1991). Le salarié doit alors fournir des indications (il ne peut pas se contenter de dire qu’il a fait un usage conforme) sur les activités exercées pendant les heures de délégation. Indications mais pas justificatifs.

Ensuite, l’employeur pourra agir devant le Conseil des Prud’Hommes pour demander le remboursement des heures versées. Ce sera à lui de rapporter la preuve de la mauvaise utilisation.

– En cas de circonstances exceptionnelles :

Soc 26 juin 2001 : ni le paiement préalable, ni la présomption de bonne utilisation ne s’appliquent aux heures prises au-delà du contingent d’heures légales ou conventionnelles. C’est au salarié qu’il incombe de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles et celle des heures qu’il a du effectuées.

Nb : pratique des bons de délégation.

  • 3 – Le statut protecteur

L425-1 : Délégué du personnel

L436-1 : membres du Comité d’Entreprise(Jurisprudence)

L412-18 : délégué syndical

Statut protecteur : la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur ne peut intervenir qu’après une autorisation donnée par l’IT. A peine de nullité de la rupture.

A – Le champ d’application du statut protecteur

  1. Bénéficiaires

Bénéficient du statut protecteur :

– tous les RP en exercice : Délégué du personnel et membres du Comité d’Entreprise pendant leur mandat (4 ans), délégué syndical (durée indéterminée : tant que le syndicat n’a pas mis fin à son mandat)

– Anciens RP à compter de l’expiration de leur mandat : Délégué du personnel et membres du Comité d’Entreprise(6 mois), délégué syndical (protection de 12 mois à condition d’avoir exercer les fonctions de délégué syndical pendant au moins 1 an)

– Candidats aux élections (6 mois à compter de leur candidature)

– Salarié qui demande à l’employeur d’organiser des élections (6 mois à compter du jour où sa demande est relayée par une organisation syndicale représentative, notamment 25 janv. 2006)

Question des représentant du personnel créés par CC : ex : désignation de Délégué du personnel supplémentaire, IRP ad hoc. Soc 12 juil. 2006 : les IRP créées par voie conventionnelle ne bénéficient du statut protecteur que si elles ont la même nature que celle prévue par la loi. (ex : membre d’un comité d’éthique : pas protégé vs Délégué du personnel supplémentaire).

  1. Portée de cette protection : les modes ruptures

Texte ne prévoit que la protection contre le licenciement. Cass : Ch. Mixte 21 juin 1974 Perrier : la protection des Représentants du Personnel est exceptionnelle et exorbitante du droit commun, instaurée dans l’intérêt de l’ensemble des salariés de l’entreprise et qui, par conséquence, interdit à l’employeur de poursuivre la rupture du contrat de travail par d’autres moyens.

Le statut protecteur s’applique à tous les modes de rupture dans lesquels l’employeur intervient :

– mise à la retraite,

– départ en préretraite,

– résiliation amiable,

– le seul fait pour l’employeur de proposer la résiliation amiable au RP est un délit d’entrave (crim 6 janv. 2006).

Validité d’une transaction ? Soc 16 mars 2005 : est de nulle de nullité absolue la transaction signée avant le licenciement autorisé par l’IT (toute personne peut s’en prévaloir donc les salariés aussi). Donc transaction en peut intervenir que suite à un licenciement autorisé par l’IT. Licenciement puis transaction.

== Cas particuliers prévus par la loi :

– salarié protégé en CDD : l’employeur doit, 1 mois avant le terme, saisir l’IT qui autorisera à mettre fin au contrat à terme. Dans cette hyp, le contrôle est limité à l’absence de discrimination.

– en cas de transfert partiel d’entreprise : le transfert du salarié protégé est soumis à autorisation. Le contrôle est limité à l’absence de discrimination.

== Le statut protecteur est-il applicable pendant la période d’essai ?

La question ne se pose pas pour les Délégué du personnel, délégué syndical et membre CE puisqu’ancienneté. Concerne le conseiller prud’homme, le conseiller du salarié, le médecin du travail. Ces salariés ont un mandat qui n’est pas propre à l’entreprise. La loi leur étend la protection. Embauche d’un salarié qui est conseiller prud’homme. Le statut protecteur s’applique-t-il pendant la période d’essai ? Soc 26 oct. 2005 : le statut protecteur s’applique à la rupture en période d’essai.

=> Le salarié doit-il dire qu’il a un mandat ou l’employeur peut-il le demander ? cf. problème du dol : l’existence d’un mandat n’a pas de lien direct avec les aptitudes du salarié.

