La Constitution de 1958 : ses rédacteurs, son adoption…

Les rédacteurs de la Constitution et l’histoire du texte constitutionnel de 1958

Lorsque les parlementaires de la IVe république décident de confier le pouvoir et le soin d’élaborer une nouvelle constitution au général De Gaulle, ils prennent le soin d’encadrer de manière stricte le travail constitutionnel à venir du gouvernement.
Loi du 3 juin 1958 : deux principes apparaissent quelque peu contradictoires :
– Le principe de la séparation réelle des pouvoirs est un principe classique depuis Montesquieu, mais pour le général De Gaulle ce principe signifie que l’exécutif ne doit plus être assujetti au législatif.
– Le principe de la responsabilité du gouvernement, critère du régime parlementaire.
Il va falloir que la nouvelle constitution combine deux choses en apparence contradictoire : d’un coté pas de subordination de l’exécutif au législatif mais en même temps une responsabilité du gouvernement devant le parlement.

Problématique de l’adaptation dans le temps du texte constitutionnel à la pratique du régime, à l’évolution de la vie politique.
La Valeur d’une constitution est déterminée par son adaptabilité à l’évolution d’un contexte politique qu’elle est censée encadrer.


A) L’écriture du texte constitutionnel

1. Les conditions de l’écriture (Faut-il parler d’un ‘complot gaulliste’ ?)
Sur la question du passage d’une IVe à une Ve république, les opinions des juristes et hommes politiques sont partagées.
Il y a d’abord ceux qui pensent qu’il faut changer de constitution, parce que les institutions de la IVe ne fonctionnent plus, et parce qu’il faut adapter la France aux exigences de l’Etat moderne.
De l’autre coté, il y a ceux qui pensent qu’on pourrait simplement améliorer les institutions de la IVe république (ex : Félix Gaillard qui va présider une commission sur la réforme des institutions, faisant des propositions pour renforcer les institutions de la IVe).
Les causes profondes du passage de la IVe à la Ve tiennent à deux phénomènes qui vont se conjuguer à un moment précis dans l’histoire française : l’affaire algérienne et l’extraordinaire personnalité du général De Gaulle qui apparaît comme étant l’homme providentiel pour sauver la France du « bourbier algérien ».
Ce changement de régime a-t-il été le résultat d’un ‘complot gaulliste’ ?
Complot = regroupement de plusieurs personnes de manière plus ou moins occulte dans le but de prendre le pouvoir.
Il est certain que De Gaulle entend bien revenir aux affaires. Pour revenir au pouvoir, De Gaulle s’est servi de forces politiques utilisées à leur insu : la population européenne d’Algérie à qui De Gaulle promet de garder l’Algérie française, l’armée française à qui il promet de donner les moyens pour garder l’Algérie française, une grande partie des parlementaires de la IVe à qui il promet que le nouveau régime restera un régime d’essence parlementaire.
Or, sans pour autant affirmer que De Gaulle a trahi ces trois forces politiques, on doit constater qu’il s’est sans trop de difficultés assez librement affranchi des promesses qu’il avait faites.
D’abord, il renonce à garder l’Algérie française. Ensuite, il se brouille avec une partie des militaires, notamment au moment du putsch des généraux. Enfin, en à l’automne 1962 De Gaulle va faire adopter une réforme constitutionnelle révisant l’article 6 de la constitution et faisant passer l’élection du président de la république du suffrage universel indirect au suffrage universel direct (c’est une réforme dont ne voulaient pas les parlementaires car elle remet en cause le modèle parlementaire classique) ; pour faire passer sa réforme, De Gaulle organiser un référendum sur la base de l’article 11 de la constitution, ce qui court-circuite les parlementaires (mais la procédure est inconstitutionnelle).

