Les régimes matrimoniaux : cours

Droit des régimes matrimoniaux

Introduction :

  1. Notion de régime matrimonial

Le régime matrimonial est l’ensemble des règles qui régissent les biens des époux au cours du mariage et à sa dissolution.

Ces règles sont organisées en un tout cohérent et finalisé. Quant à la nature du droit des régimes matrimoniaux, ils sont regroupés dans :

*le livre III du Code civil,

*et le Titre V du Cciv, intitulé droit du mariage et des régimes patrimoniaux : cela s’explique d’abord par les relations d’ordre pécuniaires qu’engendre la vie entre époux, et ensuite par un effet de transfert de patrimoine d’un époux à l’autre

*et le Titre V livre premier du Cciv, consacré aux personnes, contient des règles relatives à l’application quotidienne du régime matrimonial : régime primaire de base.

*Les régles relatives au RM sont aussi prévues par d’autres dispositions :

-Code du commerceà entreprise familiale

-Code des assurancesàassurance vie

-Code rural

-CGIà solidarité fiscale des époux

-CPCàsurtout à la dissolution du RM

Le RM ne concerne que les couples mariés, même si le concubinage est prévu par l’Art 515-8 CCiv, il reste une union de fait, de même que le PACS (loi 15 novembre 1999, modifiée par loi 2006)

En ce qui concerne le fonctionnement des RG, on peut distinguer 4 facteurs :

  • autonomie de la volonté: ce sont les futurs époux qui choisissent leur RM, par l’établissement d’un contrat de mariage, dont le contenu peut être librement aménagé. La loi n’intervient qu’à titre supplétif. Les époux peuvent aussi changer de RM en cours, et même après la dissolution, procéder à une liquidation de ses intérêts.
  • la loi peut être supplétive ou impérative. La loi impérative organise la vie quotidienne de tous les couples, elle impose par le seul effet du mariage des règles auxquelles les époux ne peuvent pas déroger. La loi supplétive gouverne tous ceux qui ne font pas de choix exprès lors du mariage, c’est le régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Et la loi supplétive a prévu plusieurs modèles pouvant être adaptés par chacun.
  • le juge: il peut être amené à superviser un changement de RM, le juge contrôle aussi la légalité de certains actes, et l’opportunité de certaines mesures destinées à surmonter une crise conjugale (ex : autorisation de conclure certains actes sans accord de son conjoint). L’intervention du juge se fait souvent en fonction d’un critère non défini par la loi : l’intérêt de la famille (de tous les membres, ou juste d’un seul, notion incertaine)
  • et la pratique notariale: le ministère du notaire est obligatoire pour l’établissement du contrat de mariage initial, et la convention modificative du régime initialement choisi. Le notaire accomplit sa fonction de rédaction de l’acte, qui est indissociable de son rôle de conseil des familles. Lors de la dissolution du régime, le notaire joue un rôle important, car le recours à un notaire est indispensable pour effectuer toutes les opérations liquidatives.

Dans les sources des RM, il faut aussi mentionner le DIP qui règle les conflits dès lors qu’un seul élément d’extranéité est en présence. Aujourd’hui c’est la Convention de La Haye du 14 mars 1978 qui prévoit les règles de conflits. Elle a été ratifiée et entrée en vigueur en France le 1er septembre 1992.

Selon cette convention, c’est la loi d’autonomie qui choisit le régime applicable. Si les époux s’abstiennent de choisir une loi applicable, c’est la loi du 1er domicile du couple qui s’applique.

Objet du RM :

  • conférer aux époux le statut patrimonial,
  • déterminer la propriété des biens des époux (B propres et B communs)
  • et déterminer les règles de gestion de ces biens, à savoir la répartition des pouvoirs des époux.

Qui doit vendre un B ? Qui doit le réparer ?…

  1. Régime matrimonial et droit commun

Le droit des RM est donc un élément du droit patrimonial de la famille.

Les biens des couples mariés : Il existe 2 types de RM :

* le régime communautaire

* et le régime séparatiste

La répartition des biens est différente en fonction du régime choisi.

-régime séparatiste : la propriété collective des époux, c’est l’indivision du droit commun qui est applicable

régime communautaire : la spécificité de cette organisation est plus marquée : il suppose l’existence nécessaire d’une masse commune de biens : chacun des époux peut conserver les biens dont il était propriétaire avant le mariage ou en faire apport à la masse commune, laquelle est au minimum constituée des biens acquis à titre onéreux pendant le cours de l’union.

Répartition des pouvoirs :

Elle peut être conçue de manière variable, dépendant de la conception égalitaire ou hiérarchique du couple.

Il faut prendre en compte les RM :

séparatiste : chacun conserve la propriété des pouvoirs exclusifs sur ses biens

communautaire : la gestion des biens est conjointe pour les actes graves, ou concurrentes pour l’administration courante des biens. Chacun des époux conservant sur ses biens propres des pouvoirs exclusifs.

3 types de pouvoirs dans régime communautaire : gestion conjointe, concurrente et exclusive

En mariage, le RM doit son existence. Cela est visible pour le régime primaire.

En divorce, le RM doit sa dissolution.

La disparition du RM :

Le patrimoine de chacun est déterminé par la liquidation du RM, mais encore la loi du divorce elle-même prévoit la prestation compensatoire dont l’existence et l’évaluation sont dans la dépendance de niveau de vie commun au cours de l’union.

Le juge du divorce peut prévoir des mesures provisoires, qui peuvent toucher les rapports pécuniaires (jouissance d’un bien commun ou indivis à l’un des époux, gestion des biens communs, prévision sur la part de communauté des époux.)

Lien également avec le droit des successions : le décès d’un époux ouvre sa succession, et dissout le RM, le conjoint survivant a des droits successoraux qui portent sur le patrimoine de l’époux prédécédé. Or dans ce patrimoine, sont inclus des droits patrimoniaux de celui-ci.

Et liens avec le droit des libéralités : les donations peuvent être stipulées dans le contrat de mariage, ou peuvent être effectuées pendant le contrat de mariage ce qui peut procurer un enrichissement d’un des époux, ce qui complète ces droits patrimoniaux.

Le RM est aussi régi par les règles de droit commun. Les époux peuvent conclure des contrats :

  • contrat de mandat: sa validité est expressément consacrée par l’Art 218 Cciv, son utilité pratique en fait que la loi en fait expressément référence : quand l’un des époux administre les biens de l’autre (Art 1431, 1432 CCiv)

Le mandat tacite est plus facilement admis comme sa gratuité.

Le contrat de mandat peut prévoir la modification de participation au RM, il est de ce fait révocable.

  • contrat de société : aujourd’hui, les époux peuvent être seuls ou avec d’autres, associés dans une société quelle que soit sa forme (Art 1832-1 Cciv)
  • contrat de travail : il a longtemps suscité la perplexité en raison de l’obligation d’entraide conjugale et du principe d’égalité des époux incompatible avec le lien de subordination qui caractérise ce contrat. Le contrat de travail a admis sa validité. Le Code du travail a reconnu la validité d’un tel contrat. Le salariat du conjoint du chef d’entreprise est prévu par l’art L121-4 Ccom, parmi les statuts offerts à son conjoint (conjoint associé, …)
  • contrat de vente: longtemps prohibé, il est désormais valable depuis l’abrogation de l’art 1595 CC par la loi 1985 : le contrat est valable quel que soit le régime matrimonial. Toutefois quand les époux sont communs en biens, la vente dans laquelle la masse commune est concernée ne devrait pas être admise, car la preuve de l’origine des fonds pour en acquitter le prix sera souvent impossible en raison de la présomption de communauté. Une telle vente altère la nature de la communauté. Et selon certains auteurs, cette vente devrait être interdite, car la communauté est dépourvue de personnalité juridique.
  • contrat de donation est depuis toujours en principe valable, mais la loi du 26 mai 2004 a largement modifié le régime des donations entre époux. Alors que la donation faite pendant le mariage était toujours révocable par volonté unilatérale du donateur, les donations entre époux sont désormais soumises à l’irrévocabilité des donations de droit commun. Les donations entre époux de biens présents qui prendraient effet au cours du mariage ne sont révocables que dans les conditions posées par les Art 953 et suivants du Cciv.

La loi 26 mai 2004 a supprimé la prohibition des donations déguisées entre époux sanctionnées jusqu’alors par la nullité absolue.

  • contrat de cautionnement est valable entre époux mais il existe un risque de dénaturation qui conduira à qualifier le cautionnement entre époux de donation indirecte.

Quelles sont les autres règles de droit commun qui s’appliquent aux époux dans un RM ?

  • Des obligations extra-contractuelles cad la responsabilité civile d’un époux envers l’autre
  1. Art 1421 Cciv : les époux répondent de leur faute de gestion dans l’administration de la communauté (que ce soit un acte purement matériel : dégradation d’un bien ; ou juridique). L’indemnité réparatrice est une créance de la communauté contre l’époux fautif.
  2. Art 266 Cciv; hypothèse particulière de la réparation des conséquences d’une particulière gravité subie par un époux du fait du divorce prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
  • Le droit commun de la responsabilité qui s’applique (Art 1382 Cciv) aussi pour toutes les autres fautes. Ce droit commun s’applique aux créances entre époux, les créances peuvent exister entre les époux, elles sont soumises au droit commun. Ainsi les créances sont exigibles pendant le cours de l’union, elles ne donnent pas lieu à prélèvement mais à paiement (contrairement au système de compensation). Le délai de prescription est de 5 ans, mais il est suspendu entre époux, l’action peut être mise en œuvre dans un délai de 5 ans après la dissolution du mariage.

  • Evolution historique

Avant le Cciv de 1804, on distinguait des pays de coutume et des pays de droit écrit par rapport aux RM.

  • Pour les pays de coutumes (Nord de la France), il était admis, qu’entre les époux, existait une communauté de biens du seul fait du mariage. Mais cette communauté de bien était gérée par le mari considéré comme le maître de la communauté. La femme était protégée par une hypothèque légale et le droit de renoncer à la communauté.
  • Pour les pays de droit écrit (Sud), on n’admettait pas ce régime d’intérêt, il existait un régime Dotal dans lequel les biens d’une femme ont été divisés en des biens dotaux=biens que la femme apportait à son mari pour contribuer aux charges du mariage, inaliénabilité de ces biens, (le mari ne peut pas les aliéner) et biens paraphermaux=biens que la femme gardés sous son pouvoir.

Puis en 1804, 2 idées principales vont émerger pour mettre en place les RM :

  • La liberté de choisir, de convention matrimoniale : ce principe ne privilégiait ni le régime de communauté, ni le régime dotal. Mais cette liberté était corrigée par un autre principe : l’immutabilité
  • L’immutabilité du régime matrimonial : le choix des époux est définitif. Pour ceux qui n’ont fait aucun choix, la communauté de meubles et acquêts a été prévue. La masse commune était composée par tous les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage, et de tous les biens meubles (même acquis avant le mariage). Tous les pouvoirs étaient concentrés entre les mains du mari.

Les 2 grandes réformes datent de 1965 et 1985, avant réformes ponctuelles insuffisantes.

  • Loi 13 juillet 1907: marquées par un mouvement féministe, loi qui reconnaît à la femme mariée son autonomie professionnelle, elle pouvait exercer une profession sans autorisation de son mari sauf opposition de celui-ci, elle pouvait aussi librement percevoir et dépenser ses gains et salaires, et gérer seule les biens acquis grâce à ses revenus professionnels, on les appelle les « biens réservés »de la femme. Cette loi est un échec, car les femmes travaillaient peu à l’époque, ou gagnaient peu.
  • Loi 18 février 1938: suppression de l’incapacité d’exercice de la femme mariée. La réforme était inachevée, elle était certes capable, mais dépourvue de pouvoirs sur les biens communs.
  • Loi 22 septembre 1942: elle a créé des extensions de pouvoirs de la femme en l’associant à certains actes sur les biens communs et a mis en place un système de représentation légale du mari par son épouse.

Ces lois ont été insuffisantes. Nombreuses études….ce qui nous amènent à la loi de 1965.

  • Loi 13 juillet 1965 s’est efforcée de trouver un équilibre entre l’égalité des époux et l’indépendance de l’un par rapport à l’autre.

*L’idéal de liberté inspire de nombreuses modifications inscrites dans cette loi : ex : création d’une présomption de pouvoirs= permet à chacun de ne pas être entravé dans ses relations avec les autres pour des actes de la vie quotidienne.

*Des mesures d’urgence judiciaires ont été introduites en cas de mésentente.

*La loi a permis la modification du RM au cours du mariage, sous le contrôle du juge.

*Enfin cette loi a établi l’égalité des époux, les époux sont égaux, cela a conduit à associer la femme à la gestion de biens communs.

* En contrepartie de cette égalité, l’hypothèque légale devient réciproque.

*la loi de 1965 a introduit la communauté légale réduite aux acquêts.

àInconvénient de cette loi : le mari reste l’administrateur de la communauté, ce qui interdit à la femme certains actes, qui restent aux pouvoirs exclusifs du mari. Ex : accepter un devis de réparation, donner un appartement en location, vendre une récolte. Seul le mari engage par ses dettes les biens communs.

  • Loi 23 décembre 1985 : c’est cette loi qui a établi l’égalité entre les époux,

*elle a établi des pouvoirs concurrents d’administration, et des pouvoirs conjoints de disposition sur les biens communs.

*C’est aussi une loi d’indépendance professionnelle, et donc d’indépendance économique des époux, qui grâce à des pouvoirs exclusifs sur leurs revenus professionnels, sont traités sur ce terrain comme des célibataires.

Loi 26 mai 2004 : qui a réformé le divorce

Ordonnance 23 mars 2006 relative aux sûretés

-loi du 23 juin 2006 sur les successions et libéralités

-loi du 5mars 2007 relative aux majeurs protégés

loi 2008de modernisation de l’économie, modifiant certaines dispositions du Cciv

  1. Liberté des conventions matrimoniales

Liberté du choix matrimonial : liberté qui s’applique au choix initial, et à la modification postérieure.

Le choix initial :

C’est soit le choix des époux, soit le choix du régime légal.

Aujourd’hui les époux peuvent adopter l’un des régimes types organisés par la loi, et la loi offre des modèles tout prêts :

  • séparation de biens,
  • participation aux acquêts,
  • communauté conventionnelle.

Mais les époux peuvent aussi combiner les différentes options offertes :

  • la séparation de biens avec société d’acquêts
  • la communauté universelle avec attribution intégrale de la communauté au survivant

Ils peuvent aussi compléter l’un des modèles choisis.

Dans tous les cas, ils doivent établir un contrat de mariage qui est nécessairement préalable à la célébration du mariage lui-même et notarié. L’adoption du régime légal n’est pas exclusive d’un tel contrat préalable, par ex : pour se constituer une preuve de patrimoine propre

Les limites à cette liberté résident dans le respect des bonnes mœurs, et de l’ordre public familial (ex : ne pas ressusciter l’ancien régime dotal, ne pas porter atteinte à certains principes fondamentaux)

Le choix du législateur de 1965 est resté sur un choix communautaire, mais cette communauté a été réduite aux acquêts.

