Les procédures civiles d’exécution : définition, domaine…

Les procédures civiles d’exécution

Le droit des voies d’exécution ou des procédures civiles d’exécution a pour objet l’étude de procédures appelées saisies, celles-ci sont des moyens légaux mis à la disposition des créanciers qui ne peuvent obtenir de leurs débiteurs l’exécution volontaire des obligations dont ceux-ci sont tenus à leur égard. Ces mesures tendent donc à l’exécution forcée des obligations. Les biens du débiteur sont mis sous main de justice avant d’en poursuivre la vente pour payer les créanciers sur le prix.

La matière présente différents intérêts:

  • intérêt pratique: les voies d’exécution permettent le recouvrement des créances, elles complètement donc le droit civil, commercial et du travail. Si la création des obligations relève du droit substantiel, les saisies en assurent l’effectivité notamment par leur rôle préventif. En effet, elles incitent souvent le débiteur à s’exécuter volontairement pour ne pas avoir à faire avec un huissier. Le lien avec la procédure civile est encore plus net car la procédure civile sanctionne en justice les droits et obligations des particuliers mais cette sanction judiciaire (décision de justice) ne contraint pas le débiteur à s’exécuter, les saisies prennent donc le relai puisque la force exécutoire de la décision de justice permet au créancier d’en obtenir l’exécution forcée. Toutefois, ce lien entre les voies d’exécution et la procédure civile n’est pas un passage obligé puisque qu’autres titres justifient parfois la mise en œuvre d’une saisie (ex: acte notarié). Ainsi, les procédures de saisies contribuent à l’effectivité des droits de créances et des décisions de justice.
  • intérêt économique: la vie des affaires repose sur le crédit et celui-ci n’est possible que si le créancier a la certitude d’être payé.

  • intérêt social: le créancier attend souvent, parfois avec impatience, le paiement de ce qui lui est dû (ex: créancier d’aliments), il doit donc disposer de moyens efficaces, simples et peu onéreux pour obtenir le paiement de sa créance. Mais la mise en œuvre d’une saisie est toujours un drame pour le débiteur qui la subit, sa vie pouvant en être bouleversée. Ainsi, le débiteur ne doit pas être acculé et donc doit lui aussi bénéficier d’une protection. Le législateur recherche donc un équilibre en l’impératif de protection des créanciers et de celui de protection des débiteurs, impératifs antagonistes.

  • intérêt politique: l’inexécution d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice risque de remettre en cause l’autorité de la justice et donc de l’Etat.

Section 1: Le domaine des procédures civiles d’exécution

L91 Article 1 « Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard. » ainsi, les procédures civiles d’exécution permettent au créancier d’obtenir l’exécution d’une obligation en cas de récalcitrance du débiteur.

1) La récalcitrance du débiteur

Différentes raisons peuvent conduire le débiteur à ne pas payer son créancier ou encore à ne pas exécuter ses obligations.

  1. A) Le débiteur est dans l’impossibilité de payer

Dans cette hypothèse, le débiteur connaît des difficultés financières, plusieurs cas de figure doivent être envisagés:

Le débiteur peut obtenir du juge des délais de paiement, il y a alors suspension des poursuites. I.e. pendant les délais octroyés au débiteur aucune saisie ne peut être pratiquée.

Le débiteur est surendetté: le créancier se trouve dans une impasse car si ses droits sont légitimes, sa poursuite est vaine si le débiteur fait l’objet d’une procédure de surendettement (loi Neiertz) car un plan conventionnel ou judiciaire peut alors être adopté avec un rééchelonnement des dettes du débiteur et le créancier se heurtera donc à la suspension des poursuites sauf pour les créances ne figurant pas dans le plan.

Le débiteur est un commerçant, artisan ou exerce une profession libérale: la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et son décret d’application du 28 déc. 2005 (applicable 1er jan. 2006) instituent 4 procédures:

  • procédure de conciliation: elle peut déboucher sur un accord entre créanciers et débiteur qui sera soit constaté par le tribunal soit homologué par le tribunal. L’accord homologué suspend pour sa durée toute action en justice et toute poursuite individuelle des créanciers signataires (sur les meubles et immeubles).
  • procédure de sauvegarde: les créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure collective et les créanciers non privilégiés sont soumis à l’arrêt des poursuites. En revanche, les créanciers postérieurs y échappent i.e. seuls les créanciers postérieurs à l’ouverture peuvent mettre en œuvre une procédure civile d’exécution.
  • procédure de redressement judiciaire: les mêmes règles s’appliquent: seuls les créanciers postérieurs pourront mettre en œuvre une procédure civile d’exécution.
  • procédure de liquidation judiciaire: les créanciers sont soumis à la procédure collective pour le règlement de leurs créances puisque la procédure a pour objectif de liquider le passif de l’entreprise, il n’y a donc aucune place pour des poursuites individuelles des créanciers soumis à la procédure collective.