=> Le fait d’être en période d’essai implique-t-il un contrôle particulier de la part de l’IT ? Question en suspend.

Un RP peut-il prendre acte de la rupture suite à un manquement de son employeur. Peut-il demander la résiliation judiciaire ? Cass : Le RP peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail (soc 16 mars 2005). Le salarié peut prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur (soc 5 juil. 2006)

Effets de la prise d’acte : elle produit les effets soit d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur (si manquements suffisamment graves) soit d’une démission.

B – Les conditions de rupture du contrat de travail du RP

  1. Procédure à suivre

L’employeur qui souhaite licencier un RP doit mettre en place la procédure individuelle de licenciement : procéder à l’entretien préalable.

Il doit, suite à cet entretien, consulter le Comité d’Entreprise. Cette consultation ne concerne que les élus du personnel.

Il fait ensuite une demande à l’IT qui :

– donne son autorisation => l’employeur peut procéder à la rupture

– refuse.

Difficulté quand le salarié a commis des actes graves : maintien dans l’entreprise ? La loi prévoit la possibilité de mettre à pied de manière conservatoire le salarié pendant la durée de la procédure.

Effets de la mise à pied sur le mandat ? Le contrat de travail est suspendu mais le mandat ? Pendant longtemps, Jurisprudence soc et crim distinguaient MAD et MAC : MAD ne suspendait pas le mandat (salarié pouvait venir exercer ses heures de délégation). Mais la MAC, prononcée en cas de faute grave ou lourde, suspendait le mandat.

– Revirement : soc 2 mars 2004 : la MAP, quelle soit conservatoire ou disciplinaire, ne suspend pas le mandat (retenir cette position).

– Mais crim 2002 considère toujours que la MAC suspend le mandat.

Attention : licenciement disciplinaire : L122-41 : 1 mois après l’entretien préalable. Peut poser des problèmes. Donc cass : le délai d’un mois pour prononcer la sanction court à compter de l’autorisation (soc 28 oct. 2003).

  1. Le contrôle exercé par l’IT sur la demande de licenciement

Fixé par 2 arrêts du Comité d’Entreprise :

CE 5 mai 1976 Safer d’Auvergne

CE 18 fév. 1977 Abellan

L’IT procède à un contrôle en 3 temps :

– L’IT vérifie si le licenciement n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives ou l’activité syndicale du salarié. Si la mesure est en rapport, l’IT refusera.

– L’IT contrôle la justification du licenciement (même contrôle que celui de la cause réelle et sérieuse par l’autorité judiciaire, que ce soit pour motif personnel ou éco). Si licenciement pour faute, il faut regarder s’il s’agit d’une faute d’une gravité suffisante pour justifier la rupture au regard des règles applicables au contrat de travail et aux exigences du mandat. On regarde ca au regard des exigences du contrat de travail mais aussi du mandat. Pour le licenciement éco, vérification si la situation éco justifie le licenciement en tenant compte de la nécessité de réduire les effectifs et des possibilités de reclassement.

– Parfois, même s’il existe un motif suffisant, l’autorité administrative peut refuser l’autorisation sollicitée s’il existe un motif d’intérêt général, sous réserve qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive à l’un ou l’autre des intérêts en présence. Motif d’intérêt général : le licenciement risque d’aboutir à une disparition d’un type de représentation du personnel dans l’entreprise ; certains auteurs considèrent que le maintien de la paix sociale en cas ou suite un conflit collectif peut constituer un motif d’intérêt général (Ray).

Réserve : pas atteinte aux intérêts de l’employeur. Ex : violence sur l’employeur, entreprise en liquidation judiciaire.

C – La modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail du salarié protégé

== On ne peut pas modifier son contrat de travail sans son accord.

== Changement des conditions de travail : on ne veut pas que l’employeur puisse empêcher le salarié d’exercer son mandat. Cass : en cas de changement des conditions de travail, l’employeur doit recueillir l’accord préalable du Représentant du Personnel : soc 5 mai 1998, Jurisprudence constante. Face à un refus du salarié, il appartient à l’employeur :

– soit de maintenir les conditions initiales de travail

– soit de saisir l’IT d’une demande d’autorisation de licenciement.