La liberté des époux peut se manifester aussi par le choix de la loi applicable en cas d’éléments d’extranéité.

Si changement de RM :

La loi du 23 juin 2006 a introduit la déjudiciarisation du changement de RM. L’intervention du juge n’est plus nécessaire pour changer de RM. On observe qu’en pratique 2 pratiques prédominent :

  • Substitution de la séparation de bien conventionnel à un régime communautaire (ex : quand un époux commence à exercer une activité à risques)
  • L’adoption de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant. (couple âgé, l’époux survivant acquiert tous les biens)

Le RM ne peut être modifié que dans un délai de 2 ans après la célébration du mariage ou après une modification antérieure.

Seuls les époux peuvent modifier la convention (pas les parents qui ont fait des donations lors du mariage). En principe, l’intervention du juge n’est pas nécessaire, le changement du RM doit être modifié par l’intérêt de la famille. L’acte doit être notarié. Certaines personnes peuvent s’opposer à ce changement de RM : droit qui appartient aux enfants majeurs, les personnes qui avaient été parties au contrat modifié, ou des créanciers.

En cas d’opposition, c’est le juge qui doit intervenir en fonction du critère de l’intérêt de la famille.

  1. Les règles de conflit de lois

Pour les conflits de lois dans le temps :

*Si le mariage est dissout, lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, on applique la loi ancienne.

*Si le mariage est célébré après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, c’est la loi nouvelle qui s’applique.

* Si le mariage en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, les effets passés du mariage sont régis par la loi ancienne, et les effets avenirs sont régis par la loi nouvelle ou par un régime transitoire.

2 particularités :

Loi 1965 a prévu le principe de la survie de la loi ancienne sauf quelques règles impératives (ex : règles de gestion de la communauté)

Loi 1985 : principe de l’application immédiate sauf pour le régime légal applicable aux époux.

Pour les conflits de lois dans l’espace :

Convention de La Haye : * libre choix des parties pour la compétence du tribunal

*A défaut, application de la loi du 1er domicile des époux.

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Le régime primaire

  1. Notion

Le régime primaire constitue le statut fondamental des gens mariés, il réunit les principes de base de la situation patrimoniale. C’est l’essence du mariage. Les règles qui constituent le RP sont établies dans les art 212 à 226 Cciv. On parle de statut patrimonial de base, ce sont les règles applicables à tous les époux, ou de statut impératif de base.

C’est l’art 226 Cciv, qui prévoit ce caractère impératif : les dispositions du présent chapitre sont applicables par le seul effet du mariage quel que soit le RM. Donc le RP s’applique de manière automatique par le seul effet du mariage. Le RP est donc d’OP. Et les époux ne peuvent pas y déroger. Aucune convention ne pourrait valablement contrarier les règles du RP. Ex : une clause d’administration conjointe ne peut pas déroger aux règles du RP.

Le RP ne s’applique qu’aux couples mariés, donc les concubins en sont exclus. Pour le PACS, il existe un aménagement patrimonial, mais il est loin d’être comme le RP.

On distingue 2 aspects du RP : l’interdépendance des époux, et l’autonomie des époux (autonomie bancaire, mobilière, …)

  1. Interdépendance des époux

Les époux forment une communauté de vie qui implique une mise en commun des intérêts patrimoniaux, qui dépassent largement l’entretien des enfants.

  1. Contribution aux charges du mariage :

Prévu par l’art 241 Cciv : « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »

La notion de charge du mariage :

La doctrine distingue l’obligation de secours visée à l’art 212 Cciv, et l’obligation de contribuer aux charges du mariage à l’art 214 cciv. L’objet du devoir de contribution aux charges du mariage est de rétablir un équilibre entre les niveaux de vie de chacun des époux en fonction de leurs ressources.

En revanche, le devoir de secours vise à répondre à un état de besoin et correspond à un minimum vital alimentaire pour le conjoint sans ressource.

Donc la notion de devoir de secours est plus restrictive. Mais au niveau de la procédure, ce sont les mêmes règles qui s’appliquent. Différence au niveau du fondement de la demande.

Par rapport à la notion de charges de mariage : la doctrine dit que les dettes ménagères et charges du mariage sont différentes. Il est admis que les charges du mariage englobent celles de dettes ménagères.

Constituent des charges du mariage toutes les dépenses engagées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants. Les charges du mariage dépendent des époux eux-mêmes, on les détermine en fonction du train de vie que les époux se sont donnés d’un commun accord. Donc notion subjective.

Les charges du mariage comportent les dépenses nécessaires et ordinaires telles que la nourriture, le logement, l’habillement, les soins médicaux, les frais de déplacement, les frais de scolarité des enfants, ou encore les primes d’assurance. Mais à ces dépenses, il convient d’ajouter celles qui relèvent du train de vie de chaque couple marié, donc les dépenses d’agrément et de loisirs : l’acquisition d’une résidence secondaire, la doctrine estime que ces dépenses peuvent être inclues dans les charges du mariage même si elles sont élevées, dès lors qu’elles ont été engagées par les époux d’un commun accord.

Le principe de libre fixation de la part contributive aux charges du mariage :

La contribution aux charges du mariage est fixée par le principe de liberté dans la fixation de la part contributive de chacun des époux. L’art 214 prévoit uniquement un critère : la contribution doit être fixée selon les ressources personnelles. Cela peut être prévu dans le contrat de mariage (fixation conventionnelle) :

– les époux peuvent soit fixer le montant de la somme que chacun versera au titre de la contribution,

– soit insérer une clause disposant que sera à la charge d’un seul des époux certaines dépenses, comme par exemple ses dépenses personnelles (voyage),

– ou répartir un pourcentage à la charge de chacun des époux,

– ou en limitant la contribution de l’un à une somme déterminée.

– Il est possible de contribuer aux charges du mariage par son activité domestique,

– ou sa collaboration à la profession de son conjoint.

Les limites à cette liberté :

Mais cette liberté a ses limites : l’obligation aux charges du mariage, étant d’OP, un époux ne pourra pas être dispensé de toute contribution, même s’il a l’accord de son conjoint.

Autre limite : la clause qui prévoirait que l’un des 2 époux verse au titre de la contribution la totalité de ses revenus professionnels serait contraire au principe de libre jouissance de ses revenus professionnels, et donc à l’autonomie professionnelle.

En l’absence de convention entre époux, le Cciv énonce que la contribution se fait en fonction des époux.

L’évaluation des parts contributives de chaque époux :

L’évaluation des facultés respectives conduit à prendre en considération :

* les ressources de chaque époux : revenu de l’activité professionnelle, revenu des biens propres ou personnels en tenant compte des charges supportées par l’intéressé, correspondant à des dépenses utiles ou nécessaires.

* Il faut aussi prendre en considération l’activité des époux au foyer, sa collaboration éventuelle à la profession de l’autre,

* et les ressources en capital peuvent être intégrées dans les facultés respectives de chaque époux.

Ex : la jurisprudence prend en compte la possibilité de faire visiter un château.

Les effets de la séparation de fait des époux sur le RP :

En cas de séparation des époux (séparation de fait ou séparation judiciaire), on aura une fixation judiciaire de la part contributive de chacun des époux. Il est admis que l’obligation de contribuer aux charges du mariage subsiste en cas de séparation, jusqu’à la dissolution du mariage, l’intervention du juge peut s’avérer souvent nécessaire. C’est la seule existence du mariage qui conditionne cette obligation.

Les tribunaux conservent un pouvoir d’appréciation dans la fixation de la part contributive de chacun des époux en tenant compte des circonstances de la rupture. Ainsi par ex, les tribunaux peuvent prendre en compte la circonstance pour laquelle l’un des époux quitte le domicile conjugal. Mais il faut étudier toutes les circonstances de la séparation.

Il appartient au débiteur de l’obligation de rapporter la preuve des circonstances particulières qui pourraient le dispenser de l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage. Et le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation (aucun contrôle de la Cour de cassation).

Cass, 1ère civ, 24 octobre 1977 : C’est dans l’exercice de ce pouvoir souverain, même si le mari gagnait plus que la femme, les juges du fond ont constaté qu’il apportait une aide financière à ses parents, et que sa part contributive pouvait être diminuée.

Les juges tiennent compte des facultés respectives des époux. Le JAF peut indexer la contribution aux charges du mariage sur l’indice des prix à la consommation.

A la dissolution du mariage, l’un des époux peut contester la répartition des charges du mariage et estimer qu’il a contribué de façon excessive à sa charge durant la communauté de vie. La contestation peut porter sur le versement de sommes d’argent, ou sur l’activité domestique, ou sur l’aide à l’activité professionnelle.

Les juges du fond sont alors amenés à évaluer la part contributive de chacun, et sous le régime de la séparation de biens, les éventuels dépassements pourront entraîner une indemnité allouée sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Pour les régimes communautaires, les économies faites par l’un des époux se trouvent dans la masse commune, donc pas besoin de dommages-intérêts.

Modalités d’exécution de la contribution aux charges du mariage:

La plupart du temps, c’est le prélèvement sur les ressources des époux, en fonction du montant des charges, et des facultés contributives de chacun des époux. Mais ça peut aussi être un travail domestique, une collaboration professionnelle, ou la mise à disposition du ménage d’un bien propre ou personnel, tel qu’un immeuble qui servira de logement familial.

Compétences des juges:

Art 214 al 2 Cciv : si l’un des époux ne remplit pas cette obligation, il peut être contraint par l’autre.

Le juge compétent est le JAF, juge délégué au TGI. Mais en cas de difficultés, certaines procédures de recouvrement pourront être mises en œuvre, et dans ce cas, c’est le juge de l’exécution qui sera compétent pour toutes les difficultés liées à l’exécution forcée.

Quant à la compétence territoriale, le JAF territorialement compétent est en principe celui du lieu où se trouve la résidence de la famille. Si les parents vivent séparément, le juge compétent est celui du lieu de résidence du parent avec lequel résident les enfants mineurs, ou celui du lieu de résidence du parent qui exerce seul l’autorité parentale, si l’autorité parentale n’est exercée que par un seul des parents.

En dehors de ces situations, la compétence revient à la juridiction du lieu de résidence du défendeur.

Si le litige ne porte que sur les contributions aux charges du mariage, il y a une option autorisant le demandeur à saisir le juge du lieu de résidence du créancier. En pratique c’est pour lui, la juridiction la plus proche.

Pour les formes, le juge est saisi dans les formes prévues pour les référés, ce qui n’implique pas que la condition d’urgence soit remplie, c’est l’Art 1137 CPC.

Le jugement qui fixe une pension alimentaire, ou une contribution aux charges du mariage est de droit exécutoire à titre provisoire, le demandeur n’a pas besoin d’attendre la fin de la procédure pour obtenir l’exécution du jugement.

Lorsqu’un jugement fixe une pension alimentaire ou une contribution aux charges du mariage, les parties sont informées par un document joint à l’expédition du jugement, des modalités de recouvrement, des règles de révision de la créance et des sanctions pénales encourues.

L’inexécution d’une décision imposant le versement d’une pension ou contribution… constitue un abandon de famille puni pénalement dans les art 227-3 et 227-4 CP.

Le fait pour un débiteur d’organiser ou d’aggraver son insolvabilité en vue de se soustraire à l’exécution d’une décision est un délit également puni art 314-7 et suiv du CP.

  1. Solidarité à l’égard des dettes ménagères :

Dans leur relation avec les tiers, les époux vont effectuer des dépenses relatives à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants, ce qu’il est convenu de nommer « dettes ménagères ». L’art 220 Cciv précise que chacun des époux a le pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.

C’est donc un pouvoir propre des époux, mais cela est contrebalancé par la solidarité à l’égard des dettes qui résulte de tel contrat. Art 220 : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.

Egalité des époux tant pour contracter seul mais aussi pour engager son conjoint.

Domaine de cette solidarité :

Tendance à l’extension du champ d’application l’art 220 quant aux dettes soumises à solidarité, pour conserver une interdépendance communautaire entre époux. L’art 220 mentionne les contrats, donc la solidarité s’applique aux dettes d’origine contractuelle. Mais l’exclusion du domaine de l’art220 pour les dettes non-contractuelles a été rejetée par la jurisprudence, qui a admis clairement que l’art 220 Cciv a vocation à s’appliquer à toute dette même non contractuelle. 1ère civ, 7 juin 1989.

Ex : la solidarité ménagère a été reconnue pour une indemnité pour le maintien d’un époux dans le logement familial après résiliation du bail.

Ou le remboursement de prestations familiales indûment perçues.

Ou les cotisations relatives aux salaires d’une employée de maison.

Ou des cotisations au titre du régime légal d’assurance maladie et maternité.

Ou des cotisations d’assurance vieillesse.

Donc application élargie de l’art 220. De plus, la jurisprudence dit que l’art 220 s’applique au capital de la dette, et aux intérêts et pénalités de retard.

Objet de la dette :

Pour être qualifiée de dette ménagère, les dettes doivent présenter ce caractère de ménagère directement ou indirectement.

Directement : ce sont les dettes engagées pour les besoins domestiques : nourriture, habillement, et plus généralement, toutes les dépenses affectées à la subsistance des époux et de leurs enfants. Ce sont des dettes destinées à satisfaire des besoins de la vie courante : chauffage, électricité, frais médicaux, la prise à bail d’un logement destiné à la famille, pareil pour les charges de copropriété, ou l’achat de matériaux pour le logement principal.

La discussion porte sur les dépenses d’agrément (voyage, revue, loisir..), la jurisprudence considère que ce sont des dettes ménagères (ex : électroménager, équipement informatique, maison secondaire…).

Question posée pour l’achat d’un véhicule : si c’est le véhicule familial (et non professionnel), alors il pourra être considéré comme une dette ménagère. Quid pour une voiture de luxe ? Elle est exclue des dettes ménagères, sauf si elle s’inscrit dans le train de vie des époux.

Sont exclues des dettes ménagères des opérations d’investissement : si l’un des époux investit dans un immeuble. Sont également exclues les dettes personnelles à l’un des époux ne profitant pas à l’autre, ou les dettes de dommages-intérêts qui tendent à réparer un préjudice subi causé par l’un des époux.

Il faut rappeler que les dettes relatives à l’éducation des enfants sont des dettes ménagères. Cela ne pose pas de problème si c’est l’enfant commun aux 2 époux, mais si c’est l’enfant d’un seul, le critère appliqué est celui de la communauté de vie, si l’enfant vit avec les époux, les dettes pour son éducation seront soumises à la solidarité.

Les dettes exclues de la solidarité :

On dit que la solidarité est mise en place pour protéger les créanciers. Or certaines dettes ménagères sont exclues de la solidarité, ce qui signifie que les créanciers vont courir un risque : le législateur soucieux de préserver le ménage des opérations excessives et dangereuses a prévu 3 exceptions à la solidarité :

-les dettes manifestement excessives : l’art 220 al 2 précise que les dettes sont manifestement excessives eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, et à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

Le juge prend en compte le train de vie du ménage, il recherche s’il y a une disproportion flagrante entre les ressources de la famille et la dépense effectuée. Mais bien entendu chaque ménage a son propre train de vie, donc application in concreto.

