Les prérogatives de l’employeur (pouvoir disciplinaire, de direction)

Les prérogatives de l’employeur.

La Loi attribue aux employeurs en contrepartie des obligations contractuelles, des prérogatives exorbitantes qui se résument en trois sortes de pouvoir qui sont:

  • Le pouvoir de direction
  • Le pouvoir réglementaire
  • Le pouvoir disciplinaire

A – Le pouvoir de direction.

1 – Le pouvoir de gestion.

> Traduction de la liberté d’entreprendre. Décision, Conseil Constitutionnel 1982.

→ Liberté pour toute personne de créer son entreprise et d’exercer l’activité de son choix, avec ce pouvoir de gérer librement son entreprise.

Principe.

> Dirige, ordonne, chef d’entreprise. Liberté et souveraineté. N’a de compte à rendre à personne. Il est le seul à juger ce qui est opportun pour l’entreprise qu’il dirige. Théorie de l’employeur seul juge. Le juge ne peut juger des décisions des chefs. Cour de cassation, Arrêt Brinon, 31 mai 1956 => Employeur seul juge. Aucune disposition légale ne lui fait obligation de maintenir son activité à seul fin d’assurer à son personnel la stabilité de son emploi. Arrêt Cour de cassation, Ass plen, SAT, 8 décembre 2000 => Le juge n’a pas a apprécié le bien fondé de la décision prise par le chef d’entreprise. Repris par le Conseil Constitutionnel en janvier 2002 à propos d’une loi qui prévoyait un certain contrôle du juge.

Tempéraments.

> Affectent la souveraineté de l’employeur. Sur de nombreuses questions l’employeur doit informer et consulter le Comité d’Entreprise, mais ce n’est en aucun cas de la co-gestion.

> pour licencier un salarié protégé, il faut l’autorisation de l’inspection du travail.

> 1134 al 3 Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Donc certaines clauses sont délicates.

2 – Le pouvoir règlementaire.

> Forme normative du pouvoir de direction. C’est la direction de l’entreprise sous l’angle humain, dans les rapports entre les personnes.

> C’est le cas du règlement intérieur. Consécration indirecte de sa légalité à travers la réglementation de son champs d’action

Élaboration du Règlement Intérieur. Article L1321-4.

Formalités :

> Obligatoire dans toute entreprise d’au moins 20 salariés. Il n’est pas négocié.

> Le projet de Règlement Intérieur doit être communiqué au Comité d’Entreprise, à défaut au Délégué Personnel pour recueillir son avis, sous peine de délit pénal d’entrave. Idem au CHSCT si clauses sur hygiène. Ils n’ont pas de véto, ce ne sont que des avis.

> Il faudra communiquer le projet de Règlement Intérieur à l’inspection du travail, assorti de l’avis du Comité d’Entreprise.

> Un exemplaire du Règlement Intérieur doit être déposé au greffe du conseil de prud’hommes, et porté à la connaissance des salariés de l’entreprise, par voie d’affichage, dans une partie accessible au personnel, et aussi dans les locaux où se fait l’embauche du salarié.

→ Mêmes formalités si il faut modifier le Règlement Intérieur.

> Une fois tout cela accompli, le Règlement Intérieur entrera en vigueur 1 mois après l’accomplissement de la dernière formalité de publicité.

Contenu :

> A l’origine, sans limites, juste encadré par quelques interdictions (sanctions pécuniaires par ex). Loi Aout 1982 et 13 novembre 1982 instaurant la Négociation annuelle obligatoire sur certains thèmes. Ces thèmes échappent forcément du RI. Deux grands domaines du RI.

→ Hygiène et sécurité dans l’entreprise ou établissement.

→ Règles générales permanentes relatives à la discipline + nature et échelle des sanctions qu’un employeur peut prononcer. L’employeur est lié par ces dispositions, il ne peut pas prononcer une sanction qui ne figure pas dans le
Règlement Intérieur

> Le Règlement Intérieur doit avoir les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

> Doit y figurer les dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement moral et le harcèlement sexuel.

> Une disposition étrangère ne saurait y figurer. Si la disposition est favorable au salarié, c’est un engagement unilatéral de l’employeur.