Ainsi, ces différentes procédures constituent pour l’essentiel de véritables obstacles à la mise en œuvre des procédures civiles d’exécution.

  1. B) Le débiteur ne veut pas payer son créancier

Face à la résistance du débiteur qui ne veut le payer, le créancier dispose d’une alternative, il peut soit inciter le débiteur à s’exécuter en utilisant un moyen de pression (astreinte) soit avoir recours à la force pour obtenir l’exécution de l’obligation.

Les moyens de pression se distinguent des voies d’exécutionà un double point de vue:

  • ils n’aboutissent pas directement à la vente forcée des biens du débiteur contrairement au mesure d’exécution
  • ils ne permettent pas de mettre les biens du débiteur sous main de justice pour les conserver (i.e. pour éviter que le débiteur ne dilapide son patrimoine).

Ainsi, les moyens de pression se différencient des mesures conservatoires qui relèvent des procédures civiles d’exécution. Pourtant, ils sont importants car ils incitent de nombreux débiteurs à se libérer spontanément envers le créancier.

L’astreinte: L91 règlemente l’astreinte, l’astreinte a un caractère comminatoire, il s’agit d’une mesure destinée à vaincre la résistance opposée à l’exécution d’une condamnation. Le débiteur est condamné dans ce cas à payer une somme d’argent dont le montant augmente selon une périodicité fixée par le juge jusqu’à exécution. Ce moyen indirect d’exécution, ce moyen de pression doit amener le débiteur à une exécution volontaire et non à une exécution forcée de son obligation.

2 cas de figure:

  • le débiteur s’exécute volontairement: le créancier a donc obtenu satisfaction, il n’y a plus de place pour une quelconque saisie, le moyen a été efficace.
  • le débiteur s’obstine et refuse de s’exécuter: le créancier peut demander au juge de l’exécution de liquider l’astreinte. Cette liquidation donne naissance à une créance de somme d’argent. A partir de là, si le débiteur ne règle pas spontanément cette somme, le créancier peut en obtenir le recouvrement grâce à une saisie. Dans ce cas, on considère que le recours à l’exécution forcée devient légitime.

Cependant il est parfois difficile de distinguer le bon débiteur du mauvais débiteur, c’est pourquoi le débiteur doit être préalablement mis en demeure de s’exécuter.

La mise en demeure ne suffit pas toujours et souvent un exploit de huissier doit être signifié au débiteur, il s’agit d’un acte particulier: le commandement de payer.

Un délai minimum de 8 jours est imposé entre le commandement de payer et l’exécution i.e. la saisie: L91 Article 20, l’huissier peut pratiquer une saisie à l’expiration d’un délai de 8 jours si le commandement de payer est resté sans effet, un répit est donc laissé au débiteur pour trouver de l’argent. Si ce délai de 8 jours permet au débiteur de réunir les fonds pour payer la créance c’est une bonne chose, mais pendant ce délai, le débiteur peut aussi dissimuler certains biens. C’est pourquoi dans ce cas, l’intervention de l’huissier perd son effet de surprise, le créancier n’est pas démuni car il peut toujours pratiquer au préalable une mesure conservatoire pour mettre les biens du débiteur sous main de justice i.e. pour les rendre indisponibles afin de pouvoir ensuite les saisir pour obtenir l’exécution de son obligation.