Utilité ou inutilité : critère critiqué, car si la dette est inutile, cela signifie que la dette n’est pas ménagère, qu’elle n’est pas pour l’entretien du ménage ni l’éducation des enfants.

La bonne ou mauvaise foi des tiers : la prise en considération de l’apparence créée par les époux dans leur train de vie est particulièrement importante. On ne peut reprocher à des tiers de se fier au train de vie apparent que les époux laissent entendre. La solidarité protège les créanciers.

les achats à tempérament : consiste à acquérir un bien auprès d’un professionnel qui accorde des facilités de paiement, en admettant un paiement échelonné du prix ou d’une partie de celui-ci. La dangerosité consiste dans le fait que le paiement est décalé, le ménage risque d’être endetté sur un long terme. La Cour de cassation rappelle que l’exclusion des achats à tempérament existe même si les achats portent sur des sommes modestes (protection du consommateur) : 1ère civ, 12 juillet 1994.

les emprunts : c’est le danger qui menace le patrimoine familial sur le long terme qui fonde l’exclusion. En principe les emprunts sont exclus de la solidarité ménagère, mais il convient de préciser que la solidarité ménagère joue pour les emprunts portant sur des sommes modestes, et nécessaires pour les besoins de la vie courante.

Ex : le crédit reconstituable (revolving) souscrit avant le mariage est une dette soumise à la solidarité car consentement chaque année 1ère civ, 13 novembre 2008.

La solidarité en cas d’emprunt ménager réapparaît lorsque l’emprunt a été contracté par les 2 époux et que les 2 époux y ont consenti. La solidarité intervient dans ce cas, même si l’emprunt n’intervient pas sur des sommes modestes venant satisfaire des besoins de la vie courante.

Distinguer achat à tempérament et emprunt car si somme modeste : solidarité pour les emprunts, mais pas pour les achats à tempérament.

Les effets de la solidarité des dettes :

Dès lors que le mariage a été valablement célébré, l’art 220 a vocation à s’appliquer à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial. Les créanciers qui bénéficient de la solidarité légale des époux, pour les dettes ménagères contractées par l’un d’entre eux, peuvent demander le paiement de cette dette à l’un d’entre eux. L’obligation à la dette pèse donc selon la règle de la solidarité sur les 2 époux et sur l’ensemble de leurs biens.

La question de la contribution à la dette se règle ensuite en application de l’art 214 Cciv et des règles des différents régimes matrimoniaux. Si la dette est considérée comme personnelle, cela sera réglé dans un 2nd temps.

Quant à la preuve, c’est à celui qui se prévaut de la solidarité qu’il incombe de prouver que les conditions de cette solidarité sont réunies, et donc que la dette n’est pas exclue de la solidarité (ex : empruntà somme modeste)

Quant à la durée de la solidarité, c’est en principe la durée du mariage. Elle prend fin qu’avec la fin du mariage, en cas de divorce, la solidarité demeure logiquement au bénéfice des tiers jusqu’à ce que le divorce leur soit opposable, par la transcription du jugement du divorce sur les registres de l’état civil.

  1. Logement familial

L’interdépendance des époux se manifeste aussi par la protection du logement. Par le mariage, le logement acquiert le statut du logement de la famille ou logement familial, du fait des règles spécifiques à ce logement prévues par le droit matrimonial. L’immeuble servant d’habitation aux époux va donc recevoir la qualification de logement familial parce qu’il échappe au droit commun des biens, et sera soumis à un droit spécial. L’importance du lieu de la vie familiale justifie une protection particulière, car c’est le lieu effectif de la vie familiale, c’est le lieu de concrétisation de la communauté de vie, le lieu de rassemblement du couple et de ses enfants.

Pour préserver ce logement, il convient de limiter les actes que peut faire l’un des conjoints. L’art 215 al3 Cciv assure la protection du logement au titre du RP, ainsi que l’art 1751 au titre du droit des baux.

L’Article 215 al 3 Cciv :

« Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous. »

Les époux vivent ensemble, et choisissent ensemble le logement familial. Les époux ne peuvent l’un sans l’autre de disposer du logement de la famille, ni des meubles meublant qui le garnissent.

La notion de logement familial :

Il se distingue de la notion de domicile conjugal, en effet, les époux peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie. En cas de difficulté, c’est au juge qu’il revient de décider souverainement par une appréciation in concreto du lieu où se trouve le logement principal des époux en fonction de critères psychologiques et matériels. On va chercher le lieu que les époux ont choisi ensemble d’un commun accord. Ce lieu peut changer en fonction des déménagements de la famille.

La notion de logement familial ne porte pas sur la résidence secondaire des époux. On constate que ce qu’il faut protéger, ce sont les besoins vitaux de la famille.

On exclut aussi du champ d’application du logement familial, le logement de fonction qui est strictement rattaché à la profession exercée.

L’art 215 vise aussi les meubles meublant garnissant le logement : ils sont définis par l’art 534 Cciv. Ce sont des meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements. Pour que la protection s’applique, il faut que les meubles se situent effectivement dans le logement familial.

Dans le cadre de situation de crise, le juge peut interdire le déplacement des meubles, sur le fondement de l’art 220-1 Cciv.

La durée du statut particulier du logement familial :

Ce statut vaut pendant tout le temps du mariage, tant que le lien matrimonial n’est pas dissout, donc même en cas de séparation.

Les actes nécessitant le consentement des époux :

Les droits visés par l’art 215 al 3 sont entendus au sens large. Il s’agit de tous les droits quelle que soit leur nature (droit de propriété, de bail, d’usufruit, droit réel ou personnel). La cour de cassation a rappelé que l’art 215 institue un régime de protection du logement familial visant les droits de toute nature de l’un des conjoints sur le logement de la famille : 1ère civ, 20 janvier 2004

Quand l’un ou les 2 époux sont propriétaires de l’immeuble, l’art 215 al 3 vient contrarier les règles du RM :

  • Si mariage sous la communauté légale, et que l’immeuble constitue un propre de l’un d’entre eux, une dérogation sera apportée au droit de disposer seul d’un bien propre.
  • Si mariage sous le régime de la séparation, et que le bien appartient à l’un d’entre eux, là encore il s’agira d’une dérogation au droit de disposer seul d’un bien personnel.
  • Ce n’est que lorsque le bien est commun en régime de communauté, ou indivis en régime de séparation que l’on retrouve une concordance entre régime matrimonial et droit commun du régime primaire : accord des 2 époux nécessaire pour faire un acte de disposition du bien.

La cogestion des droits sur le logement familial :

La loi protège chaque époux contre la décision que l’autre prendrait seul, lorsque cette décision aurait pour conséquence de nuire à la permanence de ce logement familial.

Actes nécessitant le consentement des 2 époux : L’art 215 al 3 vise tous les actes de disposition à titre onéreux ou gratuit (vente, PSV, bail qui confère la jouissance, ou l’échange, l’apport en société, cession de parts sociales, donation, mandat de vente, constitution d’hypothèques conventionnelles, la résiliation du contrat d’assurance garantissant le logement familial a été rajouté par la jurisprudence).

Toutefois ne sont pas concernés par l’art 215 al 3 les actes qui n’emportent pas aliénation du bien servant à l’habitation de la famille. Ex : vente avec réserve d’usufruit au profit du conjoint.

L’art 215 al 3 ne porte pas atteinte à la liberté de tester : mais ne pas oublier le droit du conjoint survivant prévu par l’art 764 Cciv.

Et est également admis le cautionnement souscrit par un seul époux.

Les dispositions de l’art 215 ne rendent pas le logement insaisissable. L’objectif de l’art 215 est de protéger le logement contre les actes de l’un des époux et non contre les tiers. Ex : une saisie qui aboutit à une vente forcée, ou inscription d’une hypothèque judiciaire.

La nécessité du consentement de 2 époux :

Pour disposer de cet art, les 2 époux doivent exprimer leur consentement. Mais l’art 215 ne prévoit aucune forme de ce consentement. Il est admis que ce consentement peut intervenir sous forme orale ou écrite, pourvu qu’il soit certain. Pour éviter des difficultés de preuve évidente, il conviendra de préférer la rédaction d’un écrit sous quelle que forme que ce soit. Ex : mandat immobilier.

S’agissant du consentement, la capacité de l’art 1108 est exigée.

L’étendue du consentement :

Le consentement ne peut être général et abstrait, ne peut pas porter sur un ensemble d’actes, il doit porter non seulement sur le principe de la disposition des droits par lequel est assurée la protection du logement de la famille, mais aussi sur les conditions de leur cession. (ex : pour une vente : être d’accord sur la vente mais aussi le prix de la vente)

Portée du consentement :

Tout dépend du RM et de la propriété du bien.

* Soit l’époux qui donne son consentement est partie à l’acte de disposition (ex : quand le bien est commun ou indivis dans le régime commun, ou de séparation),

* Soit il se contente de donner sa validité à l’opération accomplie par son conjoint sans entendre se porter partie au contrat, cad sans engagement personnel (quand c’est un bien propre ou personnel selon le régime)

La sanction du défaut de consentement :

C’est la nullité relative, l’action n’est ouverte qu’à l’époux dont la disposition est censée protéger.

Le délai : action enfermée dans un double délai de l’art 215 : l’action doit être intentée dans un délai d’un an à partir du jour où le conjoint a eu connaissance de l’acte, et l’action ne pourra être intentée plus d’1 an après la dissolution du RM.

L’action se prescrit au bout d’un an, mais l’exception de nullité n’est pas soumise à la prescription. Donc l’époux dont le consentement était nécessaire, pourra toujours malgré l’écoulement du délai de l’action en nullité, opposer en défense à un tiers qui demandera l’exécution du contrat. L’action est perpétuelle. Ex : l’acquéreur demande l’exécution de la vente du conjoint qui n’a pas donné son accord.

Si le bien qui sert de logement est un bien commun dans le cadre du régime légal de communauté, le délai pour agir, est de 2 ans à partir du moment où le conjoint a eu connaissance de l’acte, et 2ans après la dissolution du RM.

La nullité emporte tous ses effets à l’égard des tiers, elle est rétroactive. Et à cette occasion, l’acquéreur ne pourra pas engager la responsabilité de l’époux contractant, mais celle du professionnel qui lui aurait servi d’intermédiaire (le notaire).

La protection du logement par l’article 1751 Cciv :

Mais le logement familial est aussi protégé par l’art 1751 cciv, et la cotitularité du bail :

Notion de logement familial au sens de l’art 1751 : est exclue la résidence secondaire : car le logement familial au sens de l’art 1751Cciv est le local qui sert exclusivement à l’habitation des époux. Il faut que le bail soit à usage exclusif d’habitation, ce qui exclut les baux ruraux, commerciaux, professionnels, et mixtes.

Mais la jurisprudence a paradoxalement admis ce texte à un logement de fonction : 3è civ, 20 janvier 2007. Il faut un bail, donc on exclut une convention d’occupation gratuite de l’immeuble.

Peu importe la date à laquelle le bail a été conclu, le texte s’applique même au bail conclu avant le mariage.

Le local doit servir effectivement, réellement à l’habitation des époux. Serait exclu un local qui n’aurait jamais été habité par les époux.

La cotitularité dure toute la durée du bail, elle ne cesse que lorsque le jugement de divorce est transcrit.

La cotitularité conduit à empêcher l’un des époux de faire seul des actes visant à mettre fin au bail tel que la cession de bail, la résiliation, la renonciation.

La cotitularité rend sans effet à l’égard d’un époux le congé délivré à son conjoint, le congé doit être délivré aux 2 époux. Cette règle impose au bailleur de signifier à chacun des 2 conjoints tout acte par notification distincte pour être valable.

Toutefois, une règle protège le bailleur, si le bailleur ne sait pas que les locataires ne sont pas mariés, alors sa notification/signification est opposable au conjoint dont l’existence n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur.

La cotitularité implique que les époux sont tenus solidairement au paiement des loyers.

Et enfin l’art 1751 dispose qu’en cas de décès d’un des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d’un droit exclusif sur celui-ci, sauf si celui-ci y renonce expressément.

  • Autonomie des époux

Autonomie qui concerne tous les époux, quel que soit leur RM.

  1. Autonomie bancaire

Art 221Cciv : « Chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel.

A l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »

Présomption de pouvoir en matière bancaire. Cette autonomie se manifeste dans la liberté d’ouverture des comptes et dans le fonctionnement des comptes.

La liberté d’ouverture des comptes : concerne les comptes de dépôts ou de titres (compte sur livret, compte chèque, compte à terme…). Concerne les comptes ouverts auprès des établissements de crédits quelconques. Doivent être exclus les dépositaires ponctuels et non professionnels (tel que les notaires, ou particuliers).

Cette liberté porte sur l’ouverture d’un compte en son nom personnel (non commun), elle ne nécessite pas le consentement de l’autre époux, mais il ne peut pas s’y opposer. Une convention matrimoniale ne peut pas prévoir la nécessité du consentement du conjoint, sinon elle est nulle.

Le dépositaire n’a pas à se soucier de l’origine des biens, et des pouvoirs respectifs des époux pouvant découler de leur RM. Aucune information quant au RM n’a à être donnée pour l’ouverture d’un compte.

La liberté dans le fonctionnement des comptes : l’époux est libre d’alimenter le compte ou faire des retraits, des virements, vendre des titres, ou en déposer, et ce pouvoir dans le fonctionnement des comptes est un pouvoir exclusif à l’époux qui a ouvert le compte. Le banquier doit respecter cette exclusivité.

La présomption de pouvoir du titulaire du compte met à l’abri le banquier d’une action en responsabilité de la part du conjoint. (ex : si fonds communs déposés sur ce compte)

Durée de l’autonomie bancaire : Elle dure même après la dissolution du mariage, ce qui veut dire que le blocage du compte ne peut passer que par le recours à des mesures judiciaires de droit commun. On présume même après la dissolution du mariage, que l’époux pouvait librement disposer des sommes déposées.

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  1. Autonomie mobilière

Art 222Cciv apparaît en complément de l’art 221 comme une condition de l’autonomie ménagère, ce qui permet à chacun des époux de gérer le ménage. L’art 222 énonce que si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé à l’égard des tiers de bonne foi avoir le pouvoir de faire seul cet acte. Cela garantit une certaine liberté pour les époux.

Exceptions : Cette disposition n’est pas applicable :

– aux meubles meublants visés par l’art 215 al 3 Cciv,

et non plus, aux meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint conformément à l’art 1404 Cciv.

Conditions de la présomption mobilière :

  • quant aux biens visés par l’art 222:

La présomption concerne tous les biens meubles corporels, le Cciv n’opère aucune distinction. La question s’est posée pour les meubles corporels faisant l’objet d’une immatriculation (auto, aéronef…).

Selon la majorité de la doctrine, il est difficile d’admettre que l’aliénation des aéronefs ou de navires constitue un acte de gestion courante, donc l’autonomie mobilière ne porte pas sur ces biens immatriculés. Cela ne concerne pas toutefois l’aliénation des automobiles, car dans ce cas, l’immatriculation n’a qu’un caractère administratif.