> On ne peut pas mettre des choses contraires aux normes supérieures (conventions Collectives, lois, règlements etc). Il ne peut contenir de dispositions portant une atteinte injustifiée ou disproportionnée aux droits et aux libertés individuelles.

→ CA d’Orléans, Règlement Intérieur imposait le port obligatoire de cravate, atteinte injustifiée, disposition écartée.

→ Cour de cassation, 22 mai 2002, le Règlement Intérieur peut sous certaines conditions imposer un test alcoolémie si les modalités de contrôle puissent permettre les contestation et que cela soit justifié au regard de la nature des fonctions du salarié (danger pour personnes et biens).

→ Cour de cassation 13 janvier 2009 dit que le Règlement Intérieur peut règlementer l’usage du domicile (cas des jeunes en difficulté).

Contrôle du règlement intérieur.

> Contrôle préventif, c’est l’avis du Comité d’Entreprise et du CHSCT, ou l’inspection du projet par l’inspecteur du travail, accompagné de l’avis du Comité d’Entreprise et CHSCT. Si ce dernier estime illégale une disposition du Règlement Intérieur, il ne peut procéder lui même à sa suppression, il peut demander à l’employeur d’y procéder.

> La décision de l’inspecteur peut faire l’objet d’un recours hiérarchique ou contentieux.

> Il y a aussi un contrôle judiciaire, avec le conseil de prud’hommes, qui peut avoir à connaître de la licéité d’une disposition du Règlement Intérieur à l’occasion d’un litige individuel né de l’application de cette disposition.

> Tout manquement à la règlement dans la matière du Règlement Intérieur est puni par contravention 4eme classe, et si le Comité d’Entreprise n’a pas été consulté, délit pénal d’entrave.

B – Le pouvoir disciplinaire de l’employeur.

1 – Le pouvoir de surveillance et de contrôle des salariés.

Un pouvoir nécessaire :

> S’impose d’évidence parce que c’est le moyen par lequel on va pouvoir prouver la faute du salarié.

> Responsabilité du commettant du fait de leurs préposé induit que l’employeur doit pouvoir contrôler pour répondre des conséquences dommageables causés par les préposés à des tiers.

> Contrôle pour prévenir les accidents de travail.

Un pouvoir encadré :

> L’employeur est-il libre d’agir comme bon lui semble ? Non.

> Principe de la loyauté domine ce pouvoir de surveillance. La preuve d’une faute du salarié ne peut être obtenu de manière déloyale.

→ Arrêt Néocel, 20 novembre 1991, caissière qui avait tendance à voler des objets en caisse. Elle était filmé et enregistré. Cour de cassation condamne parce que la caissière n’avait pas été prévenu. Preuve était irrecevable.

→ Loi 31 décembre 1992 aucune information ne peut être collectée sur un salarié par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié + information de cette technique au CE ( 2223-32 ).

→ Arrêt 15 mai 2001, procédé de surveillance visible mais salarié pas informé de ce procédé, donc pas accepté devant la Cour.

> Il faut donc une information préalable de chacun des salarié, et une information du CE et CHSCT.

> L’exigence d’une loyauté emporte condamnation de tout recours à un stratagème.

> Cette réglementation est propre aux techniques de contrôle de l’activité des salarié. Cette même réglementation ne vaut que pour les lieux affectés au travail.

→ Arrêt 31 janvier 2001, vol dans les entrepôts d’une entreprise, n’étant pas un lieu de travail, pas besoin d’information préalable de la caméra.

> Lorsque ce système de surveillance et de contrôle fait appel à un système de traitement automatisé de données, la CNIL doit en être informé.

→ 6 avril 2004, salarié ont des badges, un salarié à refusé de porter le badge. Cour de cassation constate que les formalités auprès de la CNIL n’avaient pas été effectuées. Preuve irrecevable, pas faute du salarié.

2 – Le pouvoir de sanction.

L’exercice du pouvoir disciplinaire :

> Suppose une faute. Pas de définition légale de la faute disciplinaire. Article 1331-1 C.travail dit que la faute est un agissement du salarié considéré comme fautif par l’employeur. Ce dernier reste donc maitre de la qualification fautive.

Cette faute serait un comportement qui ne correspond pas aux obligations contractuelles ou du Règlement Intérieur.