2) L’exécution d’une obligation

Les droits patrimoniaux d’une personne sont soit des droits réels soit des droits personnels (droit de créance). L91 Article 1 autorise seulement le créancier à contraindre le débiteur à exécuter ses obligations. Ainsi, l’exécution forcée ne vaut que pour les droits de créance mais toute exécution forcée n’est pas exclue pour les droits réels.

en matière de propriété immobilière: la publicité foncière suffit pour opposer le droit de propriété aux tiers, ainsi, si un tiers s’introduit dans un immeuble c’est dans ce cas la possession qui est en cause et dès lors, par l’action possessoire, le propriétaire de l’immeuble peut faire respecter son droit de propriété. Dans ce cas, le recours à la force permet en réalité d’imposer aux tiers une obligation de ne pas faire i.e. ne pas s’introduire dans l’immeuble du propriétaire, il y aura donc place à une éventuelle mesure d’exécution de cette obligation de ne pas faire.

en matière de propriété mobilière: la possession vaut titre (Code Civil Article 2279), elle vaut donc publicité de la propriété mobilière. Ainsi, si un tiers vole une chose, le recours à la force est possible pour obtenir la restitution de la possession de la chose volée car sera sanctionnée l’exécution d’une obligation de faire (restituer).

Ainsi, l’exécution forcée se justifie en réalité pour obtenir l’exécution d’une obligation de donner (1) ou d’une obligation de faire ou de ne pas faire (2).

  1. A) L’exécution des obligations de donner

Toutes les obligations de donner ne justifient pas le recours à l’exécution forcée, il faut distinguer l’obligation de donner une somme d’argent et l’obligation de donner un corps certain ou une chose de genre.

1) L’obligation de donner une somme d’argent

L’exécution d’une obligation de donner une somme d’argent est le domaine de prédilection des saisies. En effet, Code Civil Article 2284 si le débiteur ne paye pas, le créancier peut saisir les biens meubles et immeubles présents et à venir de son débiteur pour se faire payer sur le prix (droit de gage général du créancier).

Plusieurs mesures d’exécution sont alors à la disposition du créancier: il peut saisir une créance du débiteur (saisie-attribution), un bien meuble (saisie-vente) ou un bien immeuble (saisie immobilière) afin de le faire vendre et de se payer sur le prix.

2) L’obligation de donner un corps certain ou une chose de genre

« L’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes » (Code Civil Article 1138) i.e. le créancier est immédiatement propriétaire, c’est notamment le cas pour la vente (Code Civil Article 1583). Ainsi, si l’acquéreur n’est pas livré, il peut obtenir l’exécution forcée de cette obligation mais dans ce cas, il s’agit en réalité d’obtenir l’exécution d’une obligation de faire.

  1. B) L’exécution des obligations de faire ou de ne pas faire

« Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur » (Code Civil Article 1142). Ainsi, a priori, la contrainte est impossible pour les obligations de faire ou de ne pas faire mais la règle doit être nuancée, une distinction s’imposant selon la nature de la prestation à fournir:

  • pour une prestation subjective (ex: commande d’un portrait à un peintre), la contrainte est impossible car il n’y a rien à saisir. Le débiteur sera condamné pour inexécution à verser un équivalent monétaire sous forme de dommages et intérêts. Le créancier pourra alors obtenir l’exécution de cette obligation de donner une somme d’argent (cf. supra.).
  • pour une prestation objective (ex: livraison de la chose vendue), il y a une chose à saisir, il existe donc une saisie spéciale: la saisie-appréhension qui permet au créancier d’obtenir la livraison de la chose.

Le recours à la force n’est admis que pour contrer l’inertie du débiteur. Ainsi, les voies d’exécution concernent seulement les situations où le paiement du débiteur n’est plus spontané mais devient forcé.

Section 2: L’évolution des procédures civiles d’exécution

4 périodes peuvent être distinguées.

1) La période antérieure aux réformes

Même si les moyens de contrainte ont évolué, une réforme s’imposait.

  1. A) L’évolution des moyens de contrainte privés

On est passé de la contrainte sur la personne à la contrainte sur les biens.

1) Les procédés antiques de contrainte sur la personne

Dès la plus haute antiquité, les sociétés humaines ont ressenti le besoin de veiller à l’exécution des engagements en cas de défaillance du débiteur. Ainsi, dans les systèmes juridiques primitifs, l’exécution se faisait sur la personne même du débiteur, personne qui constituait alors le droit de gage des créanciers.