Les exclusions : Sont exclus les meubles meublants, selon l’art 215Cciv, aucun acte pour les meubles meublants garnissant le logement familial. Ici l’art 222 ne vise pas les meubles meublants : on admet que l’exclusion de la présomption de pouvoirs vaut pour tous les meubles meublants, qu’ils garnissent ou non un logement. Et s’ils garnissent un logement, il pourra s’agir d’une résidence secondaire.

Sont aussi exclus les meubles qui sont propres par nature dans le régime de la communauté légale : ces meubles qui ont un caractère personnel pourront difficilement faire l’objet d’un acte de disposition de la part de l’autre conjoint (vêtements…)

Concernant les biens meubles incorporels, une nouvelle difficulté se présente : l’art 222Cciv vise les biens que l’époux détient individuellement, mais malgré cette expression la doctrine admet que certains biens incorporels peuvent être détenus et soumis à la présomption de pouvoir. Cet article est applicable aux espèces monétaires, aux titres nominatifs et aux paiements à ordre. Aujourd’hui les valeurs sont dématérialisées, les valeurs mobilières sont détenues par leur inscription en compte.

La présomption de l’art 222 ne joue que pour les biens qui sont détenus par un seul des 2 époux, en cas de détention par l’autre ou par les 2, la présomption ne saurait être valablement invoquée. En tout état de cause, la détention suffit. Il est indifférent que l’époux soit ou non propriétaire du bien.

  • quant aux actes visés par l’art 222:

Il vise les actes d’administration, de jouissance et disposition sur un bien meuble, donc ce texte n’opère pas de distinction ni de restriction entre les actes concernés par la présomption de pouvoir : il peut donc s’agir d’une vente, d’un prêt, d’un dépôt, d’une location, d’un paiement ou encore de la réception de deniers. Ce sont pour les actes pour lesquels un époux se présente seul qui sont visés par le texte. Donc si les 2 époux se présentent ensemble, le texte n’a pas vocation à s’appliquer.

Portée de la présomption mobilière :

Si les conditions de l’art 222 sont réunies, l’époux est réputé à l’égard des tiers de bonne foi avoir le pouvoir de faire seul l’acte sur le bien meuble, sans avoir à justifier de ses pouvoirs. La présomption emporte donc directement des conséquences dans les rapports avec les tiers, et indirectement dans les rapports entre époux.

– quant aux conséquences à l’égard des tiers : tous les tiers sont concernés par le texte, qu’ils soient cocontractants de l’époux (locataire ou acheteur) ou un intermédiaire ayant participé à la conclusion de l’acte (dépositaire ou notaire). La loi exige que le tiers soit de bonne foi, la loi protège l’autre époux. Mais de manière générale, la bonne foi est présumée (art 2274Cciv). La preuve de la mauvaise foi du tiers empêche la présomption de pouvoir de jouer, elle ne permet donc plus au tiers de l’invoquer. S’agissant d’un fait juridique, la preuve de la mauvaise foi pourra être rapportée par tous moyens (témoignages, indices…) Cette preuve sera plus ou moins facile à établir, mais il n’y aura pas de souci particulier en cas de collusion frauduleuse entre le tiers et l’époux concerné. L’acte conclu avec un tiers de mauvaise foi pourra faire l’objet d’une demande en nullité, de la part de conjoint pour défaut de pouvoir. Le conjoint disposera aussi, en application du droit commun, d’une action en revendication si le bien n’était pas la propriété de l’époux qui a conclu l’acte. Donc l’acte reste fragile.

quant aux conséquences dans les rapports entre époux : la présomption de pouvoir de l’art 222 semble jouer dans les rapports entre époux, sauf à ce que le conjoint rapporte la preuve du caractère propre du bien qui a fait l’objet de l’acte.

  1. Autonomie quant aux biens personnels

Selon l’art 225Cciv, chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels. Cette autonomie se retrouve sous tous les régimes. L’art 1428Cciv la prévoit pour les biens propres en régime de communauté, l’article 1536 pour les biens personnels en régime de séparation, et l’art 1569 pour les biens personnels de régime de participation aux acquêts.

C’est une règle impérative, il est impossible pour les époux de l’écarter par convention. Si l’un des époux donne à son conjoint mandat pour administrer ses biens personnels, le mandat demeure librement révocable (art 218).

Cette autonomie des époux est limitée concernant le logement familial où il faut le consentement des 2 époux.

  1. Autonomie professionnelle

Selon l’art 223 Cciv, chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires, et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage. Donc cette autonomie professionnelle porte sur l’exercice d’une profession et de la disposition des gains et salaires.

Si les gains et salaires des époux sont soumis à la libre disposition, ils tombent en communauté dès qu’ils sont économisés, et peuvent donc être saisis par les créanciers de cette communauté, mais aussi par les créanciers de l’autre époux.

  • La liberté d’exercer une profession :

Elle s’entend de la liberté d’exercer ou non une profession, et du droit de choisir librement cette profession. L’indépendance des époux conduit à permettre que l’exercice de la profession revête différentes formes et notamment que les conjoints puissent conclure entre eux un contrat de travail. On admet que cette liberté peut connaître des limites si l’exercice d’une profession met en péril les intérêts de la famille. Le recours à l’art 220-1 Cciv peut alors conduire à empêcher cet exercice pour une profession déterminée. Et l’art 220-1 relève des mesures de crise.

  • La liberté de percevoir et de disposer des gains et salaires :

La notion de gains et salaires recouvre les revenus professionnels de chacun des époux quelques soit leur origine et leur nature (salaires, honoraires, droit d’auteur, indemnités, primes, gratifications, pourboires, bénéfices d’exploitation…). Il s’est posé la question d’un époux exploitant un fonds agricole, commercial ou artisanal, où les revenus proviennent à la fois du travail de l’époux et du capital investi. La doctrine s’accorde pour dire que ces revenus constituent bien des gains et salaires au sens de l’art 223. L’époux peut donc en disposer librement.

La seule limite à la liberté de disposer des gains et salaires est la contribution aux charges du mariage de l’art 214Cciv. Aucune autre limite et notamment conventionnelle ne saurait entraver la liberté des époux.

En régime communautaire, en application de l’art 1401 Cciv, les gains et salaires produits de l’industrie personnelle des époux font partie de la communauté. Mais l’art 223 impose la libre disposition de ces gains, donc l’application de l’article 223 conduit à écarter pour les gains et salaires, le principe de la gestion concurrente.

  1. Mesures de crise (art 217, 219 et 220-1 Cciv)

Afin de répondre aux différentes hypothèses de crise au sein du couple marié, le régime primaire contient un certain nombre de mesures spécifiques. Et en temps normal, c’est l’idée de confiance qui règne au sein du couple.

L’origine de la crise peut être de nature psychologique, physique ou matérielle. La situation conduit à une impasse. 3 mesures permettent de répondre aux situations de crise avec le concours du juge :

* autorisation judiciaire Art 217 Cciv

* représentation judiciaire Art 219 Cciv

* mesures urgentes de l’art 220-1 Cciv

  1. A) L’autorisation judiciaire: (art 217 Cciv)

Un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire.

  • Si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté,
  • ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille.

L’acte passé dans les conditions fixées par la décision de justice est opposable à l’époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu’il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle.

Il s’agit d’une mesure de déblocage, mesure créée en temps de guerre pour que la femme puisse continuer de gérer le foyer pendant que son mari était à la guerre.

1) les conditions de fond :

  • Conditions concernant l’époux du requérant:

Il doit être hors d’état de manifester sa volonté, ou s’il refuse de prendre un acte sans que ce refus soit justifié par l’intérêt de la famille.

  • Il peut être hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité, son absence, son éloignement, ou toute autre cause (état physique ou mental, âge ou maladie).

Les mesures de protection judiciaire demeurent subsidiaires par rapport aux règles de droit matrimonial.

Un époux peut aussi être dans l’impossibilité de donner son consentement du fait de l’éloignement volontaire ou involontaire : voyage, départ sans laisser d’adresse, emprisonnement, captivité. Le Cciv donne des dispositions concernant l’absence, mais ce régime de l’absence demeure également subsidiaire et n’aura vocation à s’appliquer que si le droit matrimonial ne suffit pas.

  • Mais l’art 217 vise aussi le cas d’un conjoint qui refuse son concours ou son consentement sans que cela soit justifié par l’intérêt de la famille.

Là encore la notion est floue : la notion d’intérêt de la famille fait l’objet d’une appréciation d’ensemble : le seul intérêt de l’un des membres de la famille ne saurait dicter cette appréciation, ni pour retenir l’intérêt de la famille, ni pour conclure à son absence.

On constate que l’intérêt de la famille est souvent apprécié au regard de l’opportunité d’épurer le passif commun. De manière générale, seront prises en compte des facteurs d’ordre psychologique et moral, et cela d’autant plus quand la demande d’autorisation porte sur un acte concernant le logement de la famille.

La preuve du caractère justifié ou injustifié du refus : Le juge se prononce au regard des justifications de l’époux qui oppose son refus à l’acte souhaité et des arguments du demandeur. L’autorisation ne sera pas accordée si le juge n’est pas convaincu du caractère injustifié du refus d’accepter l’acte.

  • Conditions concernant les actes en question:

Les actes pour lesquels l’un des époux peut demander une autorisation judiciaire sont les actes qui exigeraient le concours ou le consentement des 2 époux, il peut s’agir indifféremment d’acte de disposition ou d’acte d’administration. Il faut toutefois que l’époux qui demande l’autorisation ait déjà lui-même un pouvoir concernant l’acte, mais ce pouvoir est insuffisant. (ex : le logement familial est un bien propre/personnel à l’un des époux, si l’autre demande de disposer de ce logement, il ne peut pas obtenir d’autorisation judiciaire. Seul celui qui a un pouvoir propre peut obtenir une autorisation judiciaire pour obtenir le consentement de son conjoint de disposer du logement).

L’autorisation ne peut être requise sur le fondement de l’art 217 pour un acte sur un bien pour lequel le demandeur n’aurait aucun pouvoir, bien propre ou bien personnel.

Mais le recours à l’art217 peut présenter un intérêt quand les époux séparés de biens sont en indivision sur certains biens.

2) Les conditions de compétences et de procédure:

Le TGI est compétent pour connaître des demandes d’autorisation judiciaire sur le fondement de l’art 217 Cciv, la compétence est dévolue au JAF, mais la compétence revient au juge des tutelles, si jamais la demande intervient parce que l’un des conjoints est hors d’état de manifester sa volonté.

Le tribunal territorialement compétent est le tribunal du lieu où se trouve la résidence de la famille. Si les parents vivent séparément, c’est le juge du lieu de résidence du parent avec lequel les enfants mineurs résident habituellement ou le lieu de résidence du parent qui exerce seul l’autorité parentale.

Dans les autres cas, on revient à la compétence de principe du juge du lieu où réside celui qui n’a pas pris l’initiative de la procédure. Art 1070 CPC

Si le conjoint est hors d’état d’exprimer sa volonté, la procédure est gracieuse, et en cas de refus du conjoint de consentir à l’acte, la procédure est contentieuse.

3) Effets de l’autorisation judiciaire :

L’acte est opposable à l’époux dont le concours ou le consentement fait défaut. Cet époux devra donc en subir les conséquences, sans pouvoir demander l’annulation de l’acte pour défaut de consentement. Mais les effets de l’autorisation se limitent à cette opposabilité, car aucune obligation personnelle ne peut être mise à sa charge. Il ne s’agit pas ici de représenter un époux, mais de passer outre son concours ou son consentement. Seul l’époux autorisé à conclure l’acte se trouve obligé.

  1. B) La représentation judiciaire : (art 219Cciv)

L’Art 219 al 1 cciv énonce que si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers dans l’exercice des pouvoirs résultant du RM. Les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. Encore une fois, mesure prise en temps de guerre.

Différences avec l’art 217 :

L’art 217 vise aussi l’hypothèse de conflit alors que l’art 219 ne prévoit que l’incapacité de l’un des époux de manifester sa volonté.

De plus l’art 217 ne vaut que pour des actes déterminés (ex vente ou location du logement familial), alors que s’agissant de la représentation, elle peut donner lui à une habilitation plus générale.

Conditions de la représentation judiciaire :

– La représentation peut avoir une origine simplement conventionnelle. L’art 218 prévoit qu’un époux peut donner mandat à l’autre, et ce mandat est librement révocable.

– Si l’un des époux est hors d’état de manifester sa volonté, hors représentation conventionnelle, le recours à la représentation judiciaire est utile et présentera davantage de sécurité.

  • Conditions concernant l’époux représenté :

Il est hors d’état de manifester sa volonté. La représentation produit des conséquences beaucoup plus graves ; et on ne peut pas l’appliquer dans l’hypothèse du conflit, on ne peut pas imposer la représentation à un époux qui avait formellement refusé de donner son consentement.

  • Conditions concernant la représentation :

Le juge fixe l’étendue de cette représentation, elle peut être générale ou limitée à certains actes, il peut s’agir d’actes d’administration ou de disposition. Certaines discussions ont été engagées sur l’exercice des pouvoirs résultant du RM : la jurisprudence et la doctrine sont favorables à la lecture extensive de l’art 219, car c’est bien le RM qui donne aux biens sa nature propre, personnelle ou commune. Donc l’art 219 s’applique quel que soit le RM des époux, y compris s’il s’agit d’un régime de séparation de biens.

  • Conditions de compétence et de procédure:

S’agissant de la procédure, on retrouve la procédure gracieuse de l’autorisation judiciaire, et la compétence du juge des tutelles.

Effets de la représentation judiciaire :

L’acte accompli par l’époux habilité produit les mêmes effets que s’il avait été passé par le représenté qui est donc personnellement obligé. Les 2 époux peuvent donc être engagés par l’acte si le représentant était lui-même partie à l’acte (ex : dette de nature commune).

La représentation prend fin soit parce qu’une durée était fixée par le juge, soit lorsque l’époux représenté est de nouveau capable de manifester sa volonté.

  1. C) Les mesures urgentes : (art 220-1)

Art 220-1 : il ne s’agit plus d’augmenter les pouvoirs de l’un des époux, mais au contraire de les restreindre. Ces mesures n’ont pas la même origine, elles résultent en partie de la loi 13 juillet 1965 et de la loi 26 mai 2004 relative au divorce. Ces mesures protègent contre les dangers que peuvent faire courir aux intérêts familiaux un époux irréfléchi ou malveillant. Il s’agit d’empêcher des actes de disposition, voire des actes matériels de détournement.