Le salarié protégé n’a pas un droit de refuser le changement des conditions de travail. La question posée à l’IT saisi du litige est de savoir si le refus du changement des conditions de travail est une faute suffisamment grave pour justifier la rupture. En principe c’est une faute justifiant le licenciement. Le plus souvent l’IT donne son autorisation. Sauf lorsque le changement des conditions de travail a pour effet d’empêcher l’exercice normal du mandat par le salarié. cf. CE 29 déc. 2000 : un salarié membre élu du Comité d’Entreprise, employeur l’envoyait à Varsovie par le biais d’une clause de mobilité. Comité d’Entreprise: empêche l’exercice du mandat donc le salarié ne commet aucune faute en refusant el changement des conditions de travail.

Absence d’accord => risque de prise d’acte de la rupture par le salarié ou saisine juge des référés pour maintien du contrat aux conditions initiales.

D – Les sanctions de la violation du statut protecteur (rupture sans autorisation)

– L’employeur commet un délit d’entrave.

– La rupture est nulle de plein droit, et ce quelques soient les faits reprochés au salarié.

2 hyp :

== le salarié demande sa réintégration : il a le droit à être réintégré dans son emploi ou à défaut dans un emploi équivalent. Il a droit d’être indemnisé pour la période allant du licenciement à la réintégration (cf. cours sur nullité licenciement). Cass : la réintégration doit être effective. Espèce : nullité licenciement, réintégration ordonnée, l’employeur met en disponibilité le salarié et attend la fin du statut protecteur.

== le salarié ne demande pas sa réintégration : Jurisprudence soc 12 juin 2000: le salarié qui est licencié sans autorisation et qui ne demande pas sa réintégration a toujours droit à une double indemnisation :

Indemnité venant sanctionner la violation du statut protecteur : égale au montant des salaires que le salarié aurait du percevoir jusqu’à la fin de la période de protection. Ex : élu en août 2005 pour 4 ans donc jusqu’en août 2009 + protection de 6 mois = fév. 2010. Pour les délégué syndical, pas de terme à leur mandat donc cass : pour le délégué syndical, cette indemnisation est de 12 mois (soc 27 oct. 2004).

Indemnisation de la rupture du contrat de travail : cass : il a droit, outre les indemnités de rupture (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis), à une indemnité réparant le préjudice subi du fait de l’illicéité de la rupture, qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaires.

Aujourd’hui, le RP peut prendre acte de la rupture : si manquements suffisants de l’employeur, le salarié aura droit à cette double indemnisation.

D – L’autorisation du licenciement et son annulation

== Si l’IT a donné son autorisation administrative : l’employeur peut procéder à la rupture du contrat de travail. Le salarié ne peut pas contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement devant le CPH (principe de séparation des pouvoirs, une autorité administrative s’est prononcée).

Le salarié pourra éventuellement demander des rappels de salaires, une indemnité de préavis (licenciement pour faute grave, je prétends que seulement sérieuse donc droit indemnité de préavis).

Le salarié peut faire un recours administratif contre l’autorisation dans les 2 mois : recours hiérarchique devant le ministre du travail puis possibilité cde contester cette décision devant le TA, le CAA et le CE.

== Que se passe-t-il quand l’autorisation de licenciement est annulée suite recours administratif ou juridictionnel ? Effets de l’annulation : L425-3 ( Délégué du personnel), L436-3 (membre CE), L412-19 (DS) : prévoient qu’en cas d’annulation de l’autorisation, le salarié licencié peut demander sa réintégration dans les 2 mois. => l’employeur est tenu de réintégrer le salarié. La loi précise que même si l’employeur fait un recours contre la décision d’annulation, le recours n’est pas suspensif.

– Le salarié peut demander sa réintégration et éventuellement des dommages et întérets pour le préjudice subi pour la période allant du licenciement à la réintégration (généralement, on regarde les salaires qu’il aurait du percevoir et on en déduit les revenus perçus ailleurs).

– Si le salarié ne demande pas sa réintégration : Jurisprudence : il a droit dans tous les cas à l’indemnisation du préjudice qu’il a subi entre son licenciement et la fin de la période de 2 mois au cours de laquelle il pouvait demander sa réintégration (on prend en compte la perte de salaire dont on déduit les revenus qu’il a pu percevoir d’une autre activité). On indemnise cette période d’incertitudes mais le salarié qui ne demande pas sa réintégration a été licencié donc il faut indemniser la rupture : cass : l’annulation par le TA fait qu’il n’y a plus d’autorisation d’une autorité administrative donc le salarié pourra obtenir le cas échéant devant le CPH des indemnités en vertu du droit commun du licenciement s’il en remplit les conditions. Càd : demande d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le CPH va alors examiné si le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse. Si c’était le cas pas plus d’indemnités pour le salarié. soc 30 avril 2002.

L’employeur pourra éventuellement tenter d’engager la responsabilité de l’administration.