En droit romain ancien, une procédure permettait au créancier de se faire justice à lui-même sur la personne du débiteur: manus injectio, tirée de la loi des 12 tables. Cette saisie de la personne pouvait durer pendant 60 jours. Passé ce délai, si la dette n’était pas réglée par les parents ou amis du débiteur, ce dernier était réduit à l’esclavage et adjugé au créancier. De plus, en cas de pluralité de créanciers, le débiteur pouvait être mis à mort et ses lambeaux étaient alors partagés entre les créanciers, ils étaient ensuite rachetés par l’entourage du débiteur ce qui permettait le paiement des créanciers.

En 1806, le Code de Procédure Civile prévoyait encore l’incarcération du débiteur défaillant pour le contraindre à payer ses dettes, il s’agissait de la contrainte par corps, devenue contrainte judiciaire depuis loi Perben II.

Abolie par la loi du 22 juillet 1867 en matière civile et commerciale, la contrainte subsiste en matière pénale et fiscale:

  • en matière pénale: elle est prévue pour les condamnations à une amende ou à tout autre paiement au profit du Trésor public.
  • en matière fiscale: elle est possible dans 2 cas:

en cas de condamnation par les juridictions répressives du contribuable qui s’est frauduleusement soustrait à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts directs.

en cas de défaut de paiement des impôts directs dont l’assiette ou le recouvrement a justifié les poursuites.

Selon les cas l’incarcération dure entre 15 jours et 1 mois selon le montant de la condamnation pécuniaire.

Hors de ces hypothèses, l’exécution sur la personne n’existe plus aujourd’hui, subsistent néanmoins quelques vestiges de la contrainte judiciaire en matière civile car certains moyens de pression font peser une menace sur le débiteur pour qu’il paye sa dette:

poursuites pour abandon de famille: le débiteur qui n’exécute pas pendant plus de 2 mois une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée le condamnant à payer à un enfant mineur, à un descendant ou à son conjoint une pension ou une contribution, encourt une peine d’emprisonnement de 2 ans et/ou une amende de 15.000 euros.

l’expulsion de l’occupant d’un immeuble sans droit ni titre constitue dans une certaine mesure un mode d’exécution contre la personne du débiteur, c’est pourquoi cette mesure d’exécution est minutieusement règlementée.

On privilégie aujourd’hui les procédés de contrainte sur les biens du débiteur.

2) les procédés modernes de contrainte sur les biens

En principe, l’exécution des obligations se fait en nature mais si ce mode d’exécution permet au créancier d’obtenir du débiteur la prestation voulue, son champ d’application est limité. Le débiteur d’une obligation de faire ou de ne pas faire ne peut être contraint à s’exécuter en nature contre son gré (Code Civil Article 1142).

Cependant, il existe malgré tout quelques cas d’exécution en nature:

le créancier peut exiger du débiteur qu’il détruise ce qu’il a fait contrairement à son engagement, en cas de refus de la part du débiteur, le créancier peut être autorisé à le détruire aux dépends du débiteur i.e. aux frais du débiteur.

en cas d’inexécution du débiteur, le créancier peut être autorisé à faire exécuter lui-même l’opération aux dépends de ce dernier.

ex: un bailleur s’engage à exécuter des travaux et ne s’exécute pas, le locataire peut, sous certaines conditions, faire réaliser ces travaux par une autre personne, aux frais du bailleur.

L’exécution en nature ayant un rôle restreint, l’exécution sur les biens i.e. l’exécution pécuniaire est le procédé classique d’exécution des obligations puisque le débiteur est tenu et répond de ses engagements sur l’ensemble de son patrimoine.

Les conditions d’exercice des procédures civiles d’exécution diffèrent selon qu’elle porte sur un meuble ou un immeuble: la saisie des biens meubles est régie par la L91 et son décret d’application D92 alors que la saisie immobilière est régie par l’Ordonnnance 06 et son décret d’application du 27 juillet 2006 modifié par le décret du 23 déc. 2006 (D06).

L’exécution sur les biens n’est pas nouvelle en soi, elle existait déjà sous l’ancien régime car dès les XIIIème et XIVème siècles il existait différentes saisies (saisie réelle, saisie-arrêt) qui permettaient au créancier d’obtenir le paiement de sa créance sur le patrimoine de son débiteur. Elles résultaient de coutumes qui ont été codifiées par la grande ordonnance de 1667 sur la procédure civile ordonnance prise à l’initiative de Colbert.