En application de l’art 220-1, le juge pourra prescrire un certain nombre de mesures si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille. Le juge pourra statuer sur la résidence séparée des époux lorsque les violences exercées par l’un des époux mettent en danger son conjoint, et un ou plusieurs enfants. C’est l’urgence qui caractérise le recours à ces mesures indépendamment de tout autre critère. Ces mesures peuvent être prises en toutes circonstances, et même pendant la procédure de divorce. Mais le Cciv précise un certain nombre de conditions pour mettre en œuvre ces mesures :

– conditions de fond : il faut un manquement grave d’un époux à ses devoirs, renvoie à la violation grave ou renouvelée des devoirs ou obligations du mariage susceptibles de constituer une faute, cause de divorce au sens de l’art 242 Cciv. La référence aux devoirs du mariage doit être entendue au sens large, comme incluant tous les devoirs compris dans le statut matrimonial : ce sont les devoirs patrimoniaux (ex : accomplissement d’actes frauduleux sur des biens communs, défaut de contribution aux charges du mariage) mais aussi les devoirs extrapatrimoniaux (ex : devoir de fidélité, d’assistance, de respect, de communauté de vie). La violation grave d’un de ces devoirs peut faire prononcer des mesures urgentes, mais il faut aussi une mise en péril des intérêts de la famille. Il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement cette mise en péril des intérêts de la famille. Cela peut être apprécié de manière préventive, il n’est pas forcé que le risque, le péril soit déjà réalisé.

On parle des intérêts de la famille. Cf considérations ci-dessus.

Certaines mesures urgentes visent à protéger des violences de l’un des époux : le juge peut prononcer une autorisation de résidence séparée, ou le juge peut autoriser au conjoint de demeurer dans le logement familial en évinçant l’auteur des violences de ce logement.

Procédure :

Compétence du JAF pour ordonner les mesures urgente.

On applique les règles générales de l’art 1170 CPC quant à la compétence territoriale.

Mesures susceptibles d’être prises :

L’art 220-1 vise de façon non limitative 3 types de mesure (« notamment ») :

  • Le juge peut interdire à un époux de faire sans le consentement de l’autre des actes de disposition, sur ses propres biens, ou sur ceux de la communauté.
  • Ensuite le juge peut interdire à un époux de déplacer des meubles, mais il peut spécifier quels meubles.
  • Il peut organiser la vie séparée des époux : en autorisant la résidence séparée des époux, et en prévoyant lequel des conjoints continuera à résider dans le logement familial, ainsi que les contributions aux charges du mariage, et l’autorité parentale.
  • Le juge peut autoriser un époux à gérer le fonds exploité par son conjoint.
  • Ou désigner un administrateur provisoire afin de gérer le patrimoine commun des époux.

Durée :

La durée des mesures est limitée : les mesures demeurent temporaires et provisoires, leur durée ne peut excéder 3 ans, avec une prolongation éventuelle comprise.

Sanction du non-respect des mesures urgentes :

L’art 220-2 Cciv prévoit la possibilité de sanctionner la méconnaissance de l’interdiction de disposer par la nullité relative, qui est enfermée dans un bref délai de 2 ans, à compter du jour où l’époux requérant a eu connaissance de l’acte. Dans tous les cas, ce délai ne peut pas dépasser 2 ans si l’acte est soumis à publicité.

La communauté légale

La qualification des biens est importante, dans un régime communautaire, c’est une opération essentielle. Elle conditionne les règles en matière de gestion, de passif, et au-delà, de liquidation (et donc des récompenses).

Avant 1965, tous les meubles qu’ils soient acquis avant ou pendant le mariage, à titre onéreux ou à titre gratuit, et les immeubles acquis onéreux pendant le régime entraient en communauté.

Mais avec la loi 13 juillet 1965, la communauté légale devient une communauté d’acquêts. C’est un régime communautaire, et la nature par essence communautaire du régime légal se traduit par la vocation de la communauté à recueillir tout bien qui en quelque sorte par exception, ne sera pas qualifié de bien propre. Le doute même bénéficiera à la communauté.

  1. I) Biens propres

L’art 1402 al 1 Cciv précise que tout bien meuble ou immeuble est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi.

De ce texte, découlent 2 règles fondamentales :

il revient à l’époux qui revendique la propriété d’un bien de l’établir

– le caractère propre d’un bien doit découler d’un texte. En effet, la catégorie des biens propres n’est pas à l’inverse des biens communs, une catégorie ouverte. C’est pourquoi les Art 1404 à 1408 Cciv procèdent à une énumération limitative des propres.

Plusieurs critères sont utilisés :

-origine

-attraction

-subrogation

-nature

  1. A) par leur origine

La communauté légale ne prend naissance qu’au jour de la célébration du mariage.

Et en application de l’alinéa 1er de l’art 1405, on distingue :

  • les biens présents (ceux dont les époux avaient déjà la propriété ou la possession au jour du mariage)
  • et les biens futurs (ceux qui sont acquis par voie de libéralité ou succession en cours d’union).
  • A côté de ces biens présents et futurs, ils existent des biens acquis par accommodement de famille.

1-apportés en mariage :

La difficulté se présente quant aux opérations en cours (opérations qui ont commencé avant la cérémonie, et qui se finissent après). La jurisprudence estime que les biens acquis en cours d’union sont propres dès lors que la cause de l’acquisition est antérieure à la célébration du mariage.

*Tout d’abord, on peut se poser la question sur la prescription acquisitive : l’art 1405 écarte de la communauté non seulement les biens dont les époux, au moment du mariage, étaient déjà propriétaires, mais aussi ceux dont ils avaient, au moment du mariage, simplement la possession. Donc pour que le bien échappe à la communauté, il n’est pas nécessaire que le délai de prescription se soit achevé avant le début du mariage. Cela s’explique par l’effet rétroactif de la prescription.

*Autre problème : l’anéantissement d’un acte de disposition conclu avant le mariage (ex : un contrat de vente : un époux vend un immeuble avant le mariage, mais il se rend compte qu’il a été victime de dol, annulation du contrat de vente, le bien rerentre dans son patrimoine), on considèrera que le bien qui rerentre dans son patrimoine. Le bien objet de l’acte anéanti est censé avoir toujours figuré dans le patrimoine propre de l’époux concerné.

*Autre hypothèse : l’acquisition antérieure avec condition suspensive : cette acquisition profite aussi au patrimoine propre de l’époux même si la condition se réalise durant le régime. Cela s’explique par le caractère rétroactif de l’accomplissement de la condition.

*Autre cas : les promesses de vente : en présence d’une PUV consentie à l’un des futurs époux, il convient de déterminer la nature du bien acquis, en fonction de la date de la levée de l’option. La vente est considérée comme définitive au moment de la levée de l’option. Si elle intervient pendant le mariage, ce bien tombe en communauté. La levée ultérieure de l’option n’entraîne aucune rétroactivité. Bien entendu, il en irait autrement si le prix était réglé au moyen de deniers propres expressément remployés. Il en va de même lorsque la promesse est synallagmatique, si les parties sont convenues de retarder le transfert de la propriété jusqu’à la réalisation de la promesse.

2-acquis à titre gratuit en cours d’union : (biens futurs)

En vertu de l’article 1405, les biens meubles ou immeubles acquis en cours d’union par succession, donation ou lègue demeure propre à l’époux donataire, héritier ou légataire.

Un bien acquis par succession demeure propre à chacun des époux. Cela se justifie par le fait que le bien doit rester dans la famille de laquelle il provient.

Les donations et lègue : le bien donné ou légué à un seul époux lui reste propre : cette qualification repose sur la volonté probable du disposant. Cette dernière considération explique que celui-ci peut en décider autrement, et demander que les biens objets de la libéralité appartiennent à la communauté. Tout dépend de la volonté du disposant. D’ailleurs, sauf stipulations contraires, cette intention présumée lorsque les biens ont été donnés conjointement aux 2 époux.

Cette règle vaut aussi bien pour les libéralités entre vifs ou testamentaires, est indifférent le fait que la donation soit déguisée ou indirecte, ou qu’elle soit assortie ou non de conditions ou de charges.

3-acquis par accommodement de famille :

Institution un peu curieuse, prévue par l’art 1405 al3 Cciv : les biens abandonnés ou cédés par père, mère ou autre ascendant à l’un des époux soit pour le remplir de ce qu’il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur aux étrangers, restent propres sauf récompenses.

On constate souvent que cette hypothèse se trouve à la frontière entre l’acte à titre gratuit et l’acte à titre onéreux.

Ces opérations sont assimilées à des libéralités, car par leur arrangement, l’ascendant et son descendant anticipent sur le règlement de la succession non encore ouverte de l’ascendant.

L’art 1405 est une disposition exceptionnelle, elle est donc soumise à une interprétation restrictive : seuls sont visés les arrangements entre ascendants et descendants (mais pas entre frères et sœurs).

L’importance ou l’origine de la dette de l’ascendant importe peu.

  1. B) Par attraction

Certains biens acquis durant le mariage restent propres en raison d’un lien étroit qui les rattache à d’autres biens propres. On va distinguer :

  • les biens acquis à titre d’accessoire d’un propre :

L’art 1406 al 1er précise que les biens acquis à titre accessoire sont des biens propres, lorsqu’il existe un lien matériel ou un lien économique.

l’existence d’un lien matériel : ex : immeuble : dans ce cas, l’accession qu’elle soit naturelle ou artificielle joue au profit des immeubles propres. La propriété du sol emporte celle du dessus, et du dessous. C’est l’Art 552Cciv. En vertu de cette règle et sous réserve d’une éventuelle récompense, les constructions faites, et les plantations effectuées sur un immeuble suivent du point de vue de la propriété le sort de ce dernier. Règle impérative.

Le même principe vaut pour les meubles corporels, ainsi l’art 567 Cciv : un objet qui a été uni à un bien propre pour son ornement ou son usage appartient aussi à l’époux propriétaire du propre à charge de récompenses.

Il faut distinguer le caractère accessoire, et le caractère annexe a lieu quand on réunit 2 biens (ex : un terrain voisin est à vendre, on l’achète pour réunir les 2 terrains). Le bien annexe est en principe un bien commun quand il est acquis durant le mariage sans formalité de remploi.

* On peut avoir un cas complexe quand la construction est édifiée pour partie sur un terrain propre à un époux, et pour autre partie sur un terrain acquis pendant le mariage : il est certain que le bien ne peut pas avoir une double nature, il faut tenir compte de l’importance respective du terrain propre et du terrain commun.

* Autre situation : les plus-values involontaires : un bien propre peut apporter une plus-value, est-ce un acquis de la communauté ? Ou un accessoire du bien propre ? En vertu du principe de l’accessoire, la plus-value est propre, la communauté ne peut légitimement revendiquer une récompense dans la mesure où il n’y a aucun transfert financier entre le patrimoine propre et le patrimoine commun.

Dans l’hypothèse inverse d’une moins-value, c’est aussi la masse dans laquelle le bien se trouve qui en supporte les effets. (Regarder si cela est dû à un acte volontaire d’un époux, ou non).

Dans le cas de la plus-value par incorporation des bénéfices, on reconnaît le caractère propre de la plus-value, l’usage des bénéfices pour le besoin d’une saine gestion d’un bien propre doit être considéré comme la consommation des fruits qui ne génère pas de récompense à la communauté. Les revenus des biens propres peuvent entrer en communauté lorsqu’ils sont perçus et non consommés. Or en l’espèce, ils sont consommés.

l’existence d’un lien économique : sont propres les accessoires simples dès lors que l’acquisition du bien a été réalisée dans l’intention de l’affecter au service d’un bien propre principal (élément subjectif) ou qu’il y a un lien de dépendance économique entre les 2 biens (élément objectif) : ex : le matériel agricole affecté à une exploitation, ou le véhicule acquis à titre d’accessoire d’un cabinet d’assurance, lui-même propre.

  • et les cas particuliers d’attraction:

les valeurs mobilières et autres accroissements : art 1406 al 1 : le droit préférentiel de souscription attaché à des actions propres : cela protège l’époux qui est déjà actionnaire.

le rachat de parts indivises Art 1408 : ex : si l’un des époux acquière des parts indivises de ses frères et sœurs, ce sont des biens propres.

15/10/13

  1. C) Par subrogation

C’est une subrogation réelle, elle revêt en régime communautaire d’une particulière importance car elle a pour finalité d’assurer la sauvegarde de l’intégrité en valeur des 3 masses de biens, en prévenant l’enrichissement de l’une d’elle au détriment de l’autre. La subrogation se réalise automatiquement ou de manière volontaire.

1- La subrogation automatique :

Art 1406 et 1407Cciv envisagent 2 hypothèses dans lesquelles la subrogation réelle produit ses effets de plein droit :

  • les créances et indemnités remplaçant des propres:

L’art 1406 Cciv : sont visées d’abord l’indemnité d’assurance perçue en cas de destruction ou de détérioration d’un propre, ou en cas d’expropriation, ou les dommages-intérêts dus par l’auteur du dommage causé à ce bien. Ensuite le terme créance renvoie généralement au prix qui résulte de la vente d’un propre.

Mais on considère que ces cas légaux ne sont que la simple illustration d’une règle plus générale susceptible d’autres applications. Dans ces hypothèses, les formalités de l’emploi ou du remploi n’ont pas lieu à être respectées, il n’y a pas lieu à remploi parce que les règles du remploi ne s’imposent que lorsque sont utilisées des sommes d’argent dont la fongibilité interdit de faire le lien entre le bien acquis et le propre d’origine. Si au contraire l’opération établit ce lien par elle-même, la subrogation doit se produire de plein droit. Donc en cas de vente, la somme d’argent est considérée comme un propre sans qu’il soit besoin d’utiliser les formalités de l’emploi ou du remploi.

Doivent aussi être qualifiées de propres, les parts sociales ou actions représentatives d’apports de biens propres dans une société (1ère civ, 21 novembre 1978). De même toute valeur mobilière acquise en remplacement de celle qui était propre et qui a été cédée, doit revêtir le caractère de bien propre. La subrogation automatique doit donc être appliquée à la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, portefeuille étant analysé comme une universalité (1ère civ, 12 novembre 1998).

En revanche, la subrogation n’a pas lieu de façon automatique lorsque les parts sociales ont été acquises à l’aide d’un apport en numéraire comme des fonds provenant de la vente d’un bien propre, il faut respecter les formalités de l’emploi ou du remploi.

  • L’échange:

L’art 1407 Cciv applique la subrogation réelle de plein droit à l’échange. Le bien reçu en contrepartie d’un propre conserve la même nature. Toutefois ces effets sont limités par un critère quantitatif. Cela signifie que l’on va appliquer la règle « major pars ». Souvent le reliquat doit être payé par des fonds propres ou communs.

àLe bien conserve sa nature propre si le bien échangé a une valeur supérieure à la soulte. Dans ce cas, une récompense sera due à la communauté le moment voulu.

àEn revanche, si la soulte est considérable au point de représenter la partie essentielle du contrat, l’opération est en réalité un achat accompagné de la cession d’un bien propre à titre de dation en paiement pour une partie du prix, c’est pourquoi le bien doit être commun sauf récompense due cette fois-ci au patrimoine propre.

Il faut aussi prendre en compte les frais de l’opération, même si l’art 1407 n’évoque pas ces frais de l’opération, il paraît juste de comparer la contribution véritable de chacun des 2 patrimoines et non la soulte stricto sensu de la valeur du bien cédé.