L’exercice d’un droit ne peut être considéré comme fautif ( grève, etc ).

Le fait de témoigner d’un harcèlement moral ou sexuel constitue un droit.

> Va entrainer une sanction. Article 1331-1 dispose que « constitue une sanction disciplinaire toute mesure autre que les observations verbales, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »

→ Ne sont pas une sanction les observations verbales.

→ Article 1331-2 prohibe les sanctions pécuniaires. « les amendes ou toute autres sanctions pécuniaires sont interdites. Sera nulle et réputée non écrite de tel disposition dans un contrat ou accord collectif ».

> pour les sanctions pécuniaires indirectes, genre une mise à pied disciplinaire, Cour de cassation 2004 considère qu’une telle sanction pécuniaire est valable car elle n’est qu’une conséquence inéluctable de la sanction prononcée : ricochet.

> Si La retenue sur salaire est faite en considération d’un comportement jugé fautif par l’employeur, c’est une sanction pécuniaire prohibée. Elle est par contre possible en cas d’absence de l’employé ( caractère synallagmatique du contrat de travail qui explique cette situation ), mais cette retenue doit être strictement proportionnée au temps d’absence et identique, quelque soit le motif de l’absence, Cour de cassation, 1987.

> Un employeur peut-il, à titre de sanction, procéder à la suppression ou minoration d’une prime ?

→ Cour de cassation considèrent que c’est une sanction pécuniaire illicite dès lors qu’elle est effectuée en stricte considération d’un manquement à une obligation contractuelle, même s’il s’agit d’une prime bénévole.

Sanctions peuvent être :

→ Avertissement écrit et blâme écrit avec inscription au dossier professionnel du salarié.

→ La mise à pied disciplinaire : suspension temporaire du contrat de travail, rémunération suspendue aussi. Si pas de durée max dans la convention collective ou contrat de travail, doit être de durée raisonnable, à savoir pas plus d’une semaine. Cette mise à pied ne suspend pas l’exécution du mandat de délégué du personnel.

→ La mutation disciplinaire, notamment géographique.

→ La rétrogradation disciplinaire. Arrêt, hôtel lebéry 19 juin 1998, droit des contrats l’emporte, si une sanction emporte modification du contrat de travail, l’accord du salarié est requis. dans ce cas, l’employeur peut prononcer une sanction plus importante. Scoop juridique.

L’existence d’un droit disciplinaire :

→ La réglementation légale.

→ Principe de proportionnalité. Sanction doit être proportionnée à la faute. Article L1332-4 « aucun fait fautif ne peut à lui seul donner lieu à l’engagement de poursuite disciplinaire au delà d’un délais de 2 mois, à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ». Susceptible ni d’interruption ni de suspension.

→ Non bis in idem : on ne peut être sanctionné deux fois à raison d’un même fait. Si un fait fautif déjà sanctionné est commis de nouveau, il peut entrainer une sanction plus grave ( récidive, délais de 3ans )

→ 1332-1 à 1332-3 sur les règles de procédures, selon la gravité de la sanction. Procédure allégée ou procédure lourde selon que la mesure affecte ou pas la présence de l’employé dans l’entreprise, sa carrière, sa fonction ou sa rémunération. La procédure lourde va jouer pour toutes les sanctions sauf avertissement et blâme, et licenciement ( qui relève du droit du licenciement ), il y aura convocation à un entretient préalable. Pas de délais minimum entre la convocation et la date de l’entretient. Après entretient, notification de la sanction, motivée. L’employeur doit respecter un jour de franc 24h entre l’entretient et la notification de la sanction, et le délais maximum est d’un mois à compter de l’entretient.

→ Le contrôle judiciaire.

→ Le salarié peut contester la sanction devant le conseil de prud’hommes. Le contrôle va porter sur la réalité des faits, imputabilité des faits, de légalité des faits fautifs eu égard au règlement, à l’éventuelle sanction, à la prescription etc, puis contrôle de la légalité de la sanction au regard du Règlement Intérieur, et contrôle du respect de la procédure et de la proportionnalité.

→ Le juge peut annuler la sanction ( sauf si c’est un licenciement ), que ce soit pour vice de fond ou vice de forme. IL ne peut pas pour autant la modifier.