Le Code de procédure civile de 1806 a repris les 3 saisies exécutoires (la saisie-exécution, la saisie-arrêt et la saisie immobilière) et les différentes saisies conservatoires (la saisie gagerie, la saisie foraine et la saisie revendication) préexistantes. Depuis 1806, d’autres saisies conservatoires ont été ajoutées: la saisie conservatoire commerciale, la saisie des navires, la saisie des aéronefs et la saisie revendication.

Ce dispositif était compété par 2 procédures de distribution prévues pour la répartition des deniers entre les créanciers: la procédure d’ordre en matière immobilière (répartition du prix de vente des immeubles) et la procédure de contribution en matière mobilière (répartition du prix de vente des meubles).

Ces règles ont été satisfaisantes pendant près de deux siècles mais peu à peu, les faiblesses du dispositif ont été dénoncées et une réforme est devenue nécessaire.

  1. B) La nécessité d’une réforme des procédures civiles d’exécution

Le dispositif présentait des faiblesses:

  • la saisie immobilière restait une procédure lourde, lente et complexe tout comme la procédure d’ordre.
  • les saisies mobilières soulevaient des problèmes de compétence en raison de la multiplicité des juridictions susceptibles d’intervenir.
  • la saisie-arrêt avait un caractère conservatoire (elle permettait de rendre le bien indisponible) mais aussi exécutoire et ne laissait ainsi en réalité que peu de place au titre exécutoire détenu par le créancier.
  • de nombreuses saisies conservatoires faisaient double emploi avec la saisie conservatoire de droit commun créée en 1955.

L’évolution du contexte économique et social devait être prise en compte: à l’origine, les voies d’exécution étaient marquées par une grande rigueur à l’égard du débiteur mais la société de consommation a banalisé la situation du débiteur qui use de plus en plus souvent du crédit. Certaines valeurs sociales sont aussi montées en puissance: la liberté individuelle, le droit à la vie privé et l’inviolabilité du domicile qui nécessitent une meilleure protection du débiteur.

Le patrimoine mobilier des débiteurs ne se limite plus aux seuls meubles meublants.

Si les praticiens, les magistrats et les universitaires s’accordaient sur la nécessité d’une réforme, ils divergeaient sur l’ampleur du travail à entreprendre: toilettage ou réforme générale. Renonçant provisoirement à une réforme de la saisie immobilière, le gouvernement a préféré dans un premier temps rajeunir les saisies mobilières et les principes généraux qui les régissent. Une commission de réforme a été créée en 1988 et a abouti à la L91 et au D92, la réforme est entrée en vigueur au 1er jan. 1993.

2) La réforme des saisies mobilières

La réforme des saisies mobilières a été réalisée par la L91 et le D92, les objectifs étaient doubles: il s’agissait d’améliorer l’efficacité des procédures civiles d’exécution (A) tout en recherchant un équilibre entre la protection des créanciers et celle des débiteurs (B).

  1. A) L’amélioration de l’efficacité des procédures civiles d’exécution

3 principes renforcent l’efficacité des procédures civiles d’exécution: l’unification des règles de compétence (1), la revalorisation du titre exécutoire (2) et la diversification des procédures de saisie mobilière (3).

1) L’unification des règles de compétence

Pour remédier aux difficultés relatives à la multiplicité des juridictions compétentes, la L91 a créé un juge de l’exécution (JEX) compétent pour tous les problèmes relatifs aux saisies. En principe, le président du TGI exerce la fonction de JEX mais il peut déléguer ses pouvoirs. Cette volonté de concentrer dans les mains d’un seul juge toutes les difficultés relatives à l’endettement et aux saisies a conduit à reconnaitre au JEX une compétence en matière de surendettement.

2) La revalorisation du titre exécutoire

La revalorisation du titre exécutoire est l’idée forte de la réforme car elle limite le recours au juge et améliore ainsi la situation du créancier d’une somme d’argent. En effet, le créancier muni d’un titre exécutoire n’a plus à demander une autorisation de saisir. En principe, la procédure est donc extrajudiciaire, il peut y avoir une saisie sans recours au juge, la saisine du juge ne devient nécessaire qu’en cas d’incident.

La distinction est ainsi plus nette entre les mesures d’exécution ouvertes au créancier muni d’un titre exécutoire et les mesures purement et simplement conservatoires offertes au créancier dont la créance est seulement fondée et qui nécessite donc l’obtention d’une autorisation judiciaire préalable. L’ancienne saisie-arrêt qui avait une nature mixte a purement et simplement disparu avec la réforme.