L’art 1407 Cciv est d’OP, ce qui interdit aux époux de stipuler avec leur cocontractant dans l’acte d’échange que le bien acquis sera commun alors qu’il devrait être propre, ou inversement, propre alors qu’il devrait être commun. Cette interdiction s’explique par l’immutabilité des RM.

2-volontaire : l’emploi et le remploi :

L’emploi est l’opération par laquelle un époux acquiert un bien, meuble ou immeuble, grâce à des deniers propres provenant par exemple d’une donation.

Le remploi est une opération similaire par laquelle un époux acquiert un bien grâce à l’aliénation d’un bien propre ou à l’indemnité représentative de la valeur d’un tel bien.

Ces 2 mécanismes permettent de neutraliser la présomption de communauté : un bien acquis grâce à des deniers propres ou des deniers provenant de l’aliénation d’un propre reste propre. Cette technique préserve l’équilibre entre les patrimoines, mais elle n’est qu’une simple faculté. Et par exception l’emploi ou le remploi peut avoir été imposé par un tiers, un donateur ou testateur, à la faveur d’une clause d’une libéralité. On le qualifie en pareil cas, de conventionnel.

L’emploi et le remploi sont une application et une illustration de la subrogation réelle, mais à la différence de l’échange, elle n’est pas automatique. Elle suppose une manifestation de volonté répondant à certaines exigences de fond et de forme.

  • les conditions de fond:

àLa nature propre des deniers employés ou remployés, il peut s’agir de deniers dits présents (existants), ou attribués à un époux par lègue, succession ou donation, même pendant la durée du mariage, ou il peut s’agir de créance ou indemnités à caractère personnel (réparation d’un préjudice personnel).

Bien entendu, il suffit que les deniers remployés représentent le prix ou la valeur de l’aliénation d’un propre d’un époux. On conseille aux époux de prendre des précautions, et de verser les deniers en question sur un compte ouvert à cette fin. Cette identification des deniers sur un compte spécial permet à leur titulaire d’en conserver seul la disposition tant que les deniers sont inemployés, voire d’en prouver la provenance.

Pour les deniers remployés sont futurs, l’art 1435 Cciv autorise le remploi par anticipation. L’intérêt est la possibilité de saisir l’opportunité d’un placement avantageux, sans attendre d’avoir au préalable aliéner le bien propre en question. Mais le remploi par anticipation n’est possible que si au moment de l’acquisition, l’époux possède déjà un propre susceptible d’être vendu (pas possible si l’époux compte sur son héritage potentiel). L’exigence qui doit être respectée dans ce cas, selon l’art 1435Cciv, est que les sommes attendues du patrimoine propre doivent être payées à la communauté dans les 5 ans à la date de l’acte.

àEnsuite le consentement du conjoint n’est pas nécessaire pour le remploi par anticipation. Il faut toutefois respecter la condition de la double déclaration. Le remploi par anticipation est un acte juridique conditionnel car il n’a lieu que sous la condition que les fonds qui le permettent soient versés à la communauté dans le délai utile. Mais on s’est demandé quelle est la nature de la condition : est-elle résolutoire ou suspensive ? 2 opinions :

-ceux qui considèrent que la condition est résolutoire, s’appuient sur l’art 1435Cciv qui précise que si l’emploi ou le remploi est fait par anticipation, le bien acquis est propre. Le remploi est fait par anticipation, ce qui veut dire que les conséquences se produisent déjà au moment du remploi par anticipation, mais si le paiement n’intervient pas dans les 5ans, le remploi est effacé. Et si la condition est résolutoire, le bien est propre depuis la conclusion de l’acte d’acquisition.

– la condition est suspensive : solution proposée par ceux qui veulent protéger les intérêts de la communauté, si la condition du remboursement est suspensive, le bien demeure provisoirement commun. C’est au moment où le remboursement s’effectue que le bien devient propre.

Il est difficile de trancher, mais quelle que soit la nature de la condition de remboursement, les tiers étrangers à ces variations de qualification doivent être protégés par la règle de l’inopposabilité : les créanciers peuvent saisir le patrimoine commun, on ne pourra pas leur opposer le remploi par anticipation.

àEnsuite il faut que les deniers doivent acquérir un bien nouveau, peu importe sa nature mobilière ou immobilière. Rien n’interdit à un époux d’acheter un bien propre à son conjoint à l’aide de capitaux personnels, en satisfaisant pour son compte aux formalités du remploi.

En revanche, les opérations d’acquisition qui procèdent de la simple administration d’une universalité ne sont pas considérées comme de nouvelles acquisitions : par ex, l’administration d’un fonds de commerce propre suppose que l’on procède à des achats récurrents de marchandises, bien entendu l’époux n’aura pas à procéder aux formalités de l’emploi ou du remploi.

Et on ne saurait non plus qualifier d’acquisition au sens de l’art 1434, le dépôt de fonds propres sur un compte.

  • Les conditions de forme :

Elles sont précisées par l’art 1434 Cciv qui exige une double déclaration : l’objectif principal est d’assurer la protection des tiers.

Contenu de la double déclaration :

àL’emploi ou le remploi est un acte juridique unilatéral qui s’ajoute à un contrat. Ce qui veut dire que la double déclaration n’est pas subordonnée au consentement du conjoint ou à l’intervention du tiers contractant.

àCette déclaration a un double objet :

* tout d’abord, elle porte sur l’origine des deniers ; il est nécessaire de déclarer lors de l’acquisition qu’elle est faite avec des sommes propres.

* et en 2nd lieu, elle porte sur l’affectation des fonds, l’époux doit mentionner que l’acquisition est faite pour tenir lieu d’emploi ou de remploi.

àAucune formule sacramentelle n’est exigée. Mais il faut que la volonté de l’époux acquéreur soit exprimée de manière suffisamment claire, la jurisprudence exclut tout remploi tacite ou implicite (1ère civ, 12 juin 1979).

àAussi une déclaration incomplète est inefficace. Donc la déclaration de l’origine des fonds sans l’affectation des fonds ne permet pas que le bien soit propre, et inversement.

La double déclaration est indispensable pour écarter la présomption de communauté.

Moment de la double déclaration : En principe elle doit être faite au moment de l’acquisition, Art 1434Civ, et elle doit figurer dans l’acte d’acquisition lui-même.

L’accomplissement des formalités de l’emploi ou de remploi a valeur de présomption quant à l’origine des deniers. Cette présomption est simple, il est toujours possible au conjoint de l’époux acquéreur de rapporter la preuve du caractère mensonger de la déclaration, en prouvant que les deniers employés étaient communs.

Exceptions pour le remploi a posteriori : l’absence de déclaration dans l’acte d’acquisition peut être corrigée, cela est prévu dans l’art 1434Cciv : l’accord a posteriori suppose l’accord des époux, la volonté unilatérale de l’acquéreur est insuffisante. Mais un accord tacite semble suffire. Cet accord n’est soumis à aucun délai, et il peut intervenir tant que la communauté n’est pas dissoute. Mais cette ratification postérieure n’a d’effets que dans les rapports entre époux, elle est inopposable aux tiers. A leurs yeux, tout bien acquis est censé être tombé en communauté dès lors qu’aucune déclaration de remploi ne figure dans l’acte d’acquisition. Mais un héritier n’a pas quant à lui la qualité de tiers au regard du remploi à posteriori.

A défaut de double déclaration et de remploi a posteriori, le bien nouveau, même s’il est acquis majoritairement par des deniers propres fait partie de la communauté, donc les conséquences sont graves. Mais bien entendu la participation du patrimoine propre à l’acquisition ouvre droit à récompense. (1ère civ, 25 février 2009). Cette solution se justifie par un souci de protection des tiers.

Les effets de l’emploi ou du remploi :

l’effet principal est l’application de la subrogation : transmettre la qualité de propre du bien aliéné au bien acquis à titre onéreux. La substitution opère à la date même du contrat, si bien entendu les formalités ont été remplies. Donc le bien nouvellement acquis n’a jamais pris la qualité d’acquêt de communauté. La Cour de cassation considère que l’art 1434 Cciv a un caractère impératif. Une fois effectuée, la subrogation devient irrévocable.

– l’art 1436 Cciv prévoit un droit à récompense : quand le prix et les frais d’acquisition excèdent la somme dont il a été fait emploi ou remploi, la communauté a droit à récompense pour l’excédent. Si toutefois la contribution de la communauté est supérieure à celle de l’époux acquéreur, le bien acquis tombe en communauté, sauf la récompense due à l’époux. La qualification du bien dépend de l’importance de la participation communautaire. On applique la règle major pars.

L’art 1436 intègre les frais de l’acquisition (frais de notaire). Mais pour la détermination de la contribution de la communauté, il n’y a pas lieu de prendre en compte la contribution antérieure de celle-ci à l’acquisition ou à l’amélioration du bien propre aliéné. La contribution de la communauté ne comprend que les sommes ayant servi à régler partie du prix d’acquisition du bien nouveau, à l’exclusion des fonds utilisés pour l’achat et pour la conservation du bien ancien (1ère civ, 15 juin 1994). Cela s’explique par le principe selon lequel une liquidation anticipée des récompenses n’est pas concevable en cours de régime. Les deniers communs investis dans un propre donnent seulement lieu à une créance virtuelle de récompense. Cette jurisprudence a une conséquence considérable, car cela permet de procéder à des remplois en cascade : un époux peut ainsi se constituer un patrimoine propre important financé au moyen de deniers communs au total largement majoritaires.

  1. D) Par nature

Les biens propres par nature sont visés par l’art 1404Cciv. On distingue 2 types de biens propres par nature : par détermination de la loi, ou par application d’un principe général.

1-détermination de la loi :

La loi prévoit que certains biens corporels ou incorporels sont des biens propres : linges des époux, le juge du divorce peut être amené au titre de mesures provisoires, à ordonner la remise des vêtements à chacun des époux.

Ensuite, la loi considère que les instruments de travail sont aussi des biens propres : ce sont les instruments de travail indispensables à la profession de l’un ou de l’autre des époux. Cela protège la liberté professionnelle de chaque époux. Et logiquement, ces biens échappent à la masse commune. Mais l’art 1404 cciv, prévoit une exception : les instruments restent propres à moins qu’ils soient l’accessoire d’un fonds de commerce ou de l’exploitation faisant partie de la communauté. Par ex : des machines… la communauté est en droit de réclamer une récompense au sujet des sommes qu’elles auraient fournies pour l’achat des instruments de travail.

Ensuite, certains meubles incorporels sont des biens propres par nature, ce sont des créances et pensions incessibles, car elles restent attachées à la personne : cela concerne les créances et pensions alimentaires, ou celles allouées à la suite d’un accident du travail. Une hésitation est apparue en matière de pension de retraite : on considère que la titularité est personnelle à l’époux bénéficiaire donc ses créances ne peuvent entrer en communauté. Néanmoins les arrérages versés au titre de ces droits propres à l’un ou à l’autre des époux tombent en communauté, comme tous les revenus perçus pendant le mariage. Distinguer la titularité de la pension retraite, et les arrérages versés.

Ensuite, les indemnités pour préjudice corporel ou moral forment des biens propres, l’époux victime est seul maître de l’exercice de l’action, les dommages-intérêts perçus à cette occasion demeurent propres. Mais bien entendu, il faut qu’il s’agisse véritablement de la réparation d’un préjudice moral ou corporel. Le caractère propre est exclu lorsque l’indemnité allouée a pour objet la réparation d’un préjudice professionnel, du fait de l’incapacité de travail qui résulte aussi de l’accident dont l’époux est victime. Dans ce cas, l’indemnité constitue des acquêts et remplace le salaire.

Quant aux indemnités compensatrices de préjudice matériel subi par le patrimoine propre, elles demeurent propres en application de la technique de la subrogation réelle.

Il existe aussi des propres par nature extérieurs à l’art 1404 : contrat d’assurance-vie, et la créance de salaires différés.

L’assurance-vie est complexe, elle peut réaliser des opérations diverses :

l’assurance-vie est considérée comme une simple opération de capitalisation : l’assureur verse un capital au souscripteur lui-même à une date convenue, dans ce cas, le capital versé au terme du contrat est commun, c’est un acquêt de la communauté.

l’assurance-vie constitue une véritable assurance-décès pour protéger le conjoint : l’art L132-16 Code des assurances précise que le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en biens, en faveur de son conjoint constitue un propre pour celui-ci.

Concernant les créances de salaires différés prévues par l’art L321-14 du Code rural : ce texte qualifie de propres le droit de créance de salaires différés versés aux descendants d’exploitants agricoles, et à leur conjoint ayant participé à l’exploitation sans avoir perçu de salaires. Cette nature juridique peut étonner, parce que l’on remplace un salaire, mais cette solution s’explique par la nature successorale des salaires différés. Car cette créance est exigible à l’encontre de la succession de l’ascendant.

2-principe général : L’art 1404 al 1er établit ce principe général : outre les biens énumérés préalablement par ce texte, sont déclarés propres plus généralement tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. 2 remarques :

– droits exclusivement rattachés à la personne : le texte est d’interprétation stricte.

– la qualification de bien propre par nature ne dépend pas de son financement. L’époux qui invoque cette disposition n’a pas à prouver l’origine propres des deniers ayant contribué à l’acquisition, mais juste le caractère personnel du lien qui l’unit avec le bien (1ère civ, 3 décembre 2008 : sur les animaux naturalisés).

Il faut préciser que l’art 1404 al 1er pose une règle de fond et non une règle de preuve. Donc si un lien suffisamment étroit avec la personne de l’un des époux est démontré, le bien est propre sans que l’on puisse en démontrer le contraire. Mais bien entendu, si ce bien a été financé par des biens communs, l’équilibre sera rétabli à la liquidation du régime par l’intermédiaire d’une récompense.

Sont considérés comme propres par application de ce régime :

des objets personnels : décorations, médailles, diplômes, souvenirs de famille, bijoux (sauf s’ils sont considérés comme un investissement réalisé par les époux : pour certains, ce sont des biens communs, pour d’autres, ce sont des biens propres avec droit à récompense), des collections constituées par l’un des époux de livres, d’armes, d’animaux…

les rentes viagères : la pratique a permis de distinguer plusieurs types : une rente viagère peut être constituée par l’un des époux au profit de l’autre, ou par l’un des époux à son profit personnel, ou constitué par les époux à leur profit avec clause de réversibilité sur la tête du survivant. Dans toutes ces hypothèses, la rente viagère est propre. Mais les arrérages de la rente tombent en communauté en raison de leur qualité de fruits civils.

le droit au bail : de manière générale, le droit au bail confère au locataire un droit de jouissance sur un bien, et ce droit par nature personnel lui permet d’utiliser le bien loué. Il faut se demander si ce droit au bail bénéficie au seul époux qui a conclu le contrat de bail ou s’il bénéficie aux2 époux.

Le bail d’un local à usage exclusif d’habitation : l’art 1751 Cciv prévoit une cotitularité d’un tel bail si les époux y habitent réellement. La jurisprudence considère que c’est un droit propre en indivision (3ème civ, 27 janvier 1993).