D’un point de vue juridique, le passage de la IVe à la Ve s’est déroulé sans problème particulier.
Ressemblances 1940 – 1958, entrainant des craintes : dans les deux cas la France se trouve dans une situation de crise militaire, on fait appel à un grand chef militaire, le gouvernement est investi de manière parfaitement légale, le gouvernement est investi d’une double mission (résoudre la crise militaires, doter la France d’une nouvelle constitution), les parlementaires votent la loi constitutionnelle en violation de la constitution elle même, les parlementaires se dessaisissent du pouvoir constitutionnel dérivé pour le confier au gouvernement.
Deux différences fondamentales cependant : au niveau du contenu, le texte de juin 58 pose des conditions de fond, de forme, de procédure au gouvernement, alors que le texte de 1940 donnait un ‘chèque en blanc’ au maréchal Pétain. De plus, la loi de 1940 n’a pas été appliquée puisque Pétain va attendre 1944 pour établir un texte constitutionnel qui ne sera jamais ratifié par le peuple, alors qu’en 58, quatre mois après la loi du 3 juin, la constitution de la Ve est adoptée.

Bilan :
À l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution (4 novembre 1958), les parlementaires sont rassurés. Le coup d’Etat n’a pas eu lieu. Mais selon François Mitterrand, le coup d’Etat n’a peut être pas eu lieu en 58 mais aura lieu après l’entrée en vigueur de la constitution, dans l’application concrète que le général De Gaulle va faire du texte constitutionnel. Mitterrand parle de « coup d’Etat permanent ».

2. Les écrivains : De Gaulle, Debré, Capitant et les autres

1ère source : idées du général De Gaulle.
Mais d’autres noms doivent être évoqués : 2e source : Michel Debré et René Capitant.
3e source : apport des ministres d’Etat de la IVe république membres du comité interministériel.

Michel Debré et René Capitant, deux grands juristes, vont influencer la pensée directe du général De Gaulle. Au sortir de la 2nde guerre mondiale, De Gaulle sent l’évolution des choses et lit des ouvrages que Debré et Capitant vont lui remettre (ex : Théorie de l’Etat de Carré de Malberg).
En 1958, Debré va avoir une influence déterminante sur tout ce qui concerne le parlementarisme rationnalisé. Capitant, lui, va influencer la constitution à deux niveaux : le maintien de la logique parlementaire du régime et l’importance de restituer le référendum.

Ministres d’Etat : Guy Mollet, Pflimlin, Louis Jacquinot, Félix Houphouët-Boigny. Ils joueront un rôle important au niveau de la question des crises ministérielles, ils vont réglementer le mécanisme de la motion de censure.


B. L’adoption du texte constitutionnel
Période du 3 juin au 28 septembre : l’adoption du texte constitutionnel se décide.

1. Avant le référendum du 28 septembre 1958
S’ouvre la campagne référendaire.
Certains professeurs (grands juristes) comme Georges Vedel ou Raymond Aron sont hostiles au projet de constitution. Ils trouvent cette constitution très rétrograde et invoquent dans leurs articles les précédents du second empire.
Il y a à cette époque un vrai souci d’égalité d’expression des différentes formations politiques de droite comme de gauche.
Puissante campagne financée par le gouvernement en faveur du oui. Mise en place d’un front républicain d’action civique contre l’abstentionnisme.
De Gaulle plaide pour son projet par un discours envoyé à tous les français.

2. Le référendum et ses résultats

Le référendum intervient : véritable raz de marée dépassant toutes les prévisions, avec deux phénomènes très nets : très faible taux d’abstention (15%) et majorité écrasante de oui (79,25%). Les oui l’emportent dans tous les départements sans exception.
On tire de ces résultats deux constatations :
A la suite de ce référendum, De Gaulle va avoir la voie extrêmement libre et dégagée. On parle d’état de grâce.
Puisqu’il y a eu un si grand nombre de oui, ce ne sont pas simplement le centre, la droite et la gauche qui ont voté oui, les électeurs communistes = une partie de l’extrême gauche, a aussi voté oui. C’est un phénomène que l’on retrouve à plusieurs reprises sous la Ve : les électeurs communistes vont être en partie séduits par le discours du général De Gaulle.