3) La diversification des procédures de saisie mobilière

Le législateur a pris en compte l’évolution de la consistance du patrimoine car aujourd’hui les fortunes sont essentiellement mobilières et les meubles essentiellement incorporels. Des saisies spécifiques ont été prévues pour certaines catégories de biens (VTM). Cette diversification des saisies en accroit l’efficacité.

  1. B) La recherche d’un équilibre entre la protection des créanciers et la protection des débiteurs

La recherche d’un équilibre entre les droits respectifs des créanciers et ceux des débiteurs s’est accentuée lors de la réforme car le créancier doit pouvoir récupérer sa créance mais le débiteur ne doit pas pour autant être privé des moyens nécessaires à son existence et à celle des personnes dont il a la charge.

Le législateur multiplie les mesures de protection du débiteur au risque même parfois de compromettre l’efficacité des saisies. Il veut en quelque sorte et, dans la mesure du possible, humaniser les saisies en essayant d’une part de traumatiser le moins possible de débiteur et d’autre part de prendre ne compte ses difficultés.

  • le logement et l’environnement du débiteur sont protégés: l’expulsion est réglementée.
  • le principe de la subsidiarité de la saisie des biens se trouvant dans le local servant d’habitation au débiteura été posé: si le débiteur a des meubles dans sa résidence secondaire et principale, il faut saisir d’abord les meubles de la résidence secondaire et le législateur prévoit dans ce cas que le créancier doit le plus souvent essayer de mettre ne œuvre une saisie sur un compte bancaire notamment lorsqu’il entend obtenir le recouvrement d’une créancier non alimentaire d’un petit montant (moins de 535 euros).
  • en cas de difficulté financière, le juge peut aménager le règlement de la dette puisque le juge de l’exécution est également compétent en matière d’astreinte et de surendettement.

Le législateur place le créancier muni d’un titre exécutoire dans une situation très avantageuse puisque celui-ci choisit la saisie qu’il entend mettre en œuvre, il peut donc toujours opter pour une mesure conservatoire si tel est son intérêt (i.e. rendre indisponible sans envisager la vente des meubles).

Cependant, la liberté du créancier n’est pas sans limite car existent 2 mesures préventives et une curative:

  • mesures préventives:
  • principe de proportionnalité: la mise en œuvre d’une mesure d’exécution ou d’une mesure conservatoire «ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation» (L91 Article 22) à défaut, il y aura mainlevée de la saisie.

Ex: je souhaite recouvrer 100 et saisis un bien de 100.000, il y a disproportion.

  • principe de subsidiarité de la saisie-vente pour le recouvrement des petites créances non alimentaires: pour les créances non alimentaire dont le montant n’excède pas 535 euros, la saisie des comptes bancaires est privilégiée.
  • mesure curative: l’abus de saisie: il s’agit d’une application particulière de l’abus de droit, le créancier peut être condamné au paiement de dommages et intérêts en cas de saisie abusive sur le fondement de Code Civil Article 1382.

3) La période postérieure à la réforme

Depuis les années 1990, l’évolution des procédures civiles d’exécution s’est poursuivie.

  1. A) L’évolution en droit interne

Depuis 1991, des modifications ponctuelles sont intervenues: quelques modifications procédurales mais surtout le renforcement de la protection des débiteurs.

1) Les modifications procédurales

Le décret du 18 déc. 1996 a clarifié compétences du juge de l’exécution (JEX).

Le décret du 28 déc. 2005 Article 82 et 83 a modifié la saisie conservatoire des créances et la saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières depuis le 1er mars 2006. L’objectif était de favoriser la transparence de la procédure et d’alléger la charge de travail du greffe.

2) Le renforcement de la protection des débiteurs

La loi du 23 jan. 1998 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière et la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, ont modifié les saisies immobilières et l’expulsion.

Décret 11 sept. 2002 a institué un dispositif d’accès urgent aux sommes à caractère alimentaire figurant sur un compte saisi.

Loi Dutreil du 1er août 2003 pour l’initiative économique: l’entrepreneur individuel peut déclarer sa résidence principale insaisissable.