Le droit au bail à affectation professionnelle : *le bail commercial : en principe le bail commercial n’a pas le caractère personnel car il est librement cessible. Mais malgré cela, la jurisprudence considère que le caractère commun d’un fonds de commerce acquis durant le mariage n’entraîne pas la cotitularité du bail commercial, dès lors que le contrat de bail n’a été signé qu’au nom d’un seul des époux (3ème civ, 3 mai 2008). Solution qui peut être critiquée. *le droit au bail d’un local servant à l’exercice d’une profession civile : il ne fait aucun doute qu’un bail conclu avant le mariage reste propre. Mais s’agissant de celui contractait durant le mariage, son caractère cessible ou incessible a souvent servi de critère : tomberait en communauté le bail cessible, serait au contraire propre celui qui est incessible. Le caractère cessible ou incessible serait caractérisé selon la profession de l’époux.

*Le bail rural : la doctrine est partagée sur la nature du bail rural, pour certains il est cessible, pour d’autres, il est incessible. On considère que plusieurs dispositions du Code rural atténuent le caractère personnel et incessible du bail rural : ex : le droit de continuation du bail au profit du conjoint survivant, ou des ascendants ou descendants du preneur, ou le droit d’attribution préférentiel au profit d’un époux, ou le concours obligatoire des 2 époux pour la résiliation ou la cession du bail. Ce renforcement de la position du conjoint pourrait justifier le caractère commun du bail. La loi du 5 janvier 2006 d’orientation agricole a introduit la possibilité de conclure un bail rural cessible, cela constitue un droit de nature commune. Ce droit devrait donc figurer à l’actif de la communauté au moins pour sa valeur. Mais concernant les baux ruraux incessibles, la jurisprudence se prononce toujours contre leur entrée en communauté (1ère civ, 8 avril 2009).

  1. II) Biens communs :

2 types de biens communs : par présomption ou par détermination de la loi.

Par principe les biens sont communs. L’art 1401Cciv est consacré à la définition de l’actif commun : « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. »

Ce texte est complété par l’article 1402Cciv qui établit la présomption de communauté : « Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. »

  1. A) par présomption :

Art 1402Cciv : la présomption se justifie par des probabilités : le temps du mariage correspondant à la période d’activité des époux. Cette présomption apparaît comme l’essence du régime communautaire. La présomption a des caractères général et simple.

1) la généralité de la présomption de communauté :

Cette présomption s’applique à tous les biens, meubles ou immeubles.

Pour les immeubles, cette présomption a moins d’importance, car l’intervention d’un notaire est requise, et celui-ci définit la nature du bien.

Les deniers des époux sont également présumés communs, peu importe que ce soit les deniers utilisés pour acquitter une dette, ou qu’ils soient déposés sur un compte bancaire. Et en plus, il importe peu que ce compte soit ouvert au nom de l’un ou l’autre des époux, ou que ce soit un compte joint. Sous le régime de la communauté, sauf preuve contraire, les deniers déposés sur le compte bancaire d’un époux sont présumés être des acquêts, tout du moins dans les rapports entre conjoints (1ère civ, 9 juillet 2009).

Attention, ne pas confondre, la propriété du bien (propre ou commune), et les pouvoirs des époux (autonomie bancaire des époux).

Dans les rapports entre époux, au jour du partage, ce sera à l’époux qui prétend reprendre tel bien déterminé, de démontrer le caractère propre de ce bien.

Art 1413Cciv : chacun des époux engage l’ensemble des biens communs. Donc la présomption de communauté joue pour l’actif de la communauté mais aussi pour le passif de la communauté. Il y a une corrélation entre passif et actif de la communauté. La présomption de communauté vaut aussi bien pour l’actif que pour le passif.

2) la présomption est simple :

L’art 1402 al 1er prévoit expressément la possibilité d’apporter la preuve contraire. Elle est le plus souvent exigée pour les meubles, car pour les immeubles, on a l’acte authentique qui établit la propriété de celui-ci. L’art 1402 établit les modes de preuve admis en la matière, il n’établit aucune distinction entre tiers et époux, les règles relatives à la preuve s’appliquent tant aux tiers qu’aux époux. Et elles concernent toutes sortes de biens, présents ou futurs, meubles ou immeubles.

Certains biens sont exclus de cette preuve. La dispense légale de preuve par écrit s’applique pour certains biens : ce sont pour les biens portant preuve ou marque de leur origine : certains biens contiennent une preuve intrinsèque de leur caractère propre : objets dédicacés, ou portant des initiales, les souvenirs de famille, ou les œuvres littéraires ou artistiques des époux, portant une date antérieure au mariage.

Mais pour tous les autres biens, la preuve par écrit est exigée. Elle est exigée, seulement quand la propriété du bien est contestée. Si les époux sont d’accord pour exclure certains biens de l’actif de la communauté, aucune preuve particulière ne sera exigée.

La preuve par écrit est une preuve préconstituée, la preuve doit être établie avant la liquidation (tel qu’un inventaire, ou un contrat de donation, ou un acte d’acquisition avec déclaration d’emploi ou de remploi).

Mais l’art 1402 al2 précise que la preuve par écrit peut être établie par tous écrits, notamment titre de famille, registre et papiers domestiques, et ainsi que documents de banque et facture, qui ne sont pas véritablement des actes juridiques.

Le texte admet exceptionnellement la preuve par tous moyens, dans l’hypothèse de l’impossibilité morale ou matérielle de se procurer un écrit : la preuve peut être rapportée par témoignage ou présomption. Mais la pratique constate que ce mode exceptionnel est peu utilisé.

  1. B) par détermination de la loi :

L’art 1401 cciv prévoit que la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément. Mais on constate que les biens communs ne sont pas seulement limités par les seuls acquêts au sens strict, c’est pourquoi on distingue les différents types de bien :

1- acquêts :

La notion d’acquêt n’est pas définie dans le cciv, l’art 1401 précise seulement que ces acquêts proviennent tant de l’industrie personnelle des époux que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. De manière générale, on considère que les acquêts sont des biens acquis à titre onéreux au cours du mariage.

Pour qu’un bien soit considéré comme un acquêt, il faut que ce bien réponde à un triple critère :

– acquisition d’un bien nouveau

– acquisition à titre onéreux

– acquisition réalisée au cours du mariage.

22/10/13

  • L’acquisition d’un bien nouveau (au sens strict et au sens large):
  1. a) Les acquêts au sens strict du terme : Pour qu’il y ait acquêt, il faut que des fonds liquides aient été investis en vue d’obtenir un bien nouveau, peu importe la nature de ce bien nouveau (bien meuble/immeuble ou corporel/incorporel). Mais il y a 3 situations problématiques :

l’acquisition d’un pacte tontinier :

La clause de tontine a lieu lorsque la clause porte sur un bien mis en commun, mais elle prévoit que le bien appartiendra au dernier survivant.

On se demandait si un tel pacte était valable entre époux communs en biens ? Si les 2 époux achètent ensemble un bien, la clause de tontine ou clause d’accroissement est nulle, si elle porte sur un bien acquis à l’aide de deniers communs, car sa mise en œuvre porterait atteinte au principe d’immutabilité des RM. Le bien acquis par les époux dans ces conditions ne peut être que commun.

Mais on peut se poser la question, si un époux acquiert le bien avec un tiers ? Si l’un des 2 époux a fait l’acquisition d’un bien conjointement avec un tiers, et en utilisant des deniers dont il avait la libre disposition (en particulier ses gains et salaires), et qu’une clause de tontine a été stipulée au profit du survivant des cocontractants, le bien tout entier sera considéré comme un acquêt de communauté, en cas de prédécès du tiers.

En revanche, si c’est l’époux coacquéreur qui prédécède, le bien ne sera jamais entré en communauté.

Le placement des sommes d’argent sur des comptes bancaires ou des produits d’épargne : Est-ce que ce sont des acquêts ou pas ? L’investissement dans l’acquisition de valeurs mobilières constitue un acquêt. Mais la question se pose lorsqu’il s’agit d’un simple placement sur un compte bancaire. On applique souvent le critère de la liquidité du placement. Lorsque les deniers placés peuvent être récupérés sur simple demande, il n’y a pas acquisition.

Ainsi doivent être regardés comme des acquêts toutes les sommes investies dans des produits de capitalisation (ex : bons de capitalisation, bons du trésor, parts de SICAV, fonds communs de placement). En revanche lorsque ces sommes sont seulement inscrites sur un compte de dépôt même rémunérées, il n’y a pas acquêt. Ont été explicitement qualifiées d’acquêts les sommes inscrites sur un PEL (1ère civ, 14 janvier 2003). Ici encore c’est le critère de la liquidité qui a été appliqué.

La souscription de contrat d’assurance-vie constitutif de placement :

Lorsque le contrat est dénoué en cours de communauté, le capital versé à l’époux souscripteur est alors commun, c’est un acquêt de la communauté.

Le problème se pose pour les contrats non dénoués en cours de communauté, lorsque le contrat d’assurance-vie mixte est en cours au jour de la dissolution du RM, la valeur de la police dont les primes ont été financées à l’aide de deniers communs, fait partie de l’actif commun (1ère civ, 31 mars 1992).

Mais dans l’hypothèse où les époux se sont désignés réciproquement bénéficiaires, les sommes versées par le prémourant sur le contrat qu’il a souscrit ne seront jamais entrées en communauté (art R132-16 Code des assurances), tandis que pour les sommes figurant sur le contrat non dénoué, souscrit par celui des époux qui est conjoint survivant, la valeur de rachat est un actif de communauté. Dans cette dernière hypothèse, c’est encore une fois, un placement qui devient un actif de communauté.

  • L’acquisition peut être faite à titre onéreux :

Tout bien acquis à titre onéreux au cours du mariage constitue un acquêt (sauf dérogations : si emploi/remploi, subrogation réelle, parts indivises acquises par l’un des époux lui-même indivisaire, biens acquis à titre accessoire d’un bien propre), les époux ne peuvent pas par convention décider qu’un bien acquis à titre onéreux, mais en emploi de deniers communs, sera propre, sauf à respecter la procédure de changement de contrat de RM (1ère civ, 31 janvier 2006)

  • L’acquisition pendant le cours de la communauté:

La date de l’acquisition est déterminante de la nature du bien acquis : pendant la durée de la communauté. Cette exigence soulève des difficultés lorsque l’acquisition s’est faite par étapes.

S’agissant des PUV, c’est la date de la levée d’option qui fixe la qualification. Le bien est commun si celle-ci intervient après la célébration du mariage.

En revanche, s’il s’agit d’une PSV, celle-ci emportant transfert immédiat de la propriété, c’est la date de cette promesse qui sera prise en compte. Si antérieure au mariage, le bien acquis sera un bien propre. Mais prendre en compte la volonté des parties qui souhaitent retarder l’effet de la PSV.

Le bien qui a fait l’objet d’une PUV durant le mariage mais qui est acquis de façon définitive postérieurement à l’assignation en divorce est un bien propre (1ère civ, 1er décembre 2010).

  1. b) Les acquêts au sens large du terme: On peut aussi distinguer au sein des acquêts, les biens créés au cours du mariage peuvent être considérés comme des acquêts au sens large, car l’art 1401 cciv fait référence aux acquêts provenant de l’industrie personnelle des époux. Cela vise :

– les biens directement créés par les époux,

-ou les améliorations apportées à des biens communs par le travail de l’un des époux,

– ou encore les profits retirés par la communauté du travail bénévole de l’un des époux au profit d’une exploitation commune.

Dans toutes ces hypothèses, ces créations ou améliorations, le travail de l’époux ne donne pas droit à récompense. Pas de rémunération.

  • La nature commune des fonds ou exploitation créés au cours de la communauté :

Ainsi un FC créé par l’un des époux même à l’aide de deniers propres est un acquêt. Le financement par le propre ouvre simplement un droit à récompense lors de la liquidation de la communauté. Le travail ne donne pas droit à récompense, mais l’investissement oui. La qualification de biens communs a même été retenue pour une entité qui n’a pas d’existence juridique : l’exploitation agricole (1ère civ, 28 novembre 2007).

  • La nature commune des produits pécuniaires des œuvres de l’esprit:

Il faut d’abord expliquer quelques notions : en matière d’œuvres créatives, le droit de PLA se décompose en 2 prérogatives essentielles : le droit moral d’une part, et le monopole d’exploitation d’autre part.

Le droit moral se définit comme le droit de divulguer l’œuvre, de fixer les conditions de son exploitation, et d’en défendre l’intégrité (art L121-9 CPI), et le droit pécuniaire correspond au droit d’exploitation de l’œuvre créative, et il comprend le droit de représentation de l’œuvre, et le droit de reproduction de celle-ci (art L122-7CPI).

  • Le droit moral:

S’agissant du droit moral, il est admis qu’il est fondamentalement personnel. Seul l’auteur décide si l’œuvre sera divulguée ou non. D’ailleurs cela est prévu aussi à l’art L121-9 CPI qui dispose que le droit de divulguer l’œuvre reste propre à l’époux auteur, et ce, sous tous les RM. Mais on peut aussi expliquer ce caractère propre par le lien purement personnel à l’auteur.

  • Le monopole d’exploitation:

S’agissant du monopole d’exploitation, lequel impose que toute reproduction de l’œuvre soit autorisée par son auteur, une controverse est apparue tant en doctrine qu’en jurisprudence. Car le monopole d’exploitation génère des produits pécuniaires. Aujourd’hui l’art L121-9 CPI dispose que le monopole d’exploitation reste propre à l’époux auteur. Qu’en est-il des produits pécuniaires ?

  • Les produits pécuniaires :

S’agissant des produits pécuniaires eux-mêmes, l’art L121-9 al 2 dispose que les produits pécuniaires provenant de l’exploitation d’une œuvre de l’esprit sont soumis au droit commun des régimes matrimoniaux. Les produits pécuniaires peuvent donc être communs. Mais un doute concerne leur qualification exacte, sont-ils des revenus de biens ? Ou peuvent-ils être assimilés à des revenus du travail ? (gains et salaires).

On considère que si l’œuvre a été créée avant le mariage, les produits pécuniaires doivent être considérés comme les revenus d’un bien propre.

En revanche, si l’œuvre a été créée au cours du mariage, les redevances afférentes à son exploitation doivent être assimilées à des gains et salaires. Critère critiquable.

  • Nature du support des œuvres:

Quelle est la nature commune des œuvres d’art ? Le meuble corporel (tableau, statue, manuscrit) que constitue l’œuvre elle-même est-il un bien propre ou un bien commun ? Selon la jurisprudence, le support matériel de l’œuvre artistique est distinct du monopole d’exploitation.

Donc la statue ou le tableau achevé au cours du mariage est un acquêt de communauté.

Mais le monopole d’exploitation reste propre (arrêt 1èreciv, 12 mai 2011). On constate que même si l’œuvre d’art est de nature particulière, elle doit être considérée comme un bien commun.

  • Nature des œuvres inachevées:

Quid des œuvres inachevées ? 2 solutions ont été proposées. Selon certains, il n’y a pas lieu de distinguer les œuvres achevées de celles qui ne le sont pas, mais pour d’autres, les œuvres inachevées sont des instruments de travail propres.