  1. B) L’évolution en droit européen

En 2008, une procédure européenne d’injonction de payer devrait être mise en place mais en l’état actuel du Droit, l’évolution résulte de l’influence de la CEDH et de l’adoption de règlements communautaires.

1) L’influence de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des citoyens (CEDH)

Cour EDH les saisies entrent dans le domaine de CEDH Article 6 §1, elles sont donc soumises au respect du délai raisonnable. Cette évolution s’est opérée en 3 temps:

  • la phase d’exécution d’un jugement ou d’un arrêt a été jugée que faisant partie intégrante du droit à un procès équitable (Cour EDH Hornsby c/ Grèce).
  • Art.6 §1 a été appliqué à une procédure d’exécution mise en œuvre à l’aide d’un acte (Cour EDH Estima Jorge c/ Portugal) car l’esprit de la CEDH commande de ne pas prendre le terme de contestation dans une conception trop technique et donc d’en donner une définition matérielle plutôt que formelle ce qui permet ainsi de reconnaitre le droit à un procès équitable même ne l’absence de procès. En l’espèce l’obtention du recouvrement de la créance avait duré 13 ans.
  • la durée de l’exécution est intégrée à la durée du procès pour le calcul du délai raisonnable (Cour EDH Pinto de Oliveira c/ Portugal).

2) L’évolution en droit communautaire

La procédure d’exéquatur a progressivement disparu dans l’espace judiciaire européen grâce au règlement du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées.

4) La réforme de la saisie immobilière

La réforme de la saisie immobilière était attendue depuis 1990 car sa procédure était jugée trop longue et formaliste. La loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie Article 24 a habilité le Gouvernement à réformer les dispositions relatives à l’expropriation (procédure de saisie) et à la procédure de distribution du prix de vente de l’immeuble (procédure d’ordre). L’Ord06 Code Civil Titre XIX « De la saisie et de la répartition du prix de vente de l’immeuble », l’ordonnance a été complétée par le décret d’application du 27 juillet 2006, réformé par le décret du 23 déc. 2006. La réforme est entrée en vigueur au 1er jan. 2007, elle poursuit un double objectif:

assurer une protection adéquate au débiteur en prohibant les expropriations injustifiées ou expéditives et surtout en évitant de brader l’immeuble qui constitue souvent l’élément principal du patrimoine.

offrir aux créanciers des procédures efficaces de recouvrement des créances pour les inciter à faire crédit: une intervention plus rapide du juge, prévision de modes alternatifs à la vente aux enchères, anticipation et limitation des éventuels incidents pouvant intervenir au cours de la procédure de saisie immobilière.

Section 3: Le caractère d’ordre public des procédures civiles d’exécution

Les textes régissant les procédures civiles d’exécution (mobilières comme immobilières) sont d’ordre public, les intéressés ne peuvent donc y déroger même d’un commun accord, ce caractère protège non seulement le débiteur mais aussi les autres créanciers:

  • le créancier ne peut imposer au débiteur des clauses le privant de ses garanties légales
  • les formalités d’exécution préservent les droits des autres créanciers puisqu’ils ont aussi pour droit de gage l’ensemble des biens meubles et immeubles du débiteur (Code Civil Article 2284).

Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006 relatives aux sûretés, le pacte commissoire n’est plus prohibé i.e. les parties peuvent convenir que le créancier s’appropriera le gage en cas de non paiement par le débiteur.

Par contre, si le créancier souhaite vendre le bien affecté en garantie, il lui est impossible de déroger aux règles de procédures civiles d’exécution, la prohibition de la clause de voie parée étant maintenue aussi bien en matière mobilière (Code Civil Article 2346) qu’en matière immobilière (Code Civil 2201 al.2).

Les procédures civiles d’exécution sont régies par des règles générales (Partie 1), complétées par des règles spéciales propres à chaque catégorie de mesures. Plusieurs mesures sont offertes chronologiquement au créancier: tout d’abord, certaines tendent à garantir ses droits sans pour autant lui permettre de procéder immédiatement à l’attribution ou à la vente forcée des biens du débiteur (les mesures conservatoires) (Partie 2), ensuite d’autres mesures lui permettent d’obtenir effectivement le paiement de sa créance (les mesures d’exécution) (Partie 3) et enfin plusieurs dispositions permettant de répartir le prix du bien saisi et vendu (les procédures de distribution) (Partie 4).

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