  • Quid des gains de jeu?

Tout d’abord les auteurs ont remarqué qu’il existe différentes sortes de jeu, la doctrine a distingué d’un côté les jeux de hasard qui dépendent principalement de la chance (poker, loto), et d’un autre côté, les jeux dits d’adresse, de combinaison ou de commerce (bridge, dominos).

– Les jeux faisant appel aux qualités personnelles du joueur peuvent se rattacher à l’industrie personnelle de l’époux (au sens de l’art 1401) et de tels gains seraient donc équivalents à des gains et salaires, donc des biens communs. Ex : époux a gagné à un jeu téléviséà gain et salaire.

Pour les jeux de pur hasard, les gains sont inclus dans l’actif commun. Mais quelle qualification exacte ? De nombreux auteurs ont différencié la qualification selon la nature de la valeur ayant servi à l’acquisition du titre : si la valeur est commune, le gain est commun, en revanche si la valeur était propre alors le gain aurait la même nature. Donc si un billet gagnant de loto est acheté avec des deniers provenant de sa pension de retraite, alors le gain appartient à la masse commune.

Aujourd’hui on constate que les gains acquis par le jeu devraient en principe être toujours communs, sauf l’hypothèse exceptionnelle où le billet gagnant a été donné par un tiers à l’un des conjoints, et à lui seul. Encore faut-il arriver à prouver la donation. (Ex : femme qui a gagné au loto, grille offerte par son père).

2- biens communs par accession ou par subrogation :

L’Art 551 Cciv (accession) s’applique aux meubles et immeubles communs, alors deviennent communs toutes les constructions et toutes les plantations réalisées sur des terrains communs.

Mais le régime d’indemnisation prévu par l’art 555 ne s’applique pas. Donc si ce sont des deniers propres qui ont financé cette opération, seul le régime des récompenses sera applicable. Le cas particulier peut concerner le développement d’un FC. Dans ce cas, la nouvelle branche d’activité est nécessairement commune par application de la théorie de l’accession, mais encore faut-il que ce soit la même catégorie de clientèle que le FC.

3- biens reçus à titre gratuit pour entrer en communauté :

Il faut que le bien soit reçu à titre gratuit pour entrer en communauté. L’art 1405 al 2 Cciv prévoit que la libéralité peut stipuler que les biens qui en font l’objet appartiendront à la communauté. Et cette faculté est ouverte pour toute donation quelle que soit sa nature. Mais cette dérogation au principe doit être formellement exprimée par le disposant. Néanmoins, l’art 1405 al 2 prévoit lui-même que les biens tombent en communauté sauf stipulation contraire quand la libéralité est faite aux 2 époux conjointement. Par ex, la jurisprudence considère que la remise de sommes d’argent sont réputées consenties conjointement aux époux, en particulier quand elles sont réalisées sur des comptes joints, ou lorsque le nom des 2 époux apparaît. Ce danger existe aussi avec les dons manuels.

4- biens communs pour leur valeur :

Distinction entre le titre et la finance : certains biens professionnels acquis ou créés au cours de la communauté font l’objet d’une qualification d’une qualification particulière, puisqu’ils sont communs pour leur valeur (la finance), mais que le titre permettant leur exploitation qui inclut le diplôme et les autorisations, habilitations, ou investitures requises pour exploiter restent propres à l’époux exploitant ces biens, puisque ces droits et prérogatives ne peuvent appartenir à l’époux qui en titulaire.

Cette distinction entre le titre et la finance avait été initialement appliquée aux offices ministériels (1ère civ, 4 janvier 1853). La jurisprudence actuelle applique encore cette distinction, et par ex, en 1987, elle s’est prononcée en faveur du maintien de la distinction du titre et de la finance (1ère civ, 8 décembre 1987, valeur concernant un parc à huitres).

  • Les offices ministériels :

Tout d’abord la nature commune en valeur des offices ministériels : le particularisme des offices ministériels tient au monopole conféré à l’officier ministériel investi par l’autorité publique de présenter son successeur à la chancellerie. Seul l’époux ayant la qualité d’officier ministériel apprécie l’opportunité de se dessaisir de son office, donc son époux n’a pas qualité de participer à la cession. Ce qui veut dire que la valeur patrimoniale de l’office acquis pendant le mariage est un bien commun, mais le droit de présentation reste personnel à son titulaire.

Cette solution s’applique à un office notarial, mais aussi pour les parts d’une SCP d’huissiers de justice (société civile professionnelle) : 1ère civ, 10 février 1998.

  • Les clientèles civiles :

Autre catégorie : la nature commune en valeur des clientèles civiles : aujourd’hui, selon la jurisprudence, la cessibilité des clientèles civiles est soumise à la liberté de choix du patient ou du client. Cela ne veut pas dire que l’on vend les clients au sens propre, mais ça signifie, que le cédant présente son successeur à sa clientèle. Cela concerne les cabinets de chirurgien-dentiste, vétérinaires, médecins, architecte… dans ce cas, la clientèle civile d’un époux exerçant une profession libérale doit figurer dans l’actif de la communauté pour sa valeur patrimoniale, comme constituant un acquêt provenant de l’industrie personnelle de cet époux, et non un propre par nature avec charge de récompense. Donc valeur commune, même si le titre est propre.

  • Les fonds de commerceet autorisation d’exercice:

Nature commune en valeur de certains FC ou autorisation d’exercice : la jurisprudence a dû trouver une solution pour les officines de pharmacie. Aujourd’hui, le pharmacien n’étant pas considéré comme un officier ministériel, on lui applique quand même la distinction du titre et de la finance : le droit d’exercer la profession de pharmacien appartient à l’époux grâce à ses qualités personnelles, mais la valeur du FC tombe en communauté.

Idem pour les cabinets d’analyses médicales, et pour les autorisations de stationnement délivrées par l’administration pour l’exercice de la profession d’exploitant de taxi : même si cette autorisation a un caractère personnel, la valeur patrimoniale de la faculté de présenter un successeur tombe en communauté (1ère civ, 16 avril 2008)

  • Les parts sociales non négociables :

La nature commune des parts sociales non négociables : la qualité d’associé est considérée comme personnelle, propre à un époux, ce qui n’exclut pas la valeur patrimoniale commune des parts (art 1832-2 Cciv et arrêt 1ère civ, 4 juillet 2012).

  • Le bail rural:

La nature commune en valeur du bail rural cessible : c’est la loi n°2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole, qui a introduit la possibilité de conclusion d’un bail rural cessible hors cadre familial. Ce qui permet de considérer que le bail pourra désormais être commun, ou en tout cas l’indemnité d’éviction qui est due à l’exploitant cédant.

4- gains et salaires :

Leur nature juridique a été pendant longtemps discutée. Selon le régime primaire, ces gains et salaires sont régis par le principe de libre disposition. Aujourd’hui, ils apparaissent comme des biens communs, mais réservés au pouvoir exclusif de chaque époux, ce qui garantit l’autonomie professionnelle de chaque époux.

Mais aussi, les créances de gains et salaires sont communes : toutes les sommes perçues après la dissolution du régime, mais en rémunération d’un travail effectué avant doivent être regardées comme communes (ch civ, 28 avril 1884 ou 23 mai 1905, ou 1ère civ, 13 octobre 1993).

Aujourd’hui la notion de gains et salaires doit être entendue assez largement, elle englobe non seulement toutes les rémunérations du travail, mais également les substituts de rémunération du travail.

  • Les rémunérations du travail:

S’agissant tout d’abord du salaire, il doit être entendu comme se référant à toute forme de rémunération du travail subordonné, quelle que soit la terminologie employée pour désigner cette rémunération. Ça peut être les cachets des artistes, les soldes des militaires, les traitements des fonctionnaires…

  • Les gains:

S’agissant ensuite des gains, l’expression permet d’intégrer dans l’actif commun, toutes sortes de rétribution procurées par les activités non subordonnées, qu’elles soient commerciales, artisanales, libérales, ou agricoles. La notion de gain recouvre ainsi des appellations diverses : bénéfices, revenus, émolument, honoraires, commissions, droits d’auteur, ou redevances…

La forme de la rémunération est également indifférente à son intégration dans l’actif commun : ça peut être un paiement, mais aussi l’attribution à titre gratuit d’un logement, ou encore la mise à disposition d’un véhicule.

La rémunération d’apport en industrie constitue également un gain, cette rémunération prend alors la forme de parts ou d’actions. L’entrée en communauté des parts ou actions reçues en contrepartie de l’engagement de travailler en qualité d’associé pour la société a été admise depuis longtemps en jurisprudence (chambre des requêtes, 3 novembre 1941)

  • Les substituts de rémunérations du travail:

Ce sont des indemnités compensatrices d’une perte partielle ou totale de l’activité. Autrement dit, toute indemnité liée à une cessation temporaire ou définitive de travail ou à une diminution de son activité, doit être rattachée aux revenus du travail.

Ex : les indemnités de licenciement, ou de rupture de la relation de travail. L’indemnité de licenciement est représentative de gains et salaires, aussi bien lorsqu’il s’agit d’une indemnité légale ou conventionnelle (convention collective), ou pour une indemnité contractuelle de licenciement (transaction entre les parties). En plus, entre dans l’actif commun, une indemnité transactionnelle de révocation aux fonctions de directeur général (1ère civ, 5 mars 2008). De même une indemnité versée par l’employeur pour rupture anticipée d’un CDD constitue un substitut de rémunération.

La question qui peut se poser, c’est quel est le moment décisif ? Ces indemnités n’intègrent l’actif commun que si le fait générateur a eu lieu pendant la durée de la communauté, donc antérieurement à la date de sa dissolution. C’est la notification de la cessation de l’activité qui constitue le fait générateur (ex : notification du licenciement).

Dans l’hypothèse de la rupture du contrat de travail, entre également dans les gains et salaires, l’indemnité compensatrice de congés payés.

  • Les indemnités compensatrices en cas de maladie ou d’accident:

Ces indemnités constituent des substituts de rémunération du travail lorsqu’elles compensent une perte de revenu consécutive à une maladie ou un accident.

  • L’indemnité liée à l’interruption de l’activité professionnelle de l’un des époux:

On retrouve par ex, une indemnité de reconstitution de carrière allouée à un époux fonctionnaire, à la suite de l’annulation d’une mesure de révocation l’ayant atteint.

Egalement une indemnité de départ anticipé à la retraite.

Ou encore les indemnités de clientèle prévues au profit de certains collaborateurs.

Ou encore les allocations de chômage.

Toutes ces indemnités tombent en communauté.

  • Les arrérages de pensions de retraite:

Même si la créance de pension de retraite est propre, les arrérages de pension de retraite tombent en communauté. Sachant que les arrérages correspondent à la pension de retraite versée.

Doivent être considérés comme appartenant à l’actif commun toutes les sommes pouvant être versées aux époux communs en bien en contrepartie de leur activité, tant leur rémunération principale que leur rémunération complémentaire : pourboires, primes, avantages en nature (logement gratuit), ou une indemnité de non-concurrence…

L’indemnité de non-concurrence vient compenser l’interdiction pour le salarié d’exercer une activité professionnelle en concurrence avec celle de son employeur, après la rupture de son contrat de travail. Aujourd’hui cette indemnité est considérée comme un véritable substitut ou du moins comme un complément de salaire lié aux contraintes professionnelles.

5- revenus des biens propres :

Selon la règle de l’art 547, « les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils, le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par droit d’accession ». Or en matière de revenus de biens propres, il y a une dérogation, ceux-ci appartiennent à l’actif de la communauté. Cela s’explique par le fait qu’il a toujours paru naturel que les fruits des biens propres dans la communauté légale, soient affectés à la famille.

Les droits de la communauté sur les revenus des biens propres ne sont pas aussi étendus qu’en matière de revenus professionnels puisque la créance de revenus de propres, elle, demeure propre.

Ex : si un époux a un appartement, qu’il le loue, les loyers peuvent tomber en communauté, mais pas la créance des loyers.

L’art 1401 al 1er place dans l’actif commun les acquêts faits par les époux ensemble ou séparément pendant le mariage, et provenant des économies faites sur les fruits et revenus de leur bien propre.

Et l’art 1403 al 2 Cciv indique que la communauté a droit aux fruits perçus et non consommés. Et partant de ces 2 textes, la doctrine a élaboré 4 opinions relatives à la nature juridique des fruits des biens propres :

– les revenus de biens propres est une catégorie particulière de bien, ce sont des propres à vocation communautaire.

– les fruits et revenus des biens propres eux-mêmes propres au moment de leur perception entrent en communauté à partir du moment où ils sont économisés.

– les revenus de propres constituent une catégorie originale de biens soumise dans le même temps au droit de la communauté et aux pouvoirs de l’époux propriétaire. Les revenus des propres ne seraient ni propres, ni communs, ou tout à la fois propres et communs. Cette 3ème opinion est la théorie de la qualification de biens communs à jouissance privative.

– c’est la qualification de biens communs ab initio (dès le début) : les revenus des biens propres étaient des biens communs et ils l’étaient dès leur perception. Ils sont néanmoins laissés à la libre disposition de l’époux propriétaire qui sauf exception n’aura pas de compte à rendre à la communauté.

Aujourd’hui selon une grande partie de la doctrine, l’art 1403 est clair, tous les revenus déjà perçus et non encore consommés sont communs. Donc ils entrent immédiatement en communauté.

La jurisprudence a longtemps hésité : ex arrêt 1ère civ, 31 mars 1992 : les revenus des propres sont affectés à la communauté, la 1ère civ n’ose pas dire que ce sont des biens communs. Puis elle va affirmer que les revenus des propres ont le caractère de communs.

On a distingué les gains et salaires, et les revenus des propres. Cette distinction se retrouvera au passif.

Quid des fruits et revenus de propres échappant à la communauté ? On a précisé la nature propre de la créance de fruits et revenus de propres. Ensuite sont propres les revenus échus et non perçus, la communauté n’a aucun droit sur ceux-ci.

Mais dans certaines circonstances, une compensation financière sous forme de récompense pourra être allouée à la communauté, qui aurait été privée de revenus non perçus alors qu’ils auraient pu l’être. Une récompense a été prévue par l’art 1403 al 2 pour les fruits que l’époux a négligés de percevoir, ou a consommés frauduleusement, sans qu’aucune recherche ne puisse remonter au-delà de 5ans à compter de la dissolution de la communauté.

L’époux propriétaire pourra échapper à toute récompense en démontrant que cette non-perception avait une cause légitime. Ex : délai de grâce accordé par un tribunal, ou l’insolvabilité du débiteur,…

Enfin sont aussi propres des revenus consommés sans fraude. Aucune récompense n’est due pour une simple consommation de revenus de propres, et la consommation doit s’entendre d’une utilisation qui n’a rien laissé subsister (aucune plus-value, aucun investissement). N’est pas considérée comme une consommation, l’utilisation des revenus pour l’amélioration d’un propre.

Donc seuls les revenus perçus mais non encore consommés entrent en communauté.